Carnets sur sol

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samedi 26 janvier 2013

[Sélection lutins] Dix disques de piano


Question posée : dix disques représentant des sommets de l'interprétation pianistique, ou en tout cas des aboutissements notables. Comme la réponse peut être un peu plus originale que les rayons de la FNAC, j'ai eu la fantaisie d'y répondre.

Tentative de sélection de dix disques majeurs pour moi, à la fois des oeuvres majeures et des exécutions particulièrement marquantes.

Bach - Suites Anglaises - Murray Perahia (CBS)
=> Lecture à la fois méditative et sensible aux inégalités et à la danse, une gravure légendaire à juste titre.

Rameau - Suite en sol et Suites en la - Alexandre Tharaud (HM)
=> Tharaud réinvente le toucher du clavecin sur un piano : de vrais trilles progressifs et organiques, une inégalité subtile, de la danse et de l'espièglerie partout. Absolument fascinant - ce qu'il fait est en principe techniquement impossible sur un piano.
La Suite d'hommage à Rameau (par Mantovani pour l'allemande, Connesson pour la courante, Pécou pour la sarabande, Campo pour les Trois Mains, Maratka pour la Triomphante et Escaich pour la gavotte) intercalée entre les mouvements de la seconde suite en la, et donnée seulement en concert, était également fascinante.

Bruckner - Adagio en ut dièse mineur - Fumiko Shiraga (BIS)
=> La réduction du mouvement lent de la Septième Symphonie, par Bruckner lui-même. Shiraga obtient des colorations incroyables, recréant l'orchestre de façon crédible au piano - là aussi, c'est en théorie inaccessible.

Debussy - Intégrale - François-Joël Thiollier (Naxos)
=> Parmi l'immensité de versions remarquables de Debussy, Thiollier se dégage à la fois comme l'une des plus inspirées et des plus singulières. Beaucoup de pédale, mais avec un grand niveau de détail et de phrasé dans ce brouillard assumé.

Koechlin - Les Heures Persanes - Herbert Henck (Wergo)
=> A oeuvre poétique, lecture poétique. La prise de son assure en outre une très grande profondeur des graves, remarquablement enveloppante.

Tournemire - Préludes-Poèmes - Georges Delvallée (Accord)
=> Parmi les oeuvres les plus virtuoses jamais écrites pour piano, mais avec un pouvoir d'évocation exceptionnel. Delvallée, plus célèbre comme organiste, émerveille par sa maîtrise olympienne, avec un son très dense.

Decaux - Clairs de lune - Marc-André Hamelin (Hyperion)
=> Ascétiques (avant la dernière pièce), explorant l'atonalité dès 1900, ces Clairs de lune mystérieux constituent un des corpus les plus fascinants pour l'instrument. Hamelin y ajoute son éloquence propre.

Suite de la notule.

dimanche 13 janvier 2013

Anniversaires 2013


Le principe de l'anniversaire demeure en lui-même profondément stupide. Si les musiques concernées ont survécu au temps, pourquoi tenir compte de dates aléatoires, avec des années maigres (ou éclipsées par un grand nom) et des années surchargées ? Il serait, à tout prendre, plus judicieux de programmer selon des thématiques au gré des modes ou des événements politiques. Comme si l'intérêt d'une musique tenait à ce genre de contingence...

Alors que l'année 2013 va être avisément utilisée par les programmateurs pour célébrer deux obscurs compositeurs lyriques de deux nations sous-représentées dans les salles de concert, l'italien Giuseppe Verdi et l'allemand Richard Wagner, un petit coup de projecteur sur ce que les programmateurs, partant du même super-argument de l'anniversaire, auraient pu proposer au public - manière que la notion de célébration prenne plus de sens qu'en jouant exactement ce qu'on joue d'habitude.

Petite balade chez les compositeurs fêtables

John Dowland => Né il y a 450 ans.
L'immortel songwriter et luteplayer ne sera évidemment pas joué dans les hangars à bateau des grandes capitales, sauf à ce qu'un arrangeur exalté entreprenne de le massacrer galamment.

Carlo Gesualdo => Mort il y a 400 ans.
Présentation superflue ici aussi, pour le maître du chromatisme, insurpassé avant Liszt et Wagner. Evidemment, comme il n'a pas écrit de concertos, symphonies ou opéras, il est plus compliqué de faire déplacer le grand public. Mais quelques concerts avec les deux derniers livres de madrigaux seraient fort bienvenus.

Arcangelo Corelli => Mort il y a 300 ans.
Son nom n'est peut-être pas assez célèbre pour faire déplacer le public, mais sa musique plaît généralement à une très vaste frange d'auditeurs, bien au delà des amateurs de classique. Par ailleurs, l'expérience a montré que même noyé dans un gros orchestre symphonique, le résultat pouvait être convaincant. Une petite pièce en ouverture, ça ne pourrait pas faire de mal !

Jacques Hotteterre => Mort il y a 250 ans.
La figure tutélaire du traverso en France, l'équivalent local de Quantz à quelque sorte. Sa musique est comparable aussi : belle, sans être indispensable si on ne s'intéresse pas spécifiquement à l'instrument.

Johann Ludwig Krebs => Né il y a 300 ans.
Organiste fréquemment représenté dans les anthologies consacrées à la musique germanique du temps. Pas forcément très singulier, mais de la musique de qualité.

Antoine Dauvergne => Né il y a 300 ans.
Jadis surtout célèbre pour son pastiche d'opera buffa qu'il avait présenté comme la traduction d'une oeuvre d'un italien, Les Troqueurs, Dauvergne n'est pas que le compositeur de musique légère que la postérité a fait de lui. A la tête de l'Académie Royale de Musique, il a composé des oeuvres plus sérieuses. Il a déjà bénéficié de sa "résurrection" lors de la saison 2011-2012 du CMBV, avec en particulier la recréation de sa tragédie lyrique Hercule mourant - un pont très intéressant entre deux époques, une survivance des proportions et outils de la "deuxième école", dans laquelle on entend déjà des formules mélodiques plus élancées, plus ramistes, voire plus classiques.

Suite de la notule.

vendredi 11 janvier 2013

[Carnet d'écoutes] Mendelssohn - le Quatuor n°6 & le Quatuor Ebène


(Je m'aperçois en voulant en parler que le disque n'est pas encore sorti... qu'à cela ne tienne, j'ai la fantaisie d'en parler maintenant, vous n'aurez qu'à attendre pour vérifier derrière mon dos.)

J'avais découvert le quatuor Ebène encore jeune, en 2003 au Concours de Bordeaux. CSS n'était alors pas encore ouvert, aussi rien n'a été publié ici sur cette édition, mais on peut y lire quelques impressions sur le cru 2007.

C'était l'une des quatre années ou le Concours d'Evian-Bordeaux n'avait pas décerné de premier prix. Et en effet, si j'avais été très séduit par un bon nombre de quatuors, peu avaient manifestement le niveau technique pour accéder à la récompense. Les qualifiés m'avaient paru en effet assez ternes, sons robuste et un peu épais, sans beaucoup de grâce. Au nombre de ceux-là étaient les seconds prix ex-aequo, les quatuors Aviv et Ebène.

Il faut attendre 2009 et leur contrat chez Virgin Classics pour qu'ils accèdent réellement à la notoriété. Il est vrai que leurs talents ajoutés (comme en témoigne cette vidéo parmi d'autres) les rendent très attachants :

Suite de la notule.

dimanche 6 janvier 2013

Le disque du jour - LXXIII - Cinquième Symphonie de Tchaïkovski - (Günter Wand / DSO Berlin)


Manière qu'on ne puisse pas soupçonner (pour quelque raison fantaisiste) que j'aie bon goût, recommandation d'une version tapageuse de la Cinquième de Tchaïkovski.

Il existe quantité d'excellentes versions, dont certaines assez célèbres et distribuées partout (Monteux, Maazel, Jansons, Gergiev...). La référence généralement admise en est, à juste titre, la gravure studio de Mravinski, un chef-d'oeuvre de détail et de juste mesure. Chaque phrasé semble avoir été écrit comme cela, les pupitres se relaient avec une rare éloquence...

Mais comme tout le monde écoute cette version reine depuis longtemps (qui règle en effet la question, un peu à la manière des Schumann de Sawallisch), pourquoi ne pas s'offrir un petit détour par une lecture à l'opposé ?


La lecture de Günter Wand est tout entière placée sous le signe de la démesure, l'orchestre brame avec aisance, dans une sorte de fureur qui doit plus à la poussée d'ensemble qu'à l'individualité des climats très réussie par Mravinski. Dans cette optique, Wand et le DSO Berlin ne font qu'une bouchée de cette symphonie. La prise de son, comme au centre de l'orchestre, assure un impact physique assez spectaculaire.


Bref extrait du premier mouvement.


L'orchestre

Le Deutsches Symphonie-Orchester est l'orchestre actuel issu de l'ancienne radio de Berlin-Ouest (fondé en 1946). A l'origine, c'était même la RIAS, c'est-à-dire la radio du secteur américain (Rundfunk im amerikanischen Sektor). Son nom cause quelques problèmes d'identificatios, puisque de 1956 à 1993, il était appelé Radio-Symphonie-Orchester Berlin, tandis que l'orchestre de Berlin-Est a toujours été appelé (dès sa création, en 1923), Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, soit exactement le même sens - tous deux abréviés en RSO Berlin. Ainsi on se retrouve avec des enregistrements de Riccardo Chailly (directeur dans les années 80 de l'orchestre Ouest) où RSO Berlin apparaît seul sur la pochette, si bien qu'on peut douter de la provenance (a fortiori puisque désormais seul l'orchestre anciennement à l'Est se nomme RSO Berlin !).

Dirigé successivement par Fricsay, Maazel, Chailly, Ashkenazy, Nagano, Metzmacher et désormais Sokhiev, grand spécialiste de la musique "décadente" et "dégénérée" dès Chailly (poèmes symphoniques de Zemlinsky chez Decca), et aussi sous Nagano et Metzmacher, un des plus beaux orchestres berlinois.

Pour ceux qui trouvent ça trop simple

Ce n'est que l'une des nombreuses complexités de la vie orchestrale berlinoise - par exemple, le Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin se produit régulièrement au Konzerthaus, comme... le Konzerthausorchester Berlin (fondé en 1952), qui devait être le pendant à l'Est du Philharmonique de Berlin. Lorsqu'on considère qu'il s'appelait à l'époque le Berliner Sinfonie-Orchester, et qu'il existe depuis 1967 à l'Ouest le Symphonisches Orchester Berlin, aujourd'hui Berliner Symphoniker... on voit l'importance de placer les mots dans le bon ordre ! Evidemment, les chefs pouvaient voyager d'un orchestre à l'autre, ainsi Lothar Zagrosek qui enregistra les Gezeichneten avec le Berlin DSO, mais qui est aujourd'hui directeur musical de l'Orchestre du Konzerthaus, ce qui ne contribuera pas à éclairer les mélomanes dans quelques années. De plus, si l'on traduit en anglais ou en français, on obtient souvent exactement la même expression pour désigner ces orchestres, ce qui n'est pas pour faciliter la tâche des auditeurs de bonne volonté.

Pour prolonger

Suite de la notule.

David Le Marrec

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