Carnets sur sol

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jeudi 18 mai 2017

Oops! They Did It Again – Gossec par Oramo


Sous ce titre élégant qui soulignera avec subtilité l'étendue de ma culture générale, je voulais encore une fois témoigner de mon émerveillement devant la plasticité stylistique d'orchestres inattendues, et comme la dernière fois, l'incroyable maîtrise du baroque et du classicisme français par l'Yleisradion Sinfoniaorkesteri (Orchestre de la Radio Finlandaise). J'avais déjà loué leur LULLY, mais c'était sous la tutelle experte de Paul Agnew, et avec une pièce assez célèbre que les musiciens pouvaient éventuellement avoir de l'oreille, le grand monologue de l'acte II d'Armide.

Cette fois, c'est tout de bon cet oratorio-chouchou de Gossec, que j'écoute abondamment ces temps-ci en capitalisant sur le malheur des peuples et les espoirs des innocents mystifiés par les démagogues. C'est mal, j'en conviens, et très agréable néanmoins.

gossec oramo

Un peu comme le truc que Proust fait dans son cabinet privé au début de la Recherche.
(Second point culture générale et élégance.)


Surtout, c'est ici Sakari Oramo, le grand violoniste qui joue Heininen, Kurtág ou Hakola, le grand chef qui enregistre les meilleurs Sibelius possibles et de fort honorables Nielsen… Pas du tout formé, ni peut-être sensible à ce répertoire, pourrait-on croire naïvement.

Hé bien, voici :

[[]]
« Suite » du Triomphe de la République, intégrant tout simplement les danses de la réjouissance finale.
Capté le 23 octobre 2009 dans la salle Tapiola d'Espoo – seconde ville du pays, tout près à l'Ouest de Helsinki où réside l'orchestre.


Tout aussi exact que la (remarquable) version Fasolis, la seule au disque ; il y a là un surcroît de facilité, un brin de distance, de pureté très classique… certes, un rien régulier dans certaines articulation, mais aussi un sens de la danse, de l'élévation, du grand style, absolument fascinants. Et quand le hautbois s'encanaille, quand le violon solo se répand en diminutions « populaires », quand la clarinette s'acidifie dans sa mélodie poétique ou quand les musiciens s'abandonnent au fil des danses, quelle expérience !

Très différent du disque des Barocchisti : timbres moins chaleureux, mais aussi cohésion sans comparaison, le résultat est extraordinaire. Outre la maîtrise formelle des agréments (réalisation des tremblements) et ornements (variations sur les mélodies écrites), on est frappé par le sentiment de cette musique, la façon de jouer différemment la même phrase répétée – sans recourir à des expédients du genre « fort puis doux » évidemment, quelque chose de très subtil, d'à peine perceptible. À l'exemple de mon discret humour d'aujourd'hui.

Pour avoir entendu régulièrement du Rameau massacré par l'indifférence aux particularités d'articulation et d'équilibre de grands chefs (spécialistes ou non) devant de grands orchestres (Philharmonique de Berlin, Symphonique de Londres…), pour ne rien dire de Gluck, Haydn et Mozart qui ne sont toujours traités avec le respect qu'ils méritent… cette réussite est totalement inattendue et témoigne d'une intégration sans précédent des pratiques musicologiques informées dans les orchestres symphoniques constitués. Processus en cours, mais la Radio Finlandaise mène incontestablement la danse, et Oramo conduit cela avec une conscience stylistique digne des grands spécialistes – Rattle joue par exemple très bien le Mozart « HIP », mais son Bach et son Rameau restent tout à fait romantiques.

Jugez-nous sur nos actes et pas sur nos états de service, en somme. Et (le Triomphe de) la République a encore vaincu.

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Pour plus d'histoires d'orchestres, voyez les douze orchestres des deux Francfort ou les onze de Berlin, en attendant les Néerlandais (en cours) et bien sûr les Londoniens, cité la plus pourvue au monde en matière d'orchestres.

Sinon, amateurs de musique française pré-1800, du style classique européen, des arts de la période révolutionnaire ou encore de la pompe républicaine d'aujourd'hui (ou glottophiles pro-Guillemette Laurens), écoutez le disque paru chez Chandos (I Barocchisti / Diego Fasolis), vraiment.

lundi 8 mai 2017

Le mystère de l'An die Freude présidentiel


Dans ma microsphère de mélopathes asociaux dysfonctionnels, alors que tout le monde se demandait mais où va le monde, nous étions fascinés par cette Neuvième Symphonie de Beethoven jouée en fond de sa première apparition publique.

Une version pas du tout moderne, au contraire bien épaisse, molle et visqueuse – pour un chantre du renouveau, tout sauf une version HIP (musicologiquement informée), plutôt un souvenir de l'époque où Beethoven et Bruckner entraient dans le même domaine de maîtrise stylistique. Quelque chose comme une version stéréo de Klemperer ou un (très mauvais) Giulini. Et qui, à en juger par la mollesse d'ensemble, devait même être dû à un chef moins aguerri.

J'ai donc réécouté ce matin la chose plus en détail, et derrière les commentaires parasites – car une entrée solennelle et de la musique, il ne faut surtout pas les laisser seuls, ça ne sert à rien, ça ennuierait les gens. Ou bien ils voulaient leur place sur le bande son pour l'éternité, je ne sais pas –, je puis confirmer mon hypothèse d'hier soir.

beethoven macron
Quand le hideux éclairage jaune change ton pays en Belgique.

Il s'agit d'une bande sonore ad hoc, prévue pour les cérémonies, et donc enregistrée par quelque orchestre de cacheton manifestement pas très motivé. On entend clairement la résolution, c'est-à-dire une fin nette ajoutée après ces variations au début du dernier mouvement de la symphonie. En principe, on débouche alors sur un retour de l'orage qui ouvre le mouvement, puis sur le début de la partie vocale. Ici, un accord parfait conclusif (juste un seul ajouté, modérément heureux), pour pouvoir disposer d'une fin – l'hymne européen étant purement instrumental.

Par ailleurs, j'ai eu l'impression d'entendre plusieurs fois les mêmes variations (il faudrait compter, parce qu'il n'est pas facile d'entendre les diminutions rythmiques et changements d'orchestration sous les commentaires parasites), comme s'il était possible de juxtaposer autant de fois que nécessaire les dernières variations – j'ignorais que ce fût possible techniquement. Ou alors l'enregistrement a été réalisé pour cette cérémonie précise, avec un nombre de reprises étudié pour la durée du parcours.

En tout cas, inutile de la chercher, il ne s'agit pas d'une version du commerce – dans le meilleur des cas, ce serait dans l'album des « musiques pour les cérémonies de votre mairie ».

Et ça explique pourquoi c'était aussi mauvais.

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Pour le reste, Chénier et Gossec ont déjà tout dit il y a deux semaines.

David Le Marrec

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