Mis en appétit par mon cycle Spering – une lecture furieuse, aux couleurs généreuses, aux articulations très détachées des spécialistes de l'instrument d'époque, mais avec une qualité de poussée continue et de lisibilité des plans que tous les tradis non plus, loin s'en faut, n'ont pas : je n'ai pas entendu mieux que ça ! –, car frustré de la présente de seulement trois mouvements (Kyrie, Credo, Agnus Dei) sur le disque Phoenix, je me suis lancé dans quelques réécoutes.
Jacobs est, sans surprise, tout à fait valable (on pourrait n'écouter que ça et s'en porter très bien), mais au jeu de la comparaison – ce qu'il ne faut pas faire, si vous avez bien suivi – les couleurs sont moins radieuses, l'interprétation beaucoup plus mesurée et littérale, et surtout le RIAS Kammerchor n'est vraiment plus ce qu'il était à la fin des années 90 (les Brahms avec Creed en témoignent lumineusement !) : devenu beaucoup plus gris, des voix plus opératiques et rondes, des timbres assez gris, des sopranos moins purs, des ténors plus empâtés, peu de vraies basses. J'en ai été frappé à chaque nouvelle écoute en salle ou au disque ces dernières années, pourtant dans leur répertoire de prédilection (Fidelio, Elias, de l'a cappella germanique…)
Gardiner m'a davantage touché que lors de mes précédentes approches, sans doute parce que j'étais encore très marqué par les lectures symphoniques très amples, fondues et généreuses des versions de vieux chefs sur instruments modernes. (Il y en a quelques-unes d'assez phénoménales, Karajan 66, Bernstein-Concertgebouw, Solti-Berlin, Levine-Vienne, Mackerras-Sydney…) Énormément de détachés et de respiration entre les accords ; ce n'est pas la version qui exalte le plus la continuité des progressions, mais sa beauté à chaque instant reste particulièrement intense.
À suivre, peut-être pour une véritable discographie sur le site principal.