Diaire sur sol

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jeudi 24 janvier 2008

Tragédie

Ames sensibles s'abstenir. La voix au téléphone, distordue par le mauvais réseau, énonce des vérités terribles sur l'instant qui se déroule.

Soudain, des dénégations, des cris. « Non ! » tantôt affirmatif, tantôt catégorique, tantôt implorant.

Et le silence soudain de la ligne, comblé artificiellement par la voix du présentateur.

Pesant comme le sifflement lourd de sens du téléphone après l'implosion d'une ville entière.

mercredi 23 janvier 2008

Stravinsky - Le Sacre du Printemps - Bernstein

Terrible claque. Tout prend ici un tel relief ! Alternant délicatesse et violence, tout y est ciselé, incisif ; les paroxysmes véritables, à couper le souffle.

Les belles versions sont légion, mais celle-ci possède objectivement tout. Tout au plus Carnets sur sol préfère-t-il le solo de basson initial sur un tempo plus large et lyrique - mais ce moment se trouve si bien réalisé, avec cette entrée non pas suspendue, mais déjà dansante...

Bernstein était sans nul doute le plus indiqué sur le papier pour réussir cette partition : l'incisivité, la danse, l'abandon... aussi le risque de se retrouver un peu dépité était grand. Au contraire, la surprise est inverse.

avril 1972
London Symphony Orchestra
Leonard Bernstein

La version de 1958 a la réputation d'être encore nettement plus. Celle-ci a en tout cas le privilège de rester équilibrée et confortable, sans chercher absolument à subvertir à toute force.

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[A présent, il faut peut-être ajouter que du fait de la maîtrise technique qu'elle réclame, cette pièce ne se trouve quasiment que dans des interprétations irréprochables. Tout au plus certaines sont-elles un peu moins déhanchées (Boulez) ou un peu plus hédonistes qu'engagées (Salonen II), mais la haute valeur de notre Bernstein ne fait pas non plus redécouvrir une oeuvre déjà parfaitement servie.]

mardi 22 janvier 2008

César Franck - SYMPHONIE en ré - Guido Cantelli

Une lecture passionnante, jamais entendue avec cette clarté et cette évidence. La première fois que cette symphonie, mainte fois entendue, nous convainc pleinement, sans cette vilaine pâte habituelle.
Jusque chez Monteux en effet, le son de Franck paraît terriblement regerien.

Ici, la limpidité de l'orchestre comme du discours permet de jouir pleinement de toutes les vertus de l'oeuvre, sans la lourdeur indigeste dont on l'accuse parfois - et dont elle revêt, hélas, souvent les atours.

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(Libre de droits. Une salve Cantelli est à prévoir en conséquence sur CSS.)

lundi 21 janvier 2008

Antonín Dvořák – TE DEUM

Incroyable jubilation quasiment transielle qui l'ouvre ; l'orchestre, avec ses timbales déchaînées mais jamais menaçantes, déborde d'une extase extravertie à faire peur.

Le reste de l'oeuvre retourne à un ton plus recueilli - avant toutefois d'exploser à nouveau dans une certaine allégresse finale. Le ton plus posé des airs de la soprane et des récits de la basse sonne plus légitimement solennel, mais toujours avec cet élan très sentimental que maîtrise si bien Dvořák.

Une oeuvre très surprenante, qui n'a sans doute pas les charmes du Requiem, porté de bout en bout par une inspiration sans égale, mais qui captive par ses choix - ainsi que leur belle réalisation.

A ranger aux côtés du Magnificat-passacaille H.73 de Charpentier, à la présentation duquel nous nous activons depuis quelques semaines.

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Interprétation écoutée :

Orchestre symphonie de Prague, Gaetano Delogu. Concert d'inauguration de la Salle Smetana de Prague, après sa restauration en 1994-1997. (Concert hélas inédit, au vu des superbes couleurs de l'orchestre, qu'on a déjà vantées sur CSS à propos du Concerto pour violoncelle de Dvořák.)

samedi 19 janvier 2008

Soccorso

Hommage à Jdm.

(pour en savoir plus, chatouillez délicatement Emma - promis, elle ne chantera pas)

vendredi 18 janvier 2008

Bruckner - SYMPHONIE n°7 - Schuricht

Une lecture atypique de Bruckner. A la fois de l'alacrité (qualité inhabituelle dans ces pages) et un caractère quasiment dansant, presque galant.

Plus encore, le son a quelque chose d'une tendresse moelleuse tout à fait inusitée chez ce compositeur. Quelque chose de feutré, un ton ancien - Berlin est méconnaissable. Vraiment surprenant, et immédiatement séduisant. La structure en est de plus lisible avec une grande aisance.

Lorsqu'on accepte de jouer Bruckner sans le décorum qu'on lui accole trop souvent, le résultat est tout de même bien plus digeste - Georges Prêtre a ainsi réussi une Quatrième confondante d'évidence, et d'aspect si clair !
Evidemment, cela ne résout pas les faiblesses lourdes de l'orchestration, mais elles ne font plus obstacle dans ce cas. Un peu de la même façon que ce qui peut apparaître comme des tunnels dans Parsifal disparaît lors d'une exécution à tempo raisonnablement dramatique comme le fait Boulez. Les phrasés sont alors sensibles et trouvent leur sens, sans se perdre de vue (et de souffle).

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Sans doute que la collaboration avec Vienne, qui tend toujours à tiédir très sensiblement les options des chefs, n'est, pas plus que la nature de l'oeuvre, étrangère à la réussite moindre de la Neuvième par Carl Schuricht.

(Cette Septième de 1938 appartient désormais au domaine public. Rappelons incidemment qu'un Chant de la Terre d'anthologie est disponible dans la catégorie libre de droits de CSS par ce chef.)

jeudi 17 janvier 2008

Le Flem - Sept prières enfantines - Girod

Autant la sonate avec violon est fraîche, d'une insouciance française qui tient plus d'Ibert que de Debussy, autant ici, cette simplicité touche à un pudique sublime. Un versant français du Via Crucis de Liszt, en quelque sorte. Peu de musique est énoncée, mais beaucoup de poésie.

Quant à la sculpture délicate des phrasés toujours aussi hautement élégants et attendrissants de Marie-Catherine Girod, elle ne peut que nous inspirer la question solennelle : y a-t-il jamais eu meilleure pianiste pour le répertoire français ?

(Pièces pour piano solo. Publié chez Accord à prix très raisonnable.)

samedi 5 janvier 2008

CSS - Les chocs de décembre

Les confidences du Diaire.

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Des découvertes, ou des redécouvertes qui nous ont à nouveau frappé. Qui ne se veulent pas un quelconque bilan, mais une incitation à la découverte.

Ordre bêtement chronologique pour préserver le caractère de catalogue. En gras, ce qui est disponible. En souligné, ce qui devrait l'être probablement ou prochainement - ou qui est disponible sous une autre forme.

Avec de très brefs extraits pour donner un aperçu.

La véritable raison de ce format ? Que nous n'aurons pas le temps d'évoquer toutes ces choses. En voici au moins un aperçu.

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vendredi 4 janvier 2008

Walter Braunfels - TE DEUM

On classe régulièrement Walter Braunfels parmi les décadents, peut-être du fait de sa réhébilitation via feue la collection Entartete-Musik de Decca.

Il est vrai que l'agréable insolence d'un sujet comme Die Vögel ("Les Oiseaux"), livret qu'il réalisa lui-même d'après la pièce homonyme d'Aristophane, laisse entrevoir cette fantaisie du temps qui se manifestait notamment dans des livrets parfois simultanément triviaux, fantastiques, historiques, satiriques, et ciselés avec beaucoup de soin.

Cependant, musicalement, le langage demeure tout de même extrêmement proche d'un postromantisme assez orthodoxe, plus comparable à Reger [1], Humperdinck, Siegfried Wagner ou Pfitzner qu'aux postraussiens. Un héritier de Wagner en ligne directe, en somme.

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C'est en cela que l'écoute de ce Te Deum est révélatrice. Elle se montre même étrange ; tout est si traditionnel, avec une solennité parfaitement sérieuse, sans l'échappatoire de la dérision et de l'excès, si caractéristique des décadents.

En réalité, on songe plus au Bruckner liturgique (et même à celui très grandiose du Te Deum), au Holst de Mars, voire à Orff, qu'aux Viennois. Même si le langage, évidemment, demeure extrêmement soigné (et infiniment plus riche que chez les deux derniers). Comme dans la liturgie brucknerienne, on retrouve des moments d'appaisements, matérialisés par des entrelacements de voix solistes sur tempo plus modéré - bien qu'aucun tempo effréné soit jamais de mise -, d'inspiration quasiment mozartienne. On songe aussi à l'Offertoire du Requiem de Verdi [2].

Aucune velléité d'être novateur en tout cas, malgré la délicatesse de seconds plans orchestraux assez passionnants - ce millefeuille est assez caractéristique de la période et du décadentisme -, que Manfred Honeck, dans son concert de 2004 à la tête de la Radio Suédoise, n'exalte pas nécessairement dans leur entièreté. Il faut dire que malgré ses beautés, l'orchestration conserve quelques opacités de la tradition allemande (légèrement rehaussées d'écoutes de Berlioz, manifestement).

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La plus grande particularité se manifeste sans doute dans la scansion précipitée, étrange, du texte liturgique, comme poursuivant une transe sans fin. On touche parfois au minimalisme à venir, y compris dans l'orchestration.

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A propos de Braunfels.

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Notes

[1] Cf. fonction recherche de Carnets sur sol.

[2] Version ultime, libre de droits, disponible sur Carnets sur sol

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