Diaire sur sol

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lundi 4 mars 2024

Le plus beau rôle de ténor

En finissant de réécouter Haÿdée, et redécouvrant l'incroyable acte III que je n'avais pas ouï depuis quelques années (adieux à Venise, duo du dévoilement), je me fais la réflexion que, si le plus beau rôle de baryton est peut-être Ruthven, le plus beau rôle de ténor doit décidément être Lorédan.

Il est très rare de disposer pour un rôle de ténor de récitatifs aussi développés et éloquents, de grandes scènes qui ne soient pas essentiellement fondées sur le lyrisme, la ligne, les notes aiguës ou la vaillance. Par ailleurs, il est rare également que leur psychologie soit aussi travaillée – a fortiori pour un héros positif. (Mais finalement, comme ténor représentant un personnage d'autorité avec des faiblesses et qui a vécu, il s'agit sans doute d'un dispositif comparable à celui d'Éléazar dans La Juive d'Halévy, un autre rôle de ténor qui ne ménage pas sa part psychologique et théâtrale, opposé à un jeune premier à peine esquissé qui reste un personnage secondaire !)

jeudi 8 janvier 2015

Verdi — Il Trovatore — Giulini studio

J'ai toujours beaucoup aimé cette version, mais à la réécoute cette fois-ci, plus que par les belles atmosphères nocturnes, je suis frappé par la mollesse d'articulation de Giulini. Certes, c'est du Giulini, donc à part en prime jeunesse, toujours assez franchement indolent, mais ici, c'est au point que beaucoup d'accords, dans les récitatifs sont carrément en retard

Étrangement, la tension monte subitement à certains moments (final du II, très intense !), avec grand renfort de cymbales (mais vu que c'est aussi le cas avec d'autres orchestres et d'autres chefs, je suppose qu'il y a une part de responsabilité des ingénieurs de DG sur ce point précis). D'une manière générale, la seconde moitié de l'intégrale est beaucoup plus dense que le début extrêmement indolent (le « Prologue » explore même les confins de la léthargie).

Après ça, il est vrai que vocalement le quatuor est assez fabuleux, avec Plowright et Domingo certes opaques, mais insolents de santé dans leurs jeunes années — et, surtout, l'altier et mordant Zancanaro, et Fassbaender à son sommet, qui mixe avec de la voix de poitrine en permanence tout en ouvrant les voyelles, une enchanteresse magnétique à laquelle personne ne peut se mesurer.

mercredi 22 octobre 2014

Donizetti — L'Elisir d'amore — Ferro 1986 & Pritchard 1977

Je me suis replongé dans deux versions que j'avais très peu pratiquées (fasciné depuis toujours par Pidò / Dunlop, je remets presque tout jour ça lorsque j'ai envie d'écouter l'iÉlixir/i, ce qui arrive pourtant assez souvent).

Ferro 1986, avec Bonney, Winbergh, Weikl et Panerai.
Très chouette : bien chanté, avec élégance. Ce n'est pas du théâtre en barres, mais au moins, c'est délicat (or dans la discographie, les horreurs glottopathologiques du genre Bonynge-Sutherland-Pavarotti ou Levine-Battle-Pavarotti abondent).

Pritchard 1977, avec Cotrubas, Domingo, Wixell et Evans.
Et là, c'est la révélation. J'avais déjà trouvé ça bien, mais je bloquais sur Domingo : quand même un peu sombre et sérieux. En réalité, non : il allège au maximum, et non sans malice.
Contre toute attente, parmi les meilleurs (et bien d'autres reprennent ses tours). Cotrubas dans sa jeunesse, encore très légère, est fantastique d'espièglerie, et toujours cette couleur extraordinaire. Pareil pour Wixell, qui malgré son accent un peu prononcé sur les premières syllabes, fait du sillabando avec une rare aisance et de superbes variations chromatiques.
Et le plus fort, c'est la direction de Pritchard : on entend les détails avec nerf et ampleur à la fois, c'est beau et ça fouette, et on pénétère dans une partition non sans beautés, et jouée avec une ardeur rare, comme si les musiciens étaient totalement possédés par le scénario de Scribe.
Seule réserve, le Dulcamara d'Evans un peu gras et embarrassé, pas très intéressant, mais enfin, vu la qualité du reste, on ne va pas se plaindre.

Pritchard égale, au minimum, Pidò dans mon estime. Je suis amené à le réécouter souvent (ce que j'ai déjà fait, soit dit en passant).

J'en profite pour redire combien je suis à chaque fois impressionné par cette œuvre : comment Donizetti peut-il, une seule fois dans sa carrière, prodiguer autant de mélodies, d'effets, de modulations subtiles, de rythmes assez déjantés (beaucoup de départs un peu bancals, de syncopes, d'accentuations sur des syllabes faibles, de gammes corrompues…), de jolis effets d'orchestration (le jeu des bassons qui imitent les cors tandis que les cors font autre chose, à la fin du I !)… et avoir produit tant d'immondes daubes supposément sérieuses à côté ?

Et ce n'est même pas comme Rossini, une veine comique indépendante : Don Pasquale ressemble à… du Donizetti. :|

J'en déduis qu'il aurait dû adapter Scribe plus souvent.

jeudi 21 août 2014

Beckmesser jouvenceau – Die Meistersinger par Alden, Eröd & M. Albrecht


Outre qu'il s'agit de l'une des versions les mieux chantées de ces dernières années (Mayer en Sachs, Miles en pleine forme pour Pogner, Oliemans en Kothner, Blondelle en David et, comble du luxe, Adrian Eröd en Beckmesser), les mieux jouées aussi (pas étonnant, avec le Philharmonique des Pays-Bas, l'un des meilleurs orchestres du monde, d'un niveau d'engagement sans comparaison avec le Concertgebouworkest d'aujourd'hui)… l'ensemble est visuellement très intéressant.

Des bandes vidéo de la télévision néerlandaise circulent, et la mise en scène se classe parmi ce que Christopher Alden a commis de mieux, jouant habilement de références temporelles croisées qui soulignent assez bien les différences de statut et de contraintes des personnages, généralement plus abstraites dans ce Moyen-Âge de fantaisie.

La trouvaille majeure, plus que scénographique, tient dans le traitement du caractère de Beckmesser : Adrian Eröd, dans son ensemble violette, campe un jeune dandy très éloigné du barbon grotesque (et peu intéressant) que l'on (se) représente traditionnellement. Sa taille fine, ses talents d'acteur exorbitants, son verbe qui sonne et sa voix qui claque (même s'il est mille fois plus impressionnant en salle) permettent d'explorer l'option très à fond. Ses pédanteries le rendent peut-être encore plus odieux, mais en réalité, cela fonctionne bien mieux, et il campe un rival tellement plus adroit et inquiétant… On pourrait faire le même genre de chose pour Mime, au lieu de le représenter en nabot perfide et prévisible — suis-je le seul à être désespéré lorsque Siegfried tue son père sur un coup de colère ?

Par ailleurs, même si cela tord un peu le contexte originel, les Maîtres qui jouent de vieux instruments passés de mode leur donne quelque chose de ce lustre légèrement ridicule que voulait, il me semble, Wagner.

Version très stimulante, trouvable pour l'instant sur les grosses plates-formes vidéo.

lundi 9 juin 2014

R. Strauss – Der Rosenkavalier – R. Ticciati, R. Jones

Le Festival de Glyndebourne propose, comme chaque année désormais, ses productions-phares en accès libre sur son site pendant quelques jours (jusqu'au 15 juin, en l'occurrence).

http://glyndebourne.com/Festival-2014-in-cinemas

Le titre choisi est un grand classique, mais servi par des chanteurs dont la renommée n'est pas encore immense (Teodora Ghoerghiu en Sophie, Andrej Dunaev en Chanteur Italien), ne l'a jamais été (Michael Kraus en Faninal), voire tout de bon des chanteurs sans renommée particulière (Tara Erraught en Octavian, Lars Woldt en Ochs, Robin Ticciati à la direction).

Tous très valeureux, mais pas de surprises majeures : Dunaev s'épanouit autrement en russe, dans des rôles plus nuancés où il introduit pourtant une forte intensité vocale ; Erraught, très bien au demeurant, dispose d'un vibrato disgracieux (grande amplitude, et détimbrage pendant les « battements ») et n'est pas une très grande actrice. Je me demande d'ailleurs pourquoi Lucy Schaufer, présente dans la production Marelli de Hambourg, énergique vocalement et d'une crédibilité scénique extraordinaire, ne fait pas davantage parler d'elle à l'international.

Parmi les célèbres, pas d'immenses étoiles (Gwynne Howell en Notaire, on est loin du luxe absolu tout de même). Richard Jones fait une lecture qui souligne bien le phénomène de cour, mais en exaltant exagérément le mauvais goût (pourquoi, chez la Maréchale, alors que tout repose sur l'opposition des mondes ?) : ce n'est pas très beau, ça ne bouge pas beaucoup, ça ne raconte pas grand'chose. Il était autrement inspiré dans L'Enfant et les Sortilèges à Garnier.

Quant à Kate Royal en Maréchale, c'est la grande surprise : je l'avais découverte en Woglinde, pleine de mots et irradiant de fraîcheur, avant de trouver que sa promotion précipitée avait terni le timbre (un peu durci, un vibrato où le timbre devenait plus gris)... et je la retrouve comme au premier jour, dans un rôle a priori inaccessible pour le lyrique léger qu'elle était. Éloquence naturelle, clarté du timbre malgré la tessiture basse... une grande Maréchale. Il est si rare que les voix, dans le tourbillon de la carrière, puissent ainsi inverser le cours de leurs problèmes vocaux, que c'en est doublement réjouissant, au delà de la qualité de l'interprétation !

samedi 7 juin 2014

The Romantic Hero – Récital français de Vittorio Grigolo

Écoute du récital qui vient de sortir, The Romantic Hero, où il n'y a aucun héros, et qui est tout en français. Bref.

L'énergie articulatoire très importante qu'il sollicitait jusqu'à présent pour atteindre ses aigus semble avoir disparu. Très beau récital, très bien chanté, stylé (malgré une couverture audible des sons), avec une belle voix homogène, ni claire ni sombre.

Côté répertoire, uniquement des hits du milieu du XIXe (1835 à 1892) : La Juive, L'Africaine, Faust, Roméo, Hoffmann, Carmen, Manon, Le Cid, Werther.

Très beau partenariat avec Yoncheva, Pidò et la RAI en grande forme – on a rarement entendu aussi poétique pour Manon. Car, contre-intuitivement sans doute, on ne trouvera pas un pouce d'épate dans ce récital vivant mais très sobre.

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Aucun répétiteur de français n'a été maltraité pendant l'enregistrement – il n'y en avait pas. Témoin ce vers de Werther : « Ils ne trouveront plussss que deuil et que misère ».
Mais le français de Grigolo est très bon, autrement, même pas italianisant, à de très rares instants près.

Rameau – Les Indes Galantes – Reyne

Le disque des représentations viennoises vient de paraître...

J'aime beaucoup. Techniquement, on est loin de la perfection léchée de Christie (ou même des récentes représentations avec Rousset), mais il y a là une simplicité et une vérité théâtrale que je trouve extrêmement prenantes. Les continuistes ne sont pas les meilleurs, les chanteurs n'ont pas tous des timbres agréables (Gabail et Geslot, je suis toujours séduit, mais on peut ne pas adhérer), et pourtant, il y a, jusque dans les imperfections, une générosité discrète que j'aime beaucoup.

Au disque, un premier choix (a fortiori considérant que le studio Christie, comme son Atys, est extrêmement figé).

dimanche 6 avril 2014

Debussy – Pelléas & Mélisande – Angers-Nantes 2014 : d'Oustrac, Noguera, Lapointe, Kawka

Représentations et retransmission très attendues. Le résultat est intéressant, car il n'intéresse pas où on pouvait le prévoir.

La surprise n'émane pas des deux barytons : le premier, Armando Noguera, est un peu robuste pour le rôle (et son français coloré d'un accent qui ne l'aide pas), pas particulièrement subtil dans les intentions – étant difficile d'auditionner pour Pelléas, il a dû impressionner grandement par son la 3, d'une sûreté et d'un éclat admirables en effet.

Quant à Jean-François Lapointe, il doit être marquant en salle, comme souvent, mais en retransmission, la voix paraît forcée, comme si ce Pelléas s'efforçait sans cesse d'entrer dans les chaussures de Golaud – le déplacement forcé du centre de gravité est audible. Sinon, son portrait de Golaud, vif et assez brutal, à l'élocution directe et claire rejoint de près celui d'un autre métamorphosé, François Le Roux – sans la même variété d'intentions, mais il est probable, vu l'instrument et les habitudes du style, que ce devienne un grand Golaud, à l'instar de Laurent Naouri (qui avait fort mal commencé, d'ailleurs, comme en témoigne le terne disque Naïve).

Stéphanie d'Oustrac était un vrai pari : serait-elle trop incarnée dans un rôle évanescent, trop charnue pour le mystère, trop affirmative pour l'absence de réponse ? On pouvait espérer que sa générosité tire Mélisande du côté d'un personnage fascinant par son verbe et sa présence, quitte à être plus décidé qu'à l'ordinaire. À l'écoute (mais ici encore, prise de rôle), c'est plutôt l'hypothèse négative qui se confirme : la voix est vraiment celle de Geneviève plutôt que d'une Mélisande mezzo-soprano ; d'abord techniquement, car les transitions sont audibles dans le médium aigu, et les allègements impossibles ; la diction aussi est intimement liée à l'émission lyrique, et pas « indépendante » comme chez la plupart des grands interprètes de Pelléas, ce qui rend la mobilité expressive plus difficile, alors qu'elle est capitale en Mélisande. Pis, les contrainte vocales mènent parfois d'Oustrac à adopter un ton d'autorité, voire d'agressivité, que je peine à relier à Mélisande malgré mes bonnes dispositions envers son inspiration d'interprète. Dans le grave, la lourdeur de l'instrument (terni par la tessiture) n'a plus grand rapport avec les aphorismes d'un rôle conçu pour la touche légère des sopranos pépiants (Mary Garden).
Néanmoins, pour qui l'a entendue en salle, on devine, malgré un petit abus de couverture (sans doute la prudence des premières représentations), la présence physique de la voix, toujours très saisissante.

En somme, pas de quoi faire un disque sans doute, mais ce devait être très dépaysant et très chouette dans la salle.

Certes, on a pris la peine de distribuer Geneviève à un instrument plus sombre, grâce à l'excellent mezzo grave Cornelia Oncioiu, mais on se retrouve finalement avec une Mélisande-Geneviève et une Geneviève trop héroïque, là où la partition requiert peu de volume au profit d'une déclamation délicate.

Mais la soirée reste fascinante, contre toute attente du côté orchestral : l'Orchestre National des Pays de Loire, malgré sa modestie en virtuosité et timbres, joue impeccablement une partition qu'il possède à la perfection, et la familiarité avec la partition de Daniel Kawka, spécialiste de la musique contemporaine, est complètement audible. Transparence maximale qui n'est pas seulement due à l'effectif réduit, je ne crois pas avoir déjà entendu une telle radiographie de Pelléas, où les motifs sont exaltés sans être jamais soulignés, et où la mise en valeur de chaque plan n'empêche pas une poussée permanente. Il faut au moins écouter la scène de la grotte (II,3), miraculeuse... chaque détail est saillant, et pourtant on a l'impression d'être sans cesse rejeté par l'avant. Et quelle élégance suprême dans le grand duo de l'acte IV – par exemple le hautbois dans « on dirait qu'il a plu dans mon cœur », qui prend son temps avec liberté, ineffable comme jamais.
Les équilibres, les respirations, tout force l'admiration. Une des grandes directions de Pelléas.

samedi 22 mars 2014

Rameau – Les Indes Galantes – Rousset, Scozzi

En regardant des extraits de la production, créée à Toulouse il y a deux ans, donnée à Bordeaux il y a un mois, je suis frappé encore une fois par la virtuosité de Laura Scozzi. Musicalement, ce n'est évidemment pas le meilleur répertoire de Rousset, dont le manque d'entrain se ferait sentir en audio seul... mais visuellement !

Les transpositions scéniques sont très souvent un aveu d'inculture, d'absence d'inspiration ou d'intérêt, une excuse pour ne pas parler du sujet... ici, je suis au contraire impressionné par la justesse de la conception de Scozzi. Ces Indes de Rameau, qui paraissent si conventionnelles aujourd'hui avec leur exotisme stéréotypé et confit, sont remplacées par nos propres stéréotypes, non plus ceux de la littérature à la mode, mais ceux qu'on trouverait dans un cycle d'info de 24h : naufrage d'Européens sur des rivages lointains, affrontements mafieux en Amérique Latine, paradoxes de la condition féminine en Iran (naviguant entre théorie oppressive, réalité plus libre, et tout de même des exactions spectaculaires qui font les unes internationales), et surtout la savoureuse entrée des Sauvages, décrivant à la fois l'étrangeté de la société de consommation... et le retour à l'état de nature après la crise.

Je doute, tout pertinent que ce puisse être, que cela ait pu fonctionner si le trait avait été lourdement didactique ou téléologique ; mais bien loin d'épiloguer sur sa substitution (intéressante pourtant), Laura Scozzi brille surtout par ses talents de chorégraphe... les tableaux se succèdent au fil de pantomimes d'un esprit épigrammatique assez irrésistible, dans le goût de la Guerre des Sexes du dernier acte de Platée chez Pelly-Minkowski, dont elle avait elle-même réglé les chorégraphies.

Ce n'est pas beau visuellement, on peut considérer le résultat trop invasif sur la musique, ou exagérément éloigné du propos d'origine (plus allégorique et esthétisant que démonstratif et prosaïque), mais il est difficile de ne pas être impressionné par ce que le spectacle révèle d'intelligence, à tous les sens du terme.

La vidéo reste visible sur CultureBox : http://culturebox.francetvinfo.fr/les-indes-galantes-de-rameau-a-lopera-national-de-bordeaux-148215 .

jeudi 27 février 2014

Transposer pour dire moins

Il arrive fréquemment que les transpositions scéniques diminuent le propos de la pièce originale, parce que les références littérales se perdent dans les sables d'un nouveau système symbolique.

Mais il est aussi possible, en réussissant sa transposition, de changer un propos audacieux en... autre chose.

En revoyant des extraits du Così fan tutte de Calixto Bieito, je me faisais cette remarque. Je ne suis pas pleinement convaincu par la direction d'acteurs et par nombre de détails, mais le déplacement dans les relations libres du Flower Power paraît cohérente avec le récit de la pièce.

Seulement : le milieu de départ des sœurs n'est absolument pas libéral ; en le transposant, on fait d'une histoire subversive sur l'impossibilité de la fidélité (et les conséquences dévastatrices de liens possessifs et exclusifs) une histoire qui montre au contraire les déboires de hippies qui se croient libres mais ressentent de la jalousie. Au lieu de critiquer la société, on critique les marginaux.
Pour un metteur en scène présenté comme sulfureux, ça fait désordre à force de faire petit-bourgeois.

C'est l'un des effets secondaires possibles de la transposition : sauf à être totalement maîtrisée et motivée par la nécessité de montrer un aspect précis de la pièce, on convoque des références exogènes et contradictoires dont on maîtrise mal les implications.

[Par ailleurs, j'apprécie d'autres lectures de Bieito, par exemple son Wozzeck asservi par le travail, très probant.]

Hjalmar Borgstrøm – le manuscrit autographe de Thora på Rimol

Après des années à l'espérer, j'ai enfin mis sur la main sur l'autographe de Thora på Rimol de Hjalmar Borgstrøm !

L'Ouverture est encore mieux écrite que je croyais, vraiment originale, remarquablement orchestrée (pas mal de points communs avec Sibelius), beaucoup de belles appoggiatures, d'appuis pas tout à fait sûrs, de ternaire qui surgit... Une multitude de petits procédés pour donner de l'élan en fin de mesure (triolets...) ou de la tension aux débuts (par l'orchestration ou l'harmonie).

À défaut de programmer l'opéra, somptueux, il faudrait au moins jouer cette pièce en concert, largement du niveau des ouvertures d'Oberon ou d'Euryanthe...

...

Plus loin, tandis que la mezzo descend au fa#2, l'accompagnement se limite à un tapis (thématique) de cor anglais, clarinette, deux bassons et harpe !

Après les grands éclairs qui accompagnent les craintes de Karker, voilà le grand récit de baryton parcouru de leitmotive enivrants... on n'avait rien écrit de tel depuis le monologue du Fliegende Holländer.

Le disque, lui, se trouve – et pour ne rien gâcher, il est merveilleusement interprété et capté.

samedi 18 janvier 2014

Reynaldo HAHN – La Colombe de Bouddha

(Temple du Luxembourg, mercredi 15 janvier.)

Très belle partition aux harmonies raffinées (on y entend généreusement des orientalismes debussysants), un plateau très investi (avec en particulier Loiseleur des Longchamps excellent dans le registre rêveur, et Jérôme Varnier toujours aussi magnétique). Par-dessus tout, l'accompagnement au piano de Paul Montag ne donne même pas envie d'entendre la version orchestrée !

Enregistrement en cours et démarchage amorcé pour faire monter la pièce en version scénique. Si certains se sentent une âme de mécène...

dimanche 20 octobre 2013

Rameau - Les Surprises de l'Amour - Sébastien d'Hérin


Une nouveauté dont j'attendais peu, mais qui se révèle remarquable.

1) Malgré sa forme (opéra à entrées, donc à peu près sans intrigue), le livret de Gentil-Bernard (le librettiste de Castor & Pollux) parvient à ménager des climats avec une grande célérité, si bien que le peu de mots disponibles est bien exploité.

2) La musique de Rameau est assez bonne, même dans les récitatifs – ce qui n'a jamais été son point fort pourtant, malgré les raffinements harmoniques nouveaux qu'il y dispense.

3) Les grands ensembles spécialistes se sont un peu encroûtés : les Arts Florissants ne jouent quasiment plus de nouveautés depuis dix ans (et disposent désormais d'un son exceptionnel, digne d'un orchestre symphonique), les Musiciens du Louvre ne jouent plus de baroque (et leur son s'est considérablement lissé, témoin leur Alceste récente), les English Baroque Soloists n'apparaissent plus que dans Bach (sinon les musiciens jouent surtout du XIXe, sous le nom d'Orchestre Révolutionnaire et Romantique), d'autres restent fragiles (La Grande Écurie et la Chambre du Roy, Les Talens Lyriques...), et même Harnoncourt a largemnt embourgeoisé ses manières, avec des textures moins acides, des phrasés moins brusques... et la fréquentation majoritaire des grands orchestres symphoniques.
Les ensembles plus récents se caractérisent majoritairement soit par leur sècheresse percussive (pour ceux spécialisés dans le seria, comme Mathéus ou Modo Antiquo), soit par une attitude plus apaisée et lisse (Le Concert d'Astrée, typiquement).

Les Nouveaux Caractères me font retrouver la verdeur des timbres des premiers ensembles baroques, leur personnalité violemment différente, mais avec un niveau de facture instrumentale et de technique individuelle très supérieur. Les avantages des deux périodes, d'une certaine façon. Le petit ensemble (2x4 violons, 3 altos, 3 violoncelles dont un continuiste, 1 contrebasse) n'est pas tout à fait chambriste, mais permet d'oser des couleurs très particulières. Par ailleurs, les souffleurs sont d'un niveau assez exceptionnel, aussi bien flûtes et piccolos que cors, j'en ai rarement entendus d'aussi bien timbrés, maîtrisés et chantants dans ce répertoire.

Je n'ai jamais entendu d'aussi belles danses dans Rameau, c'est à mettre aux côtés (et même au-dessus, me concernant) des Suites de Brüggen et des intégrales de Gardiner. Le sens du mouvement, bien sûr, mais aussi le caractère de chaque danse, et une grâce omniprésente.

4) Vocalement, on dispose des meilleures voix, dictions et styles dans le domaine : Virginie Pochon, Amel Brahim-Djelloul, Anders Dahlin, Jean-Sébastien Bou, Pierre-Yves Pruvot...

mercredi 28 novembre 2012

Grétry - Le Magnifique - Ryan Brown, Opéra Lafayette

Opéra comique de bonne facture, livret de Sedaine d'après La Fontaine ; pas le sommet de Grétry, mais écrit avec beaucoup de soin, on ne se limite pas aux formules figées.

Ryan Brown un peu plus vif qu'à l'accoutumée (contrairement au sinistre Déserteur de Monsigny, ravagé par l'indolence...), même si la pièce perd l'essentiel de son intérêt à cause de la suppression de l'ensemble des dialogues.

Plateau masculin de spécialistes : Jeffrey Thompson (parfait en soupirant vindicatif et ridicule), Emiliano Gonzalez-Toro, et très belle découverte du jeune Karim Sulayman, délicieux léger à la belle diction.

dimanche 25 novembre 2012

Debussy - Pelléas & Mélisande - Auberson 1969

Il est extraordinaire d'entendre aussi bien le son du théâtre, prise de son manifestement depuis la salle (archives du théâtre). Un climat formidable se dégage de la soirée, et Eric Tappy y est remarquable (alors que ses nasalités poussives sont très pénibles dans le studio d'Armin Jordan, dix ans plus tard). Avec Erna Spoorenberg et Gérard Souzay. Les bois très français de l'Orchestre de l'Opéra de Genève sont assez stridents et pas très justes, mais l'ensemble dégage une atmosphère très prégnante. Une grande version de Pelléas.

Verdi - La Traviata en allemand

Parmi les séries extraordinaires d'extraits de Berlin Classics par Patané (la plupart avec Dresde !), ce volume est particulièrement précieux, je l'écoute très souvent. Une tension, une beauté sonore, un texte détaillé, une prise de son hallucinante... ce qu'on peut faire de mieux dans un disque. Pitié, vraiment, que Patané n'ait pas enregistré tous ces opéras en intégralité, ce sont tous, au moins orchestralement, des références.

Avec Annelise Rothenberger, Anton de Ridder, Wolfgang Anheisser, Staatskapelle Dresde, Giuseppe Patané. Berlin Classics.

samedi 10 novembre 2012

Verdi - Ernani - Previtali 1958

Malgré toutes les limites imposées aux fulgurances de l'original par la censure et ce langage musical post-belcantiste, la partition recèle des ensembles remarquables et surtout des instants de récitatifs qui figurent parmi les plus grands moments de tout Verdi. Par exemple"Il vecchio Silva stendere" au milieu de la première cavatine... à rapprocher de "Ne m'ebbe il Ciel" dans le Trouvère, ou de "Ah taci, il vento ai tiranni dans Boccanegra''.

Version : RAI Roma, Fernando Previtali, 1958. La version affiche Mario Del Monaco, assez sobre, toujours prompt aux belles agitations agogiques et dramatiques, même si le legato n'est pas toujours aussi soigné (personnellement, c'est davantage tant mieux que tant pis !) ; lecture très intense qui cadre mieux avec le caractère du personnage que les ténors des autres versions couramment distribuées (Bergonzi, Pavarotti...). Mario Sereni est moins raffiné qu'en studio avec Schippers, mais évidemment tout aussi électrique. Siepi dans ses années d'apprentissages, pas encore très mobile dramatiquement (sauf dans sa superbe fureur du II), mais voix abyssale. Constantina Araújo est la moins célèbre de la distribution, et non sans raison : la voix a un grain ancien (plus proche de Caniglia que de Stella, ou même de Tebaldi) tout à fait agréable, mais elle chante très faux dans les aigus (très bas, régulièrement d'un ton... ce soir-là le haut de la tessiture ne passe pas), ce qui handicape un peu la tenue des ensembles, déjà que les autres chanteurs ne sont pas des modèles de sobriété.
Interprétation cela dit très intense, l'une des rares où la tension est constamment tenue.

Verdi - Nabucco

J'ai beau voler d'enregistrement en enregistrement, la partition exige des écarts de dynamique qui passent assez mal au disque. Et de façon un peu systématique.

En revanche, la variété de l'orchestration (soli, associations vents-cordes pour changer la couleur, fanfares hors-scène, figuralismes) et l'usage de procédés harmoniques peu ordinaires dans la musique italienne de l'époque (marches harmoniques notamment) ont sans doute sonné comme une déflagration dans le paysage sonore d'alors. Il suffit de comparer avec n'importe quel autre opéra italien entre 1800 et 1850 : en dehors de Norma de Bellini et du Diluvio Universale de Donizetti (et tous deux bien en deçà), les autres ouvrages se situent à des années-lumières des explorations de Nabucco, même si elles peuvent paraître (et elles le sont !) tapageuses et schématiques.

Version : Oren chez Auvidis. Belle version cursive, qui n'exalte pas forcément le rythme, mais qui évite le bruit. Et très belle distribution (Guleghina, Armiliato, Bruson, Furlanetto).

vendredi 24 février 2012

Boris BLACHER - Music for Cleveland

Musique brillante et virtuose tout à fait sympathique, à défaut d'être profonde : très clairement une pièce de démonstration.

Ce qui m'amuse est surtout d'entendre un certain nombre d'échos orchestratoires de Nielsen - je me demande si Blacher s'y était plongé ou s'il s'agit d'un héritage plus global du premier vingtième siècle.

(Ecouté dans la version du Berlin Deutsche Symphonie-Orchester, dirigé par Ashkenazy chez Ondine.)

Boris BLACHER - Der Grossinquisitor

Objet très étonnant, avec choeur et baryton solo, de très beau extraits de modalité en hommage à la Renaissance, vraiment une composition atmosphérique assez réussie, même sur sa durée.

(Se trouve par Kegel chez Berlin Classics.)

jeudi 11 août 2011

Bruneau et Lazzari

Etonnant, une des cellules musicales récurrentes de L'Attaque du Moulin rejoint celle de la vindicte dans La Lépreuse de Lazzari... Deux drames naturalistes français de la même période.

A creuser.

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Au demeurant, j'ai le souffle coupé par la beauté de L'Attaque du Moulin de Bruneau. On est très loin du Rêve (que j'ai aussi joué) et de Messidor, ou même du Requiem, question inspiration musicale !

samedi 11 juin 2011

Stephen Schwarz - Wicked

Ce succès de Broadway reste, sur la longueur, une histoire d'amitié mêlant le quotidien adolescent à la magie, dans une langue musicale extrêmement consonante et lisse - ce qui est certes la norme à Broadway, mais cela n'empêche pas l'inspiration dans les meilleures partitions.

Mais je nourris une tendresse toute particulière pour le tube "Defying gravity", très belle gestion dramatique d'un moment, et pourvu d'une composante glottophile non négligeable. [Au point d'en collectionner les versions (langues et représentations), une mine d'informations techniques sur le belting !]

Par ailleurs, d'autres moments, avec l'aide de la scène et de chanteuses aussi virtuoses verbalement que Kristin Chenoweth, peuvent se révéler délicieux, comme "Popular", assez amusant en dépit d'une substance musicale sans intérêt.

Giuseppe Verdi - Don Carlos - premier duo Carlos / Posa

La version originale de ce duo est certes moins prenante, moins sophistiquée harmoniquement, moins mélodique et continue que dans la révision italienne. Mais comment ne pas être frappé par la gestion incroyable du silence, où les voix claquent, nues, dans cette lecture française !

Franz Liszt - Don Sanche ou le château d'amour - Tamás Pál

Ce premier et unique opéra de Liszt, composé à l'âge de treize ans, est d'une qualité proprement scandaleuse. J'aime souvent à y revenir pour sa couleur franche et optimiste, il y a là un côté rossinien légèrement lissé qui est très poétique et très séduisant, sans la platitude des formules figées italiennes, et de superbes récitatifs français.

L'unique version, par Tamás Pál (chez Hungaroton), est très réussie, dans un français pas toujours idéalement clair mais jamais déformé, toujours élégant, et dominé par la très belle couleur mixte de Gérard Garino dans le rôle-titre.

Massenet - Cendrillon - Minkowski

En réécoutant régulièrement l'oeuvre, déjà présentée sur CSS, je demeure toujours très impressionné par la diversité et la fusion des styles (aussi bien pour le texte que la musique), avec ces nombreux archaïsmes à la fois très inspirés et très intégrés, peut-être plus fort encore que dans Panurge qui n'a pas ce défi de l'hétérogénéité.

Le motif de Madame de la Haltière est particulièrement heureusement trouvé.

samedi 28 mai 2011

Carnet d'écoute : Les Contes d'Hoffmann version Keck

En réécoutant les représentations de Lausanne 2003 (Minkowski, Delunsch dans les quatre rôles, D'Oustrac, Miller, Naouri, Cole), je suis frappé par le caractère décousu et les nombreux va-et-vient dans la temporalité. On dispose ainsi du début de l'acte I pendant la fin du Prologue, et autres inversions étranges.

L'oeuvre, inachevée, donne le plaisir d'entendre très souvent des éditions différentes, et celle-ci est particulièrement dense musicalement (même si, à titre personnel, j'ai plus de tendresse pour les choix Choudens de la sérénade de Niklausse et de l'air de Coppélius), et très tenue dramatiquement. Les dialogues sont finement gérés également, sans doute comme l'ensemble largement rendus crédibles par l'intervention de Minkowski.

Mais indépendamment de ces beautés, l'intrigue demeure tout aussi emberlificotée dans l'inachèvement de la partition, malgré les inédits prévus par Offenbach que Jean-Christophe Keck a restitués.

En revanche, le rétablissement de l'ordre originel des actes procure, dans cette version comme dans les autres, une couleur plus pessimiste à l'évolution amoureuse du personnage (qui finit par se tourner vers les courtisanes, au lieu d'en faire une expérience de jeunesse comme dans les romans d'apprentissage), tempéré toutefois, chez Keck, par le retour de Stella à l'issue de l'opéra, même si elle manque Hoffmann.

jeudi 2 juillet 2009

Troisième Concours International d'Art Lyrique de Strasbourg - 2 - Jung Seung-Gi


Ce jeune baryton coréen a lui aussi écumé les grands prix, et remporté en 2008 le premier prix masculin du Concours International de Chant de Toulouse.

Urna fatale del mio destino de la Force du destin de Verdi ; Scintille, diamant des Contes d'Hoffmann d'Offenbach.

Une voix typiquement coréenne : valeureuse, solide, mais assez froide. Cette voix a un côté incontestablement italien, avec des résonances riches dans les os de la face (le fameux masque), quelque chose d'un peu agressif et brillant ; mais aussi un côté forcé. C'est fréquent dans cette école de chant : il reste un appui assez guttural, qui sonne presque braillé, comme une mauvaise imitation de la volonté de faire du bruit à l'Opéra.
Autre problème récurrent, les notes de transition musicale qui ne sont pas longtemps tenues (par exemple les ornementations de type gruppetto comme dans le Verdi) sont mal timbrées, avec des sonorités qu'ont les débutants qui ne soutiennent pas - c'est-à-dire qui ne font pas reposer les notes sur le souffle et poussent avec la gorge.

Entendons-nous bien, c'est techniquement extrêmement solide ; mais l'aspect général n'est finalement pas très séduisant, et il faudra que les écoles coréenne et chinoise intègrent (c'est partiellement le cas en Corée depuis assez longtemps), particulièrement pour les voix d'homme, ces paramètres si elles veulent séduire. Déjà que cela demande un effort de mémorisation (beaucoup de patronymes identiques, de Kim ou de Lee), si en plus leurs voix paraissent interchangeables ou banales, ils conserveront sur le dos ce cliché de standardisation.

Jung Seung-Gi a en plus un problème de vibrato, qui chevrote un peu, paraît artificiel. On peut aussi s'inquiéter de sa façon d'émettre les aigus déjà en deux fois, très clairement sur le modèle de Leo Nucci (la mâchoire se décroche alors que le son a déjà commencé à être émis). L'école italienne se manifeste aussi dans sa façon très traditionnelle de couvrir les sons ([a] dans l'aigu est ainsi émis [o]).

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Côté interprétation, on ne peut pas nier, sans que ce soit brûlant, qu'il y ait de l'investissement de sa part ; mais comme souvent, il existe une réserve dans cet engagement : le personnage est incarné, mais le texte paraît totalement abstrait (une petite faute d'articulation d'italien en plus à la fin de l'air).

Mêmes remarques pour l'air des Contes, où l'aspect forcé est plus désagréable évidemment, avec un français très international mais correct.

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En somme, une voix très valeureuse, pleine de sûreté, qui ne déparerait pas une distribution. Quelqu'un que les directeurs de théâtre seront heureux d'avoir. Mais qui ne deviendra pas un chanteur majeur du circuit, vu les réserves qu'on a exprimé.

Et encore une fois, même si on peut le regretter, la nature exotique du nom et de l'aspect demandent un surcroît de qualités pour être reconnus en Europe. Il y a aussi le fait que cette approche très vocale et un peu uniforme du chant ne correspond pas à la culture d'opéra telle qu'elle existe en europe - où la seule puissance, pourtant très vantée, n'est finalement pas autant valorisée dans les faits que la beauté du timbre ou la personnalité de la voix.

mercredi 1 juillet 2009

Finale du Troisième Concours d'Art Lyrique de Strasbourg - 1 - Anna KASYAN


Anna Kasyan, soprano lyrique léger géorgien, est bien connue des concours de chant. On l'avait déjà entendue au Concours Reine Elisabeth 2008, où elle avait été finaliste.

Air de Rosina dans le Barbiere de Rossini ; cavatine de la petite table dans Manon de Massenet.

Le français est assez moyen, l'italien marqué par ses ascendances slaves, correctement international. C'est tout à fait professionnel, mais sans timbre individuel ou séduisant, ni grâce. Le suraigu est très dur. Par ailleurs, le jeu n'est vraiment pas bon.

Pas passionnant, disons.

Finale du Troisième Concours d'Art Lyrique de Strasbourg - 0 - modalités

La présentation de notre projet et l'adresse du visionnage se trouvent sur Carnets sur sol.

dimanche 25 janvier 2009

Georges Aperghis, Avis de Tempête

Mauvais bricolage de non-Shakespeare, avec des sons électroniques trop proches, très acides... assez inécoutable sans le visuel, d'autant que le livret n'est pas fourni dans le disque, manifestement...

Le texte est de toute façon inintelligible et trop mixé pour prendre sens.

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Dommage. On en revient donc à la recommandation des indispensables et poétiques Machinations pour quatre voix de femme et ordinateur, sans nul doute l'Everest de la musique électronique du vingtième siècle.

samedi 24 janvier 2009

Chaconne de Didon de Desmarest

J'écoute en ce moment même la (longue !) chaconne de Didon, sur le modèle de celle d'Armide, avec haute-contre soliste et choeurs.

Comme je l'avais déjà signalé, la parenté mélodique avec le divertissement (également à l'acte I) de Cadmus est patente. Mais entendre cette tournure très heureuse sur près d'un quart d'heure, quel délice !

Une particularité de cet opéra : les divertissements de fin d'acte sont toujours suivis d'une reprise de l'action qui les prolonge et qui annonce l'acte suivant. (C'est comparable à l'acte II de Pyrame & Thisbé de Francoeur & Rebel.)

Mystère

Amusant : alors que le lamento du III d'Armide me semblait plus réussi chez Herreweghe au disque que chez Christie dans la salle, et que c'était l'inverse pour le monologue du V, plus précis et intense pour D'Oustrac, à l'écoute de la captation radio des mêmes soirées, tout change.

samedi 3 janvier 2009

Strauss - DER ROSENKAVALIER - Karajan Vienne 1960

  • Die Marschallin : Lisa Della Casa
  • Octavian : Sena Jurinac
  • Sophie : Hilde Gueden
  • Baron Ochs : Otto Edelmann
  • le chanteur italien : Nicolaï Gedda

Vienne se prend totalement les pieds dans le tapis pendant tout le premier acte (superbe pain aux cors sur la deuxième note accentuée, prélude décalé, violon solo faux et discontinu à la fin de l'acte, etc.), c'est réjouissant.
Della Casa fabuleuse, enfin une Maréchale charismatique (le rôle est écrit sur les mauvaises notes, difficile à faire sonner).

Jurinac, qui a aussi beaucoup chanté Donna Anna (!), joue avec beaucoup d'aplomb son Quinquin, en prenant un timbre assez viril, ce qui me convainc toujours modérément - le caractère gracieux et androgyne n'est pas pour rien dans la séduction du rôle. Mais elle connaît son affaire, ça file bien comme il faut.
Côté Gueden, qui chante pourtant parfaitement Zerbinette, il faut supporter des suraigus entièrement droits, un peu criés dans la Présentation de la Rose, ce qui cause quelque inconfort, malheureusement, aux esgourdes. Une soirée de méforme sans doute.

Les protagonistes de cette mise en scène (qui a l'air bougrement vive...), de gauche à droite : Hilde Gueden, Sena Jurinac, Lisa Della Casa.
(source de l'image : Cantabile-subito.de)

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Tout ça pesé, on comprend bien que le disque a avant tout été publié pour documenter la Maréchale de Della Casa (qui a assuré les trois rôles dans un temps assez bref...). Avec une vraie réussite, d'ailleurs, parce qu'Edelmann est survolté, parle à merveille (loin de la vulgarité du studio de 56 et des sons très vilains qu'il y faisait) ; parce que Della Casa est bel est bien sublime ; et parce que Karajan, en bousculant Vienne, trouve un ton survolté assez réjouissant dans l'oeuvre, loin des mollesses cotonneuses - assez pénibles - de son studio.

C'est là aussi le seul témoignage disponible de Della Casa en Maréchale, puisque Walter Legge l'a faite remplacer par sa femme pour la vidéo enregistrée en studio dans la même distribution et les mêmes costumes.

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A notre avis une très belle version, qui soutient la tension comme peu.

Mais c'est un peu le bazar ce soir-là, il vaut mieux être prévenu.

(Le meilleur orchestre du monde mon oeil !)

jeudi 14 août 2008

Gounod - Faust - Plasson, Orange 2008

En plus, la mise en scène de Nicolas Joël ressemblait fortement à du bâclage (ou alors quelque problème de nous inconnu l'a empêché de produire ce qu'il pouvait). Aucune direction d'acteurs (seul Alagna, tout à son enthousiasme d'être en contact avec son public, riait et bondissait sans arrêt). Une esthétique du sabre et du goupillon (pourtant décriée par le metteur en scène). Des chanteurs perdus, aucun mouvement (la scène foisonnante du II, où Faust et Méphisto se frayent un chemin parmi les danseurs, ne voit que trois couples de valseurs au milieu de la scène immense), et plusieurs sabotage de l'économie dramatique de l'oeuvre. Entrée pour ainsi dire par la porte du démon au I, et surtout avancée paisible de Faust écoutant Marguerite à la fin du III, alors que la surprise par l'amant du moment d'aveu solitaire porte à elle seule tout le tragique de ce qui suit - l'enfant, la mort, la damnation potentielle. Tout est donc aplani sans la moindre recherche, jusqu'à saper ce qui est bien écrit.
Une idée séduisante cependant, à la toute fin : le retour à l'état initial de Faust, sorte de punition qui le condamne à mourir vieux et fatigué, la damnation en plus.

Côté orchestre, une direction lente, sans grand relief, mais soignée, avec de belles couleurs, de la part de Michel Plasson. Les choeurs, bien que nombreux, disposent d'un timbre proportionné, très agréable, et d'une diction à peu près correcte, ce qui est rare et doit être salué comme il se doit.

Côté interprètes, on note avec un peu d'étonnement un début très précautionneux pour René Pape, qui peine à trouver les voyelles justes avant le III, et peine à s'investir - alors que la radiodiffusion new yorkaise, en 2006, montrait un démon certes un peu noir pour un Méphisto goethéen, mais très complet et assuré. Comme on ne peut pas prétendre que l'absence de mise en scène ait troublé un habitué des versions de concert et surtout du Met, on peut penser à une soirée de relative méforme - mais attention, malgré un manque total d'originalité, l'ensemble était vocalement parfaitement assumé, et surtout, il faut toujours se méfier des voix de basse, qui ont un impact énorme en salle, pas toujours rendu par les micros (c'est le cas par exemple de Fernand Bernadi et de Nicolas Testé, voix très peu phonogéniques, et pourtant d'une présence extraordinaire en vrai). Il est donc possible qu'une présence très particulière se soit tout de même manifestée - alors que la retransmission donnait l'impression à tous les coups fallacieuses d'une projection un peu difficile !

Inva Mula a, en peu d'années, abandonné sa luminosité un peu monochrome au profit d'une voix plus ferme, légèrement plus dramatique, d'une diction plus affirmée, d'une qualité d'attaque supérieure. Le timbre en est moins séduisant, mais le résultat combien plus varié et intéressant ! Il est rare que les artistes soient capables, au sein du galop d'une carrière, de modifier ainsi leurs qualités propres, c'est à saluer.

Jean-François Lapointe semble résoudre de plus en plus nettement sa tendance à l'engorgement, et parfois au prosaïsme, avec une présence scénique tout à fait honorable dans le monde anesthésié de cette soirée. Pour un baryton martin, l'aigu n'est pas très libre et beau, mais son Valentin convainc. Un chanteur de plus en plus intéressant, dont le Pelléas très viril nous avait d'ailleurs étonné il y a peu.

Enfin, Roberto Alagna,

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Tchaïkovsky - La Dame de Pique - Rozhdestvensky, Dodin

Une esquisse, quelques pistes.

Visionné tout récemment la mise en scène parisienne très décriée de Lev Dodin. En effet, le choix de la situation dans l'asile, donc à l'issue de la folie d'Hermann (qui ne mourrait pas), qui peut sembler cohérent, se révèle extrêmement stérilisant.

  • Toutes les alternances de groupes qui scandent le drame et en particulier l'acte I sont réduites à un défilé en hauteur, hallucinations figées au-dessus du lit d'Hermann. Jusqu'à l'opéra mozartien du II, tout est présenté sur cette estrade figée, où des personnages en haillons, camarades de folie ou créatures imaginaires, posent, immobiles, interminables.
  • Toute variété, tout mouvement sont proscrits, aucune action ne se déroule sur scène - ce qui est tout de même un non-sens assez important lorsqu'on réalise une mise en scène.
  • La cohérence du procédé s'effrite au fil des actes, lorsque des personnages descendent dans l'arène, ou lorsqu'Hermann vient menacer la vielle comtesse. Qui sont-ils, à quoi servent-ils ? Le parti pris, totalement stérile en lui-même (puisqu'il n'apprend rien que l'on ne sache et sabote totalement la logique dramatique de l'oeuvre et sa respiration vive), se trouve donc de surcroît largement pris en défaut.
  • Ajoutons à cela que la partition n'est pas épargnée, puisque la cohérence du récit de Tomsky est brisée par l'intervention au discours de la Comtesse dans son monologue, ce qui est un non-sens dans une séance de conteur, et accessoirement du charcutage musical...


Pour ne rien arranger, la direction de Ghennady Rozhdestvensky, vraiment lente et dépourvue d'angles (et pourtant pressée de relâcher le dernier accord), accentue ce caractère lisse et contemplatif.

L'ensemble est sauvé par les chanteurs. Vladimir Galouzine, contrairement à ce que pouvaient laisser penser ses incarnations italiennes pâteuses et rustaudes, n'est absolument pas en perte de moyens, loin s'en faut. Le placement en arrière imposé par le russe correspond beaucoup mieux à son émission qui repose assez sur la gorge. Il compose un personnage d'une variété, d'une force de conviction et d'une insolence vocale hors du commun, tenant à lui seul ce qui reste de drame dans cette lecture scénique terriblement pauvre. Si bien que la voix en finit légèrement plus mate à la fin de l'oeuvre, tant le chanteur refuse de se ménager, et s'investit à corps perdu dans les affres du dément.
Il paraît, de surcroît, que sa puissance en salle est assez extraordinaire.

Hasmik Papian, loin de la réputation braillarde que lui ont procuré des prestations peut-être écoutées trop rapidement,

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mardi 29 juillet 2008

Mozart - DON GIOVANNI - Östman

Ecoute in progress. Etat de nos notes au cours de la première écoute, limitée pour l'instant à l'acte I.

C'est un peu le jeu de CSS : des instantanés. Nous sommes assez certains de réviser notre avis, peut-être radicalement, à la fin de l'écoute et surtout à la réécoute, en intégrant le principe de traiter l'oeuvre comme de la musique légère et secondaire, antidramatique, qui n'est pas notre goût mais qui est peut-être très réussi lorsqu'on l'a accepté.
Comme nous ne parlons pas de choses négatives et ne nous permettons guère de critiquer vertement les artistes lorsqu'il en est question, ce sera une exception potentiellement intéressante pour voir les coulisses de CSS, lorsque nous portons les premières impressions brutes sur papier, avant de comprendre le parti pris des interprètes. Le gros avantage étant que vu l'ancienneté de l'enregistrement et l'absence d'artistes francophones, il y a peu de chances de les blesser, ce qui fait partie de notre cahier des charges...

Commentaire au fil de l'écoute.

Ouverture.

Nous n'avons jamais beaucoup aimé Arnold Östman et son orchestre, qui sonne petit, étriqué et surtout avec un son aux cordes absolument égal entre l'attaque (plate) et le sostenuto [1] de la note (malingre). Comme chez Hogwood, sauf que l'orchestre de Hogwood a de belles sonorités, voluptueuses au besoin.

Gilles Cachemaille (Leporello) entre. Le français est moins mauvais qu'avec Harding à Aix, et la voix se tient mieux, mais ce n'est pas fameux pour autant. La lecture se veut gouailleuse, avec pour résultat des traits un peu gras et des accents un peu vulgaires.

Entrent Don Giovanni et Donna Anna. Tempo extrêmement vif, mais sans aucune urgence, tout est léger et froid. Une romance vive débitée en pensant à autre chose. Pour nous, voilà qui est totalement rédhibitoire, nous avons immédiatement envie de passer à autre chose (et cet état de fait se confirme au fil de l'écoute). Au moins, Kuijken - également très froid et peu dramatique - tentait une forme d'hédonisme, voire de poésie. Même si ça ratait, ça se défendait.

Pour notre part, l'impression persiste d'une recette appliquée pour vendre le nom Drottningholm, avec des tempi très vifs et des sons droits et très allégés, pour bien montrer qu'on est un authentique pionnier. En fait, à cette date (1990), c'est d'un conformisme affligeant.

On continue ?

Håkan Hagegård entre donc, et malgré quelques excès sur la ligne, pas forcément indispensables, le personnage est campé avec beaucoup de clarté et de fougue. Engageant.
Par la suite, son mordant et son expression le rendent proprement passionnant.

Las ! Son Commandeur, Kristinn Sigmundsson, qu'on entend à peine à ce tempo-là (le trio de la mort est expédiée en un instant, avec une indifférence proche du ridicule, il nous a fallu le remettre pour comprendre ce qui se passait), sonne extrêmement frêle. Et cette rupture de l'orchestre, suspendue comme un disque interrompu, mécanique, froide, n'arrange rien pour dramatiser sa mort - ou à tout le moins en respecter la solennité.

Mais ce ne serait rien s'il n'y avait Arleen Augér, absolument perdue. Qu'est donc devenue la déclamation tragique, millidoles ! Une telle indifférence à la situation dramatique est-elle concevable ici ? Témoin Ah, l'assassin mel trucidò ! ("Ah, l'assassin me l'a tué !"), d'une mollesse difficile à justifier.

A la réécoute, on finit par trouver quelque chose, mais en réalité, cette Anna tient plus de l'hystérie superficielle que du désespoir tragique qui plombe en principe tout le Don Giovanni. Ce que corrobore assez ce très joli cri d'entrée :

.

Et tout à l'avenant. Nous éprouvons d'autant plus de peine à le confesser que nous aimons beaucoup Mlle Arleen Augér, dans une veine à la réflexion sans doute plus sulpicienne...

Faut-il qu'en plus nous évoquions ces récitatifs ? Certes, ils ne sont pas le meilleur de Mozart, mais par rapport aux Noces, ils sont concis et très efficaces - drôles aussi. Ici, leur lenteur et l'indifférence du continuo dynamitent pour partie les efforts des interprètes.

La voix de Bryn Terfel (Masetto), déjà très solide et impeccablement placée, n'a pas encore acquis sa couleur si spécifique, et lorgne un peu ici vers les harmoniques de la basse standard (avec un vrai bonheur, mais peu d'expression). Dans ces années, il est de façon générale assez peu intéressant eu égard à ce qu'il est devenu. L'italien en revanche est déjà excellent (cette formation était inclue dans ses études, avec notamment l'escrime...).

Barbara Bonney propose une Zerlina légère, très lyrique, un peu maniérée. Il faut dire que la doctrine d'appoggio [2] d'Östman n'aide pas franchement au naturel. Pas très concernée par son texte non plus, mais suffisamment pour que le personnage vive. A l'époque, son accent américain reste tout à fait raisonnable.

Heureusement qu'on trouve Della Jones (Elvira) dans le coin, pas du tout intense et violente comme on aurait pu le penser, mais au contraire toujours tendre, et avec un vrai bonheur. En voilà une qui a des mots et une voix parfaitement au service de son personnage !

L'Ottavio de Nicol van der Meel aussi est un bon point, avec une belle couleur de haute-contre, légèrement élimée, mais gracieuse et noble. Un des rares à profiter de l'esthétique d'Östman.

Enfin, nous ne pouvons que rejoindre les éloges sur la fête paysanne tout à fait dans le caractère, lente et un peu pesante, voire pataude. Très réussi et amusant, cela s'impose comme une évidence.
Autre satisfaction, Là ci darem la mano qui s'impose à titre personnel comme une référence, avec son élan léger et pressant, et un Hagegård redoutablement enjôleur. Splendide, j'ai même pu écouter cette scie en entier - et avec plaisir !

Le final du I semble plus travaillé, avec de beaux changements de couleur, même si tout est toujours pressé (et les passages les plus rapides traditionnellement, ralentis, de façon à sembler toujours au même tempo...). L'orchestre semble gagner en épaisseur et en urgence.

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Nous n'aimons pas être dur, mais c'est là tout de même un sacré gâchis : avec une réalisation technique parfaite, nous entendons le seul Don Giovanni (devant Kuijken) qui n'ait absolument rien produit en nous, alors que même mal joué, le résultat est toujours magnifique. Du sabotage pour en faire un épigone du pire Martin y Soler.

De ce naufrage, nous sauvons tout de même quelques prestations exceptionnelles comme l'Elvira de Della Jones (mais nous sommes assez inconditionnels de sa voix et de son expression, quoi qu'elle fasse, et elle se montre ici sous un jour assez pâle) et Hagegård, qui forment un couple-passerelle buffo-serio assez idéal. Nicol van der Meel représente aussi une belle friandise.

Nous sommes surtout très agacé par ce traitement en surface, sans aucun impact dramatique, réalisant minutieusement chaque appoggiature, mais rejetant toute expression textuelle comme un manque de goût, au point de rendre l'un des opéras les plus urgents du répertoire d'une jolie fadeur assez inférieure à la valeur de la partition.
En l'acceptant, il doit être possible de passer un excellent moment, car la réalisation technique est parfaite. [3] Une fois de plus, tout dépend des critères de chacun...

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Notes

[1] C'est-à-dire le 'soutien' de la note, le coeur de celle-ci, après l'attaque.

[2] On parle ici de l'attaque surélevée de la première de deux notes égales en hauteur, chez les chanteurs, une appoggiature non écrite, mais exécutée à l'époque.

[3] Sur le plan de la qualité sonore, on entend tout de même une rupture très audible entre Fin ch'han dal vino et le récitatif qui précède.

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samedi 21 juin 2008

Cosma - Marius & Fanny - studio

CSS souhaite depuis plusieurs mois revenir sur cet opéra, qui pose beaucoup de questions sur la nature même du genre, ses frontières, et qui imite des recettes anciennes de façon assez surprenante.

Mais il faut juste signaler que le studio dirigé par Cosma, s'il conserve en effet les meilleurs moments, exalte plutôt les faiblesses de l'oeuvre, et présente une artificialité de son assez dommageable. Ne pas s'en tenir là pour en conclure qu'il s'agit de racolage facile.

La version de la création à Marseille, dirigée par Jacques Lacombe, révèle d'autres qualités.

En effet, l'oeuvre montre beaucoup de faiblesses : les vers (ou la prose) sont parfois très mauvais, la prosodie à plusieurs reprises maladroite, les récitatifs parfois ratés, on note une incapacité absolue à développer les thèmes (une pensée très filmique de la musique, par séquences brèves et autonomes), et de ce fait, on a l'impression d'une musique calibrée pour le disque d'extraits qui allait suivre, une suite de numéros de caractère, décousus.

Cependant, le résultat est d'une grande fraîcheur, extrêmement accessible, touchant parfois, avec quelque chose d'une maladresse véritable, très attachante. Il nous faut l'avouer l'avoir écouté assez régulièrement, après une certaine défiance initiale. Quelque chose de l'esprit de l'opéra comique du premier XIXe - de la simplicité, de la naïveté même, de la morale, mais aussi de la dérision. On y reviendra sans doute avec quelques extraits de la création pour en donner une idée.

Lully - Proserpine - Niquet

... juste un mot pour noter que le studio (contrairement à Callirhoé) est plutôt supérieur aux représentations de la recréation, et qu'on peut donc se précipiter. Son très confortable, pas trop artificiel, artistes plus en forme vocalement, et surtout plus nuancés. Toutes les outrances de Stéphanie D'Oustrac, très affectée en Callirhoé, ont disparu, les nuances tirent beaucoup plus vers le piano, avec beaucoup de tendresse et d'énergie, sans exagérer les poses. Les tempi du chef, comme pour Callirhoé, se sont un peu ralentis et variés au studio, mais avec un gain, ici, en subtilité.

On dispose de surcroît du prologue manquant au concert (et donc dans la parution du Monde 2).

On peut se précipiter, d'autant qu'il s'agit, musicalement parlant, d'une des toutes plus belles tragédies lyriques de Lully et d'une des plus belles interprétations dans ce domaine. Même les plus rétifs aux instruments d'époque pourront apprécier la rondeur absolue, et la variété des couleurs du Concert Spirituel.

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Et toujours avec le livre-disque indispensable de Glossa, extrêmement nourrissant intellectuellement, la parade invincible contre le piratage.

jeudi 29 mai 2008

Concours Reine Elisabeth 2008 - XV - le palmarès et le point

Le palmarès et les conclusions se trouvent sur CSS.

Concours Reine Elisabeth 2008 - XIV - Michèle Losier

Demi-finale avec piano

Et à nouveau Michèle Losier (mezzo-soprano central). Un peu sombre pour de la mélodie française, mais quel plaisir ! La diction n'est pas mauvaise, l'expression vraiment soignée, et la voix totalement maîtrisée, pleine, sans aspérités dommageables ni cris. Une belle plénitude, les sons sont superbement soutenus. On sent aussi déjà beaucoup de métier.

Son Schubert (Du bist die Ruh') est vraiment à pleurer, tout y est : couleur, ton, sûreté vocale, diction, qualité de l'allemand, expression.

Très belle interpétation de la commande du concours. On ne comprend pas plus que les autres ce qu'elle dit, mais sans partition, avec beaucoup d'abandon et de rigueur, une voix chaleureuse, beaucoup d'intensité dans l'expression, on se régale (la pièce est vraiment belle, en plus, et beaucoup n'en ont pas profité).

La berceuse de Montsalvatge, dans un espagnol correct, est d'une volupté lascive tout à fait étonnante, qui transcende franchement la pièce sympathique initiale. Et une densité dans les poitrinés admirables. Il faut comparer ça à la version Bartoli pour ce faire une idée de l'abîme de caractérisation qui les sépare ici...

Les aigus sont plus poussés dans Bellini, un peu cassants et durs, et il est vrai qu'il s'agit d'un mezzo avec une extension aiguë limitée. On songe, pour les poitrinés en italien, à Larmore, côté timbre. On la sent aussi moins à son aise avec le style (et les aigus difficiles peuvent être abrégés).
Résultat largement convaincant même ici, cela dit.
La cabalette a un impact assez fou, beaucoup d'arrogance, et le jeu de scène fascine...

Dans la Romance à l'Etoile, outre la qualité de timbre déjà décrite, la qualité du diminuendo-morendo, les pianissimi totalement timbrés sont très impressionnants. L'attitude contemplative, sur scène, se montre toujours juste.

Le monologue du Komponist est peut-être ce qui semble le moins soigné vocalement, s'appuyant essentiellement sur des déplacements scéniques et multipliant inutilement les difficultés dans l'aigu pour elle.
... avec un résultat qui reste assez convaincant.

Une canadienne francophone, mais qui parle parfaitement anglais et a sûrement étudié avec des professeurs de technique américaine, en réalité, ce qui expliquerait bien des choses : cette technique très pleine, avec articulation un peu en arrière, un français tout de même très bon mais un peu en arrière.

Une valeur sûre que je serais ravi d'entendre en récital ou dans un grand rôle. Un superbe récital, déjà ici.

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Finale avec orchestre

(Visionnée avant la demi-finale.)

En train de visionner la prestation de Michèle Losier. Voix très construite, un peu artificielle peut-être, on perd donc en diction en français, mais des possibilités très intéressantes. Ce qu'est en train de confirmer son excellent Mahler à présent (c'était l'épreuve finale avec orchestre). Très expressive scéniquement.

Juste après son Ravel, je vous recommande les commentaires lorsqu'on la voit en coulisses :

LA DAME
Ca va ?
ELLE, se jetant sur les mouchoirs ...
LA DAME
Il faut arrêter de pleurer, ma grande...
LE MONSIEUR
Ben oui !
LA DAME
Il faut arrêter de pleurer sur scène, parce qu'après il y a le nez qui coule.


... et la voilà repartie pour chanter Mahler.


Dans Mahler, c'est justement très équilibré, très construit comme voix, superbes poitrinés, allemand parfait, expression précise, grande tenue. On aime beaucoup beaucoup par chez nous.


Très beau programme au passage : deux Shéhérazade (Ravel), deux Fahrenden (Mahler), et Parto de la Clémence...


Et pour Mozart, au contraire, moins de feu et de mordant, un italien perfectible, une conviction moindre. Mais tout de même, avec une couleur un peu germanique, une très belle incarnation bien équilibrée et dense.

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De très loin l'interprète la plus intéressante pour nous, au-dessus d'un niveau de concours, une artiste pleinement accomplie. Elle a déjà chanté un certain nombre de rôles sur scène, donc quelques premiers (Dorabella au début des années 2000 à Mérignac-près-Bordeaux, Lazuli de L'Etoile de Chabrier à Montréal).
Tout y est, et avec naturel : densité du timbre, équilibre vocal, intelligence des phrasés, qualité linguistique, persuasion de l'interprétation, maintien scénique.

On a réécouté par deux fois ses deux récitals, avec un enchantement toujours croissant.

Concours Reine Elisabeth 2008 - XIII - Layla Claire

Demi-finale avec piano

On y constate la même densité de timbre qu'en finale, avec une présence vocale impressionnante, et beaucoup d'émotion dans le Pétrarque imposé de Wim Henderickx.

Son Debussy n'est pas très idiomatique, et chanté un peu large et lyrique, comme on pouvait s'y attendre, mais le résultat demeure très esthétique.

Très beau Strauss pudique, avec un allemand un peu opaque également.

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Finale avec piano

Layla Claire (soprano lyrique) à présent. Sans doute une déformation perverse de ma part, mais à la vue de son programme, je songe vraiment qu'une finale avec piano, si j'exclus le plaisir pour l'auditeur d'entendre Kazushi Ono, ce qui constitue toujours un privilège, aurait été plus intéressante en termes de pièces choisies et d'étalon pour l'interprétation.

Surtout que vu l'ampleur de sonorisation, on ne cherche pas particulièrement à jauger leur façon de passer l'orchestre. [Addendum : Laurent signale que si, quand même.

Belle voix bien équilibrée, assez chaleureuse, mais l'aigu est d'une qualité moindre, se file un peu ; ça n'a rien de gênant ni de rédhibitoire, mais ça vous plombe l'avis d'un jury comme un rien.

L'air de Fiordiligi est absolument impeccable, mais il est tellement joué qu'il est difficile de s'y imposer comme unique. Surtout qu'un petit aigu tiré, une respiration avant le dernier mot sont le genre de chose que retiennent des professionnel du chant, je le crains - alors que ça n'a à peu près aucun intérêt, puisque la technique est là pour soutenir une prestation, et non pas objet d'intérêt en soi.


... grand Dieu, ces lieder de Strauss orchestrés, quel sirop, j'en suis marri à chaque fois, alors que les originaux pour piano sont souvent très réussis. Et effectivement, c'est chanté comme une aria.

Après l'air extrait de Peter Grimes qui change un peu des programmes habituels, on a droit à la sempiternelle valse de Juliette, qui met très en valeur les voix et ne permet guère de se faire une opinion : toute jolie voix y donne de beaux résultats.
Ici, on peut admirer un très beau médium légèrement corsé pour un soprano lyrique, avec de belles couleurs ocre-orangé. Quelques tendances au legato-glissando ici ou là.
Résultat d'une volupté assez remarquable.

(La pauvrette manque tous ses suraigus à la fin... elle hésite à faire le dernier, très exposé, et se prend les pieds dans le tapis, n'atteint même pas la note et descend en glissando jusqu'à la dernière note qu'elle trouve tout de même sans difficulté.)

Sur le strict plan de la densité du timbre, une des toutes meilleures candidates, vraiment agréablement charnu, et avec mesure. Côté l'interprétation, pas follement engagé, mais tout à fait suffisant.

mercredi 28 mai 2008

Concours Reine Elisabeth 2008 - XII - Elizabeth Bailey

Demi-finale avec piano

Ici, le manque d'arêtes et surtout le français... anglais sont nettement moins intéressants. (On croirait véritablement qu'elle chante en anglais, à un point d'incurie qu'on croyait seulement accessible aux français... en anglais.)

Finale avec orchestre

Elizabeth Bailey (soprano lyrique) chante uniquement du belcanto, d'une voix très ronde, avec une très belle expression, un excellent legato. Tout juste pourrait-elle tonifier un peu la voix, qui n'a pas beaucoup d'angles, toujours des attaques très douces.
Mais les récitatifs sont très habités, la tessiture parfaitement homogène, et les grands cantabile parfaits - et pourtant, elle choisit des airs qui peuvent se révéler longuets sans un minimum d'engagement. Excellent.

Dommage que pour la finale, elle n'ait choisi que des airs de caratère semblable, très contemplatifs, on ne sait pas ce qu'elle produirait ailleurs. Quelques petites baisses d'intonation dans le Mozart (en baisant le vibrato sur des coloratures lentes) lui ont sans doute coûté cher, puisqu'elle n'a rien remporté non plus.
Ici, le caractère un peu paisible, les attaques légèrement molles sont moins convaincants, mais le résultat demeure vraiment habité et très maîtrisé.

Vibrato un peu forcé dans Glitter and be gay de Candide, et manque de tonicité beaucoup plus dommageable ici. Tessiture de toute façon un peu grave pour elle, elle peine plus à projeter et soutenir. Elle semble avoir une tessiture assez haut placée qui l'aide beaucoup pour les cantilènes belcantistes.
Mais vraiment courageux de présenter un air autant fourni en suraigus (et quelques agilités) sur un tel enjeu...

Parce que contrairement à une discipline instrumentale, il peut arriver que la voix ne réponde pas parfaitement un soir donné, indépendamment de l'émoi de l'interprète...

Et elle n'a rien eu non plus, peut-être parce que pas assez polyvalente pour eux ? J'ignore les critères du jury, ce serait intéressant de les connaître un peu. La composition très variée du jury ne permet pas de se faire une idée précise de ses attentes potentielles. A Bordeaux pour le Quatuor, en tout cas, la désignation des Atrium était au contraire récompenser d'excellents spécialistes pas très aventureux (ou alors allègrement hors style - avec beaucoup d'efficacité d'ailleurs).

Concours Reine Elisabeth 2008 - XI - Szabolcz Brickner

On commence ici à aborder des prestations vraiment assez complètes, aussi bien du point de vue du chant que du théâtre. Surtout pour les trois dernières lauréates.

Demi-finale avec piano

Voir ci-après.

Finale avec orchestre

Szabolcs Brickner (ténor lyrique demi-caractère), n'est pas très lourd pour les rôles qu'il chante, mais au moins apporte plus de fraîcheur que d'émotions paraglottiques. Extrême aigu un peu farineux, mais sinon, vraiment sympathique.

Dans les Illuminations de Britten, français bien plus faible que pour son Meyerbeer (les exigences d'accentuation et de débit sont bien plus contraignantes). Mahler, avec un allemand un peu bizarre aussi, révèle vraiment une jolie voix obligée de forcer avec orchestre, ce qui abîme le timbre. Pourquoi pas pour du lied avec piano, mais il semble avoir plus de talent pour le cantabile que pour la déclamation. [N.B. : L'écoute partielle de la demi-finale conforte ces impressions. Mais la voix reste assez identique dans l'aigu à la soirée de la finale.]
A la fin d'Um Mitternacht, pris très lent par Ono (et un peu amorphe côté phrasés), le pauvret est épuisé. Ca n'a pas l'air, mais ces longues phrases mahleriennes sont absolument épuisantes.

Le médium rappelle à plusieurs reprises Carreras (par forcément dans ses jeunes années).

Pour l'instant, c'est vraiment Michèle Losier qui l'emporte de plusieurs têtes sur tout le monde. (Mais, grand Dieu, que ce public peut être froid... [Mais pas, on s'en apercevra plus tard, pour les airs les plus spectaculaires, même pas trop réussis, ce qui signifie vraisemblablement qu'il s'agit d'un public peu habitué - soit de type 'néophyte' et c'est tant mieux, soit de type 'apparat'.])

Dans le Verdi léger comme Macduff, même si, en bon hongrois, il ouvre un peu fort ses voyelles italiennes et que l'accentuation des mots est un peu aléatoire, il a énormément de charme. Léger, expressif, tout à fait chouette.

Depuis le début, j'ai l'impression étrange que la respiration est haute de temps à autre, mais il tient bien la longueur de souffle, ma foi !

Beau Lenski sensible pour finir.

Concours Reine Elisabeth 2008 - X - Bernadetta Grabias

Finale avec orchestre

Bernadetta Grabias (mezzo grave) accentue vraiment très platement son italien, amusant comme la voix est totalement comparable à Ewa Podles - je ne serais qu'à moitié étonné qu'elle ait suivi son enseignement.
Les graves extrêmement forts et poitrinés, un peu de souffle "sur" le timbre, cette volonté de chanter aussi un air de contralto (Isabella), ce besoin de montrer l'agilité, beaucoup de choses y font penser. Le public adore.

Elle semble beaucoup préoccupée de sa rondeur vocale et de son impact, ce n'est pas trop pour me plaire. Les phrases sont totalement écrasées, on se repose sur les voyelles, les articulations consonantiques (pourtant bien plus importantes en polonais qu'en italien !) sont faites mais comme ignorées.

En français, les voyelles, sans être indifférenciées, sont d'abord adaptées à la plénitude vocale, et les consonnes utilisées essentiellement lorsqu'elles servent d'appui.
Le chant a quelque chose de touchant, mais c'est assez terrifiant, comme incarnation, pour la petite Charlotte de Werther. Plus adapté au vérisme en effet.

A part cela, le programme mélange oeuvres célèbres et peu jouées. Et chantées avec beaucoup d'aplomb et d'impact. Sans doute impressionnant sur place.

Dans le Liber scriptus du Requiem de Verdi, le latin est un peu concassé. L'aigu, peu entendu jusqu'à présent, est assez urgent et électrique, ici aussi on peut penser à Podles (ou, pour une voix toute différente, Verrett). Après, difficile de jauger dans ce programme le potentiel aigu et donc l'inscription éventuelle comme contralto un peu "gonflé" plutôt qu'en tant que mezzo comme annoncé.
Ce Verdi est très impressionnant, tout de même, la vindicte divine est plutôt saisissante.

Le Mozart, évidemment, est linguistiquement en bouillie et vocalement assez... ailleurs, tant le type de voix étonne pour Chérubin. Le timbre est un peu plus acide aussi, du fait des efforts d'allègement (et concomitamment aux sourires...). Vraiment étrange, on dirait ici également un personnage bien campé, mais un autre personnage.

Même caractéristiques pour le Tchaïkovsky (La Pucelle d'Orléans), très vigoureux et inquiétant, pas très articulé non plus.

Le public est très impressionné, manifestement, il faut dire que ce type de voix et cette assurance sont rares.

Concours Reine Elisabeth 2008 - IX - Isabelle Druet

Demi-finale avec piano

Isabelle Druet (mezzo-soprano central) me laisse étrangement mitigé. Italien mauvais (systématiquement accentué comme du français, et voyelles déformées ou tout de bon modifiées), mais un jeu attachant dans Chérubin.
Son Debussy est terriblement vivant (on voit qu'en tant qu'ancienne comédienne, elle a beaucoup a dire sur un texte), mais un peu vulgaire d'expression aussi.
La voix n'est pas très gracieuse, un peu dure. Le tissu de la voix sonne toujours comme déchiré... et rappelle assez (étonnamment) la façon d'émettre un peu braillée de pas mal d'acteurs actuels en théâtre.
Pas enthousiaste, mais il y a de belles qualités très exploitables. J'avoue que son Debussy, sans m'avoir séduit, m'a beaucoup intéressé pour sa très grande liberté vis-à-vis de la musique, presque une forme mélodrame, c'est très étrange vu le type du poème - et le traitement toujours distancié de Debussy.

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Finale avec orchestre

Carmen assez sage, mieux timbrée, moins éloquente. Moins original en fin de compte.

Concours Reine Elisabeth 2008 - VIII - Gabrielle Philiponet

Demi-finale avec piano

A présent la demi-finale de Gabrielle Philiponet (soprano lyrique). Voix de soprane qui tient des rôles relativement légers, mais avec beaucoup de corps et manifestement une vraie puissance. C'est phrasé, soigné, habité, parfaitement maîtrisé vocalement, toutes les contorsions, les déformations comiques ne la mettent pas en peine, toujours parfaitement timbré.

Et oser la Folie de Platée un jour de concours, où il faut vraiment s'investir et prendre des risques, chapeau. Et pas de difficultés, tout juste le suraigu un brin dur (et le pianiste perplexe sur le style à adopter...).

Au passage, les accompagnateurs, sans chercher à interpréter pour ne pas interférer, bien sûr, sont tous excellents, superbe son, très beaux phrasés, bien en style et tout et tout.

Et puis quel programme ! Des Wolf et Korngold peu fréquents, la Folie, C'est l'extase langoureuse selon Debussy, le plus bel air de Mithridate (Nel grave tormento), et l'air d'Urbain des Huguenots.
On dirait que c'est à moi qu'elle a demandé conseil, ou bien elle cherchait à me faire plaisir.

Très beau Debussy, vraiment, du climat. Et puis beaucoup de conviction dans son Meyerbeer. Vraiment très bon.

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Finale avec orchestre

Et voici donc la finale de Gabrielle Philiponet (soprano lyrique avec extension aiguë). Effectivement, comme lu ailleurs, la voix est un peu poussée, ce qui donne une sorte de surdensité. Un problème d'ampleur, de souffle, d'appuis ? Si elle force comme cela pour Ännchen, je ne donne pas cher de sa peau (du cou) lorsqu'il faudra chanter régulièrement sur les scènes.
L'allemand dans Freischütz est assez terrifiant. Mais elle fait l'effort d'habiter, indubitablement. (L'alto solo est assez acide, d'ailleurs, on est étonné vu l'excellent niveau de l'orchestre par ailleurs, notamment les cors.) C'est au minimum vraiment intéressant, mais la voix est un peu dure dès qu'elle monte, elle force en permanence pour faire du volume, on comprend bien mieux les réactions de certains commentaires.

Dans Les Mamelles de Tirésias, c'est vraiment parfaitement prononcé, et toujours habité, mais en effet, cette façon de forcer les moyens en permanence, on souffre un peu pour elle. La voix risque vite s'abîmer et le contrôle se perdre.

[Etrange concept de les filmer jusque dans la coulisse. On constate ainsi qu'elle boit beaucoup, avidement, soit que la peur l'ait asséchée, soit qu'elle ait un peu forcé...]

Dans Strauss, elle s'obstine à faire jouer son aigu facile, et ça blanchit sérieusement. A son âge...

Etrange qu'ils l'aient mise au palmarès, du coup : plutôt que l'encourager (avec ses qualités très réelles), il faudrait peut-être lui suggérer de faire une petite "révision", et éventuellement de changer de professeur pour ne pas poursuivre dans cette voie...

Le public applaudit comme toujours au milieu de l'air de Manon (et plus d'une fois...). Le suraigu se fatigue sérieusement, s'élime... Les ports de voix sur le thème principal ne sont pas de très bon goût non plus. Il faut bien convenir qu'on se fatigue un peu à la longue. Vraiment, le Massenet est chanté en effort constant, avec une loudeur assez dommageable au propos, alors même que les intentions sont louables.

Public en délire... et elle boit comme un trou dans l'intervalle.

La voix est un peu dure l'aigu pour Linda di Chamounix, mais ça semble, plus sobre, beaucoup mieux convenir.

On a l'impression d'une voix facile qui a insuffisamment travaillé le détail et l'endurance et qui de ce fait fatigue. Dommage, vraiment. Les aigus, attaqués durement, bougent et sont stridents.


Par ailleurs, je trouve ça tout à fait bien, mais je me fais juste du souci pour l'avenir.

Concours Reine Elisabeth 2008 - VII - Changhan Lim

Finale avec orchestre

A présent, nous en sommes à Changhan LIM (baryton-Verdi). Comme d'habitude, le même problème avec les chinois et coréens de l'école actuelle. Voix impeccables, puissantes, pleines.

Mais la diction reste floue, même s'ils sont très appliqués, et l'expression très lointaine. C'est avant tout direct, ça ne "parle" pas beaucoup.

Son Posa reste impressionnant (un tout petit couac comme si la voix n'était pas chaude, vers la fin, mais sur une note expressive, impeccable), même si le récitatif est manqué. Ono (à l'orchestre) est bouleversant comme toujours dans Verdi, d'une imagination débordante (les textures, les phrasés...).

Son Quichotte de Ravel (le premier, le plus ironique des trois) est d'un sérieux un peu consternant : c'est joli, mais totalement hors sujet, faute de comprendre le sens profond du poème...

Bien sûr, il y a des exceptions, Soon-Won Kang par exemple (mais vu la qualité de son français, il est peut-être bien français ou nationalité semblable...).

Essentiellement vocal, donc. Mériterait aussi, de ce point de vue, plus de variété d'émission, de nuances, de couleurs.

Concours Reine Elisabeth 2008 - VI - Anna Kasyan

Demi-finale avec piano

Anna Kasyan (soprano lyrique léger) chante en effet un beau Vivaldi extrait du Tigrano et également présent avec un autre texte dans Motezuma. Mais la voix sonne étrangement, comme si certains aigus étaient criés, avec beaucoup de souffle qui passe (mais les vidéos du concours en ligne saturent, très difficile d'être catégorique).
La voix semble parfois un peu épaisse pour la nature vocale, mais tout cela est bien fait. Les piani peuvent être beaux.
Néanmoins, pour ce type de voix, on en voit beaucoup, et d'autres autrement plus impressionnantes.

Son Berg (Die Nachtigall, rien de subversif) sonne un peu artificiel, mais avec les défauts de la reproduction sonore, on n'arrive pas à discerner si le son est très puissant ou juste trop alourdi. Cette musique ne coule pas de source pour elle, mais c'est chanté avec une certaine conviction.

De toute évidence, elle est pénalisée par l'apprentissage de langues peu semblables à la sienne. Un véritable effort louable pour mêler italien, allemand, russe et français, même si tout n'est pas impeccable.

Concours Reine Elisabeth 2008 - V - Yuri Haradzetsky

Finale avec orchestre

Le programme très conformiste d'Anna Kasyan ne nous a pas tenté (seulement des airs de concert italiens rebattus), alors nous avons mis Yuri Haradzetsky (ténor lyrique léger), mais il s'agit vraiment d'un format très léger, même Haydn lui pose des problèmes sérieux dans l'aigu. Voix très fluette, un peu blanche.

Même en russe, où tout est pourtant plus en arrière et flatteur, il reste raisonnablement peu voluptueux.

Accessoirement, il est rigide comme tout et mort de trouille.

Concours Reine Elisabeth 2008 - IV - Tatiana Trenogina

Demi-finale avec piano

Concernant Tatiana Trenogina (soprano lyrique), je dois rejoindre ce qui a pu être dit ; à part un Tchaïkovsky bellement expressif, c'est beau mais extrêmement banal.
Son Fauré, son Elsa de Lohengrin, sa création contemporaine imposée (Wim Hendrickx), son Puccini, son Mozart - tout se ressemble, et assez flou linguistiquement parlant.

Concours Reine Elisabeth 2008 - III - Julie Martin du Theil

(Non sélectionnée pour la finale.)

Julie Martin du Theil rappelle furieusement Daphné Touchais (sans l'aisance scénique confondante) : un lyrique léger, assez métallique, pas original mais avec beaucoup de qualités.
Dans la commande du concours de Wim Henderickx, l'émission se durcit très fortement, et son italien est incompréhensible.
De même en allemand, pas bien compréhensible (et pas terrible de toute façon), et le timbre se densifie en se durcissant, jusqu'à l'aigreur. Peut-être aussi les effets du stress, parce qu'elle semble très crispée.
Mais ça ne me paraît pas tout à fait au niveau d'une victoire dans un concours prestigieux.

En Titania, ses détachés ne sont pas timbrés (dommage, l'air est justement fondé dessus), et la voix se durcit façon "conservatoire". Non, ce n'est pas encore tout à fait ça, et ça manque de personnalité, d'aisance, d'investissement.

Soit dit depuis mon fauteuil, le lendemain de l'épreuve, hein. Ca reste d'un niveau professionnel, elle a d'ailleurs dû, je suppose, recevoir des engagements pour des petits rôles.

(Aïe, pour Norina, pas le moindre sourire (complètement crispée), pas beaucoup d'interprétation, et surtout on s'empêtre dans le sillabando, et des vocalisations criées sur les "virages", des aigus un peu criés aussi... Ca, ça va lui coûter sa place.)

Concours Reine Elisabeth 2008 - II - Jung Nan Yoon

Finale avec orchestre

Et la dernière que nous ayons écoutée de la série, Jung Nan YOON (soprano lyrique). Qui débute fort mal avec un Wolf dont je suis incapable de comprendre un mot, et une voix opaque et impersonnelle, pas trop ma tasse de thé. Très bref de toute façon, comme cela on peut passer au vérisme sérieux.

Pour elle aussi, déjà un vibrato un peu forcé pour l'âge de la voix !

Le français (Juliette aussi...) est absolument incompréhensible à nouveau, et l'italien ne vaut pas mieux. Le style est passe-partout, et un peu lourd. Et comme plusieurs autres, son suraigu est mal assuré (la fin de Sempre libera est douloureuse)...

C'est vraiment la seule du lot que nous renverrions étudier. Non pas qu'on n'ait pas conscience qu'il est toujours extrêmement difficile pour les coréens d'apprendre une nouvelle phonation indo-européenne, mais le résultat, sans juger les personnes, est ce qu'il est. On n'entend que de la musique, et absolument aucun texte (qui n'est pas habité de surcroît). Là, il y a une carence grave dans l'apprentissage. Et c'est très vilain aux professeurs de laisser passer ça, et aux étudiants de s'en moquer éperdument, parce qu'après, on se récolte le résultat dans les théâtres, nous pauvres spectateurs !

Vocalement, la base est bonne, mais peut-on s'en contenter exclusivement ? Tout dépend des attentes, évidemment - mais la dimension poétique ou théâtrale est totalement bannie, en tout cas.

mardi 27 mai 2008

Concours Reine Elisabeth 2008 (chant)

Quelques impressions sur les lauréats de cette édition, avec quelques impressions négligemment jetées au fil de l'écoute et publiées de façon informelle sur un autre support.

Pour plus de clarté, on regroupera par interprète, en progressant dans notre ordre d'intérêt croissant.

jeudi 8 mai 2008

Guillaume Tell de Rossini - protomeyerbeerien

Difficile de faire plus évident que ce constant : le Guillaume Tell est à l'origine du 'Grand Opéra à la Française', le patron qu'illustrera à son plus haut degré Meyerbeer].

En fin de compte, alors qu'on songerait plutôt à cette intrication structurelle des récitatifs et des ensembles, ou bien à ces récitatifs extrêmement bien écrits prosodiquement (et un peu chantants peut-être par rapport à la vérité de la langue), l'illustration la plus éclatante s'en trouve, étrangement, au sein de l'ouverture.

En somme, le reste de la langue rossinienne est plus sommaire dans les 'numéros' [1] aussi bien rythmiquement qu'harmoniquement (sans même évoquer l'orchestration...). Mais dans la première moitié de cette ouverture (avant l'orage convenu et la calvalcade pas extrêmement nourrissante), on rencontre des modulations surprenantes pour ce type d'exercice. Ce type de gratuités extrêmement bienvenues qui font le sel de Meyerbeer.

On sait donc pourquoi c'est si chouette, Guillaume Tell.

Notes

[1] Les numéros : c'est-à-dire les parties lyriques closes : airs, duos, ballets, etc.

jeudi 17 avril 2008

Puccini - TURANDOT - le final Alfano I

Ecouté tout récemment, sur les instances d'Abigaille, le final d'Alfano I.

En effet, tout change. Beaucoup plus crédible psychologiquement, et bien plus intéressant musicalement. L'orchestre du disque Barstow est excellentissime, de plus.

Les caractères se développent, la musique reste plus instable, avec des frottements de cuivres, plus proche de Mahler en quelque sorte. Et les solistes s'en donnent à coeur joie - un peu glaçant, ce vrai-faux ilieto fine/i, exactement ce qu'on est en droit d'attendre ici.

Sans commune mesure en effet avec les autres propositions de final. Avec la traditionnelle exultation bien plate, ou bien avec le complément de Berio, très intéressant, feutré, funèbre, mais en rupture stylistique absolue avec le reste de l'oeuvre.

Indispensable pour pouvoir enfin profiter de l'esprit de l'oeuvre jusqu'à son terme.

lundi 11 février 2008

Wagner - Götterdämmerung - Kubelik

Soirée du Met totalement électrique. La mort et la marche funèbre de Siegfried sont traités sur un mode farouche extrêmement saisissant. Très différent de l'atmosphère de deuil habituelle, qui rend si touchante la disparition de celui que nous avons mis une bonne dizaine d'heures à faire naître et à élever. La mélancolie des cuivres scaligères, pourtant empêtrés dans une technique limitée, est un modèle de ce point de vue chez Furtwängler en 1950.

Chez Kubelik au contraire, l'atmosphère de rituel sauvage sera privilégiée. Une sorte de jubilation paradoxale s'exprime dans cette colère ancestrale et codifiée.

jeudi 27 décembre 2007

Les musiques de scène

[Publication temporaire pour AMC : recensement non commenté, qui sera rapidement retiré.]

Liste de musiques de scène disponibles au disque. [C'est-à-dire de musique prévue pour agrémenter une pièce de théâtre, avec de la musique descriptive, des chants, des mélodrames.]

Totalement fragmentaire.

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mercredi 26 décembre 2007

Stefano Landi - IL SANT'ALESSIO - Christie, Lazar

Après la télédiffusion des représentations de Caen de ce saint Alexis, puis l'exécution à Paris, CSS, à défaut de disposer du temps de rédiger un produit finit, propose quelques pistes sur DSS.

L'oeuvre
  • Répété partout, seulement des contre-ténors dans tous les rôles, y compris féminins, à l'exception du père et du diable.
    • (Ce qui est authentique sur le plan de la « vraisemblance sexuelle » ne l'est pas sur celui de la nature vocale, puisqu'il s'agissait à l'origine de castrats, pour pallier l'interdiction de la participation des femmes au rite scénique religieux à Rome.) Voir CSS pour la distinction.
      • Un accroc dans la réclame, fondée ici essentiellement sur l'authenticité.
  • Musique très décriée. Il est vrai que Landi module très peu, très peu de variations de couleurs, avec sur la longueur un risque d'uniformité du récitatif d'une simplicité proche de la psalmodie. L'intérêt est ailleurs - on se situe dans la perspective de l'esthétique florentine de Peri et Cavalieri. Du texte brut mis en animation musicale.
    • A titre individuel, CSS, lorsque la chose est habitée, se déclare tout à fait satisfait. Ce fut le cas, William Christie et Benjamin Lazar nous ayant très agréablement surpris. [Au passage, on peut recommander la Rappresentazione d'Anima et di Corpo de Cavalieri par Christina Pluhar - et ses couleurs orchestrales comme d'habitude hors du commun.]
  • Très beaux trios d’affliction au début du III. Petits pas de danse avec objets allégoriques. Tout cela plus chatoyant que la moyenne de la pièce.
  • Démon convoqué dans des scènes de nature comique - bien qu'il ne soit, comme il se doit, jamais mis en doute, que la convention théâtrale ne se déchire jamais. Cet humour demeure donc dans le cadre prétendument mimétique du drame - pas de mise en doute de l'instance qui met en scène, on n'est pas chez Cervantes (encore que dans son théâtre, il n'en aille pas nécessairement de même que dans le Quichotte).
    • Humour qui consiste ou dans la bouffonnerie des valets, ou dans les jeux de mots présents dans les scènes de non-reconnaissance du démon - qui ne peut, comme on le souhaiterait pour plus de drôlerie, être finalement mis en déroute - il faut édifier.

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Le livret
  • Recherche d'un bonheur éternel somme toute égoïste (Alessio balance en effet entre le secours porté aux siens et la perte de tous ses efforts pour obtenir le Ciel) qui plombe l'ici-bas (et ses autres habitants). Grande cruauté qui se sent d'autant mieux avec la littéralité assumée de la mise en scène.
    • Ce tout ou rien, ces sacrifices toujours augmentés par l'interdiction du recul d'un pas qui ferait perdre tout le bénéfice ; la doctrine de Brand se retrouve ici. (cf. Brand sur CSS)
      • Même perception de la religion où l’enfer est partout pour le saint (pas pour les autres), jusqu’à l’absurdité de la quête horrible, destructrice pour tous, et impossible en fin de compte. Donc un paradis, peut-être, sans doute, mais un leurre car inacessible. Et même pas le droit de se plaindre du côté de la famille, le Ciel leur ferme la bouche – sont finalement virés de scène pour ne pas gâcher le ballet.
      • Cruauté épouvantable dont on n'a pas tant l'habitude à l'opéra, surtout lorsque les divinités sont en jeu. Quasiment de l'Euripide, ces interventions malignes de la Divinité.

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Interprétation
  • Mise en scène à la façon de tableaux grâce à l'éclairage à la bougie. Gestuelle totalement statique de l'Italique XVIIe.
    • D'abord surprenant ou gauche, assez fascinant en fin de compte, avec ces gestes-ponctuation, et cet esthétisme.
    • Jeux du décor avec les fenêtres où paraissent les personnages au I et au II, très heureux.
  • Pourquoi les anges chantent-ils surnaturellement mal ? (réaction à la voix d'enfant...) Sinon, linguistiquement parlant, plutôt bien pour un petit français.
  • Parmi tous les exécutants, saluons :
    • Xavier Sabata (la mère), pour sa voix exceptionnellement ronde pour un falsettiste, une plénitude à elle toute seule - et une bonne expression.
    • Max Emanuel Cencic (l'épouse), très à l'aise en costume travesti, avec en particulier de beaux graves mats.
    • Alain Buet [notre Corésus !] (le père), toujours cette autorité pleine de simplicité. Et cette voix légèrement sèche si naturelle, si spontanée, cette interprétation soignée. Bon acteur de surcroît.
    • Et le tenant du rôle-titre, Philippe Jaroussky, qui tout en occupant le registre de pureté éthérée un peu uniforme qu'on attend de lui, soutient l'attention par sa musicalité. On aurait peut-être pu confier ce rôle à un chanteur plus « problématique » pour plus de recherche, mais dans ce registre littéral, le choix paraît cohérent, et de toute façon abouti.
    • William Christie et les Arts Florissants sonnent, sans diversité particulière de couleurs non plus, sans l'ascétisme qu'ils traînent parfois chez les Italiens.

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Paradoxe du spectacle
  • Décalage intéressant (et frappant) de la Foi qui explique doctement que sur terre ne se trouvent que peines (destinées à éprouver en vue du Ciel, interprétation qui peut être analysée comme biaisée des Textes, puisque la Création ne se fait pas en vue de ce processus). Intéressant, car décalage de ce propos de la Foi, dans un festival où plus personne n'y croit, mais où l'on vient précisément prendre du plaisir très temporel...

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CSS a donc fort aimé, en grande partie grâce à la fascination exercée par les tableaux vivants, dignes de La Tour, confectionnés par Benjamin Lazar. L'oeuvre en elle-même se devait impérativement d'être soutenue par un plateau de cette qualité - et fonctionnait très bien en l'occurrence.

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mardi 25 décembre 2007

Carl Nielsen - ALADDIN d'Oehlenschläger - Salonen

Musique de scène pour la pièce en cinq actes (en vers blancs, comme c'est la tradition dans le théâtre germanique) Aladdin eller den forunderlige Lampe (« Aladin ou la lampe magique ») d'Adam Oehlenschläger (cf. fonction recherche de CSS).

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Coloré, chatoyant, souffle tenant à la fois du merveilleux et de l'épique. Evoque assez bien le romantisme pittoresque d'Oehlenschläger. On y rencontre même une polytonalité surprenante, avec le choeur de femmes qui se superpose à la musique ambiante, sur une autre tonalité. De façon très habile, la charge de parfums lourds d'Orient confine à l'écoeurement.

Dans la suite tirée de cette musique, on devine sans insister que Salonen se montre brillant, avec son savoir-faire orchestral bien connu.

Marche orientale - Rêve d'Aladin et Danse de la brume matinale - Danse hindoue - Danse chinoise - Marché d'Ispahan - Danse des prisonniers - Danse des Noirs
Choeur et Orchestre Symphonique de la Radio Suédoise
Esa-Pekka SALONEN
(chez CBS)

lundi 24 décembre 2007

La tragédie lyrique réformée

Les indispensables de la période, de notre point de vue. Plus encore que Gluck, Piccinni et Sacchini, ce sont Salieri et Johann Christian Bach qui nous fascinent.

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Darius Milhaud - LES CHOEPHORES - Markevitch

Musique de scène pour le texte de Claudel d'après le cycle orestique d'Eschyle.

Partition tout à fait fascinante. Ses fanfares polytonales, sa prosodie singulière - avec de longues séquences psalmodiées par la Coryphée, à laquelle répondent les échos ou les interjections affectives du choeur. Les retrouvailles avec l'esprit rituel du texte - comme chez Prodromidès ; on y rencontre même des percussions obstinées comme dans l'opéra du Sichuan (cf. la série de CSS sur le théâtre chanté chinois), avec un grand pouvoir de suggestion mystique.

Le reste a la simplicité de Milhaud, mais sans la niaiserie ou la pauvreté qu'on lui reproche parfois dans ses oeuvres mineures.

La fin s'interrompt sur une déploration à caractère général sur le genre humain, avec cette universalité propre à Eschyle - négation de l'action où le sujet du drame (et sa seule 'action') est la présentation de la condition humaine même. La psalmodie et ses échos au choeur se taisent doucement mais subitement, à la façon abrupte de la tragédie lyrique. Point de postlude, seul le silence nous en indique le terme.

Malgré le son très sec de radio d'époque, avec un orchestre 'placé' trop en arrière des solistes, très belle interprétation, en particulier Claude Nollier vaillamment aux prises avec ses difficultés prosodiques et Markevitch qui parvient avec son Lamoureux à l'acuité que nous pouvons lui connaître dans sa Damnation de Faust publiée.

Un sujet passionnant qui mériterait quelques extraits musicaux et une entrée dûment rédigée sur CSS...
A mettre en perspective avec d'autres reconstitutions, à visée authentique ou non, de la musique grecque antique. [1]

Les Choéphores Op.24,
Deuxième partie de l'Orestie d'Eschyle
Geneviève Moizan, soprano
Hélène Bouvier, alto, Électre
Heinz Rehfuss, baryton, Oreste
Claude Nollier, récitante
Chorale de l'Université
Orchestre Lamoureux
Igor MARKEVITCH

Notes

[1] Il existe déjà deux notes sur le sujet, sur CSS : 'La tragédie grecque est un opéra'.

mercredi 19 décembre 2007

Debussy - PELLEAS & MELISANDE - Inghelbrecht (1962)

Poésie extraordinaire (les bois !). Toute l'orchestration y est lisible, toute l'atmosphère suspendue et précaire s'y trouve. Avec des moments d'acuité assez formidable. [1]

Le médium de Granger dispose de ces couleurs merveilleuses qui rappellent Crespin et Sarroca. Jansen débraillé mais plutôt touchant, intense parfois, moins niais que chez Desormière et Cluytens. Le choeur est superbe aussi, émouvant même - chose si rare dans cette page si courte. Roux, avec au besoin une profondeur méditative à faire pâlir tout Arkel, propose un Golaud tendre mais impulsif, avec une gestion assez complette des facettes du personnage ; et toujours aux confins du murmure. Concilie le grand seigneur et la brutalité grâce à cette proximité bienveillante qu'ont les grands - mais qui révèle aussi leur pouvoir. Très attachant en tout cas.

Lire la suite.

Notes

[1] Voyez l'entrée d'Arkel ou l'interlude des scènes II,1 et II,2.

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dimanche 16 décembre 2007

Haendel - « Ah, mio cor» - Récital Kožená / Marcon

Comme annoncé ici et là (et pourtant nous avions fait savoir notre scepticisme sur ce point), disque un peu sage. Par rapport à ses concerts brûlants, étonnante circonspection, une impression d'absence - les ravages du studio... Même la diction s'y trouve étrangement relâchée.

Sinon, voix splendide et sens de l'atmosphère, évidemment. Accompagnement de Marcon comme toujours très impressionnant techniquement. Plus frémissant.




(A lire aussi sur CSS, le compte-rendu de sa dernière Mélisande et l'esquisse de portrait de Magda.)

(Remerciements à Kia.)

mercredi 5 décembre 2007

Ibert - LE ROI D'YVETOT

Accessible à partir de deux vinyles enregistrés par Emmanuel Rosenthal.

Livret de Jean Limozin d'après André de la Tourrasse. La courte légende normande.

Titré opéra comique alors que ni dialogues parlés ni ton réellement comique. Témoigne bien de la confusion générique.




Changement saisissant de ton ; de la comédie de moeurs façon Angélique à une fin du monde arthurienne qui rappelle le ton du III du Roi Arthus de Chausson.

Jusqu'à faire tomber le sonneur. Violence incroyable de faire ça en scène ; viol des codes, ainsi, comme une péripétie fortuite, un bête accident, au milieu de l'opéra. Et deviennent aveugles dans leur place forte. Horrible.

Tous disent être les seuls survivants ; procédé comique appliqué au tragique extrême. Musique de même, sautillante - mais sans gaîté.

Si bien que le retour du comique se pare, musicalement, des couleurs du tragique - et que le spectateur ne peut plus y croire. Etrange flou.




Ose la répétition obsessionnelle des litanies - Saint Gilles... de façon jamais lanscinante, avec toujours ce charme léger et fascinant propre au meilleur Ibert.

Le roi blessé qui rêve aux royaumes accessibles - figure donquichottesque évidemment.

Des échos musicaux d'ardeurs guerrières parsifaliennes, ou des évocations textuelles du type "la joie - on n'en a pas tous les jours".




Se grippe, en guise de réjouissance, emballement pétrifiant, voire terrifiant.

Etrange fin joyeuse. Si eux ont choisi, reste indécidable pour nous spectateurs.




Musicalement, l'écriture nue et filmique d'Ibert - on songe à Golgotha - touche sans médiation, tout directement.

Nino Rota - CAPPELLO DI PAGLIA - Rota RCA

Retour à cette oeuvre légère mais consistante, pleine de charme.

De plus, la version de Rota en est excellente (Cortez, Basiola, le jeune Zancanaro...).

L'action déboule à une vitesse folle ! Vraiment le meilleur de l'opéra italien : lyrique, précipité, drôle.

Une version comique de Vanessa, en quelque sorte...




Comportements qui brisent les conventions sociales ; mais nullement gênant, jouissif même. Chose rare en fin de compte.

Joyeux tumulte du III qui rappelle le Barbier au II ; sauf que n'est pas ici un contexte salvateur.




IV : cortège totalement rompu ; jeu avec la convention du choeur de réjouissances, ici poussif et abattu.

Joie très bien écrite qui fait plaisir à voir ; on se doutait bien qu'on tournait en rond autour de la catastrophe pour trouver la solution tout près. Cependant rebondissements infinis, catastrophes sur le fil en cascade.

Rebondissements infinis, catastrophes sur le fil en cascade.




Vraiment réjouissant - le livret est absolument excellent, à la croisée de la tradition (avec des codes repris dans la constitution) et d'une efficacité vraiment admirable. Intrigue atypique aussi, où le héros ne participe nullement d'une tension amoureuse - est comblé du début à la fin, malgré certaines amusettes sporadiques du librettiste.

Voix d'Ugo Benelli, personnage principal, un léger corsé qu'on rapprocherait aujourd'hui de Flórez, mais douce et expressive. Italianité et précision verbale absolument délectables - tant repose sur ses épaules. Mazzucato beaucoup plus stridente et pâle, mais peu importe, vu la nature du rôle.




Rappel distribution :

Nino Rota
Le Chapeau de paille de Florence, farce musicale en 4 actes (Un enregistrement réalisé dans les Studios de la RCA en 1975.)
Ugo Benelli (ténor), Fadinard
Alfredo Mariotti (basse), Nonancourt
Viorica Cortez (mezzo-soprano), La Baronne de Champigny
Daniela Mazzuccato (soprano), Elena
Mario Basiola (baryton), Beaupertuis
Edith Martelli (soprano), Anaide et la Modiste
Giorgio Zancanaro (baryton), Emilio
Mario Carlin (ténor), L'Oncle Vézinet
Enrico Campi (basse), Un Caporal de la Garde
Angelo Mercuriali (ténor), un garde
Pier Francesco Poli (ténor), Felice, domestique de Fadinard
Sergio Tedesco (ténor), Le Vicomte de Rosalba
Choeurs et Orchestre de Rome [ndCSS : ?]
Nino Rota, direction
réf : OPERA 74321551092

lundi 3 décembre 2007

Indispensables scéniques du premier romantisme allemand

  • Beethoven - Leonore / Fidelio
  • Beethoven - Christus am Ölberge
  • Weber - Freischütz
  • Weber - Oberon
  • Schubert - Fierrabras
  • Schubert - Alfonso und Estrella
  • Schubert - Lazarus
  • Marschner - Der Vampyr
  • Schumann - Szenen aus Faust
  • Schumann - Egmont (musique de scène)
  • Wagner - Der Fliegende Holländer
  • Hjalmar Borgstrøm - Thora på Rimol (bien plus tardif mais dans le même esprit)


Attention aux versions coupées ou calamiteuses.




Des articles et des versions libres de droits se trouvent en fouinant sur CSS.

Lesueur - PAUL & VIRGINIE - Niquet

  • Avec narrateur prenant souvent le pas sur les dialogues.
  • Choix de la distanciation, soulignant avec ironie mais empathie les conventions et répétitions, la pauvreté du propos ; image d'une époque regardée derrière la vitre.
  • Il est vrai qu'en l'occurrence n'est vraiment plus comestible comme tel.
  • Mais déconstruction très habile ici.
  • Nous épargne des dialogues vraimnent faibles et inutiles, ici, et si CSS va jusqu'à le dire...
  • Les chanteurs jouent le jeu d'ailleurs, belle cohérence du spectacle.
  • Vraiment très piquant, et pour le coup délectable sans regret. Remarquable adaptation.
  • La défiance comme esthétique.