Musique de scène pour le texte de Claudel d'après le cycle orestique d'Eschyle.

Partition tout à fait fascinante. Ses fanfares polytonales, sa prosodie singulière - avec de longues séquences psalmodiées par la Coryphée, à laquelle répondent les échos ou les interjections affectives du choeur. Les retrouvailles avec l'esprit rituel du texte - comme chez Prodromidès ; on y rencontre même des percussions obstinées comme dans l'opéra du Sichuan (cf. la série de CSS sur le théâtre chanté chinois), avec un grand pouvoir de suggestion mystique.

Le reste a la simplicité de Milhaud, mais sans la niaiserie ou la pauvreté qu'on lui reproche parfois dans ses oeuvres mineures.

La fin s'interrompt sur une déploration à caractère général sur le genre humain, avec cette universalité propre à Eschyle - négation de l'action où le sujet du drame (et sa seule 'action') est la présentation de la condition humaine même. La psalmodie et ses échos au choeur se taisent doucement mais subitement, à la façon abrupte de la tragédie lyrique. Point de postlude, seul le silence nous en indique le terme.

Malgré le son très sec de radio d'époque, avec un orchestre 'placé' trop en arrière des solistes, très belle interprétation, en particulier Claude Nollier vaillamment aux prises avec ses difficultés prosodiques et Markevitch qui parvient avec son Lamoureux à l'acuité que nous pouvons lui connaître dans sa Damnation de Faust publiée.

Un sujet passionnant qui mériterait quelques extraits musicaux et une entrée dûment rédigée sur CSS...
A mettre en perspective avec d'autres reconstitutions, à visée authentique ou non, de la musique grecque antique. [1]

Les Choéphores Op.24,
Deuxième partie de l'Orestie d'Eschyle
Geneviève Moizan, soprano
Hélène Bouvier, alto, Électre
Heinz Rehfuss, baryton, Oreste
Claude Nollier, récitante
Chorale de l'Université
Orchestre Lamoureux
Igor MARKEVITCH

Notes

[1] Il existe déjà deux notes sur le sujet, sur CSS : 'La tragédie grecque est un opéra'.