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dimanche 7 février 2016

Élégie philharmonique



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Écoute-moi, Philharmonie ! 
Quand tu t'ouvris au spectateur,
Je te confiai mon bonheur –
Et toutes mes économies.

Vois ton œuvre, Philharmonie !
Plus d'un an avant le grand jour,
Nous réservâmes côté cour,
Que tu nommes pair, étourdie !

Sache plutôt, Philharmonie :
Schumann, des impros et Mahler,
Par Viennois à la Chandeleur,
Puis Bataves aux mains hardies.

Mais la veille, Philharmonie !
Ce sont Brahms et Vie de Héros
Que tu colles à tes carreaux,  
En secret, misère de ma vie !

Pas un souffle, Philharmonie :
Tu pouvais me glisser un mot,
Ne pas me laisser, comme un sot,
Souffrir Khachaturian l'impie !

Crois-tu alors, Philharmonie,
Qu'un doux fidèle qui dès mars
Acheta Webern, voudra Glass ?
Friponne, tu es bien hardie !

T'aurait-il tant, Philharmonie,
Coûté de me le signifier,
Ou bien dois-je me défier
De tes promesses tôt vieillies ?





En l'espace de trois semaines, sur mes seuls billets : Schumann 2 par les Wiener Symphoniker est devenu Brahms 4 (et Philippe Jordan a été remplacé, sans mention non plus), Mahler 7 par le Concertgebouworkest s'est métamorphosé en Heldenleben, un concert d'improvisation d'orgue a abouti à un programme de classiques favoris (Danse du sabre incluse). Et sauf à consulter très régulièrement le site, aucune mention au spectateur.

Serul le remplacement d'Hélène Grimaud par Lars Vogt en début de saison a été signifié, sans doute parce que les risques de remous étaient supérieurs.

En tout cas, cela me scrogneugnifie vraiment, et si les billets n'étaient pas aussi faciles à revendre (entre la demande énorme pour la Philharmonie et la facilité des billets dématérialisés via les plateformes site garanti orthographe de 1990 comme ZePass), mon courroux s'épancherait en vastes imprécations contre ce manque de respect élémentaire pour le public. Il ne coûterait rien, en même temps que la mise à jour du site, d'envoyer une succincte missive à ceux qui ont réservé des places ; d'autant que, même en cas de demande de remboursement, cela s'écoulerait aussitôt en billetterie.

C'est Haydn qu'on assassine


Julien Chauvin, violon solo du Cercle de l'Harmonie (et premier violon du Quatuor Cambini), grand violoniste et plus grand chef encore, a quitté la formation de Rhorer avec certains de ses membres il y a quelques mois afin de former Le Concert de la Loge Olympique. Les raisons n'en ont pas été rendues publiques ; néanmoins, les ambitions affichées du nouvel ensemble donnent des indications, en parlant de « replacer les musiciens au cœur même du projet », selon un modèle ouvertement inspiré des orchestres spécialistes sans chef permanent (Concerto Köln, Freiburger Barockorchester) – il est possible que le gain en influence de Rhorer, sa direction d'autres orchestres (et peut-être son caractère, je n'ai pas le moindre élément là-dessus) ait frustré certains musiciens désireux de participer plus activement aux choix artistiques.

Quoi qu'il en soit, fort de la réputation de son fondateur et de l'orchestre qui les accueillait, le nouvel ensemble a tout de suite eu des engagements (certes un peu subalternes, accompagnement de récital de seria pour commencer) assez prestigieux (récitals de Karina Gauvin et Sandrine Piau, Armida de Haydn avec Mariame Clément) dans de bons endroits bien exposés (salle Gaveau par exemple).

Il tire son nom de l'orchestre, actif dès 1786 (peut-être 1785), issu d'une loge maçonnique de musiciens, ouverte en 1782 ; son chef principal était le Chevalier de Saint George. Elle cesse ses activités dès 1789, mais en 1785, elle commande à Haydn le cycle des symphonies « parisiennes » (les 82 à 87), puis les 90 et 91. Une jolie filiation, quasiment une ligne de conduite. L'orchestre place ainsi un centre de gravité qui leur permet de jouer le baroque du début du XVIIIe siècle et certaines œuvres du début du XIXe siècle, tout en signifiant son souci de pédagogie.

Le modèle économique aussi en est intéressant : appuyés grâce aux réseaux antérieurs (et à leur valeur amplement prouvée), les musiciens sont en résidence à la Fondation Singer-Polignac, spécialisée dans le pied à l'étrier de jeunes artistes (en particulier en vue de promotion du répertoire français, mélodie notamment), mais ont aussi développé des partenariats avec les entreprises, offrant des services pour accompagner des dégustations de vin, etc.

En somme, même si son répertoire actuel ne m'exalte guère (opera seria baroque et classique, même si la naïveté martiale d'Armida de Haydn est très intéressante, et quand même rarement jouée), un ensemble qui promet beaucoup, aussi bien par son niveau propre que par son ambition. [Par ailleurs, on nous promet Chimène, le seul bon opéra de Sacchini, et Phèdre de Lemoyne, l'un en tournée française, l'autre à Caen et Paris (Bouffes du Nord), les deux en version scénique !]

Mais il semble que tout le travail de communication et d'identification du nouvel orchestre – que j'avais personnellement découvert incidemment, alors que je suis censé être un garçon informé – soit perdu, puisque le Comité National Olympique considère que l'orchestre profite de l'image des Jeux, et parasite sa réputation et ses partenariats potentiels. Avec toute la force d'une institution aussi dotée, elle harcèle juridiquement le nouvel orchestre depuis plusieurs mois (quel dommage que l'information ne paraisse qu'à présent, il y aurait eu de quoi faire tanguer suffisamment ladite image pour un retrait des poursuites), le menaçant de procès si le nom n'en était pas changé.

photo la naissance du comite olympique allegorie
La naissance du Comité National Olympique, allégorie (1998).

Considérant l'absence de lien avec le sport, la référence à une réalité maçonnique et musicale qui n'a aucun point commun (la référence antique exceptée) avec les Jeux, la pertinence du choix par rapport au répertoire réel de l'orchestre, je ne suis pas persuadé que le CNOSF ait eu des perspectives trop sérieuses de l'emporter devant un juge, mais le coût et l'énergie dépensés seraient trop grands, et l'orchestre vient de céder et de retirer sa marque de l'INPI, après des mois de négociations et d'intermédiaires infructueux.

J'avoue être toujours assez indigné lorsque des officines privées confisquent la langue (et ici, tout de bon l'Histoire !). Il y a quelques années, un petit malin menaçait toute personne qui utilisait sur un forum l'expression « Nouvelle scène française » puisqu'il avait déposé la marque, comme si le concept et le langage pouvaient lui appartenir – c'était évidemment de l'intimidation tout à fait abusive, marque déposée ou pas, afin de favoriser le référencement exclusif de son site, qui n'a jamais eu aucun succès soit dit en passant.
Plus triste, car avec plus d'implications réelles, la fameuse affaire Milka, où une couturière, disposant d'un nom de domaine à son réel prénom (Milka.fr), offert à Noël par ses enfants, était été contrainte de le céder, au terme d'une longue bataille juridique, à Kraft Foods. Aucun dommage & intérêt n'avait été accordé (mais ils avaient été demandés !), considérant la bonne foi de la défenderesse, et l'absence de nuisance sur la marque ; en revanche, la marque étant déposée (et avant la naissance de Milka B., de surcroît), le droit l'a logiquement dépossédée d'un nom de domaine, en première instance et en appel. Même si l'entêtement de Milka B. peut paraître futile (au départ, une compensation financière lui avait été offerte), le fait que réserver le premier un domaine à son nom puisse ouvrir la voie à des réclamations et des poursuites (qu'en est-il de la visibilité de l'activité professionnelle de Mme B., ne compte-t-elle pour rien ?), que son propre prénom puisse être confisqué par une marque, n'est pas très réjouissant – même si l'on voit bien les abus que cela cherche à prévenir.

Mais ici, la marque a été déposée, correspond à une réalité totalement différente de celle du Comité Olympique, s'appuie sur des éléments historiques en étroite relation avec l'identité de l'orchestre, et surtout préexiste largement à l'olympisme, refondé dans les années 1890.
Le demandeur a à peu près autant de légitimité que si le syndicat du BTP demandait le retrait du nom de l'Ode Maçonnique de Mozart sur les partitions – ce qui, soyons honnête, pourrait détourner indûment une partie de l'admiration attachée au mot « maçon » au profit de Monsieur Mozart.

David Le Marrec

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