Diaire sur sol

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 28 août 2013

Egon WELLESZ - Der Abend Op.4 (1909-1910)

I. Pastorale - II. Angelus - III. Dämmerstunde - IV. Wind auf der Heide

Le sommet de l'œuvre pour piano de Wellez. Il a beaucoup écrit, mais rarement atteint, dans cette simplicité, ce pouvoir d'évocation. Des pièces simples, assez radieuses pour du postromantisme aux teintes décadentes, qui imposent des atmosphères prégnantes.

On pourrait parler d'équivalent des pièces de caractère de Sibelius, dans un goût germanique qui fait moins la part au pittoresque. (Ou le rapprocher des Crépuscules et des Ombres de Schmitt, dans un hypothétique miroir diurne.)

Les autres cycles sont passionnants aussi. A découvrir dans l'intégrale jouée avec clarté et goût par Margarete Babinsky, et captée très confortablement par Capriccio.

Philippe GAUBERT - Mélodies

On navigue entre le Debussy du Faune (la mélodie, pas le poème symphonique), le Ravel des Histoires Naturelles, et des langages « modernes » mais plus stables (Ropartz, Koechlin, Cras...). Sans être absolument neuf, l'ensemble s'inscrit dans le courant des expérimentations de cette époque.

J'aime tout particulièrement les Trois Nouvelles Ballades sur Paul Fort, très colorées et évocatrices. Les Six Poèmes (Baudelaire, Fort, Réginer) sont aussi très beaux, un peu moins originaux, plus confortables et « aquatiques ».

Version : Parution récente, seul Timpani l'a enregistré... et c'est difficilement égalable. Mélanie Boisvert, Lionel Peintre et Alain Jacquon sont des spécialistes du genre depuis longtemps, et il est inutile de prendre du temps à détailler leurs vertus : tout est idéal, la beauté des timbres (piano inclus), la diction exceptionnelle, l'élégance suprême, la maîtrise de tous les aspects de ce style si spécifique...
Il faut l'entendre. (Et même l'acheter, pour que Timpani puisse poursuivre sa contribution exceptionnelle au patrimoine culturel français.)

samedi 24 août 2013

Ponchielli - Poèmes symphoniques et symphonies - Frontalini

Dans son œuvre orchestrale, Ponchielli manifeste les qualités purement musicales déjà sensibles dans son œuvre lyrique ; contrairement à beaucoup de compositeurs italiens du XIXe siècle, sa musique dispose d'une réelle substance, qui peut passer l'épreuve de la « musique pure » sans superficialité, virtuosité ni galanterie.

Il faut distinguer tout particulièrement les deux Sinfonie et la Scena campestre (« Scène champêtre »), où la qualité de l'inspiration mélodique, la variété des climats et la fluidité de construction – malgré les juxtapositions thématiques, cela ne sent pas trop le pot-pourri à la façon des ouvertures d'opéra.

Symphonies extrêmement brèves d'ailleurs : 11 minutes pour la première, 7 pour la seconde. Aussi aphoristique qu'une sinfonia baroque, et cela en un seul mouvement où ne voisinent pas de grands contrastes de tempo.

Référence : Silvano Frontalini dirige le Philharmonique de Minsk (avec un capital sonore sans nul doute meilleur qu'un orchestre italien) sur ce disque Bongiovanni, où figurent également Sulla tomba di Garibaldi, écrit l'année de la mort du héros national, les ouvertures d'I Lituani et d'I promessi sposi, et la Gavotte poudrée (en français dans le texte), orchestration d'une pièce pour piano.

L'ensemble est tout à fait séduisant, mais ces œuvres ayant été reconstituées ou arrangées par le chef, il n'est pas toujours facile de déterminer les qualités d'orchestrations propres à Ponchielli – quoique ce soit fait sans éclat particulier, avec la simplicité caractéristique de l'orchestre italien d'alors.

lundi 19 août 2013

Mendelssohn - A Midsummer Night's Dream - Balanchine

Bien que le matériel sonore de ce ballet change l'ordre de la musique de scène, en omette des numéros et inclue d'autres ouvertures du même compositeur (Athalie, La Belle Mélusine, Première Nuit de Walpurgis, Retour de l'étranger –€ ainsi que des extraits de la Neuvième Symphonie pour cordes), il constitue une mise en contexte très avantageuse de la musique de Mendelssohn.

Je ne manque jamais de sentir ce que sa musique a de frémissant, de mélancolique, en un mot de romantique ; néanmoins aux oreilles de public ayant vécu avec Mahler et Chostakovitch, la naïveté (comparative) du langage de Mendelssohn peut occulter cet aspect. Il se situait pourtant, sans être aussi radical que Berlioz, Chopin ou Schumann, plutôt à la pointe de son époque –€ à mettre du côté des expérimentateurs raisonnables, comme Meyerbeer.

Il se trouve que les disques ne rendent jamais justice aux musiques de scène, même en saupoudrant un peu de texte autour ; et les très rares cas où la pièce est incluse ne sont pas daantage des révélations, il manque la scène. Au passage, je trouve décevant que personne ne semble oser jouer dans leur intégralité les pièces avec la musique de scène. Ce serait à essayer, au moins de temps à autre ; oui, ce serait long et coûterait cher, mais on fait bien d'autres expériences, et sur des concepts rarement aussi éprouvés. Je suis assez persuadé que le public d'aujourd'hui ferait une indigestion, aussi bien en durée qu'en intensité –€ et puis ce sont des musiques de scène qui « actualisaient » les sentiments, mais qui sonnent aujourd'hui, pour beaucoup, comme du passé pour nous. Il n'empêche que j'aimerais avoir l'occasion de le dire moi-même, après expérience.

En ce sens, la proposition du ballet est précieuse ; et le langage assez épuré de la pantomime romantique, chez Balanchine, sied parfaitement au propos. On retrouve ici quelque chose du panache neuf de ces pages (particulièrement pour l'ouverture de 1826, la musique de scène de 1842 en prolongeant très habilement la matière), avec les palpitements électriques des elfes ou le grand maintien d'Obéron –€ particulièrement impressionnant dans la haute stature de Roberto Bolle (captation de la Scala disponible en DVD).

Il se passe ici quelque chose qui, malgré son éloignement de la lettre (la musique de ponctuation ou d'accompagnement n'est pas forcément de la musique de danse ; l'ordre et le contenu bouleversés), me paraît remonétiser les affects présents dans cette musique. Une expérience précieuse, à recommander peut-être encore plus vivement si Mendelssohn paraît lointain et fané.

Version :
Nir Kabaretti, Orchestre et Ballet de La Scala (2007, TDK).
Très belle exécution musicale, très habitée, ce qui est plutôt rare dans l'univers du ballet, et d'un niveau instrumental très supérieurs aux habitudes de la Scala.

mercredi 7 août 2013

Debussy - Le Martyre de saint Sébastien - Sophie Marceau, Simon Rattle

Donné dans un couplage généreux et particulièrement intense (Le Roi des Étoiles de Stravinski et la Cinquième Symphonie de Sibelius), le Philharmonique de Berlin avait proposé, en septembre 2007, une très belle version du Martyre de saint Sébastien, dans des dimensions respectables (soixante minutes de musique, la plupart du texte conservé étant déclamé pendant la musique).

L'œuvre en elle-même est assez bancale, avec ses numéros très fermés, souvent à plusieurs (solistes ou chœurs, si bien que le texte en est peu intelligible) et ses tirades enflammées, à la fois mystiques et très théâtrales –€ ce qui est toujours difficile à conjuguer, à plus forte raison à une époque où les auditoires ne sont plus nécessairement acquis à la cause sacrée.

La bande sonore du concert est audible dans la notule correspondante sur Carnets sur sol.



Certains récitants prennent le parti de l'hystérie façon Jeanne d'Arc (on pourrait presque les qualifier de lecture « critique »), d'autres d'un certain hiératisme, au risque de paraître un peu formel et figé.

Le parti pris de Sophie Marceau me séduit beaucoup, alors même que les acteurs habitués de l'amplification m'ont rarement paru adéquats dans ce genre d'exercice. Elle assume la présence de micros en ne se lançant pas dans une émission théâtrale projetée, mais reste très timbrée et n'abuse pas des murmures ; la posture est celle de la confiance extatique, et c'est sans doute la plus difficile à tenir, car elle réclame une adhésion intellectuelle (même feinte) sans faille de la part du récitant, sous peine de voir se briser l'illusion et de sombrer dans le ridicule de la fausse extase mal jouée. Et je dois dire que cette douce ardeur est réussie avec une assez belle constance et une maîtrise de l'équilibre, jamais emphatique, jamais empesée...

Dans le détail, on remarque la précision apportée au débit, pour que chaque syllabe sonne, ainsi que la perfection (rare) des consonnes.

Il est probable aussi que, bien que s'exprimant devant un public germanophone (trois soirs successifs à la Philharmonie de Berlin), elle avait beaucoup plus travaillé son texte que la moyenne des récitants, qui abusent trop souvent du privilège de conserver un pupitre pour ne pas trop les ouvrir avant la représentation. Le texte fragile de Gabriele D'Annunzio n'autoriserait pas les bafouillages, mais on est au delà de la simple netteté : pour obtenir le juste poids, et le réussir sur le vif devant un vaste public, il est vraisemblable que beaucoup de soin a été apporté à la préparation.

Afin d'éclairer le propos, je précise que je ne suis pas du tout à compter au nombre des inconditionnels de Sophie Marceau, dont j'ai trop peu fréquenté le legs pour avancer un jugement raisonné. En l'occurrence en tout cas, elle tient son rang mythologique.

Côté musique, le Philharmonique de Berlin offre évidemment une sûreté et une beauté qui sont au-dessus de tout reproche, et certains frémissements peuvent rappeler ce que Rattle a fait de mieux –€ notamment ses Shéhérazade de Ravel avec Kožená ou son Pelléas de Salzbourg (en 2004, avec Kirchschlager, Keenlyside et van Dam). Le Chœur de la Radio de Berlin offre de fantastiques demi-teintes comme à son habitude, même si l'articulation n'est pas idéale –€ leur spécialité étant davantage l'oratorio et le concert que les répertoires où le texte est réellement mis en avant. Je suis en revanche moins enthousiaste sur la distribution vocale : Susan Gritton, Monica Bacelli (une Mélisande) et Nathalie Stutzmann (une Geneviève) sont peut intelligibles, de style assez peu gracieux, et leur format leur interdit de toute façon les teintes diaphanes et les notes suspendues ou filées. Je n'ai jamais entendu une distribution qui m'emporte très loin, de toute façon, et il est vrai que la musique ne leur offre pas non plus beaucoup d'espace pour l'éloquence pure ; il est d'autant plus précieux que le récitant soit à la hauteur.

Pour ne rien gâcher, une voix de femme sied assez bien à la représentation qu'on peut se faire de Sébastien via l'iconographie, c'est un petit plaisir supplémentaire.

Merci à Xavier d'avoir attiré l'attention sur cette bande !


Beethoven - Symphonie n°1 - LPO, Tennstedt

Expérience quasiment hallucinatoire : quoique cette symphonie outrepasse déjà de beaucoup Haydn, Tennstedt y déploie la même densité de motifs, la même tension implacable qu'on entend habituellement dans la Cinquième. L'orchestre n'est pas particulièrement apprêté au niveau des timbres, mais pour l'énergie et la construction, personne ne peut lui disputer la palme.

Étrangement, la Cinquième couplée sur le même disque (BBC Legends) est moins singulière, presque mesurée en comparaison.

samedi 3 août 2013

Mozart - Symphonies 35 & 36 - Mackerras, Scottish Chamber Orchestra

Si un chef a su s'intéresser aux découvertes musicologiques et s'adapter aux évolutions esthétiques de son temps, c'est bien Mackerras.

Quel chemin parcouru depuis ses (horribles) Mozart avec le Philharmonique de Londres (EMI), d'un fondu extrême, aux articulations molles, et très loin de la qualité de phrasé de Menuhin, de l'autorité de Böhm ou même des qualités décoratives du Karajan de maturité !

Ce bouquet de symphonies a assez exactement les mêmes saveurs que son intégrale avec l'Orchestre de Chambre de Prague (dans les deux cas, orchestre moderne avec cuivres anciens qui apportent un chaleur et un tranchant très particuliers) –€ je la considère comme la plus belle intégrale, et c'est à peu près valable symphonie par symphonie : de la vivacité, de l'incisivité, mais aussi une qualité de sostenuto qui permet de ne pas affaiblir les mouvements lents (le problème avec les archets anciens et les boyaux), et surtout quelque chose de difficile à isoler qu'on appelle la grâce.

Dans cette anthologie avec l'Orchestre de Chambre d'Écosse, le ton est sans doute plus extraverti, en particulier à cause de cuivres un peu plus massifs mais aussi plus fruités, plus insolents... les mouvements extrêmes y gagnent une forme de jubilation non plus primesautière comme avec Prague, mais plutôt triomphante.

Pour ne rien gâter, c'est un type de lecture susceptible de ravir à peu près tout le monde.

Paru chez Linn, en ensembles doubles (deux CDs pour les 29, 31, 32, 35, 36 et 34, sauf le dernier mouvement ; deux CDs pour les 38 à 41).

Mozart - Symphonie n°34 - Jaap ter Linden, Mozart Akademie Amsterdam

Après avoir entendu tant de mal sur cette version intégrale des symphonies chez Brilliant, je suis forcé d'admettre que mon préjugé favorable était on ne peut plus fondé : une lecture sur instruments anciens prodigue en vivacité et en couleurs. Bien sûr, si l'on aime le Mozart ample ou les lectures extrêmes, il ne faut pas chercher de ce côté-là ; mais Jaap ter Linden ne pâlit pas, loin s'en faut, de la comparaison avec Pinnock, Hogwood ou Koopman.

(Paru chez Brilliant Classics.)

jeudi 1 août 2013

Henryk GÓRECKI - Amen Op.35 - M. Brewer

Sorte de cri extatique dont la répétition amène toujours de nouvelles moirures, un véritable moment de grâce –€ que je place tout à fait au sommet de l'œuvre de G€órecki, pas forcément prodigue en la matière.

Et faire six minutes aussi tendues sur les deux syllabes d'un même mot, et sans user de tuilages contrapuntiques, quel tour de force !

Version : Great Britain National Youth Choir, Mike Brewer (chez Delphian). On entend un peu de souffle sur les timbres, et les couleurs sont assez pâles.

J'ai donc réécouté la version de référence : Chicago Lyric Opera Chorus, Chicago Symphony Chorus, John Nelson (chez Nonesuch). Les voix sont peut-être un peu rugueuses (choeur d'opéra...), mais finalement très congruente avec l'esthétique massive de G€órecki, et la réverbération d'une vaste nef valorise très joliment le caractère fervent de ces pièces. Couplé avec le Miserere (aussi nu et répétitif que du vrai plain-chant), Euntes ibant et flebant, et plusieurs chœurs polonais d'inspiration traditionnelle.