Une nouveauté dont j'attendais peu, mais qui se révèle remarquable.

1) Malgré sa forme (opéra à entrées, donc à peu près sans intrigue), le livret de Gentil-Bernard (le librettiste de Castor & Pollux) parvient à ménager des climats avec une grande célérité, si bien que le peu de mots disponibles est bien exploité.

2) La musique de Rameau est assez bonne, même dans les récitatifs – ce qui n'a jamais été son point fort pourtant, malgré les raffinements harmoniques nouveaux qu'il y dispense.

3) Les grands ensembles spécialistes se sont un peu encroûtés : les Arts Florissants ne jouent quasiment plus de nouveautés depuis dix ans (et disposent désormais d'un son exceptionnel, digne d'un orchestre symphonique), les Musiciens du Louvre ne jouent plus de baroque (et leur son s'est considérablement lissé, témoin leur Alceste récente), les English Baroque Soloists n'apparaissent plus que dans Bach (sinon les musiciens jouent surtout du XIXe, sous le nom d'Orchestre Révolutionnaire et Romantique), d'autres restent fragiles (La Grande Écurie et la Chambre du Roy, Les Talens Lyriques...), et même Harnoncourt a largemnt embourgeoisé ses manières, avec des textures moins acides, des phrasés moins brusques... et la fréquentation majoritaire des grands orchestres symphoniques.
Les ensembles plus récents se caractérisent majoritairement soit par leur sècheresse percussive (pour ceux spécialisés dans le seria, comme Mathéus ou Modo Antiquo), soit par une attitude plus apaisée et lisse (Le Concert d'Astrée, typiquement).

Les Nouveaux Caractères me font retrouver la verdeur des timbres des premiers ensembles baroques, leur personnalité violemment différente, mais avec un niveau de facture instrumentale et de technique individuelle très supérieur. Les avantages des deux périodes, d'une certaine façon. Le petit ensemble (2x4 violons, 3 altos, 3 violoncelles dont un continuiste, 1 contrebasse) n'est pas tout à fait chambriste, mais permet d'oser des couleurs très particulières. Par ailleurs, les souffleurs sont d'un niveau assez exceptionnel, aussi bien flûtes et piccolos que cors, j'en ai rarement entendus d'aussi bien timbrés, maîtrisés et chantants dans ce répertoire.

Je n'ai jamais entendu d'aussi belles danses dans Rameau, c'est à mettre aux côtés (et même au-dessus, me concernant) des Suites de Brüggen et des intégrales de Gardiner. Le sens du mouvement, bien sûr, mais aussi le caractère de chaque danse, et une grâce omniprésente.

4) Vocalement, on dispose des meilleures voix, dictions et styles dans le domaine : Virginie Pochon, Amel Brahim-Djelloul, Anders Dahlin, Jean-Sébastien Bou, Pierre-Yves Pruvot...