Diaire sur sol

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samedi 9 décembre 2023

« Messiaen c'est moche »

Le meilleur de Messiaen se trouve à mon avis dans son clavier : Ascension, 20 Regards, Nativité, Catalogues d'oiseaux, Livre du Saint-Sacrement… Le langage paraît dissonant à l'aune du langage standard auquel nous sommes habitués, mais une fois qu'on a dans l'oreille les consonances (plutôt à 4 sons qu'à 3) de Messiaen, tout sonne aussi limpide que du Mozart – c'en est presque prévisible quelquefois… C'est l'une des expériences les plus étonnantes d'acclimatation que j'aie vécues en musique.

lundi 19 août 2013

Mendelssohn - A Midsummer Night's Dream - Balanchine

Bien que le matériel sonore de ce ballet change l'ordre de la musique de scène, en omette des numéros et inclue d'autres ouvertures du même compositeur (Athalie, La Belle Mélusine, Première Nuit de Walpurgis, Retour de l'étranger –€ ainsi que des extraits de la Neuvième Symphonie pour cordes), il constitue une mise en contexte très avantageuse de la musique de Mendelssohn.

Je ne manque jamais de sentir ce que sa musique a de frémissant, de mélancolique, en un mot de romantique ; néanmoins aux oreilles de public ayant vécu avec Mahler et Chostakovitch, la naïveté (comparative) du langage de Mendelssohn peut occulter cet aspect. Il se situait pourtant, sans être aussi radical que Berlioz, Chopin ou Schumann, plutôt à la pointe de son époque –€ à mettre du côté des expérimentateurs raisonnables, comme Meyerbeer.

Il se trouve que les disques ne rendent jamais justice aux musiques de scène, même en saupoudrant un peu de texte autour ; et les très rares cas où la pièce est incluse ne sont pas daantage des révélations, il manque la scène. Au passage, je trouve décevant que personne ne semble oser jouer dans leur intégralité les pièces avec la musique de scène. Ce serait à essayer, au moins de temps à autre ; oui, ce serait long et coûterait cher, mais on fait bien d'autres expériences, et sur des concepts rarement aussi éprouvés. Je suis assez persuadé que le public d'aujourd'hui ferait une indigestion, aussi bien en durée qu'en intensité –€ et puis ce sont des musiques de scène qui « actualisaient » les sentiments, mais qui sonnent aujourd'hui, pour beaucoup, comme du passé pour nous. Il n'empêche que j'aimerais avoir l'occasion de le dire moi-même, après expérience.

En ce sens, la proposition du ballet est précieuse ; et le langage assez épuré de la pantomime romantique, chez Balanchine, sied parfaitement au propos. On retrouve ici quelque chose du panache neuf de ces pages (particulièrement pour l'ouverture de 1826, la musique de scène de 1842 en prolongeant très habilement la matière), avec les palpitements électriques des elfes ou le grand maintien d'Obéron –€ particulièrement impressionnant dans la haute stature de Roberto Bolle (captation de la Scala disponible en DVD).

Il se passe ici quelque chose qui, malgré son éloignement de la lettre (la musique de ponctuation ou d'accompagnement n'est pas forcément de la musique de danse ; l'ordre et le contenu bouleversés), me paraît remonétiser les affects présents dans cette musique. Une expérience précieuse, à recommander peut-être encore plus vivement si Mendelssohn paraît lointain et fané.

Version :
Nir Kabaretti, Orchestre et Ballet de La Scala (2007, TDK).
Très belle exécution musicale, très habitée, ce qui est plutôt rare dans l'univers du ballet, et d'un niveau instrumental très supérieurs aux habitudes de la Scala.

lundi 10 décembre 2012

Reynaldo HAHN - Le Rossignol éperdu

Grand cycle en trois parties, aux titres évocateurs. Mais loin d'être une collection de couleurs locales, il s'agit d'une exploration très en profondeur des possibilités du piano, avec une diversité bien supérieure aux cycles de Gabriel Dupont ou Charles Koechlin, par exemple - on se situe davantage dans la variété de moyens et l'étendue d'inspiration des Préludes de Debussy. Un cycle majeur du piano, très rarement donné, et d'une richesse sidérante.

Je tâcherai d'y revenir sur CSS.

Version : Earl Wild (Ivory Classics) - superbe.

dimanche 9 décembre 2012

Brahms - Symphonie n°1 pour quatre mains

Comme beaucoup d'oeuvres majeures de Brahms (dont les quatuors et sextuors, dont les sérénades, dont les concertos pour piano, dont le Deutsches Requiem !), il existe une version pour quatre mains de chaque symphonie (et même, en ce qui concerne la Quatrième, une autre version pour deux pianos). Toutes convaincantes, mais celle de la Première est réellement remarquable. On entend vraiment autrement, et peut-être mieux : le son du carillon au début du dernier mouvement se pare d'une réalité spectaculaire...

Version : A écouter par le duo Matthies / Köhn (Naxos), peut-être le meilleur duo pianistique jamais enregistré. Et qui a offert notamment l'intégrale de cette musique pour quatre mains (une vingtaine de volumes au disque).

jeudi 8 novembre 2012

Rameau - arrangements pour orgue (Yves Rechsteiner)

Arrangements pour orgue (et quelquefois percussions, ce qui rend le défi de la transcription moins complet) d'extraits d'opéras de Rameau.

Assez bien faits, sur l'orgue extraordinaire de Cintegabelle (Moucherel 1742 / Lépine 1754), dont les jeux d'anche, très français, sont d'une rare densité et d'un très grand caractère.

En revanche, cette musique, ainsi réduite à son squelette musical, l'orgue (du fait de son son pur et continu) étant sans pitié sur les questions d'harmonie, laisse plutôt voir ses limites, pour ne pas dire une relative pauvreté.

Il aurait fallu orner ou compléter ; ainsi présentée, je trouve le résultat assez peu enthousiasmant.

Disque : Yves Rechsteiner, Alpha.

samedi 15 septembre 2012

Karl RATHAUS - Symphonie n°2 (Op.7)

Musique totalement dépressive, typique de la déliquescence tonale vers une sorte de mollesse désespérée... Mêmes "blocages" que Mahler dans ses premières symphonies, l'accord est simplement plus chargé et beaucoup moins spectaculaire dans l'orchestration et surtout dans sa place centrale, son contraste. Petit côté cursif à la Hindemith, aussi.

Sacrément grisaille.

samedi 25 août 2012

Holmboe - Symphonies

En écoutant le début du premier mouvement de la Dixième (mais c'est valable aussi pour le deuxième), à la tristesse policée, timide et plutôt plate, je me fais soudain la remarque : « je n'avais jamais remarqué que la musique pouvait avoir une expression de chien battu ». C'est méchant quand même, j'ai eu honte de moi - mais j'ai fait mes délices de le répéter.

vendredi 24 février 2012

Schubert - Symphonies 1 & 2

Quelquefois, je me demande si on ne juge pas la qualité des oeuvres à travers leur nouveauté, et plus encore leur nouveauté d'après leur noirceur précoce.

Ces deux symphonies, considérablement plus lumineuses et primesautières que les suivantes (la Troisième a quelque chose de déjà plus "motorique"), sont pourtant de très grande qualité, disposant d'une poussée (et d'une beauté thématique) permanente.

(Version recommandée : Roy Goodman & Hanover Band, chez Nimbus.)

Wagner - Tristan - Karajan II

Amusant de comparer cette face (le sommet de la beauté orchestrale, et expressive en plus) avec celle que montrait le Karajan de 52, au contraire très sèche et dont la réussite doit tout aux chanteurs - beaucoup plus "neutres" dans ce studio, tous les sentiments étant communiqués par l'orchestre.

Deux des plus belles versions de cette oeuvre, au demeurant.

Cornelis DOPPER - Symphonie n°2

Décevante par rapport à l'ampleur de la Septième, on entend ici une sorte de Pastorale, avec beaucoup de thèmes fokloriques. Mais le mouvement lent est de toute beauté, son lyrisme champêtre s'étend longuement avec beaucoup d'inspiration.

jeudi 11 août 2011

Hugo Alfvén - Symphonie n°1 - scherzo

Indépendamment du fait que cette symphonie est magnifique, je remarque pour la première fois une parenté du début du scherzo avec les mouvements extrêmes de la Première Symphonie de Prokofiev.

Amusant, parce qu'on ne rattache pas spécialement Alfvén à un classicisme quelconque, ayant tout du grand postromantique - un peu attardé, mais pas le moins du monde académique, comme en atteste sa Quatrième Symphonie.

mercredi 10 août 2011

Ross Edwards - Trio avec piano

Facture lyrique, mais soutenue par des rythmes et des motifs de type blues. Pas ultime, mais étonnant et plaisant.

Florent Schmitt - La Tragédie de Salomé (suite) - Nézet-Séguin / Met

En me remettant à petit bijou, je suis très frappé par ses parentés en termes de thématiques, de textures et de coloris avec les Gezeichneten et l'Oiseau de feu, deux de mes oeuvres de chevet.

Michael Brimer - Trio avec piano

Mélancolique et très contemplatif, une grande sobriété, beaucoup de moments très posés et parcimonieux. Univers pas très éloigné de l'esprit français début XXe.

Très très beau, un des trios que j'aime tout particulièrement dans le répertoire.

Schubert - Die Winterreise - Nimsgern / Pflüger

Vraiment une version singulière de baryton dramatique fatigué (intonation souvent très basse). La tessiture choisie est très grave, ce qui ne permet pas les éclats, et le résultat est finalement un peu uniforme, malgré un texte soigné ; néanmoins quelque chose d'une grâce (paradoxale) et d'une électricité demeurent.

J'aime beaucoup, sans doute parce que j'aime beaucoup les manières Nimsgern... mais ce n'est clairement pas une version à conseiller.

Il est vraisemblable que la noirceurs et les éclats du Schwanengesang auraient mieux convenu.

Bruckner - Symphonie n°7 - Celibidache, Berlin 1992

En en écoutant l'adagio, je suis frappé de l'absence de baisse de tension, malgré la lenteur extrême du tempo. Certes, ce n'est pas ce qu'on peut appeler une lecture contrastée, tout y est très linéaire, mais considérons le thème intermédiaire, pas forcément très séduisant (à peine mélodique et développé à coups de marches harmoniques), et facile à rendre insispide ou traînard. Ici au contraire, la poussée, sans être très grande, demeure durant tout le mouvement.

Très prenant, si l'on ne cherche pas les contrastes spectaculaires lors des reprises du thème principal.

Ravel, Introduction et allegro, label Festival Marlboro

Le label du festival vient de sortir un disque où l'on trouve aussi les quatuors de Ravel et Debussy. Le quatuor de Ravel est assez décevant, très sage et plane, mais pour l'Introduction et Allegro, la chaleur communiquée par les musiciens est réellement hors du commun. Si l'on aime cette oeuvre, c'est à tenter résolument.

Smetana - Trio avec piano Op.15

Juste pour dire que je suis frappé de la parenté amusante (et tout à fait fortuite) du thème du final avec l'air du spadassin de Fiesque de Lalo ("Ce n'est pas une grosse somme"). Très divertissant de l'écouter sous cet aspect.

Tchaïkovsky - Trio avec piano - Australian Trio

Version étonnante, qui exalte beaucoup les cellules brèves, les motifs qui s'articulent au sein de chaque phrase musicale. Avec un effet de fragmentation assez rare.

Une très belle version, très originale, aux antipodes de ce dont on a l'habitude, de l'enveloppant Perlman au net Amoyal, en passant l'épique façon Feigin. Vraiment différent.

mardi 5 juillet 2011

Rodion Chtchédrine (Shchedrin) - Carmen suite - Theodore Kuchar

La version à laquelle je reviens tout le temps, avec l'Orchestre Symphonique d'Etat Ukrainien. Elle met en valeur toutes les qualités de l'oeuvre, et notamment l'incroyable relief et la variété de couleurs infinie, obtenus avec des cordes seules (et percussions).

Les thèmes de l'opéra sont réagencés dans le désordre, mais avec progression dramatique, et le résultat prouve (ce dont je ne suis pas toujours convaincu à l'écoute de l'oeuvre originale) le génie de mélodiste de Bizet.

Vraiment une oeuvre incantatoire et jubilatoire, tout à fait incontournable, qui gagnerait à être jouée souvent en concert, plairait au grand public et remporterait des triomphes.

Pehr Henrik NORDGREN - Summer Music - Juha Kangas / Turku PO

Sur le même disque (Alba) que la Septième Symphonie, ce poème symphonique trouve des accents et des couleurs très proches de la Sérénade de Britten, autrement dit un vrai climat de mélancolie, très prégnant. Si l'on est sensible à ces tons-là, à écouter, vraiment.

Pehr Henrik NORDGREN - Symphonie n°7 - Juha Kangas / Turku PO

Davantage familier de la Quatrième, j'ai été ravi de trouver ici de beaux aplats, riches et pénétrants, si bien qu'en dépit d'une structure un peu rhapsodique, cette symphonie conserve toujours quelque chose d'assez magnétique.

On y reste dans une vision tonale (mais moderne) du vingtième siècle d'une assez belle façon.

Christopher Rouse - Symphonie n°2 - Alan Gilbert / Stockholm RPO

En réécoutant l'oeuvre dans la perspective de nourrir une notule pour CSS, je retrouve les impressions agréables que m'avait laissées cette symphonie. Certes pas la profondeur même, mais un climat babillard, assez primesautier, qui n'est pas si courant dans la musique contemporaine.
Evidemment, rien de neuf dans le langage utilisé, mais on n'écoute pas de la musique pour avoir forcément du nouveau. Rouse dipose d'une voix propre, d'une plume assez inspirée, et c'est déjà beaucoup.

Karl Amadeus Hartmann - Symphonie n°5

L'oeuvre est assez décevante, ses mélodies faciles de trompette tiennent quasiment du cabaret-Schulhoff, l'humour en moins.

Vraiment pas du niveau du "grand Hartmann", certes sinistre, mais généralement assez prenant.

Igor Stravinsky - L'Oiseau de feu - Yoel Levi

Parution toute récente chez Glossa d'une nouvelle version de l'Oiseau, par Yoel Levi et l'Orchestre de la Radio Flamande.

Dans une oeuvre aussi écrite, les différences entre plusieurs versions ne sont pas aussi flagrantes que dans les répertoires plus anciens (même le répertoire postromantique...), et c'est plutôt la prise de son qui fait la différence, d'où la tentation d'aller voir du côté de chez Glossa.

On y retrouve effectivement un détail et une rondeur qui sont propres à la firme. Et dans ce répertoire inhabituel pour Glossa, on profite d'un son assez chaleureux et aéré, du vrai métier - le son ressemble vraiment à celui qu'on percevrait au fond d'une salle de concert. Cet orchestre ayant de plus toujours été très beau (en l'occurrence, pas par la douceur de ses timbres, mais par sa personnalité intense), on peut se régaler de ses bois très mis en valeur par la captation, et même leurs petites aigreurs sont agréables.

Sans remplacer les versions que j'ai l'habitude de fréquenter avec le plus de plaisir (Metzmacher / ONF, Craft / Philharmonia, Thierry Fischer / BBC Pays de Galles, Doráti / LSO - De Waart / Sydney, Ozawa / Paris, Inbal / Philharmonia), elle pourrait s'en approcher ou y prendre part à l'avenir.

Igor Stravinsky - Le Sacre du Printemps pour orgue - Bernard Haas

L'arrangement fonctionne bien, et les équilibres changés par la puissance des jeux respectifs ne nuisent pas à la lisibilité ni à la tension de l'ensemble. Bien sûr, on perd en variété de dynamiques (le clavier de l'orgue n'a pas d'intensités, on ne peut le faire que globalement avec la pédale d'expression), mais pas énormément en force de percussion, tout simplement grâce aux harmonies chargées : à l'orchestre, on entend surtout les effets de timbre, cassants... mais l'écriture harmonique y effectue exactement le même genre de travail !

Un bon disque, chez Audite, couplé avec une intéressante Sonate en si de Liszt (pour orgue également).

samedi 2 juillet 2011

Asger Hamerik - Symphonie n°5 - Thomas Dausgaard

Dans cette symphonie, Hamerik renoue avec les qualités des deux premières - dont la 1 a été commentée sur CSS. Le ton est certes devenu plus sombre, mais on y retrouve la simplicité d'articulation et une certaine naïveté joyeusement mélancolique, absolument délicieuse.

Les symphonies 3 et 4 s'étaient un peu éloignées de cette lumière-là, et la Sixième est tout de bon autre chose (pour cordes seules, un tour de force d'ailleurs vu la qualité de coloris du résultat).

On songe beaucoup à Beethoven et Mendelssohn pour une oeuvre du début du vingtième, mais le résultat est là, ces symphonies sont réellement émouvantes - et même assez personnelles, se dégageant un véritable style (rétro) Hamerik sur la durée...

La seule intégrale, Dausgaard / Helsingborg chez Da Capo, est tout à fait réussie, ce qui est salutaire lorsqu'on joue un compositeur peu célèbre qui écrit dans un style conservateur que la morale musicale tend à réprouver...

mercredi 22 juin 2011

Giuseppe Verdi - Macbeth (Macbetto) - Daniele Callegari (Naxos)

J'avoir avoir été extrêmement pris par cette version. Les chanteurs y sont très bons, mais ce ne sont pas non plus des voix impressionnantes en tant que telles... Ce qui a rendu cette lecture prenante, c'est encore une fois la direction de Daniele Callegari, décidément un très grand chef.

Lisibilité, petite sècheresse précise, beaucoup de vivacité, du rebond... les partitions s'animent avec lui, dans tous les sens du terme - et que ce soit du Chausson ou du Verdi.

mardi 21 juin 2011

Schumann - Quatuor n°3 - Vertavo SQ

Le pouvoir des Vertavo est décidément bien grand, puisqu'ils parviennent à rendre électriques ces quatuors assez formels et figés de Schumann.

Ils jouent beaucoup de musique contemporaine, et leur aisance sert grandement leur flamme...

lundi 20 juin 2011

Carl Nielsen - Quatuors - Quatuor Vertavo

Plus j'écoute ce disque, plus je suis fasciné, aussi bien par les oeuvres que par le feu ininterrompu que leur confèrent les interprètes.

On songe au passage beaucoup à Dvořák dans le dernier mouvement de l'opus 5... et on admire la belle place de l'alto (trémolos qui agitent seuls le reste du discours, lignes solos mélismatiques...).

vendredi 10 juin 2011

Gustav Mahler - Symphonie n°6 - David Zinman

Je suis une fois de plus très impressionné par les qualités de David Zinman dans ce répertoire, à la fois moelleux et incisif, et toujours lisible, avec des tempi allant et un propos d'une rare évidence.

Son intégrale en cours est l'une des rares à me combler à chaque volume. Sa Deuxième étant parmi les plus réussies de la discographie (il n'y a guère qu'Abbado Lucerne et le dernier Bernstein pour faire plus prenant), du moins pour la large partie que j'ai parcourue en suivant mes inclinations, j'attends beaucoup de l'écoute de la Troisième au sein de l'intégrale achevée il y a peu.

L'absence de pathos superflu rend aussi plus digeste cette symphonie centrale - étant moins sensible aux 5,6,7 qu'aux autres : on lui retranche de ses outrances et de son décorum un peu bruyant.

Au passage, le dernier thème doux de l'oeuvre a un côté mi-champêtre mi-funèbre qui m'évoque furtivement les jardins troubles d'Elysée chez Schreker.

jeudi 9 juin 2011

Pelle Gudmundsen-Holmgreen - Near distant still pour cor, violon et piano

Un peu planant, avec des effets assez figuratifs, plus de rugosité qu'à l'accoutumée : la pièce n'est pas désagréable, mais ne montre pas le meilleur visage de Pelle Gudmundsen-Holmgreen.

J'attends depuis des années l'édition discographique de son Concerto pour violon, farci de références complices et de cadences interrompues. Christina Åstrand (qui officie aussi sur ce disque de trios pour cor, violon et piano) l'avait créé en 2003, mais c'est celui de Ligeti qui a été enregistré pour le disque aux côtés de Helle Nacht de Nørgård.

Søren Nils Eichberg - Trio pour cor

Le trio pour cor du jeune (né en 1973) compositeur danois Søren Nils Eichberg, vainqueur en 2001 du Concours Reine Elisabeth, est assez étonnant dans le paysage actuel. Il est clairement écrit dans un langage tonal, et même franchement consonant par moment, mais comme trouvé, un peu fantomatique.

Ce n'est pas la tonalité post-bergienne très complexe que l'on trouve chez quantité de contemporains qu'on appelle néo-tonals (y compris Escaich qui passe pourtant pour un "gentil"), ni l'hyperchromatisme aux confins de la tonalité de Dutilleux, ni la tonalité mouvante et sombre que l'on trouvera chez Greif... c'est de la vraie tonalité franche, presque du Beethoven, à ceci près qu'on y trouve beaucoup de procédés suspensifs, de moments où la texture l'emporte sur le discours harmonique... comme c'est souvent le cas dans la musique contemporaine.

Etrange objet, pas majeur, mais intéressant.

mardi 7 juin 2011

Kurt Atterberg - Symphonie n°1

La première et la meilleure, la plupart des autres étant d'un intérêt bien moindre à mon sens. La Neuvième, sorte de poème symphonique vocal, est assez différente, mais n'appartient plus véritablement au domaine de la symphonie à proprement parler (ou alors au même titre que la Huitième de Mahler, le Chant de la Terre ou la Sixième de Tichtchenko).

Un sens du climat hors du commun, très poétique, très évocateur, assez dramatique aussi, dans une belle consonance qui n'exclut pas la richesse.

Une des symphonies qui reviennent souvent dans mes écoutes, sans comparaison avec les dernières de Dvořák auxquelles elle doit pourtant beaucoup.

--

Version recommandée : Rasilainen chez CPO, excellente prise de son de surcroît.

Poul Ruders - Trio pour cor (violon et piano)

Très belle pièce épurée et poétique, parcourue d'appels mystérieux. Ca et là, des bouts de formes plus classiques du trio surgissent.
A classer parmi les plus belles réussites de Poul Ruders.

En plus proposé avec un chouette couplage d'autres trios pour cors de rien de moins que Pelle Gudmundsen-Holmgreen, très en cour sur CSS (et Eichberg).

Et côté interprètes, Da Capo nous propose le Danish horn trio, où la grande virtuose spécialiste du XXe siècle Christina Åstrand tient le violon...

Bruckner - Symphonie n°9 en partition

J'aimais beaucoup le caractère distendu, méditatif et furieusement wagnérien de cette symphonie. Du moins jusqu'à ce que j'ouvre la partition : grosse déception pour son adagio avec sections ultra-visibles. Et la quasi-citation (mi-Siegfried, mi-Graal) n'est que réitérée, sans exploitation.

Etrange, je la trouve très belle, et pourtant, ouvrir la partition me fait voir les coutures, comme une forme de trivialité décevante. Chose qui n'était pas adenue pour la Troisième et la Quatrième, où la partition avait au contraire accru le plaisir.

A ce jour, il n'y a que Roslavets, dont je vénère les Préludes pour piano, qui m'ait causé ce genre de déception à la lecture - dans ce cas, la musique semble posée si aléatoirement qu'on a l'impression que les phrasés du pianiste créent tout l'intérêt de l'oeuvre, en réalité peut-être discutable. Du moins à la lecture, parce que je reste tout aussi magnétisé à l'écoute (de différentes versions au demeurant !).

lundi 6 juin 2011

Rachmaninov - Intégrale des concertos pour piano - Peter Rösel, Kurt Sanderling

Impressions confirmées sur cette version : bel orchestre, au son un peu froid, toucher assez dur de Rösel qui aborde ces concertos de manière très physique.

Au passage, l'écoute à la suite de ces concertos montre qu'ici, la postérité n'a rien laissé dans l'ombre : le 4 et surtout le 1 sont d'un intérêt mineur par rapport aux deux célèbres. En revanche, pourquoi le Deuxième est-il plus joué alors que le Troisième me paraît plus roboratif. Peut-être, précisément, à cause de cette mélancolie du 2, et puis de ses amorces de mouvement très prenantes ?

dimanche 5 juin 2011

Rachmaninov - Concerto n°2 - Felicja Blumental / Gielen

Cet enregistrement avec le "Vienna Musikgesellschaft Orchester" (que désigne exactement ce titre ?), paru chez Vox (couplé avec le Premier de Tchaïkovsky) et republié chez Brana (couplé avec le Rondo sur des thèmes folkloriques russes Op.98 de Hummel), dispose d'une prise de son bizarre (le piano se timbre mal et surtout de façon très peu naturelle dans l'introduction solo).

Néanmoins, sur la durée, l'intégration entre solo et orchestre est remarquablement organisée, et la fluidité du discours de Blumental et Gielen en fait l'une des versions les plus agréables à écouter que j'aie fréquentées.

Pas sûr qu'elle contente les amateurs sérieux de piano, ni ceux qui seraient sensibles aux timbres excessivement moches de l'orchestre (violoncelle solo sec et pas très juste, vents au son étranglé...), mais pour l'élan du discours général, sans emphase superflue, j'y trouve tout à fait mon compte.

Rachmaninov - Concerto n°2 - Rösel / Sanderling

Assez déçu, malgré sa réputation flatteuse (superbe intégrale Brahms, et présenté comme l'un des plus grands techniciens actuels) par Peter Rösel ici.

Certes, le timbrage des accords initiaux est impressionnant, variant réellement entre les nuances, pour aboutir à une puissance considérable et sans jamais paraître "cassant". Néanmoins, pour une oeuvre aussi lyrique, le résultat général demeure d'apparence assez "cognée". Ce qui faisait le charme de ses Brahms, ces strates nettes et détachées, paraît ici comme une forme de dureté.

Même la prise de son Berlin Classics et le Symphonique de Berlin ne me ravissent pas autant que d'habitude.

Cela reste une très bonne version, bien entendu.

Boismortier - Deuxième suite de clavecin - Béatrice Martin


Même jouées par la princesse du continuo, ces pièces demeurent assez pauvres en substance, presque au niveau des motets. A part Don Quichotte chez la Duchesse, dont l'entrain musical est incomparable et dont les traits d'esprit sont si fidèles à Cervantès... on peine à trouver de la littérature de premier intérêt chez lui.

Les Danses de village sont néanmoins assez agréables, même si elles demeurent dans le pur divertissement "facile".

vendredi 3 juin 2011

Sibelius - Symphonie n°1

Je suis une fois de plus frappé par le caractère profondément tchaïkovskien du deuxième mouvement... mais étrangement, ses cordes larmoyantes et ses tutti tapageurs s'entendent comme tels, alors que chez Tchaïkovsky, l'inspiration et l'authenticité font que je ne le ressens jamais comme tel.

Néanmoins, dans un interprétation qui met en valeur les pupitres de bois (la question se pose sans doute moins en salle qu'au disque), il reste de quoi faire un petit régal, à commencer par les autres mouvements...
Dans cette perspective, K. Sanderling ou Berglund sont particulièrement opérants, avec des timbres un peu plus aigres peut-être, mais aussi beaucoup plus de clarté dans les strates.

Impressionnant aussi comme sur la partition tout est clairement arrangé par bloc, le thème revenant forcément aux bois OU aux cordes OU aux cuivres, et souvent sucessivement (quelquefois la flûte et quelques autres bois sont autorisés à doubler les cordes, dans les grands tutti). Malgré les belles couleurs dispensées par Sibelius, dans cette première symphonie, on est même en deçà du fondu orchestral de Bruckner !

mercredi 25 mai 2011

Carnet d'écoute : Vladimir Vladimirovitch CHTCHERBATCHOV (Shcherbachov)

Ecoute de la Cinquième Symphonie, composée pendant la guerre de 40. Assez étonnant, à la fois consonant, avec des formes fixes traditionnelles, des motifs obstinés (celui de la première section vive est particulièrement obsédant pour le compositeur)... et quelque chose de plus audacieux et personnel.

Cela est bien loin de son formidable Nonette avec voix, une sorte d'expérimentation sans modèle, tout à fait tonale, mais très étrange.

dimanche 22 février 2009

Bach - Variations Goldberg - Catrin Finch, harpiste

Autre disque récent.

Juste pour montrer que la DGG n'investit pas seulement sur des entreprises sans profondeur. Non pas que Bach à la harpe soit du domaine du bon goût absolu - et d'autant que l'interprète en question livre une lecture assez sucrée de l'oeuvre -, mais c'est à ma connaissance une première. Et Bach, et en particulier les Goldberg, se prêtent si bien aux transcriptions diverses...

On peut rappeler nos références personnelles et très subjectives des Goldberg, en commençant par les plus essentielles pour nous :

  • Kurt Rodarmer, avec une guitare au son assez métallique, qui frotte et danse incroyablement.
  • Murray Perahia, pour la poésie de son piano et de ses nuances - évidemment.
  • Glenn Gould 1955, pour le rebond et l'articulation remarquable de chaque voix.


Pas de clavecin, car pour Bach dans ses oeuvres qui ne sont pas des suites, c'est pour nous une épreuve : comment faire vivre cette musique à la régularité rythmique déjà potentiellement étouffante si l'on ne dispose pas de nuances dynamiques ? Se pose aussi la question des silences, le plus souvent absents des partitions, mais dont la respiration permet de faire vivre la musique de Bach (et distingue les grands interprètes), plus difficile à obtenir sur clavecin du fait de l'absence d'étouffoirs (la résonance ne peut pas être maîtrisée aussi 'injonctivement' qu'au piano).

dimanche 25 janvier 2009

Jacques Duphly par Gustav Leonhardt

Comme toujours, une petite raideur dans le maintien, ça ne danse pas beaucoup, mais toutes les strates sont audibles et phrasées, du grand art. Une lecture très sérieuse de la musique française, qui danse peu et trille avec sévérité, mais aussi une qualité analytique rare dans cette musique.

C'est plutôt le clavecin très riche (qui sonne toujours comme en triple clavier accouplé...) qui est un peu fatigant sur la durée.

Double CD Seon, couplé avec une lecture de Forqueray un peu chargée. Il vaut mieux ici se reporter vers la très fluide intégrale Yannick Le Gaillard, malgré la moitié du corpus affligé d'un clavecin très acide assez pénible.

Duphly et Rameau

Amusant, un des doubles de La Pothouin de Duphly s'apparente jusqu'à l'exactitude à un autre des doubles de la Gavotte de la Suite en la de Rameau. Pour mettre de l'eau au moulin de ceux qui reprochent l'uniformité à l'ère pré-1800.

Il est exact que la distance est moindre entre Haendel et Duphly qu'entre deux opéras de Massenet, mais c'est justement cette esthétique de la nuance, de la variation qui est alors séduisante.

Et, parfois, il y a comme des télescopages...

Dutilleux : Strophes sur le nom de Sacher & Quatuor Ainsi la nuit

(Label Erol)

David Geringas au violoncelle donne à ces pièces un peu arides une évidence à ne pas manquer pour aborder l'oeuvre. Les Strophes sortent de l'abstraction où on les place parfois pour devenir discours - ce qui paraît plutôt logique.

Quant à l'interprétation du Quatuor Sine Nomine, elle est généralement présentée à référence, et il est vrai qu'elle veille à l'équilibre constant entre un certain lyrisme postromantique et un refus de la complaisance sonore. Il n'en demeure pas moins que, comme souvent chez Dutilleux, l'oeuvre peut ravir par ses raffinements harmoniques ou lasser sérieusement par une certaine tendance à un hédonisme un peu abstrait.

Boismortier au clavecin par Laurence Boulay

Suite de l'ancien disque Erato bradé par Warner chez Apex.

La musique pour clavecin de Boismortier est semblable au reste de sa production, charmante mais assez peu profonde, avec des tournures assez impersonnelles et, malgré une séduction avant tout mélodique, une veine thématique un peu faible. On peut tout à fait, de mon point de vue, en rester au chef-d'oeuvre de dérision, bien dans l'esprit de l'original, de Don Quichotte chez la Duchesse.

Le clavecin de Laurence Boulay sonne presque à la moderne, un peu électrique, pas très séduisant - ce qui n'est pas réellement compensé par un jeu hors du commun, mais que faire de ces pièces un peu mineures ?

En tout cas un programme intéressant pour pas cher, avec de beaux Duphly.

Jacques Duphly par Jos van Immerseel

Amusant, la main gauche est un peu régulière et lourde, on sent le pianiste... Je ne devrais pas dire cela, soutenant habituellement qu'il n'est pas bien malcommode de s'adapter au clavecin pour un pianiste, mais malgré les parentés classiques très fortes de l'écriture de Duphly (qui utilise fréquemment les basses d'Alberti, ornemente relativement peu, n'écrit quasiment que des mélodies accompagnées et travaille surtout la séduction des atmosphères), il reste un petit fossé dans la souplesse de l'accompagnement.

Par ailleurs, superbe clavecin, et une profondeur de ton admirable pour ces pièces si légères, un disque vraiment recommandable (et pas cher du tout chez Apex, couplé avec des oeuvres de Boismortier par Laurence Boulay).

Vous pouvez vous en faire une idée sur Musicme.

Sinon, on peut bien sûr se tourner vers l'intégrale Le Gaillard, débordant d'esprit.

dimanche 6 juillet 2008

Maurice OHANA, guitare intégrale (Stephan Schmidt)

Beaucoup de simplicité dans cette lecture fortement consonante et avenante, mais sans volonté néo-, réellement contemporaine. Sans nulle surcharge, des climats poétiques, où la répétition, voire le silence ont aussi bien leur place que la recherche de textures ou d'harmonies.

Exécution aux caractères très variés de Stephan Schimdt, dont le son (de pair avec Ohana, de toute façon) est un peu gris, à mi-chemin entre le métal et la rondeur, mais dont l'interprétation bénéficie d'un certain degré d'évidence.

mercredi 2 juillet 2008

Parangon du mauvais goût

On parle régulièrement ces temps-ci, dans nos fréquentations inavouables, d'Albert Ketèlbey, compositeur britannique qui symbolise ce que le mauvais goût a produit de plus redoutable.

C'est un mélange entre pittoresque de pacotille, assez drôle, comme on en trouve en abondance dans les opéras français du XIXe siècle (avec des démons qui dansent la valse ou des tamouls avec la pureté de langue de Diderot), et pour 90% du dégoulinage anglais qu'on retrouve essentiellement désormais en musique de film (mais ici à dose très condensée).

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La pochette la plus conforme à l'art de Ketèlbey.

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Réputation méritée. Ca a du charme, mais tous ces poèmes symphoniques (la seule chose qu'il ait commise) sont dans un style totalement identique, parfaitement interchangeables. Attention : à doses trop rapprochées, Ketèlbey favorise l'acquisition d'un diabète de type 2.

Je penche tout de même pour un peu de second degré, si j'en crois mes oreilles pour le texte du _bazar persan_ :
Bak-chich, bak-chich A-allah !
Bak-chich, bak-chich A-allah !

Humour anglais...

jeudi 19 juin 2008

Čiurlionis : Tchaïkovsky toujours d'actualité


Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, qui est emblématiquement à la Lithuanie ce que Peteris Vasks est à la Lettonie, est l'un des très rares artistes doubles, autant connu en tant que peintre qu'en tant que compositeur.

Une musique aimable, habile, pas essentielle du tout mais assez réussie. [1]

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Son poème symphonique Dans la forêt semble teinté d'un gentil tchaïkovskysme, qui peine un peu sur la durée, mais sans déplaisir aucun. Dans les 'murmures de la forêt', on perçoit aussi quelques accents wesendonckiens. Le tournage dans le vide final semble aussi vouloir imiter Wagner (ou Mahler, ou Bruckner ?), mais avec moins de bonheur. On pense plutôt à la fin de la deuxième partie des Scènes de Faust de Schumann, chef-d'oeuvre absolu, mais qui à ce moment-là n'est pas précisément de la même ambition harmonique qu'un Wagner de la maturité...

Un peu faible, mais charmant, surtout dans ses murmures centraux.

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Il en existe un enregistrement par Vladimir Fedosseyev.

Notes

[1] Attention, ce n'est pas notre avis sur Vasks, on parle bien de Čiurlionis uniquement...

Ladislav Kupkovič, la vengeance du slovaque

Petit conseil divertissant, manière de pouvoir enfin goûter un compositeur slovaque à peu près valable - l'emblématique Suchoń se complaisant malheureusement dans un postromantisme assez gris et fade : Souvenir, une pièce de concert conçue pour les bis, un ressassement à l'infini d'un non-thème (furieusement tonal), et la déception pendant plus de dix minutes de cadences et de nuances trompeuses qui semblent annoncer mille fins.

Très amusant. Existe au disque chez Philips (Gidon Kremer au violon, Elsbeth Moser à l'accordéon, Oleg Maisenberg au piano).

Haydn - Quatuors Op.76 - Kuijken



Quatuor de la famille Kuijken sur instruments d'époque. Aigre à n'en pas croire ses oreilles - sauf pour qui connaît le son Kuijken, très néerlandais [1], très direct, mais aussi très peu esthétisé. Sans concession, presque mécanique, donc un peu rude à l'écoute, mais au moins, voilà un Haydn qui n'est pas joué comme du Mendelssohn ! Et qui a beaucoup de caractère.

Les mouvements de danse sont extrêmement réussis - on sent bien ce que la formation de musiciens à l'école baroque a de précieux de ce point de vue. Il ne faut pas oublier que Sigiswald Kuijken a dirigé un Zoroastre de Rameau admirable de poésie... Ce qui suppose une excellente conscience des accentuations et une maîtrise parfaite de l'inégalité des notes égales.

A connaître, vraiment.

Notes

[1] Même s'ils sont belges, mais ça, c'est une autre affaire.

jeudi 8 mai 2008

Ernest Chausson - SYMPHONIE - Svetlanov

De même que pour Le Roi Arthus [1], Chausson y réalise un compromis idéal entre les ductilités d'un esprit français sans superficialité et ses influences wagnériennes, avec à la clef richesse d'écriture, recherches d'orchestration, atmosphère crépusculaire.

Epoustouflant.

Et ce qu'autant plus que Svetlanov en donne une lecture tendue et habitée, avec un orchestre ample mais incisif (profondeur des cordes exceptionnelle, et les cuivres acidulés sont un plaisir).

Notes

[1] Plus de deux ans déjà que nous l'avons abordé pour CSS, et nous nous sommes promis d'y revenir aussi prochainement que possible.

mardi 29 avril 2008

Arnold Bax - TROISIEME SYMPHONIE

Comme on est loin de ses poèmes symphoniques un peu gourds et très traditionnels !

On y entend successivement du tricot schrekerien, des jeux dans un son très français (on songe alors à l'Apprenti sorcier de Dukas) et, à l'initiale de plusieurs mouvements, du Mahler.

Très nourrissant. A la même époque que Sibelius et dans le même créneau d'un symphonisme continu, vraiment stimulant - plus captivant et plus varié pour les poulpiquets.

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Interprétation très lisible et assez soignée par Bryden Thomson chez Chandos.

jeudi 28 février 2008

Instruments désuets

Certains instruments en déshérence, bien qu'employés désormais par souci de retour aux sonorités d'époque, demeurent peu connus, ou difficilement identifiables pour les mélomanes sur les disques.

Voici une page qui en recense avec des extraits musicaux légaux : cornet à bouquin, cromorne, rebec...

mercredi 23 janvier 2008

Stravinsky - Le Sacre du Printemps - Bernstein

Terrible claque. Tout prend ici un tel relief ! Alternant délicatesse et violence, tout y est ciselé, incisif ; les paroxysmes véritables, à couper le souffle.

Les belles versions sont légion, mais celle-ci possède objectivement tout. Tout au plus Carnets sur sol préfère-t-il le solo de basson initial sur un tempo plus large et lyrique - mais ce moment se trouve si bien réalisé, avec cette entrée non pas suspendue, mais déjà dansante...

Bernstein était sans nul doute le plus indiqué sur le papier pour réussir cette partition : l'incisivité, la danse, l'abandon... aussi le risque de se retrouver un peu dépité était grand. Au contraire, la surprise est inverse.

avril 1972
London Symphony Orchestra
Leonard Bernstein

La version de 1958 a la réputation d'être encore nettement plus. Celle-ci a en tout cas le privilège de rester équilibrée et confortable, sans chercher absolument à subvertir à toute force.

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[A présent, il faut peut-être ajouter que du fait de la maîtrise technique qu'elle réclame, cette pièce ne se trouve quasiment que dans des interprétations irréprochables. Tout au plus certaines sont-elles un peu moins déhanchées (Boulez) ou un peu plus hédonistes qu'engagées (Salonen II), mais la haute valeur de notre Bernstein ne fait pas non plus redécouvrir une oeuvre déjà parfaitement servie.]

mardi 22 janvier 2008

César Franck - SYMPHONIE en ré - Guido Cantelli

Une lecture passionnante, jamais entendue avec cette clarté et cette évidence. La première fois que cette symphonie, mainte fois entendue, nous convainc pleinement, sans cette vilaine pâte habituelle.
Jusque chez Monteux en effet, le son de Franck paraît terriblement regerien.

Ici, la limpidité de l'orchestre comme du discours permet de jouir pleinement de toutes les vertus de l'oeuvre, sans la lourdeur indigeste dont on l'accuse parfois - et dont elle revêt, hélas, souvent les atours.

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(Libre de droits. Une salve Cantelli est à prévoir en conséquence sur CSS.)

vendredi 18 janvier 2008

Bruckner - SYMPHONIE n°7 - Schuricht

Une lecture atypique de Bruckner. A la fois de l'alacrité (qualité inhabituelle dans ces pages) et un caractère quasiment dansant, presque galant.

Plus encore, le son a quelque chose d'une tendresse moelleuse tout à fait inusitée chez ce compositeur. Quelque chose de feutré, un ton ancien - Berlin est méconnaissable. Vraiment surprenant, et immédiatement séduisant. La structure en est de plus lisible avec une grande aisance.

Lorsqu'on accepte de jouer Bruckner sans le décorum qu'on lui accole trop souvent, le résultat est tout de même bien plus digeste - Georges Prêtre a ainsi réussi une Quatrième confondante d'évidence, et d'aspect si clair !
Evidemment, cela ne résout pas les faiblesses lourdes de l'orchestration, mais elles ne font plus obstacle dans ce cas. Un peu de la même façon que ce qui peut apparaître comme des tunnels dans Parsifal disparaît lors d'une exécution à tempo raisonnablement dramatique comme le fait Boulez. Les phrasés sont alors sensibles et trouvent leur sens, sans se perdre de vue (et de souffle).

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Sans doute que la collaboration avec Vienne, qui tend toujours à tiédir très sensiblement les options des chefs, n'est, pas plus que la nature de l'oeuvre, étrangère à la réussite moindre de la Neuvième par Carl Schuricht.

(Cette Septième de 1938 appartient désormais au domaine public. Rappelons incidemment qu'un Chant de la Terre d'anthologie est disponible dans la catégorie libre de droits de CSS par ce chef.)

jeudi 17 janvier 2008

Le Flem - Sept prières enfantines - Girod

Autant la sonate avec violon est fraîche, d'une insouciance française qui tient plus d'Ibert que de Debussy, autant ici, cette simplicité touche à un pudique sublime. Un versant français du Via Crucis de Liszt, en quelque sorte. Peu de musique est énoncée, mais beaucoup de poésie.

Quant à la sculpture délicate des phrasés toujours aussi hautement élégants et attendrissants de Marie-Catherine Girod, elle ne peut que nous inspirer la question solennelle : y a-t-il jamais eu meilleure pianiste pour le répertoire français ?

(Pièces pour piano solo. Publié chez Accord à prix très raisonnable.)

dimanche 23 décembre 2007

Tchaïkovsky - SYMPHONIE n°4 - Eschenbach, Philadelphie

Une fois n'est pas coutume, une nouveauté. Entendue sur la NRK (radio norvégienne, cf. la liste des stations sur CSS).

Très impressionnant de maîtrise technique : à la fois grande puissance et retenue nécessaire. Grande amplitude de nuances, subtil rubato. Capacité d'infléchir élégamment la force au sein des tutti, de façon à toujours ménager une progression - grande allure que cette pudeur, et très efficace.
Tout à la fois la sauvagerie et la suavité requises, mais avec un rebond, un déhanchement qui font véritablement danser le tout.

La première fois que nous ne ressentons à ce point ni trivialité, ni sirop, ni lancinances dans cette symphonie difficile à maîtriser quant au goût. Un parcours comme contenu en un seul mouvement versatile.

Prise sur le vif qui se ressent à l'urgence extrême de l'ensemble de l'oeuvre.

dimanche 16 décembre 2007

Gustav Mahler - SYMPHONIE n°3 - Abbado, Lucerne 2007

Dernier mouvement.
Lent. Sections très détaillées, extrêmement pédagogique. Mais la tension n'est pas menée implacablement. Travail plutôt sur les sections des phrasés que sur les sections du mouvement entier, si l'on veut, même si la vue d'ensemble est très réelle, et même exaltée, limpide, expliquée comme chez aucun autre. Mais il privilégie (à dessein) l'épisode présent par rapport au développement.

Pour les autres mouvements.
Vraiment chaque élément exalté, faisant sens musical, voire dramatique, comparable à la Damnation de Markevitch. Incroyable comme chaque motif est audible et signifiant. Le tout dans un son d'une volupté et d'une clarté superlatives.

Tendresse du mouvement initial, et discontinuité, immobilité contemplative, comme un monde en train de se faire en effet. Capacité à timbrer différemment de façon expressive au sein d'une même phrase de l'orchestre bel et bien superlatif (bis) (les cuivres !). Et la trompette qui sonne aussi rond que du cor dans le dernier mouvement !

Ironie vraiment patente (piccolo du premier mouvement), et ce rire décadent et simple dans Mahler est toujours un régal.

mardi 11 décembre 2007

Le clavecin de Frescobaldi et Louis Couperin par Gustav Leonhardt

Intéressant, spécialement dans la musique française. Tout y est si « carré », cela ne danse guère, mais rend bien justice à cette musique. Concernant Loin des sons trop riches des instruments de Verlet et Ross. Pas les maniérismes de la première, ni les lourdeurs du second. Et pour comparer à d'autres « discrets », le propos est plus direct, lisible et fort que chez Rousset, par exemple.

Nous pouvons bien évidemment préférer la danse dans ce répertoire (Cummings, Ichise) ou les trilles voluptueux (Beaumont) ; cependant, l'intérêt ici est de se trouver en contact direct avec l'oeuvre, quasiment sans médiation - ce qui est suffisamment rare pour être précieux - tout est audible, rien n'est extrapolé.

Naturellement, dans Bach, ce jeu comportera sa part de raideur, mais qu'importe pour que ce qui nous a retenu ici !

(Remerciements à Vartan.)

lundi 10 décembre 2007

Sibelius - SYMPHONIES

Un mot, sur demande, sur leurs caractéristiques.

  • L'idée de contemplation y est importante - c'est une musique qui ne cherche pas nécessairement, à l'inverse de la musique d'école allemande, à « cheminer » vers un but. Ce qu'on pourrait rapprocher de la tradition du poème symphonique nordique - avec son apparent désordre formel et son hédonisme paisible : Alfvén ou Stenhammar, par exemple.
  • L'esthétique reste totalement dans le cadre de la tonalité, et l'on sent, particulièrement en fin de symphonie, une construction de la tension qui rappelle les grands symphonistes germaniques (tantôt l'expansion monumentale de Bruckner, tantôt le serpentin tendu à l'infini de Mahler). Nous sommes donc en présence de quelque chose de bâti, qui ressortit à la grande tradition symphonique européenne - et non pas d'une collection de thèmes et de motifs juxtaposés.
  • Peu de tensions internes, peu de contraste entre les mouvements. Une esthétique de la continuité.
  • Une orchestration ronde, confortable, pas très lisible.

On serait curieux d'entendre les structures exaltées, les pupitres tous audibles, les articulations plus tranchantes que ce n'est habituellement. Ce que nous n'avons pas, à ce jour, rencontré au disque.

vendredi 7 décembre 2007

Concertos pour violon

C'est mieux lorsque ça ne bave pas.

  1. Rudi Stephan (titré Musique pour violon et orchestre), très dramatique, quasiment décadent, dense et ramassé, insaisissable.
    • [Recommandation : Georg Kulenkampff / van Beinum. Libre de droits.]
  2. Robert Schumann, jamais donné, à tort, vraiment plus profond que la moyenne. Rondeau final proche de Beethoven.
    • [Pas de version de référence pour nous.]
  3. Franz Schubert, Konzertstück
    • [Notre version touchante avec le Sinfonia Varsovia n'est pas publiée.]
  4. Henri Vieuxtemps 5. Ce qu'on peut faire de mieux dans le lyrisme exacerbé, avec une tension mélodique permanente qui emporte sans cesse.
    • [Recommandation : Perlman / Barenboim.]
  5. Boris Tichtchenko (pour violon, piano et cordes Op.144). Le lyrisme dynamité d'un Chostakovitch humain. Avec une citation des Quatre Saisons. De beaux motifs très réduits, une harmonie en sables mouvants, mais jamais déceptive.
    • [Victoria Postnikova / Rozhdestvensky. Chez Fuga Libera.]
  6. Wolfgang Amadeus Mozart 3, 4, 5.
    • [De multiples versions excellentes : Dumay ou Mutter par exemple.]
  7. Pelle Gundmundsen-Holmgreen. Avec des citations beethoveniennes et schubertiennes ; cadences harmoniques interrompues, clins d'oeils multiples. Pour le jeu avec la tradition.
    • [Création : Åstrand/Dausgaard 2003. Non publié.]

Bien sûr, Paganini 1, Mendelssohn (mouvement lent du célébrissime), Beethoven (mouvement lent et surtout rondeau), Glazounov sont fréquentables aussi.

mardi 4 décembre 2007

Concerto vs. musique de chambre

Différence souvent significative chez le même artiste. Par exemple Queyras, inapproché à peu près dans l'ensemble des concerti qu'il a pu aborder, et parfois si discret en musique de chambre.

Côté violon (c'est apparemment moins vrai pour le violoncelle), ce sont parfois des artistes un peu trop généreux côté vibrato, pathos, au style parfois uniformément romantisé pour la musique de chambre qui tirent au contraire leur épingle du jeu.

  • Gil Shaham (invraisemblable émotion du mouvement lent chez Mendelssohn, par exemple, et rondeur chatoyante, sûreté du jeu dans les mouvements rapides)
  • Yitzak Perlman (Vieuxtemps 5, par exemple)
  • Sarah Chang dont l'hédonisme est évidemment calibré pour la forme concertante - y compris avec piano. Hilary Hahn semble faire de même (mais on serait curieux de l'entendre dans des formes plus intimistes).

Bien sûr, Isaac Stern plane sur toutes les catégoriess simultanément.