Le Festival de Glyndebourne propose, comme chaque année désormais, ses productions-phares en accès libre sur son site pendant quelques jours (jusqu'au 15 juin, en l'occurrence).

http://glyndebourne.com/Festival-2014-in-cinemas

Le titre choisi est un grand classique, mais servi par des chanteurs dont la renommée n'est pas encore immense (Teodora Ghoerghiu en Sophie, Andrej Dunaev en Chanteur Italien), ne l'a jamais été (Michael Kraus en Faninal), voire tout de bon des chanteurs sans renommée particulière (Tara Erraught en Octavian, Lars Woldt en Ochs, Robin Ticciati à la direction).

Tous très valeureux, mais pas de surprises majeures : Dunaev s'épanouit autrement en russe, dans des rôles plus nuancés où il introduit pourtant une forte intensité vocale ; Erraught, très bien au demeurant, dispose d'un vibrato disgracieux (grande amplitude, et détimbrage pendant les « battements ») et n'est pas une très grande actrice. Je me demande d'ailleurs pourquoi Lucy Schaufer, présente dans la production Marelli de Hambourg, énergique vocalement et d'une crédibilité scénique extraordinaire, ne fait pas davantage parler d'elle à l'international.

Parmi les célèbres, pas d'immenses étoiles (Gwynne Howell en Notaire, on est loin du luxe absolu tout de même). Richard Jones fait une lecture qui souligne bien le phénomène de cour, mais en exaltant exagérément le mauvais goût (pourquoi, chez la Maréchale, alors que tout repose sur l'opposition des mondes ?) : ce n'est pas très beau, ça ne bouge pas beaucoup, ça ne raconte pas grand'chose. Il était autrement inspiré dans L'Enfant et les Sortilèges à Garnier.

Quant à Kate Royal en Maréchale, c'est la grande surprise : je l'avais découverte en Woglinde, pleine de mots et irradiant de fraîcheur, avant de trouver que sa promotion précipitée avait terni le timbre (un peu durci, un vibrato où le timbre devenait plus gris)... et je la retrouve comme au premier jour, dans un rôle a priori inaccessible pour le lyrique léger qu'elle était. Éloquence naturelle, clarté du timbre malgré la tessiture basse... une grande Maréchale. Il est si rare que les voix, dans le tourbillon de la carrière, puissent ainsi inverser le cours de leurs problèmes vocaux, que c'en est doublement réjouissant, au delà de la qualité de l'interprétation !