Diaire sur sol

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vendredi 23 février 2024

Beethoven – discographie comparée Missa Solemnis

Mis en appétit par mon cycle Spering – une lecture furieuse, aux couleurs généreuses, aux articulations très détachées des spécialistes de l'instrument d'époque, mais avec une qualité de poussée continue et de lisibilité des plans que tous les tradis non plus, loin s'en faut, n'ont pas : je n'ai pas entendu mieux que ça ! –, car frustré de la présente de seulement trois mouvements (Kyrie, Credo, Agnus Dei) sur le disque Phoenix, je me suis lancé dans quelques réécoutes.

Jacobs est, sans surprise, tout à fait valable (on pourrait n'écouter que ça et s'en porter très bien), mais au jeu de la comparaison – ce qu'il ne faut pas faire, si vous avez bien suivi – les couleurs sont moins radieuses, l'interprétation beaucoup plus mesurée et littérale, et surtout le RIAS Kammerchor n'est vraiment plus ce qu'il était à la fin des années 90 (les Brahms avec Creed en témoignent lumineusement !) : devenu beaucoup plus gris, des voix plus opératiques et rondes, des timbres assez gris, des sopranos moins purs, des ténors plus empâtés, peu de vraies basses. J'en ai été frappé à chaque nouvelle écoute en salle ou au disque ces dernières années, pourtant dans leur répertoire de prédilection (Fidelio, Elias, de l'a cappella germanique…)

Gardiner m'a davantage touché que lors de mes précédentes approches, sans doute parce que j'étais encore très marqué par les lectures symphoniques très amples, fondues et généreuses des versions de vieux chefs sur instruments modernes. (Il y en a quelques-unes d'assez phénoménales, Karajan 66, Bernstein-Concertgebouw, Solti-Berlin, Levine-Vienne, Mackerras-Sydney…) Énormément de détachés et de respiration entre les accords ; ce n'est pas la version qui exalte le plus la continuité des progressions, mais sa beauté à chaque instant reste particulièrement intense.

À suivre, peut-être pour une véritable discographie sur le site principal.

mercredi 13 septembre 2023

Playlist 'Offertoires de Requiem'

Nouvelle playlist, consacrée aux Offertoires de Requiem.

(Mes chouchous sont bien sûr Gilles, Campra, Verdi, Dvořák et Britten, mais on y rencontrera aussi Morales, Gossec, Cherubini, Desenclos, et quelques autres qui méritent le détour !)

Il existe déjà une notule autour des plus beaux Requiem.

samedi 18 janvier 2014

Mozart - Missa Solemnis en ut mineur K.139

Bien que n'ayant jamais jamais été particulièrement ébloui par la grande Messe en ut mineur ou les Vêpres solennelles pour un confesseur, je découvre (ou du moins je n'avais jamais remarqué) avec enchantement la Missa Solemnis, également en ut mineur, K.139. C'est donc une œuvre de jeunesse, à une époque de la vie de Mozart où les pièces de haute volée ne sont pas encore très fréquentes.

Et pourtant, quelle animation remarquable ! On retrouve les mêmes qualités d'orchestration que dans les symphonies, avec les entrées des vents par touches, toujours au bon endroit pour renforcer un effet, et puis une certaine liberté rythmique pour l'époque. Pour un résultat qui peut se comparer à l'ardeur de la 25e Symphonie (en beaucoup plus optimiste) – car bien que présentée comme ut mineur, l'essentiel de la messe est en franc majeur.

Version recommandée :
Nikolaus Harnoncourt, Concentus Musicus Wien, Arnold Schönberg Chor (Teldec).
Solistes : Barbara Bonney, Jadwiga Rappé, Josef Protschka, Håkan Hagegård.
Malgré des zones de flou dans le spectre, version qui échappe à la mollesse vaguement monumentale de beaucoup d'autres versions (même avec des gens informés comme Creed).

mercredi 7 août 2013

Debussy - Le Martyre de saint Sébastien - Sophie Marceau, Simon Rattle

Donné dans un couplage généreux et particulièrement intense (Le Roi des Étoiles de Stravinski et la Cinquième Symphonie de Sibelius), le Philharmonique de Berlin avait proposé, en septembre 2007, une très belle version du Martyre de saint Sébastien, dans des dimensions respectables (soixante minutes de musique, la plupart du texte conservé étant déclamé pendant la musique).

L'œuvre en elle-même est assez bancale, avec ses numéros très fermés, souvent à plusieurs (solistes ou chœurs, si bien que le texte en est peu intelligible) et ses tirades enflammées, à la fois mystiques et très théâtrales –€ ce qui est toujours difficile à conjuguer, à plus forte raison à une époque où les auditoires ne sont plus nécessairement acquis à la cause sacrée.

La bande sonore du concert est audible dans la notule correspondante sur Carnets sur sol.



Certains récitants prennent le parti de l'hystérie façon Jeanne d'Arc (on pourrait presque les qualifier de lecture « critique »), d'autres d'un certain hiératisme, au risque de paraître un peu formel et figé.

Le parti pris de Sophie Marceau me séduit beaucoup, alors même que les acteurs habitués de l'amplification m'ont rarement paru adéquats dans ce genre d'exercice. Elle assume la présence de micros en ne se lançant pas dans une émission théâtrale projetée, mais reste très timbrée et n'abuse pas des murmures ; la posture est celle de la confiance extatique, et c'est sans doute la plus difficile à tenir, car elle réclame une adhésion intellectuelle (même feinte) sans faille de la part du récitant, sous peine de voir se briser l'illusion et de sombrer dans le ridicule de la fausse extase mal jouée. Et je dois dire que cette douce ardeur est réussie avec une assez belle constance et une maîtrise de l'équilibre, jamais emphatique, jamais empesée...

Dans le détail, on remarque la précision apportée au débit, pour que chaque syllabe sonne, ainsi que la perfection (rare) des consonnes.

Il est probable aussi que, bien que s'exprimant devant un public germanophone (trois soirs successifs à la Philharmonie de Berlin), elle avait beaucoup plus travaillé son texte que la moyenne des récitants, qui abusent trop souvent du privilège de conserver un pupitre pour ne pas trop les ouvrir avant la représentation. Le texte fragile de Gabriele D'Annunzio n'autoriserait pas les bafouillages, mais on est au delà de la simple netteté : pour obtenir le juste poids, et le réussir sur le vif devant un vaste public, il est vraisemblable que beaucoup de soin a été apporté à la préparation.

Afin d'éclairer le propos, je précise que je ne suis pas du tout à compter au nombre des inconditionnels de Sophie Marceau, dont j'ai trop peu fréquenté le legs pour avancer un jugement raisonné. En l'occurrence en tout cas, elle tient son rang mythologique.

Côté musique, le Philharmonique de Berlin offre évidemment une sûreté et une beauté qui sont au-dessus de tout reproche, et certains frémissements peuvent rappeler ce que Rattle a fait de mieux –€ notamment ses Shéhérazade de Ravel avec Kožená ou son Pelléas de Salzbourg (en 2004, avec Kirchschlager, Keenlyside et van Dam). Le Chœur de la Radio de Berlin offre de fantastiques demi-teintes comme à son habitude, même si l'articulation n'est pas idéale –€ leur spécialité étant davantage l'oratorio et le concert que les répertoires où le texte est réellement mis en avant. Je suis en revanche moins enthousiaste sur la distribution vocale : Susan Gritton, Monica Bacelli (une Mélisande) et Nathalie Stutzmann (une Geneviève) sont peut intelligibles, de style assez peu gracieux, et leur format leur interdit de toute façon les teintes diaphanes et les notes suspendues ou filées. Je n'ai jamais entendu une distribution qui m'emporte très loin, de toute façon, et il est vrai que la musique ne leur offre pas non plus beaucoup d'espace pour l'éloquence pure ; il est d'autant plus précieux que le récitant soit à la hauteur.

Pour ne rien gâcher, une voix de femme sied assez bien à la représentation qu'on peut se faire de Sébastien via l'iconographie, c'est un petit plaisir supplémentaire.

Merci à Xavier d'avoir attiré l'attention sur cette bande !


jeudi 1 août 2013

Henryk GÓRECKI - Amen Op.35 - M. Brewer

Sorte de cri extatique dont la répétition amène toujours de nouvelles moirures, un véritable moment de grâce –€ que je place tout à fait au sommet de l'œuvre de G€órecki, pas forcément prodigue en la matière.

Et faire six minutes aussi tendues sur les deux syllabes d'un même mot, et sans user de tuilages contrapuntiques, quel tour de force !

Version : Great Britain National Youth Choir, Mike Brewer (chez Delphian). On entend un peu de souffle sur les timbres, et les couleurs sont assez pâles.

J'ai donc réécouté la version de référence : Chicago Lyric Opera Chorus, Chicago Symphony Chorus, John Nelson (chez Nonesuch). Les voix sont peut-être un peu rugueuses (choeur d'opéra...), mais finalement très congruente avec l'esthétique massive de G€órecki, et la réverbération d'une vaste nef valorise très joliment le caractère fervent de ces pièces. Couplé avec le Miserere (aussi nu et répétitif que du vrai plain-chant), Euntes ibant et flebant, et plusieurs chœurs polonais d'inspiration traditionnelle.

mardi 23 avril 2013

Bruckner - Symphonie n°2 - Rögner

Contrairement à ce qu'on se dit quelquefois, les prises de son Eterna / Berlin Classics ne sont pas forcément suffisantes pour électriser. De même que pour les Beethoven et Bruckner de Herbig (chef admirable par ailleurs), très pondérés, cette messe semi-grégorienne avec la Radio de Berlin Est (Rundfunk Sinfonieorchester, Rundfunkchor) souffre un peu de voix féminines vraiment trémulantes, presque flétries. Cela sonne un peu épais pour le répertoire, la malgré la prise de son très flatteuse.

Ce choeur fantastique semblait ou peu adapté, ou en méforme.

Version très écoutable au demeurant, mais un peu hors-style, eu égard à ses sources d'inspiration.

vendredi 24 février 2012

Bach - Johannes-Passion - Fasolis

C'est une version que j'aime beaucoup, l'une de celles qui fonctionne de bout en bout, sans sentiment de longueurs ou de ruptures de tension, ce qui est très rare (en tout cas dans mon ressenti personnel). Pour être plus précis, j'en vois peu d'exemples (à part Suzuki, sans doute).

Sans éclat particulier quant à la distribution, mais sans écart non plus, tout est humble, merveilleusement conçu, et l'air de la consommation par Claudia Schubert constitue une réussite très impressionnante pour ce type de voix, sans doute moins facile à "fêler" que pour un falsettiste.

On notera la très belle idée des percussions funèbres dans le choeur d'entrée, comme des tambours de basque voilés de crêpe.

C.P.E. Bach - Markus-Passion

L'usage de la forme de la Passion dans un langage classique se révèle très réussi, et malgré la netteté et la rigueur inhérente à la grammaire musicale de ce courant (de plus dans son versant assez galant chez C.P.E.), on ne perd pas la force expressive des situations - même si on reste loin de la puissance de "la" Saint-Jean, ou de la Saint-Marc de Keiser.

jeudi 9 juin 2011

Bruckner - Messe n°2 - Rilling

Je crois que cette messe est réellement le chef-d'oeuvre de Bruckner. Entre ses références au grégorien et son ton post-mendelssohnien, il y a là quelque chose de totalement hors du temps, d'une beauté musicale ineffable, mi-mélancolique, mi-extatique.

Je nomme Rilling dans le titre parce que je le réécoute en ce moment même, et qu'il réussit particulièrement bien cette oeuvre, au même titre que les oratorios de Mendelssohn.

samedi 28 mai 2011

Carnet d'écoute : Antonín Dvořák, Requiem

En écoutant une version inédite de ce Requiem (avec Lucia Popp, ce qui a valu à l'archive radio de circuler parallèlement aux publications officielles), je suis une fois de plus frappé par sa force dramatique et sa qualité lyrique, alors que musicalement les moyens restent sobres. L'un des tout plus beaux du répertoire pour moi.

Versions suggérées : Ančerl II (1964, version avec Rose en soprano), Sawallisch, et sinon Mácal.

Versions déconseillées : Kertesz, Ančerl I (1959, abominablement filtrée dans la "Gold Edition", version avec Stader en soprano)

lundi 21 janvier 2008

Antonín Dvořák – TE DEUM

Incroyable jubilation quasiment transielle qui l'ouvre ; l'orchestre, avec ses timbales déchaînées mais jamais menaçantes, déborde d'une extase extravertie à faire peur.

Le reste de l'oeuvre retourne à un ton plus recueilli - avant toutefois d'exploser à nouveau dans une certaine allégresse finale. Le ton plus posé des airs de la soprane et des récits de la basse sonne plus légitimement solennel, mais toujours avec cet élan très sentimental que maîtrise si bien Dvořák.

Une oeuvre très surprenante, qui n'a sans doute pas les charmes du Requiem, porté de bout en bout par une inspiration sans égale, mais qui captive par ses choix - ainsi que leur belle réalisation.

A ranger aux côtés du Magnificat-passacaille H.73 de Charpentier, à la présentation duquel nous nous activons depuis quelques semaines.

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Interprétation écoutée :

Orchestre symphonie de Prague, Gaetano Delogu. Concert d'inauguration de la Salle Smetana de Prague, après sa restauration en 1994-1997. (Concert hélas inédit, au vu des superbes couleurs de l'orchestre, qu'on a déjà vantées sur CSS à propos du Concerto pour violoncelle de Dvořák.)

vendredi 4 janvier 2008

Walter Braunfels - TE DEUM

On classe régulièrement Walter Braunfels parmi les décadents, peut-être du fait de sa réhébilitation via feue la collection Entartete-Musik de Decca.

Il est vrai que l'agréable insolence d'un sujet comme Die Vögel ("Les Oiseaux"), livret qu'il réalisa lui-même d'après la pièce homonyme d'Aristophane, laisse entrevoir cette fantaisie du temps qui se manifestait notamment dans des livrets parfois simultanément triviaux, fantastiques, historiques, satiriques, et ciselés avec beaucoup de soin.

Cependant, musicalement, le langage demeure tout de même extrêmement proche d'un postromantisme assez orthodoxe, plus comparable à Reger [1], Humperdinck, Siegfried Wagner ou Pfitzner qu'aux postraussiens. Un héritier de Wagner en ligne directe, en somme.

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C'est en cela que l'écoute de ce Te Deum est révélatrice. Elle se montre même étrange ; tout est si traditionnel, avec une solennité parfaitement sérieuse, sans l'échappatoire de la dérision et de l'excès, si caractéristique des décadents.

En réalité, on songe plus au Bruckner liturgique (et même à celui très grandiose du Te Deum), au Holst de Mars, voire à Orff, qu'aux Viennois. Même si le langage, évidemment, demeure extrêmement soigné (et infiniment plus riche que chez les deux derniers). Comme dans la liturgie brucknerienne, on retrouve des moments d'appaisements, matérialisés par des entrelacements de voix solistes sur tempo plus modéré - bien qu'aucun tempo effréné soit jamais de mise -, d'inspiration quasiment mozartienne. On songe aussi à l'Offertoire du Requiem de Verdi [2].

Aucune velléité d'être novateur en tout cas, malgré la délicatesse de seconds plans orchestraux assez passionnants - ce millefeuille est assez caractéristique de la période et du décadentisme -, que Manfred Honeck, dans son concert de 2004 à la tête de la Radio Suédoise, n'exalte pas nécessairement dans leur entièreté. Il faut dire que malgré ses beautés, l'orchestration conserve quelques opacités de la tradition allemande (légèrement rehaussées d'écoutes de Berlioz, manifestement).

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La plus grande particularité se manifeste sans doute dans la scansion précipitée, étrange, du texte liturgique, comme poursuivant une transe sans fin. On touche parfois au minimalisme à venir, y compris dans l'orchestration.

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A propos de Braunfels.

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Notes

[1] Cf. fonction recherche de Carnets sur sol.

[2] Version ultime, libre de droits, disponible sur Carnets sur sol

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mardi 4 décembre 2007

Campra - REQUIEM - Niquet

Toujours ce 'plafonnement' qui tend vers le grave, ce caractère très ramassé de l'écriture vocale. Ce côté étonnamment massif et statique aussi.

De très beaux moments de majesté déplorante. Mais nettement plus besogneux qu'un Desmarest (ou qu'un Destouches), pour prendre les exacts contemporains. Quelque chose de plus appliqué, de plus banal.

Réjouissant néanmoins - si l'on peut dire en de pareilles circonstances.