Diaire sur sol

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jeudi 14 août 2008

Gounod - Faust - Plasson, Orange 2008

En plus, la mise en scène de Nicolas Joël ressemblait fortement à du bâclage (ou alors quelque problème de nous inconnu l'a empêché de produire ce qu'il pouvait). Aucune direction d'acteurs (seul Alagna, tout à son enthousiasme d'être en contact avec son public, riait et bondissait sans arrêt). Une esthétique du sabre et du goupillon (pourtant décriée par le metteur en scène). Des chanteurs perdus, aucun mouvement (la scène foisonnante du II, où Faust et Méphisto se frayent un chemin parmi les danseurs, ne voit que trois couples de valseurs au milieu de la scène immense), et plusieurs sabotage de l'économie dramatique de l'oeuvre. Entrée pour ainsi dire par la porte du démon au I, et surtout avancée paisible de Faust écoutant Marguerite à la fin du III, alors que la surprise par l'amant du moment d'aveu solitaire porte à elle seule tout le tragique de ce qui suit - l'enfant, la mort, la damnation potentielle. Tout est donc aplani sans la moindre recherche, jusqu'à saper ce qui est bien écrit.
Une idée séduisante cependant, à la toute fin : le retour à l'état initial de Faust, sorte de punition qui le condamne à mourir vieux et fatigué, la damnation en plus.

Côté orchestre, une direction lente, sans grand relief, mais soignée, avec de belles couleurs, de la part de Michel Plasson. Les choeurs, bien que nombreux, disposent d'un timbre proportionné, très agréable, et d'une diction à peu près correcte, ce qui est rare et doit être salué comme il se doit.

Côté interprètes, on note avec un peu d'étonnement un début très précautionneux pour René Pape, qui peine à trouver les voyelles justes avant le III, et peine à s'investir - alors que la radiodiffusion new yorkaise, en 2006, montrait un démon certes un peu noir pour un Méphisto goethéen, mais très complet et assuré. Comme on ne peut pas prétendre que l'absence de mise en scène ait troublé un habitué des versions de concert et surtout du Met, on peut penser à une soirée de relative méforme - mais attention, malgré un manque total d'originalité, l'ensemble était vocalement parfaitement assumé, et surtout, il faut toujours se méfier des voix de basse, qui ont un impact énorme en salle, pas toujours rendu par les micros (c'est le cas par exemple de Fernand Bernadi et de Nicolas Testé, voix très peu phonogéniques, et pourtant d'une présence extraordinaire en vrai). Il est donc possible qu'une présence très particulière se soit tout de même manifestée - alors que la retransmission donnait l'impression à tous les coups fallacieuses d'une projection un peu difficile !

Inva Mula a, en peu d'années, abandonné sa luminosité un peu monochrome au profit d'une voix plus ferme, légèrement plus dramatique, d'une diction plus affirmée, d'une qualité d'attaque supérieure. Le timbre en est moins séduisant, mais le résultat combien plus varié et intéressant ! Il est rare que les artistes soient capables, au sein du galop d'une carrière, de modifier ainsi leurs qualités propres, c'est à saluer.

Jean-François Lapointe semble résoudre de plus en plus nettement sa tendance à l'engorgement, et parfois au prosaïsme, avec une présence scénique tout à fait honorable dans le monde anesthésié de cette soirée. Pour un baryton martin, l'aigu n'est pas très libre et beau, mais son Valentin convainc. Un chanteur de plus en plus intéressant, dont le Pelléas très viril nous avait d'ailleurs étonné il y a peu.

Enfin, Roberto Alagna,

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Tchaïkovsky - La Dame de Pique - Rozhdestvensky, Dodin

Une esquisse, quelques pistes.

Visionné tout récemment la mise en scène parisienne très décriée de Lev Dodin. En effet, le choix de la situation dans l'asile, donc à l'issue de la folie d'Hermann (qui ne mourrait pas), qui peut sembler cohérent, se révèle extrêmement stérilisant.

  • Toutes les alternances de groupes qui scandent le drame et en particulier l'acte I sont réduites à un défilé en hauteur, hallucinations figées au-dessus du lit d'Hermann. Jusqu'à l'opéra mozartien du II, tout est présenté sur cette estrade figée, où des personnages en haillons, camarades de folie ou créatures imaginaires, posent, immobiles, interminables.
  • Toute variété, tout mouvement sont proscrits, aucune action ne se déroule sur scène - ce qui est tout de même un non-sens assez important lorsqu'on réalise une mise en scène.
  • La cohérence du procédé s'effrite au fil des actes, lorsque des personnages descendent dans l'arène, ou lorsqu'Hermann vient menacer la vielle comtesse. Qui sont-ils, à quoi servent-ils ? Le parti pris, totalement stérile en lui-même (puisqu'il n'apprend rien que l'on ne sache et sabote totalement la logique dramatique de l'oeuvre et sa respiration vive), se trouve donc de surcroît largement pris en défaut.
  • Ajoutons à cela que la partition n'est pas épargnée, puisque la cohérence du récit de Tomsky est brisée par l'intervention au discours de la Comtesse dans son monologue, ce qui est un non-sens dans une séance de conteur, et accessoirement du charcutage musical...


Pour ne rien arranger, la direction de Ghennady Rozhdestvensky, vraiment lente et dépourvue d'angles (et pourtant pressée de relâcher le dernier accord), accentue ce caractère lisse et contemplatif.

L'ensemble est sauvé par les chanteurs. Vladimir Galouzine, contrairement à ce que pouvaient laisser penser ses incarnations italiennes pâteuses et rustaudes, n'est absolument pas en perte de moyens, loin s'en faut. Le placement en arrière imposé par le russe correspond beaucoup mieux à son émission qui repose assez sur la gorge. Il compose un personnage d'une variété, d'une force de conviction et d'une insolence vocale hors du commun, tenant à lui seul ce qui reste de drame dans cette lecture scénique terriblement pauvre. Si bien que la voix en finit légèrement plus mate à la fin de l'oeuvre, tant le chanteur refuse de se ménager, et s'investit à corps perdu dans les affres du dément.
Il paraît, de surcroît, que sa puissance en salle est assez extraordinaire.

Hasmik Papian, loin de la réputation braillarde que lui ont procuré des prestations peut-être écoutées trop rapidement,

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