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Le meilleur de la musique pour choeur à la Cité de la Musique (Accentus dans Bach, Mendelssohn, Mantovani)


Le 20 octobre, magnifique programme à la Cité de la Musique, que j'étais heureux d'entendre dans de belles conditions. L'occasion de présenter un peu ce programme.

Motets de Johann Christoph & Johann Sebastian Bach, Motets de Mendelssohn, et une cantate (en création) de Bruno Mantovani.

Le choeur Accentus confirme les qualités qu'il manifeste à chaque fois en salle et dont les retransmission (qui me l'avaient d'abord fait sentir comme un choeur un peu lisse et grisaillous) ne rendent absolument pas compte. L'impact physique est toujours important, grâce à des voix très concentrées (les soli révèlent de vrais chanteurs aguerris - et poétiques), mais aussi très esthétiques, pas du tout les techniques épaisses en mécanisme ultralourd qui génèrent des harmoniques parasites, et qu'on peut entendre dans la plupart des choeurs d'opéra en France (ou, malheureusement, dans le Choeur de Radio-France).
Le son en demeure toujours limpide ; seule la diction est un peu lâche, sans être infâme non plus. Pour un choeur d'oratorio de ce format (huit à dix par pupitre), on se situe clairement dans le très haut niveau - et si on parle de la France, au plus haut niveau, il faut vraiment aller dans des formations plus réduites (Les Elemens, par exemple) pour entendre une qualité comparable. Le mélange entre l'assise de voix de femmes et la clarté des voix d'hommes, pour le pupitre d'alto, est une solution toujours très féconde, et que j'ai rarement entendu exploiter aussi efficacement.

Les activités de ses membres en dehors d'Accentus sont d'ailleurs assez représentatives : Kristina Vahrenkamp chante de l'oratorio (à effectifs limités), Caroline Chassany chant beaucoup de baroque français, Bruno Le Levreur fait les deux, Laurent Slaars a chanté Méduse dans le Persée de studio de Rousset... bref, des voix élégantes, bien projetées, qui privilégient l'équilibre du timbre sur le volume sonore.


Deuxième des Psaumes Op.78 de Mendelssohn, au programme. Landesjugendchor Niedersachsen dirigé par Georg Grün dans la Stadtkirche de Walsrode en 2009. Sacrée tradition chorale en Allemagne et au Nord...


Dans cette sélection des (meilleurs) Motets de(s) Bach, je suis pour la première fois pleinement convaincu par un choeur de cette ampleur (et de cette école !) dans ce répertoire, moi qui n'aime quasiment que les versions à un par partie (et si possible sans doublures instrumentales). Evidemment, la netteté du contrepoint et des mots ne peut pas être celle de minuscules ensembles, et Singet dem Herrn manquait un peu de sens de la danse (pas d'appuis sforzando, pourtant assez évidents vu l'écriture du double choeur). Néanmoins, la beauté du résultat, sa prégnance même, sont considérables.
Quatre continuistes (basse de viole, basse de violon, archiluth, positif), ce qu'il fallait pour cette masse, et pas de doublures par des dessus parasites, c'était parfait.

La création de la Quatrième Cantate de Bruno Mantovani,

pour lequel j'ai pourtant eu souvent l'occasion de me répandre en louanges, confirme mon opinion sur la capacité des compositeurs non-tonals à résoudre les questions de prosodie et de tension dramatique. La Morte Meditata m'avait déjà laissé assez dubitatif (quelle prosodie, quelle direction ?), et ses opéras ne brillaient pas par leur force verbale, même si j'avais beaucoup aimé la synthèse de son style symphonique dans L'Autre Côté.
Sur le même texte de Paul Tymich que le motet « Komm, Jesu, komm », on peut donc entendre tour à tour des prouesses individuelles de membres du choeur, de discrets nuages choraux dénués de toute intelligibilité, et surtout un immense solo de violoncelle (assez agréable, on y retrouve les accents inversés varésiens qu'adore Mantovani) sur fond d'accordéon.
La lecture de la note d'intention laisse pantois, il s'agirait de jouer de l'écho-distanciation avec la forme de la cantate sacrée baroque... si quelqu'un a déjà assisté à un office (particulièrement luthérien !) où le but affiché est de ne pas entendre les paroles, et a déjà vu une viole de gambe ou un violoncelle continuiste se faire accompagner pendant un quart d'heure par le choeur, qu'il se manifeste. Sans parler de la structure bipartite (un peu de voix au début, presque qu'un duo instrumental ensuite), qui n'a absolument aucun rapport avec le passé... et d'ailleurs aucun rapport lisible avec quoi que ce soit. La logique et la nécessité, si l'on ose dire, échappe un peu - ce qui est un reproche horrible à faire, puisque précisément la musique ne sert à rien, mais qu'on ne ressent jamais le besoin de poser cette question lorsqu'elle est bonne.

Et pourtant, le sentiment global d'une pièce assez agréable... mais comme sans objet.

Le concert se prolongeait sur un autre sommet de la littérature chorale, les Trois Psaumes Op.78 de Mendelssohn, une des oeuvres les plus variées et intenses du répertoire a cappella, jouant de l'homophonie comme des solistes, de l'exultation à la fin de Richte mich Gott (n°2) comme de la déréliction qui débute Mein Gott, warum hast du mich verlassen (n°3). Avec, toujours la grâce si singulière de ce compositeur.

Contrairement à ce que pouvait laisser croire le programme annoncé, il ne s'agissait pas du Gloria autonome de Mendelssohn, une pièce de vingt-cinq minutes avec orchestre, pleine de pompe et de contrepoint, à rapprocher de son Magnificat (quoique le Gloria soit davantage marqué par Mozart que Bach, et moins exalté également) ; mais simplement d'un extrait de Die Deutsche Liturgie (trois minutes a cappella !), « Ehre sei Gott in der Höhe », beau mais de très moindre ambition - cette liturgie traduite ne constituant de toute façon pas le meilleur de l'oeuvre chorale de Mendelssohn (il faut dire que la concurrence se livre sur les plus hautes cîmes).

Magnifique concert, choeur splendide et d'un grand impact, programme délirant de beautés ininterrompues, avec une création clairement en deçà, mais qui avait au moins le mérite d'être habilement écrite et nullement rebutante.


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Commentaires

1. Le vendredi 2 novembre 2012 à , par Jérémie

La lecture de la note d'intention laisse pantois [...] si quelqu'un a déjà assisté à un office (particulièrement luthérien !) où le but affiché est de ne pas entendre les paroles, et a déjà vu une viole de gambe ou un violoncelle continuiste se faire accompagner pendant un quart d'heure par le choeur, qu'il se manifeste.


Eh bien rien que ce petit passage m'a fait rire cinq bonnes minutes (oui il m'en faut peu !) alors merci :)

2. Le mardi 11 décembre 2012 à , par Camille

Concert en (ré)écoute ici encore pour quelques jours http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/concert-soir/emission.php?e_id=80000056&d_id=515003624

3. Le mercredi 12 décembre 2012 à , par David Le Marrec

Merci Camille !

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