Malgré toutes les limites imposées aux fulgurances de l'original par la censure et ce langage musical post-belcantiste, la partition recèle des ensembles remarquables et surtout des instants de récitatifs qui figurent parmi les plus grands moments de tout Verdi. Par exemple"Il vecchio Silva stendere" au milieu de la première cavatine... à rapprocher de "Ne m'ebbe il Ciel" dans le Trouvère, ou de "Ah taci, il vento ai tiranni dans Boccanegra''.

Version : RAI Roma, Fernando Previtali, 1958. La version affiche Mario Del Monaco, assez sobre, toujours prompt aux belles agitations agogiques et dramatiques, même si le legato n'est pas toujours aussi soigné (personnellement, c'est davantage tant mieux que tant pis !) ; lecture très intense qui cadre mieux avec le caractère du personnage que les ténors des autres versions couramment distribuées (Bergonzi, Pavarotti...). Mario Sereni est moins raffiné qu'en studio avec Schippers, mais évidemment tout aussi électrique. Siepi dans ses années d'apprentissages, pas encore très mobile dramatiquement (sauf dans sa superbe fureur du II), mais voix abyssale. Constantina Araújo est la moins célèbre de la distribution, et non sans raison : la voix a un grain ancien (plus proche de Caniglia que de Stella, ou même de Tebaldi) tout à fait agréable, mais elle chante très faux dans les aigus (très bas, régulièrement d'un ton... ce soir-là le haut de la tessiture ne passe pas), ce qui handicape un peu la tenue des ensembles, déjà que les autres chanteurs ne sont pas des modèles de sobriété.
Interprétation cela dit très intense, l'une des rares où la tension est constamment tenue.