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mercredi 5 novembre 2008

Lorin MAAZEL - 1984, la modernité domestiquée - I, un livret morcelé

C'est à la découverte d'une oeuvre assez fortement méprisée par sa réception critique que nous invitons ici... mais parue en DVD, ce qui est fort pratique pour le lecteur pratiquant des lutins.

Lorin Maazel, jeune chef admiré de tous [1], est devenu (routine des grandes formations aidant ?) un chef assez peu fêté malgré ses postes prestigieux (actuellement le New York Philharmonic), et il est vrai moins intéressant que les plus investis de ses collègues.

Malgré le travail remarquable (fait d'élan et de son) à la tête du plus bel orchestre new-yorkais - dans lequel on doit supposer, non sans raison, qu'il recueille les fruits de la période Bernstein -, on considère aujourd'hui dans les critiques Lorin Maazel comme un chef mineur, une fausse gloire.
Aussi, sa proposition d'un opéra, et sur un sujet aussi tendance et aussi écrasant, a été accueillie avec des sourires sarcastiques.

Non seulement il pouvait être suspect de vouloir employer son carnet d'adresses pour faire jouer son travail de compositeur du dimanche, mais de surcroît, comment un chef médiocre pouvait-il prétendre au titre de bon compositeur occasionnel ?

Tout respirait le prétexte sur un bon sujet pour satisfaire la fatuité de celui qui est joué.

A telle enseigne que Maazel rencontra un grand nombre de résistances, et dut payer sur sa cassette personnelle la production visuelle (toute la mise en scène de Robert Lepage, décors et projections vidéo compris).

Avec un certain succès aussi, ne pleurons pas plus que de mesure, puisqu'il put se faire jouer rien moins qu'à Covent Garden.


Le livret était confié à un couple étonnant : d'une part Thomas Meehan, auteur de textes pour Broadway (Annie ou The Producers par exemple), et J. D. McClatchy, responsable de la [Yale Review|, professeur de littérature anglaise, membre des Académies américaines des Arts & Sciences et Arts & Lettres, également poète.

Le choix opéré, étonnant mais en fin de compte convaincant, résidait dans le refus de réduire la trame d'un long roman à une intrigue simplifiée et schématique. Les librettistes font donc le choix délibéré de la juxtaposition de scènes largement séparées dans le temps, voire dépourvues de lien de nécessité logique entre elles.

Cela suppose pour suivre au mieux (du moins la première heure) de connaître assez précisément le roman, et cela gêne l'approfondissement des psychologies habituel à l'opéra : les motivations des personnages ne sont guère connues, et leur épaisseur est à peu près nulle.

Pourtant, ce caractère fantomatique des personnalités, qui fait échapper les actes individuels à l'analyse rationnelle des observateurs, prolonge très efficacement le propos du roman : nous assistons à la souffrance d'anonymes sans réelle consistance. Peu importe au fond qu'ils soient vertueux ou attachants (et ils ne sont ni l'un ni l'autre) : ce qui leur est infligé, nous fussent-ils opaques, nous est insupportable.

Une fois cette esthétique inhabituelle intégrée durant la première heure, on ne peut qu'être captivé par ce qui fait suite (une écoute continue est recommandée, de ce fait).

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Lire la suite.

Notes

[1] Une période dont nous restent ses gravures des deux opéras de Ravel, des références assez unaniment saluées, où brille un esprit subtil et rieur.

Suite de la notule.

mardi 4 novembre 2008

Vif-carnetage - La Petite Renarde Rusée sur le site de l'Opéra de Paris

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21h43 : La vidéo est gratuitement disponible sur l'excellent site Medici.tv.

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21h34 : Très belle réussite de l'Opéra de Paris, un spectacle charmant et, comme l'avait annoncé Morloch à qui sait entendre, porté par une interprète du rôle-titre totalement ébouriffante, une incarnation complète. La réalisation de Don Kent et la prise de son étaient des modèles d'équilibre, pour ne rien gâcher.

Une belle pube pour la Boutique.

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21h33 : Et tout se clôt comme il se doit dans l'éternel renouveau, avec le cycle ininterrompu d'aventures semblables sur les générations. Et le retour des motifs agités des renards, pour une fin dépourvue totalement de solennité.

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21h30 : André Engel dispose de petits amours à ailes bleutés, un peu ridicules, qui illustrent le discours final du garde-chasse - un clin d'oeil à tous ces personnages naïfs et imaginaires, en les plaçant sur le même plan que les figures animales.

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21h23 : Quelle pitié de limiter Michèle Lagrange à des rôles de caractère pour mezzo-sopranes finissantes... Elle qui a tant de verbe et tant de panache - et, à en juger par une Lady Macbeth verdienne pas si ancienne (2002 environ), toujours beaucoup de moyens vocaux. Une vraie personnalité vocale et scénique dont on nous prive malheureusement.

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21h14 : La prise de son, véritablement exceptionnelle, très réaliste par rapport à des sensations en salle, du moins concernant l'orchestre, permet d'entendre les nombreux chants simultanés des personnages en scène et hors scène, ainsi que les contrechants de l'orchestre.

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20h52 : Très sympathique entracte qui montre les coulisses qui font rêver tant de monde... surtout celles-ci, et surtout en action. Vraiment agréable. (A présent, un peu de contexte autour du feuilleton original.)

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20h47 : Elena Tsallagova, dans un français parfait, nous révèle qu'elle fut ballerine, ce qui explique effectivement sa double compétence extraordinaire comme chanteuse et comme actrice extrêmement mobile, précise et investie.

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20h37 : ENTRACTE. Les Belges parlent aux Français. (Nous revenons dans vingt-cinq minutes.)

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20h36 : Le chef possède une capacité de souplesse et de rebond rythmique qui rend cette musique à nouveau intelligible, par rapport à ce que l'on entend généralement de bien plus décoratif et flottant. Avec une très belle vigueur.

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20h34 : Très sympathique mise en scène du mariage, avec son cortège grotesque d'hommes vaguement animalisés. Engel joue beaucoup sur le jeu qui suggère des situations très humaines - notamment l'effroi du conjoint indélicat à l'annonce de l'heureux événement.

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20h31 : Les clins d'oeils plaisants sont nombreux bien sûr avec la convention : la Renarde se dit à moitié humaine, le Renard lui prédit qu'on écrira des opéras sur elle... L'opéra se place très nettement dans une illusion naïve assumée, à regarder avec son artificialité même. Cela justifie, d'une certaine manière, la structure en tableaux juxtaposés : il ne s'agit pas de tenir une tension dramatique.

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20h30 : Gestes très vifs des renards, qui dénotent un travail précis de mise en scène sur les caractérisations de chaque type - l'humanité étant plutôt... titubante.

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20h27 : Le décor évite les représentations naturelles factices en plaçant les personnages dans un univers totalement modelé par l'homme, quasiment urbain. Ce qui entre en écho de façon plaisante avec l'anthropomorphisme des personnages animaliers. Et pose la question de la liberté véritable de ces créatures dans un univers tout à fait maîtrisé.
Ce sera d'autant plus troublant que Bystrouška elle-même revendique une part culturelle humaine.

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20h21 : On admire le jeu très animé, la voix légère et intense (avec un son pincé assez proche du violon tchèque...) d'Elena Tsallagova (en Renarde), d'une remarquable espièglerie.

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20h19 : Au milieu de ce peuple de ratés, de ces tableaux décousus issus du feuilleton à succès de l'époque de Janáček (Liška Bystrouška de Rudolf Tesnohlídek), le relief donné par le chef à la musique soutien l'intérêt. Et la légèreté de l'intrigue est bien plus payante et réjouissante en scène qu'au disque.

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20h14 : La direction de Dennis Russell Davies détaille comme rarement, avec la vigueur de timbre propre à l'orchestre de l'Opéra de Paris, l'orchestration très riche de Janáček - un plaisir.

La mise en scène d'André Engel est centrée autour d'une voie ferrée, marque de la présence de l'humain dans ce paysage en principe dominé par une distribution animale. A la fois point de repère et signe de menace (pour l'ivrogne qui s'y traîne).

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20h05 : Morloch nous rappelle opportunément dans l'oreillette que l'Opéra de Paris diffuse ce soir la Příhody Lišky Bystroušky de Leoš Janáček en flux et en direct sur son site.

David Le Marrec

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