Walter Braunfels - TE DEUM
Par DavidLeMarrec, vendredi 4 janvier 2008 à 17:34 :: Ecclesiasticus :: #40 :: rss
On classe régulièrement Walter Braunfels parmi les décadents, peut-être du fait de sa réhébilitation via feue la collection Entartete-Musik de Decca.
Il est vrai que l'agréable insolence d'un sujet comme Die Vögel ("Les Oiseaux"), livret qu'il réalisa lui-même d'après la pièce homonyme d'Aristophane, laisse entrevoir cette fantaisie du temps qui se manifestait notamment dans des livrets parfois simultanément triviaux, fantastiques, historiques, satiriques, et ciselés avec beaucoup de soin.
Cependant, musicalement, le langage demeure tout de même extrêmement proche d'un postromantisme assez orthodoxe, plus comparable à Reger [1], Humperdinck, Siegfried Wagner ou Pfitzner qu'aux postraussiens. Un héritier de Wagner en ligne directe, en somme.
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C'est en cela que l'écoute de ce Te Deum est révélatrice. Elle se montre même étrange ; tout est si traditionnel, avec une solennité parfaitement sérieuse, sans l'échappatoire de la dérision et de l'excès, si caractéristique des décadents.
En réalité, on songe plus au Bruckner liturgique (et même à celui très grandiose du Te Deum), au Holst de Mars, voire à Orff, qu'aux Viennois. Même si le langage, évidemment, demeure extrêmement soigné (et infiniment plus riche que chez les deux derniers). Comme dans la liturgie brucknerienne, on retrouve des moments d'appaisements, matérialisés par des entrelacements de voix solistes sur tempo plus modéré - bien qu'aucun tempo effréné soit jamais de mise -, d'inspiration quasiment mozartienne. On songe aussi à l'Offertoire du Requiem de Verdi [2].
Aucune velléité d'être novateur en tout cas, malgré la délicatesse de seconds plans orchestraux assez passionnants - ce millefeuille est assez caractéristique de la période et du décadentisme -, que Manfred Honeck, dans son concert de 2004 à la tête de la Radio Suédoise, n'exalte pas nécessairement dans leur entièreté. Il faut dire que malgré ses beautés, l'orchestration conserve quelques opacités de la tradition allemande (légèrement rehaussées d'écoutes de Berlioz, manifestement).
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La plus grande particularité se manifeste sans doute dans la scansion précipitée, étrange, du texte liturgique, comme poursuivant une transe sans fin. On touche parfois au minimalisme à venir, y compris dans l'orchestration.
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A propos de Braunfels.
Né à Francfort-sur-le-Main, fils de la petite Nièce de Louis Spohr (que nous retrouverons bientôt dans notre parcours faustien/faustéen sur CSS), étudiant en droit et économie à Munich, il voit la lumière en découvrant une représentation de Tristan (soirée promo : également chargeable sur CSS).
C'est alors qu'il se consacre exclusivement à la musique, comme pianiste professionnel (on dispose d'une version des Diabelli de Beethoven, radiodiffusée en 1949), et bien sûr comme compositeur.
On l'a classé parmi les "dégénérés" à cause de sa décision, comme Karl Amadeus Hartmann, de composer pour lui seul à l'avènement du régime nazi. Bien que son esthétique ne soit pas exactement celle du régime, nous ne sachons pas qu'il ait été formellement interdit, ou persécuté (comme Schreker). Néanmoins, il entre bel et bien dans la case d'une certaine forme de dissidence intellectuelle, décadent véritable ou pas.
Son Te Deum, malgré son grand sérieux et une fois oublié son aspect sévère, ménage de belles surprises, avec une invention musicale fortement renouvelée au cours de la pièce, et de grande qualité.
Une fois apprivoisé, nous y tenons de plus en plus.
Commentaires
1. Le lundi 7 janvier 2008 à 21:28, par sk†ns
2. Le lundi 7 janvier 2008 à 23:18, par DavidLeMarrec
3. Le mardi 8 janvier 2008 à 11:47, par sk†ns
4. Le mardi 8 janvier 2008 à 13:04, par DavidLeMarrec
5. Le mercredi 9 janvier 2008 à 14:19, par sk†ns
6. Le mercredi 9 janvier 2008 à 18:18, par DavidLeMarrec
7. Le vendredi 11 janvier 2008 à 10:05, par sk†ns
8. Le vendredi 11 janvier 2008 à 11:39, par DavidLeMarrec
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