Diaire sur sol

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vendredi 23 février 2024

Frédéric Vassar – Wotan

Réécoute des fragments d'un des meilleurs Wotan que j'aie pu entendre : Frédéric Vassar (28 ans !) à Gand, tellement de clarté et d'impact !

Je ne crois pas avoir déjà entendu un Wotan à l'émission aussi libre ; tout est absolument magistral, l'assise, le mordant… et beaucoup de mots !

Surnaturel – vraiment.


Beethoven – discographie comparée Missa Solemnis

Mis en appétit par mon cycle Spering – une lecture furieuse, aux couleurs généreuses, aux articulations très détachées des spécialistes de l'instrument d'époque, mais avec une qualité de poussée continue et de lisibilité des plans que tous les tradis non plus, loin s'en faut, n'ont pas : je n'ai pas entendu mieux que ça ! –, car frustré de la présente de seulement trois mouvements (Kyrie, Credo, Agnus Dei) sur le disque Phoenix, je me suis lancé dans quelques réécoutes.

Jacobs est, sans surprise, tout à fait valable (on pourrait n'écouter que ça et s'en porter très bien), mais au jeu de la comparaison – ce qu'il ne faut pas faire, si vous avez bien suivi – les couleurs sont moins radieuses, l'interprétation beaucoup plus mesurée et littérale, et surtout le RIAS Kammerchor n'est vraiment plus ce qu'il était à la fin des années 90 (les Brahms avec Creed en témoignent lumineusement !) : devenu beaucoup plus gris, des voix plus opératiques et rondes, des timbres assez gris, des sopranos moins purs, des ténors plus empâtés, peu de vraies basses. J'en ai été frappé à chaque nouvelle écoute en salle ou au disque ces dernières années, pourtant dans leur répertoire de prédilection (Fidelio, Elias, de l'a cappella germanique…)

Gardiner m'a davantage touché que lors de mes précédentes approches, sans doute parce que j'étais encore très marqué par les lectures symphoniques très amples, fondues et généreuses des versions de vieux chefs sur instruments modernes. (Il y en a quelques-unes d'assez phénoménales, Karajan 66, Bernstein-Concertgebouw, Solti-Berlin, Levine-Vienne, Mackerras-Sydney…) Énormément de détachés et de respiration entre les accords ; ce n'est pas la version qui exalte le plus la continuité des progressions, mais sa beauté à chaque instant reste particulièrement intense.

À suivre, peut-être pour une véritable discographie sur le site principal.

lundi 19 février 2024

Crucifixus par l'Ensemble Poséidon

Concert sur sol n°82.

De retour de la promenade travaillée m'attend ce petit bonbon que j'ai failli ne pas voir, par l'un de mes ensembles chouchous (c'est redonné demain). C'est ça,le Marrec Way of Life.

Que des raretés extrêmes (et de qualité). Des Gesualdo bonus.

Livret de salle gratuit avec texte et traductions ! Libre participation au chapeau.


Non seulement le programme était fou, mais de surcroît le chœur d'amateurs était phénoménal (jusque pour les solos) : 95% des chœurs pros baroques que j'ai entendus en salle chantent moins bien que ça.

J'y vois deux raisons :

1) le recrutement de haut niveau (clairement, ils savent chanter, et niveau solfège, tenir des sections à un par partie et jusqu'à seize voix polyphoniques, sans se décaler), obtenu par des auditions étendues et minutieuses ;

2) le type de technique vocale, voix moins couvertes, moins fondues (et donc plus nettes et franches) que la plupart des pros – et cependant très bien charpentées ;

3) le travail du chef, spécialiste du baroque français, qui les fait travailler très intensément sur des sessions de deux semaines, avec passion (et bienveillance), et un soin tout particulier à la rhétorique textuelle et musicale. (Latin à la gallicane bien sûr !)

jeudi 15 février 2024

Samuel Coleridge-Taylor

Je suis en route pour l'intégrale (discographique) de Samuel Coleridge-Taylor. Véritable coup de cœur pour le lyrisme immédiat, les réminiscences folkloriques africaines, et la finesse de construction de ses phrases musicales.


lundi 12 février 2024

Changements de distribution

Il ne faut vraiment pas réserver ses billets pour entendre un chanteur en particulier… Rien que ce début mars, en voulant compléter l'agenda, je m'aperçois que pas mal de chanteurs emblématiques ont été remplacés sans tambour ni trompette : Jean Teitgen (la grande basse vedette française) est remplacé par Nicolas Cavallier dans L'Heure espagnole à l'Opéra-Comique, Xabier Anduaga (le ténor rossinien) et Benjamin Appl (le formidable liedersänger) par Jonah Hoskins (même genre) et Joshua Hopkins (style inverse) dans Les Pêcheurs de perles au Théâtre des Champs-Élysées, et dans le même lieu, le Boris Godounov avec Matthias Goerne en guest star sera finalement avec… Alexander Roslavets (ce qui sera en toute honnêteté pour le mieux, considérant le déclin de Goerne et les grandes qualités de Roslavets, mais n'en demeure pas moins une tout autre proposition !).

Les raisons peuvent être multiples : meilleurs engagements, méforme, rôle qui ne correspond finalement pas (ou plus) à la voix… Mais pour le public qui suit parfois avec fidélité ces chanteurs – qui apportent véritablement un tempérament singulier, et pousse les admirateurs à franchir le pas vers d'autres genres musicaux… –, c'est à chaque fois un coup dur.

En l'occurrence, ce sont des remplaçants de qualité, pas du tout des pis-aller, même si on peut regretter l'absence de certains de nos chouchous.

samedi 10 février 2024

Psyché de Franck / Calligrammes, Ondes Plurielles

Concert sur sol n°79.

Dans la fascinante église Saint-Marcel, l'une des plus belles et surprenantes de Paris (ses soffites en pyramidions, son puits de jour invisible qui tombe sur le béton nu de l'abside et sur ce Christ crucifié sans croix, mi-souffrant, mi-triomphant et ascensionnel), l'occasion rare d'entendre Psyché de Franck, un grand poème symphonique avec chœurs, dans sa version intégrale.

Œuvre pudique et généreuse à la fois, devant beaucoup à Tristan et usant d'un lyrisme généreux qu'on associe peu à ce compositeur – je ne m'explique pas que le V, « Psyché & Éros », ne soit pas joué en séparé, par exemple en ouverture ou interlude de concert (comme on le fait souvent de l'interlude « La Nuit et l'Amour » de Ludus pro Patria d'Augusta Holmès ou de la chasse royale des Troyens de Berlioz), tant sa courbure mélodique et son caractère élancé le rendent immédiatement séduisant, pour ne pas dire grisant.

Merci aux amateurs de haut niveau du Chœur de chambre Calligrammes (toujours dans les programmes thématiques les plus fous : programme basque contemporain, XXe scandinave, baroque allemand du XVIIe, chœurs de d'Indy & Schmitt, de Mendelssohn & Wolf, messe à double chœur de Rheinberger…) et à l'excellent orchestre Ondes Plurielles – l'effet produit n'est vraiment pas éloigné d'un orchestre professionnel, il faut vraiment s'approcher pour entendre les détails moins parfaitement immaculés que chez les orchestres salariés ! (Sensiblement du même niveau qu'Ut Cinquième, dont certains membres sont issus.)

Mlle Duval – Les Génies – Il Caravaggio

Dans l'esprit du Destin du Nouveau Siècle de Campra, ballet allégorique où le compositeur montre tout son savoir-faire, cet autre opéra-ballet, par l'énigmatique Mademoiselle Duval (dont on sait fort peu de chose), joue de toutes les possibilités musicales offertes par un format peu soumis à l'intrigue. Tout y est délicieux, dans un goût galant qui n'est pas encore tout à fait du Rameau, conserve l'armature hiératique et héroïque de l'écriture post-LULLYste, et culmine dans ces coloratures furieuses de Zoroastre accompagné de chœurs, en plusieurs occasions.

R. Strauss – 4 derniers lieder – Asmik Grigorian

À concept incompréhensible, résultat… douteux. Les Vier letzte Lieder accompagnés à l'orchestre puis au piano.

Autant la voix est glorieuse et expressive en salle, autant au disque, on n'entend que la puissance de l'instrument, et pas les mots, ni même les qualités de timbre. Peu de voyelles, pas de consonnes, des problèmes sérieux de legato avec des ruptures de flux assez audibles, et une version où le piano semble capté du fond d'une baignoire – et je ne parle pas des loges de théâtre, entendez-moi bien. Je ne comprends pas le but de cet objet (pourtant servi par de très grands interprètes d'aujourd'hui).

(Ah oui, et la pochette est particulièrement redoutable, ce qui fait d'autant plus souffrir considérant le passé d'Alpha comme modèle d'élégance – le label avait d'ailleurs fidélisé son public avec de beaux livrets illustrés de belles peintures XVIIe, puis par ses jolies photos noir & blanc.)

vendredi 9 février 2024

Hindemith / Salonen

Concert sur sol n°77.

Salonen et l'Orchestre de Paris dans Elgar et Hindemith.

Très bonne surprise de ce Bach assez jubilatoire, plus organique qu'attendu, aux ruptures expressives étonnantes par la seule orchestration – qui se termine en Disney (façon Apprenti sorcier).

Ragtime et Mathis de Hindemith en première audition de concert pour moi (je n'avais assisté qu'à l'opéra), rythmes endiablés et couleurs fluorescentes, dans une lecture à la fois froide et sensible aux progressions, assez typique de Salonen.

jeudi 8 février 2024

Défrichage et ressassement

Jacobs revient à Paris avec L'Orfeo de Monteverdi… Comme Christie et tant d'autres, c'est un mystère pour moi : après avoir tant défriché, se complaire dans une poignée de mêmes œuvres ressassées… pourquoi ? Ne se sentent-ils plus une mission, ou même une envie ?

Vous me direz, c'est plein, alors pourquoi s'interroger ?

Mais tout de même, comment, après avoir exhumé des Cavalli ou des Conti et y avoir été un peu le meilleur, se contenter de produire des symphonies de Schubert plates et un millième Orfeo moins bon que ses précédents ?

Ça semble être un vrai truc de vieux chef, le rabougrissement de répertoire. Je sais bien que lorsqu'on est jeune, on est obligé d'accepter les propositions d'œuvres contemporaines moches, mais pour des gens qui paraissaient si passionnés par la découverte ?

Dans un autre registre, je m'étais beaucoup interrogé sur la fin de carrière d'Abbado : le prix des places avait explosé, et pour quelqu'un proche des communistes qui jouait dans les usines, je me demandais comment il vivait de faire des concerts pour une élite économique.