Diaire sur sol

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mercredi 7 août 2013

Debussy - Le Martyre de saint Sébastien - Sophie Marceau, Simon Rattle

Donné dans un couplage généreux et particulièrement intense (Le Roi des Étoiles de Stravinski et la Cinquième Symphonie de Sibelius), le Philharmonique de Berlin avait proposé, en septembre 2007, une très belle version du Martyre de saint Sébastien, dans des dimensions respectables (soixante minutes de musique, la plupart du texte conservé étant déclamé pendant la musique).

L'œuvre en elle-même est assez bancale, avec ses numéros très fermés, souvent à plusieurs (solistes ou chœurs, si bien que le texte en est peu intelligible) et ses tirades enflammées, à la fois mystiques et très théâtrales –€ ce qui est toujours difficile à conjuguer, à plus forte raison à une époque où les auditoires ne sont plus nécessairement acquis à la cause sacrée.

La bande sonore du concert est audible dans la notule correspondante sur Carnets sur sol.



Certains récitants prennent le parti de l'hystérie façon Jeanne d'Arc (on pourrait presque les qualifier de lecture « critique »), d'autres d'un certain hiératisme, au risque de paraître un peu formel et figé.

Le parti pris de Sophie Marceau me séduit beaucoup, alors même que les acteurs habitués de l'amplification m'ont rarement paru adéquats dans ce genre d'exercice. Elle assume la présence de micros en ne se lançant pas dans une émission théâtrale projetée, mais reste très timbrée et n'abuse pas des murmures ; la posture est celle de la confiance extatique, et c'est sans doute la plus difficile à tenir, car elle réclame une adhésion intellectuelle (même feinte) sans faille de la part du récitant, sous peine de voir se briser l'illusion et de sombrer dans le ridicule de la fausse extase mal jouée. Et je dois dire que cette douce ardeur est réussie avec une assez belle constance et une maîtrise de l'équilibre, jamais emphatique, jamais empesée...

Dans le détail, on remarque la précision apportée au débit, pour que chaque syllabe sonne, ainsi que la perfection (rare) des consonnes.

Il est probable aussi que, bien que s'exprimant devant un public germanophone (trois soirs successifs à la Philharmonie de Berlin), elle avait beaucoup plus travaillé son texte que la moyenne des récitants, qui abusent trop souvent du privilège de conserver un pupitre pour ne pas trop les ouvrir avant la représentation. Le texte fragile de Gabriele D'Annunzio n'autoriserait pas les bafouillages, mais on est au delà de la simple netteté : pour obtenir le juste poids, et le réussir sur le vif devant un vaste public, il est vraisemblable que beaucoup de soin a été apporté à la préparation.

Afin d'éclairer le propos, je précise que je ne suis pas du tout à compter au nombre des inconditionnels de Sophie Marceau, dont j'ai trop peu fréquenté le legs pour avancer un jugement raisonné. En l'occurrence en tout cas, elle tient son rang mythologique.

Côté musique, le Philharmonique de Berlin offre évidemment une sûreté et une beauté qui sont au-dessus de tout reproche, et certains frémissements peuvent rappeler ce que Rattle a fait de mieux –€ notamment ses Shéhérazade de Ravel avec Kožená ou son Pelléas de Salzbourg (en 2004, avec Kirchschlager, Keenlyside et van Dam). Le Chœur de la Radio de Berlin offre de fantastiques demi-teintes comme à son habitude, même si l'articulation n'est pas idéale –€ leur spécialité étant davantage l'oratorio et le concert que les répertoires où le texte est réellement mis en avant. Je suis en revanche moins enthousiaste sur la distribution vocale : Susan Gritton, Monica Bacelli (une Mélisande) et Nathalie Stutzmann (une Geneviève) sont peut intelligibles, de style assez peu gracieux, et leur format leur interdit de toute façon les teintes diaphanes et les notes suspendues ou filées. Je n'ai jamais entendu une distribution qui m'emporte très loin, de toute façon, et il est vrai que la musique ne leur offre pas non plus beaucoup d'espace pour l'éloquence pure ; il est d'autant plus précieux que le récitant soit à la hauteur.

Pour ne rien gâcher, une voix de femme sied assez bien à la représentation qu'on peut se faire de Sébastien via l'iconographie, c'est un petit plaisir supplémentaire.

Merci à Xavier d'avoir attiré l'attention sur cette bande !


Beethoven - Symphonie n°1 - LPO, Tennstedt

Expérience quasiment hallucinatoire : quoique cette symphonie outrepasse déjà de beaucoup Haydn, Tennstedt y déploie la même densité de motifs, la même tension implacable qu'on entend habituellement dans la Cinquième. L'orchestre n'est pas particulièrement apprêté au niveau des timbres, mais pour l'énergie et la construction, personne ne peut lui disputer la palme.

Étrangement, la Cinquième couplée sur le même disque (BBC Legends) est moins singulière, presque mesurée en comparaison.