Diaire sur sol

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lundi 4 mars 2024

Le plus beau rôle de ténor

En finissant de réécouter Haÿdée, et redécouvrant l'incroyable acte III que je n'avais pas ouï depuis quelques années (adieux à Venise, duo du dévoilement), je me fais la réflexion que, si le plus beau rôle de baryton est peut-être Ruthven, le plus beau rôle de ténor doit décidément être Lorédan.

Il est très rare de disposer pour un rôle de ténor de récitatifs aussi développés et éloquents, de grandes scènes qui ne soient pas essentiellement fondées sur le lyrisme, la ligne, les notes aiguës ou la vaillance. Par ailleurs, il est rare également que leur psychologie soit aussi travaillée – a fortiori pour un héros positif. (Mais finalement, comme ténor représentant un personnage d'autorité avec des faiblesses et qui a vécu, il s'agit sans doute d'un dispositif comparable à celui d'Éléazar dans La Juive d'Halévy, un autre rôle de ténor qui ne ménage pas sa part psychologique et théâtrale, opposé à un jeune premier à peine esquissé qui reste un personnage secondaire !)

Brumel – Missa « Et ecce Terra motus » – Graindelavoix

Brumel est à l'origine de ce qui est peut-être ma pièce chouchoute de toute la Renaissance : ses Lamentations de Jérémie.

Cette messe est à la hauteur de sa verve, qui parvient à donner un relief presque déclamatoire à l'écriture purement contrapuntique des textes sacrés qui prévalait alors. Et impeccablement chantée par les spécialistes de Graindelavoix.

Cependant, les compositions électro-acoustiques de Manuel Mota qui s'intercalent, et s'insinuent même pendant l'œuvre, me procurent un effet de lassitude presque immédiat, l'impression d'être immergé dans le bourdonnement d'un trafic urbain qui fait augmenter la tension artérielle davantage que les émotions.

L'idée n'est pas mauvaise, l'œuvre considérable et l'interprétation très belle, mais j'ai vraiment dû passer les pistes électro, d'autant que les mouvements sont longs – et qu'ils n'évoluent pas du tout, sans cesse le même flux de son entêtant.

20 ans du Concert d'Astrée

L'album paru à l'occasion (aussi nommé Une nouvelle fête baroque) atteste, s'il était besoin, qu'il existe bel et bien des artistes en activité (Negri, Zaïcik, Sicard…), y compris étrangers (Timoshenko !), capables de phraser un beau français dans ce répertoire.

Tout est magnifique là-dedans, y compris dans la partie italienne, avec le plus beau « Armatæ face et anguibus » de Juditha Triumphans qui m'ait jamais été donné d'entendre (avec Lea Desandre, jamais aussi fulgurante qu'ici !) et tant d'autres merveilles.