Des compositeurs que je ne connais pas, une nouvelle œuvre de mon chouchou Aumann, un cycle de Louis Beydts que j'avais déchiffré il y a plus de dix ans, et une nouvelle intégrale d'un des plus beaux corpus avec Paavo Järvi…
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]]>Des airs héroïques, aux sujets bibliques, historiques, fantastiques, des contes aussi… qui montrent l'étendue du répertoire du premier XIXe siècle (italien, français, allemand), mais aussi les points communs dans la pensée récitative et déclamatoire.
Les Talens Lyriques merveilleux d'articulation, de couleurs, ravivent absolument ce répertoire comme ils l'ont fait pour La Vestale ou les Tragédienne II & III avec Véronique Gens.
]]>Cette messe est à la hauteur de sa verve, qui parvient à donner un relief presque déclamatoire à l'écriture purement contrapuntique des textes sacrés qui prévalait alors. Et impeccablement chantée par les spécialistes de Graindelavoix.
Cependant, les compositions électro-acoustiques de Manuel Mota qui s'intercalent, et s'insinuent même pendant l'œuvre, me procurent un effet de lassitude presque immédiat, l'impression d'être immergé dans le bourdonnement d'un trafic urbain qui fait augmenter la tension artérielle davantage que les émotions.
L'idée n'est pas mauvaise, l'œuvre considérable et l'interprétation très belle, mais j'ai vraiment dû passer les pistes électro, d'autant que les mouvements sont longs – et qu'ils n'évoluent pas du tout, sans cesse le même flux de son entêtant.
]]>Tout est magnifique là-dedans, y compris dans la partie italienne, avec le plus beau « Armatæ face et anguibus » de Juditha Triumphans qui m'ait jamais été donné d'entendre (avec Lea Desandre, jamais aussi fulgurante qu'ici !) et tant d'autres merveilles.
]]>La Compagnie Winterreise d'Olivier Dhénin Hữu reprenait sa Chute de la Maison Usher dont j'ai déjà parlé lors de sa création à L'Arlequin à Paris, mais cette fois couplé avec un opéra inconnu du compositeur américain Lockrem Johnson, consacré à Emily Dickinson (une création de 1951).
L'histoire n'est évidemment que très peu spectaculaire : Emily Dickinson est méprisée par son père, qui ne voit en elle qu'un supplétif de ménage et de cuisine aux aptitudes littéraires inexistantes. Elle attend la visite d'un prestigieux colonel, homme de littérature, mais en fin de compte celui-ci lui propose en filigrane le mariage tout en laissant entendre que ses qualités poétiques ne sont pas évidentes. L'idée du livret est d'expliquer par là la réclusion d'Emily Dickinson, qui n'essaie plus de se faire publier et n'écrit plus que pour elle-même, demandant à sa sœur Lavinia de brûler ses papiers à sa mort.
Langage musical simple, pas très contrasté, ça danse légèrement, on reste dans les mêmes couleurs de la conversation en musique de la génération Damase (mais avec beaucoup moins de lyrisme et d'esprit que Damase).
Surtout, la traduction française est catastrophique : une fois mise en musique, la prosodie en est incompatible avec langue française. « Absorbé par ses DOssiers, il n'aime que MON pain, auJOURdh'ui, réVEILlé, COU-OUsu »… on se croirait dans un son de La Fouine. (Je serais prêt à travailler bénévolement pour rectifier ça…)
Je n'ai rien contre cette prosodie-là dans un contexte esthétique cohérent, mais à l'opéra pour évoquer une jeune femme bien rangée des communautés puritaines du Massachussets, ça ne fonctionne pas bien.
Dans le même registre, perplexe sur l'idée qu'elle accueille seule un homme qu'elle ne connaît pas, et dans cette mise en scène dans une robe blanche à traîne qui est presque une robe de mariée. Très étrange.
Pour autant, je suis très content de découvrir cette œuvre dont je n'avais aucune idée, même si elle ne me bouleverse pas vraiment.
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Après ces 35 minutes, retour à la proposition d'une Chute de la Maison Usher la plus complète possible, qui fonctionne vraiment très bien.
Je suis frappé de penser combien les compositeurs ultérieurs ont cherché à imiter Pelléas alors que Debussy lui-même était parti tout autre chose, au fil des livrets choisis. Usher est infiniment plus sombre. J'y trouve beaucoup moins de belles idées musicales (et les parties avec Madeline ou Roderick sont assez monochromes), mais les deux duos entre l'Ami et le Médecin ont vraiment quelque chose de très réussi dans leur étrangeté.
Insertion des Proses Lyriques de Debussy (vraiment assez différentes), de pièces pour piano (Préludes, Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon…) mais surtout de Ce qu'a vu le vent d'Ouest, qui sert de soutien en forme de mélodrame à toute la fin (la lecture de l'ami, la découverte de l'enterrement de Madeline, l'effondrement de la maison), avec une progression pendant l'orage assez incroyable, et qui s'attelle parfaitement à la fin écrite par Debussy (une dizaine de secondes seulement). La proposition la plus frappante à ce jouer pour restituer cet opéra inachevé – à moins de recomposer carrément ce qui manque, comme l'a brillamment fait Robert Orledge, dans l'exact même style que le reste de l'œuvre !
Le film d'Olivier Dhénin Hữu, simultanément projeté en transparence, permet aussi de compenser la lenteur de l'action par des images assez poétiques des interactions entre les personnages filmées dans les splendides espaces du lycée Jacques Decour (et au Bois de Vincennes).
Parmi les (excellents) artistes Olivier Gourdy et Bastien Rimondi merveilleux comme d'habitude, et Emmanuel Christien d'une aisance folle au piano.
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Soirée follement ambitieuse, et passionnante à tout point de vue – au Théâtre Watteau de Nogent-sur-Marne, où Olivier Dhénin Hữu est actuellement en résidence. Compagnie à surveiller.
]]>Quelle satisfaction d'entendre enfin la Sonate de Jean Cras en concert ! Le versant le plus romantique de Cras, très lyrique, avec une structure pas toujours évidente à saisir – c'est d'ailleurs l'œuvre qui, à la sortie, avait le moins touché le public – et peut-être moi aussi, mais seulement en comparaison avec les autres bijoux, eux inédits, présentés ce soir-là !
Pierre-Octave Ferroud est toujours là où on ne l'attend pas, avec une proposition qui tire davantage vers une forme de néoclassicisme étrange que vers le futurisme motorique de sa Symphonie en la, ou vers l'atonalité très personnelle de Chirurgie (il faudra que je parle un jour de mon déchiffrage de cette chose…). Œuvre tirée du récent legs de la famille Ferroud à la Bibliothèque La Grange – Fleuret qui organisait le concert.
Marcelle Soulage est la révélation de la soirée, une élève de Nadia Boulanger. D'emblée un emportement généreux et lisible, avec un très beau geste affirmatif pour présenter son premier thème, puis une berceuse qui débute transparente en quartes à vide mais s'anime beaucoup au fil de la progression, un final façon boogie-woogie (mais Suicide in an Airplane de Leo Ornstein n'est pas si loin, dans les moyens compositionnels).
Très beau duo de musiciens – j'étais en particulier ravi d'entendre enfin Nathanaël Gouin dont le disque d'arrangements pour piano d'œuvres de Bizet m'avait beaucoup marqué non seulement pas son contenu, mais aussi par son aisance pianistique.
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