Carnets sur sol

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Robert SCHUMANN - La Malédiction du Chanteur & Du Page et de la Fille du Roi (Equilbey)

Soirée 11 : Ultimes Ballades de Schumann à la Cité de la Musique

(Samedi 10 décembre 2011.)

Der Sängers Fluch Op.139
Vom Pagen und der Königstochter Op.140
(Et l'Ouverture Loreleï de Max Bruch.)

Catherine Hunold, soprano, la Reine (I & II) - remplaçant Christiane Libor
Elodie Kimmel, soprano, la Princesse (II)
Maria Riccarda Wesseling, mezzo-soprano, Narratrice (I & II)
Marcel Reijans, ténor, le Harpiste (I), le Page (II)
Benedict Nelson, baryton-basse, Le vieux Ménestrel (I), Narrateur (II)
Johannes Mannov, basse, Le Roi (I & II)
Kristina Vahrenkamp, soprano (depuis les choeurs)
Nicolas Rouault, baryton (depuis les choeurs)

Orchestre de l'Opéra de Rouen - Haute-Normandie
Choeur Accentus
Laurence EQUILBEY

Une des soirées les plus attendues de toute la saison, en raison de la rareté absolue de ces Schumann, déjà difficiles à trouver au disque. Il est vrai qu'on ne tient pas là le meilleur de Schumann, et qu'il est, dans le genre narratif-mais-séquentiel, davantage inspiré dans ses cycles (Liederkreis, Tragödie, Dichterliebe...) ou bien sûr, pour la même dimension avec orchestre, dans les Szenen aus Goethes « Faust » .
Les parentés, aussi bien de l'orchestration (opaque, tous les instruments jouant dans le milieu du spectre sonore) que de l'harmonie (on retrouve littéralement les enchaînements de la fin de la section « Mitternacht » et du moment crucial de « Fausts Tod » dans les deux ballades) et du climat général, sont patentes.

Toutefois, la qualité des poèmes, la réussite dramatique très discutable et même la qualité de la musique ne sont pas comparables aux plus grandes réussites de Schumann : le drame s'étiole doucement (sur le modèle de Genoveva ?), la musique récitative s'apparente à certains de ses lieder moins inspirés (veine mélodique très peu enthousiasmante), et les couleurs n'ont pas la force du meilleur Schumann. On n'est au niveau ni des symphonies, ni des lieder, ni des Scènes de Faust.

Donner leur chance à ces oeuvres si peu courues est bien sûr extrêmement précieux, et justifiait complètement le déplacement. Les chanteurs avaient en outre tous (vraiment tous !) en commun une qualité d'élocution et de projection remarquables, alors même que l'oeuvre et la salle sont assez difficiles à manoeuvrer si l'on veut se faire entendre agréablement.

Le problème, en réalité, résidait dans la direction de Laurence Equilbey : même avec un orchestre terne (celui de l'Opéra de Rouen l'est vraiment), il était possible d'animer les mouvements, de marquer les accents, de mettre en valeur des couleurs orchestrales (qui sans être originales du tout, existent tout de même sur la partition)... alors qu'on entendait un accompagnement (au moins flatteur sens du terme) assez indolent, presque informe.

Dans ces conditions, vu de toute façon le peu de valeur ajoutée de la matière orchestrale dans la partition, on aurait sans doute gagné à représenter l'oeuvre avec un piano (ou un ensemble de chambre), et des chanteurs de format plus léger, qui auraient pu donner encore plus d'expression, alors qu'ils étaient assez concentrés, ici, sur la production d'un son suffisamment dense pour passer un orchestre opaque (la faute avant tout à Schumann). D'un point de vue très pratique, les chanteurs doivent alors exagérer leurs consonnes et densifier leur son, ce qui leur donne beaucoup moins de liberté pour varier les couleurs sonores et ménager des inflexions expressives sur leurs mots. Les mêmes chanteurs avec un simple simple piano auraient sans doute déjà été bien plus émouvants, alors qu'ils étaient excellents ici, mais un peu bridés.

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Pour l'anecdote,

Pour l'anectote, expérience testée dans la salle : au début du parterre, on entend exactement l'inverse du fond des balcons. Les voix désagréablement métalliques (le choeur Accentus) y deviennent remarquablement douces et les voix glorieuses (Maria Riccarda Wesseling) y semblent râpeuses et sans ampleur. La voix lyrique en situation est vraiment un objet insaisissable, j'aurais écrit des commentaires opposés, selon ma place, sur le timbre et l'impact des voix. Et puis la salle principale de la Cité de la Musique est vraiment discutable acoustiquement, en dehors peut-être du baroque à grand effectif (du moins si l'on est au parterre...).

Seconde anecdote : entendu dans le métro des commentaires assez décontenançants sur l'Ouverture de Bruch (certes pas du niveau de ses Quatuors, et jouée de façon aussi peu convaincante que le Schumann), qualifiée en mauvaise part de musique de film — alors que son univers harmonique et bien sûr son orchestration, qu'on les trouve attendrissants, convaincants, banals ou pauvres, n'ont guère en commun avec le stéréotype de la musique de film (beaucoup plus parent de R. Strauss, Holst ou Orff que de Schubert...), même si l'on considère les cas extrêmes de Stothart ou Zimmer...
J'ai donc supposé que le but était de disqualifier l'oeuvre, une forme de synonyme à "inoffensif" ou pis, à "inutile", mais le ton était tellement docte (et fier de l'avoir distingué à l'oreille de Schumann, à cause de son allure années soixante !) que je me suis trouvé un peu interdit.


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Commentaires

1. Le vendredi 16 décembre 2011 à , par klari :: site

Oui, il y a certainement autant de concerts simultanés possibles que de fauteuils dans une salle de concerts.

Je me suis bousillé ainsi un concert du Gewandhausorchester Leipzig, fantabuleux depuis le premier balcon de Plyel, qui s'est transformé après l'entracte, à une place d'orchestre plus chère d'une soixantaine d'euros en concerto pour pupitre de premiers violons accompagné d'une bouillabaisse variée cordes et vents. (*soupir*)

2. Le samedi 17 décembre 2011 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Klari,

En plus de l'équilibre, la qualité même du timbre est altérée - c'est encore plus vrai pour le chant, où il n'existe pas d'instrument standard, et où la perte de qualité (ou le gain !) lors de la diffusion du son n'est pas fixe. Ce à quoi il faut ajouter le texte, pouvant paraître lâche de loin et surarticulé de près...

3. Le dimanche 18 décembre 2011 à , par Jérémie

J'ai vu Jephta à Pleyel. Arrivé en retard au fond de la salle, j'entendais convenablement ma douce claveciniste. Replacé à l'entracte aux rang E du parterre (qui est en dessous de la scène), je ne l'entendais plus du tout, du tout, du tout !!!! Peut-être était-ce mon karma qui me rattrapait, après avoir fait sué les ouvreurs en entrant dans la salle malgré leurs interdictions ?

Sinon, la grande salle de la Cité de la Musique est une catastrophe. Je n'ai *jamais* apprécié un concert dans cette salle. Je suis convaincu que si j'avais entendu Bellérophon là, plutôt qu'à Versailles, j'aurais trouvé cela épouvantable.

4. Le lundi 19 décembre 2011 à , par DavidLeMarrec

Et pourtant, à la Cité, les concerts baroques sont les seuls qui m'aient convaincus (pour Ulysse de Rebel et Bellérophon, c'était vraiment parfait, mais aussi parce que j'étais très bien placé, en milieu de parterre). Très bien pour le Messie de Christophers également, malgré ma proximité avec la contrebasse envahissante. Les autres fois, j'ai toujours été réservé sur l'aspect sonore. Dans le lied, c'est correct, mais le son se perd un peu.

Pourtant, la première fois, j'étais émerveillé, j'aimais beaucoup l'atmosphère, le confort, et même le son assez honnête. Mais c'était un baroque (Ulysse) et je n'avais pas l'habitude de quitter ma province pour aller voir de la baroquerie de première division...

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