Hasmik Papian, loin de la réputation braillarde que lui ont procuré des prestations peut-être écoutées trop rapidement, développe une très belle ligne de chant, et, dans la mesure de ce que lui permet la mise en scène, une belle force de conviction. Nicolai Putilin, manifestement fatigué (temps qui passe ou méforme d'un soir ?), propose tout de même un Tomsky d'une précision verbale très enviable, qui compense amplement le caractère un peu terni du registre aigu.

Ludovic Tézier, malgré une ligne de chant extraordinaire, une sorte de modèle de technique italienne dans ce qu'elle produit de meilleur, campe étrangement, aidé par son naturel réservé, un Prince Yeletsky d'une indifférence assez peu croyable visuellement, les yeux comme enfoncés dans la tête, le regard ailleurs. Pour l'éloge de la fiancée, c'en est terrifiant, alors même que le chant, sans être volubile, n'en est pas pour autant inexpressif. Irina Bogatcheva enfin, belle voix pas du tout vieillie, mais dont les poitrinés ne font pas tout à fait merveille dans la chanson de Grétry. Très belle voix - gris moiré -, cela dit.

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Tout de même pénible à voir, mais un couple de jeunes premiers survolté, extrêmement convaincant. On peut toutefois se contenter d'écouter, vraiment, tant le choix forcé d'une "transposition" n'apporte ici aucun sens, juste une évidence martelée au détriment de toute l'architecture esthétique et dramatique de l'oeuvre. Un massacre.

[On se permet un brin plus de sévérité pour une mise en scène que pour une interprétation musicale, parce qu'elle bénéficie de tout le temps nécessaire pour se concevoir, et qu'au contraire des musiciens, les metteurs en scène n'hésitent pas à contredire l'oeuvre, avec les risques inhérents à ce genre d'exercice : abîmer l'oeuvre.]