Diaire sur sol

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lundi 27 mai 2024

Contes (dessinés) de Jane Vieu, à Maubuisson

Au festival du matrimoine Un Temps pour Elles, expérience d'art total dans la grange dîmière de l'abbaye de Maubuisson : ces Contes de Jane Vieu (dont je viens de découvrir à l'instant qu'elle publiait régulièrement sous le pseudonyme de Pierre Valette, dont les chœurs liturgiques sont encore donnés de loin en loin !) offrent une aventure musicale et poétique dont le mélange donne le vertige.

Musique traditionnelle (élève de Massenet, cela s'entend), mais pas sans relief, ici arrangée pour septuor (quatuor + alto + contrebasse + piano) si j'ai bien suivi – puisqu'il existe une version orchestrale –, prévue pour accompagner des projections (à partir de dessins sur plaques de verre illuminées), cette fois-ci remplacées par des dessins réalisés sur des décors amovibles pré-réalisés et diffusés en vidéo sur les murs. Et à tout cela se superpose à deux textes (remarquablement incarnés par Marie Oppert, qui quitte le belt pour un chant legit, le versant plus lyrique de l'émission de comédie musicale) d'une grande qualité poétique, les récits d'Aladin et de la Belle au bois dormant, qui glissent sur les actions et insistent surtout sur les atmosphères et descriptions – ce qui est idéal pour une mise en musique.
Si Aladin décrit les richesses accumulées avec une gourmandise digne de Salammbô (la préciosité du lexique en moins), la Belle au bois explore une jolie idée, celle d'un « prince moderne », à bicyclette, et s'attache à évoquer le monde industriel, la stupeur devant la densité humaine, le bruit des nouvelles machines... avant que la Belle ne choisissent d'aller se rendormir sous la ramée où le Prince l'avait trouvée (version du conte garantie sans agression sexuelle).

Ces deux comptes étaient couplés avec le Septuor de Rita Strohl, plus conservateur que d'autres de ses œuvres , mais d'un élan romantique jamais démenti, en particulier dans les trois derniers mouvements, sortes de parangons des beaux mouvements chambristes du XIXe siècle.

Des nouvelles de la pratique

Petit palier de difficulté supplémentaire dans ma pratique du piano : jouer à partir d'une partition d'orchestre. Je retrouve les sensations de concentration intense et de ralentissement que je connaissais autrefois. À tempo modéré / lent, faisable sur des partitions simples. (En l'occurrence Alfonso und Estrella de Schubert.) Il faut bien sûr opérer des choix (et notamment moins rendre justice aux transpositeurs qu'aux autres), mais je n'ai pas esquivé les solos de clarinette.

Autre plaisir nouveau : l'Ouverture du Freischütz (en réduction piano, hein) a prima vista et à tempo assez endiablé. Je ne pensais pas pouvoir faire ça, mais si le détail est très hautement perfectible, l'essentiel est là et les fausses notes plutôt parcimonieuses. Je ne prétends pas être capable de refaire ça en public – et le fait de connaître l'œuvre aide considérablement, notamment pour comprendre les agencements rythmiques – mais c'est une satisfaction intense que de se lancer dans les tempêtueux thèmes de malédiction, en se perdant sur le clavier sans perdre la musique !

Et pour cela, je ne fais rien à la vérité... (cf. la notule sur le caractère potentiellement contre-productif des gammes) Mais jouer tous les jours (et avec beaucoup de déchiffrage, ce qui permet de ne pas s'enkyster dans les mêmes difficultés ou erreurs, j'imagine) produit une différence assez considérable.
Jouer ou lire de la musique aussi, évidemment ; plus on est imprégné, plus ce qu'on doit faire paraît instinctif, c'est l'évidence.