Mais je ne suis pas certain qu'il veuille savoir - puisqu'il occulte et nie largement.
Je ne pensais pas à une simple dénégation (volontaire) mais à un véritable déni dès le début, un refus situé hors de sa conscience. La pulsion de savoir, en révélant l'horreur de son histoire, mène à la tragédie. Son psychisme avait bien compris l'intérêt de cacher tous ces tourments inavouables. Inceste, viol, abandon, cannibalisme, sadisme, un cocktail suffisant pour détruire une demi-douzaine de familles. Ce déni se transforme, en effet, en dénégation consciente au fur et à mesure des révélations, en cela sa pensée croît, la connaissance à un coût mais libère également, rend autonome et capable d'influer sur le cours de son destin, il renonce à la royauté et abandonne Thèbes au profit d'une errance, il fait l'expérience de la liberté de penser.
Siegfried est ausi porteur de ces horreurs, mais l'organisation plus simple, plus archaïque de sa pensée, celle de ces légendes germano-scandinaves, mettent hors champ cette discussion je trouve, ni déni, ni dénégation, pas de profondeur autre que celle que l'éxégète peut rechercher. Le déni (inconscient) ne fait que se renforcer, comme chez la plupart des autres personnages d'ailleurs et ficèle les forces vitales qui pourraient oeuvrer ici. La pulsion de mort se retrouve libre d'agir sans entrave.
Si Œdipe ouvre la voie intrinsèquement vers une vision dynamique du psychisme (avec toutes les utilisations fécondes qu'il à autorisées), Siegfried l'envoie dans une impasse.
en toute logique
--- tu cites ton article.
Le pardon ne suffit pas !
Il faut aller à Canossa !
[je crois que nous ne l'avions pas encore faite, celle-là]
[[toujours au service de ton référencement]]
c'est du même nième degré ?
Pas à tous les coups. :)
j'ai répondu à votre demande subliminale qui doit se noyer dans votre puits avec quelques lutins désespérés.
C'est bien possible... j'ai reçu par ailleurs quelques signaux de détresse.
]]>Jean Cocteau, Le Testament d'Orphée
Désolé, Monsieur, ici on ne travaille qu'avec des produits de qualité
c'est du même nième degré ? sinon, monsieur, tout est fini entre nous, malgré que [c'était pas Cocteau, c'était Gide] j'ai répondu à votre demande subliminale qui doit se noyer dans votre puits avec quelques lutins désespérés.
;)
Jdm :
Ensuite, comment commenter un commentaire excellent, une trouvaille, incluant déjà les contre-arguments possibles ?
Je m'en dispense en effet devant la virtuose démonstration.
On se permettra de suggérer un rapprochement avec Jean Cocteau, Le Testament d'Orphée.
Désolé, Monsieur, ici on ne travaille qu'avec des produits de qualité.
Ce qui me frappe et me renverse dans cette rencontre c'est l'aspect fécond qu'elle provoque en effet chez Œdipe (j'espère que vous aurez noté l'effort du œ). Cela libère en lui la pulsion épistémophilique, la pulsion de savoir qu'il ne peut plus maîtriser quelles qu'en soient les conséquences, aussi funestes puissent-elles être pour lui et les siens. Découvrir les énigmes de la Sphinge, les causes de la peste, du crime, de sa responsabilité... Laïos lui ne sait rien et ne veut rien savoir, croit stupidement qu'il a facilement détourné les arrêts de Phœbus (vous avez vu, je recommence), son fils propose une nouvelle approche de la responsabilité, de la connaissance.
Je me doutais bien que ton intérêt pour Sophocle te mènerait à rebondir avec de nouvelles pistes. :)
Mais je ne suis pas certain qu'il veuille savoir - puisqu'il occulte et nie largement. L'orgueil en tient lieu si besoin.
Siegfried manifeste l'évolution inverse, régressive, face à un "père" savant mais de plus en plus impuissant, il agit de plus en plus, pense et doute de moins en moins ce qui favorise la catastrophe finale.
A-t-il jamais pensé ?
Je m'émerveille toujours de la construction pourtant voulue comme positive de cet écervelé violent. Jusqu'à prénommer son fils Siegfried, le père Richard, il avait bien quelque affection pour le personnage. Fils qui fut au contraire une continuité musicale du père...
Mais il est vrai que le doute (la peur, puis la première femme rencontrée) est totalement exclu une fois Siegfried clos. Cela dit, c'est nécessaire aussi avec le philtre, métaphore habituelle du « coup de foudre », qui dispense de toute nécessité psychologique, en fin de compte. Je trouve toujours ces situations de mensonge forcé ou d'envoûtement très insatisfaisantes dramaturgiquement.
Et considérant le caractère de "concrétion" plus ou moins heureux de ce Götterdämmerung, mêlant Nibelungenlied et Ragnarok, avec de grosses entorses pour coller à la vision du monde wagnerienne, forcément, la cohérence ou le développement psychologique du personnage ne sont pas les priorités.
Je préfère nettement le propos de Sigurd, qui présente de façon beaucoup plus troublante, au demeurant, Hilda-Gutrune comme la première aimée - même sous philtre. C'est à elle que se destine le seul air de Sigurd, rêvant avant le combat qui doit lui faire obtenir Brunehild. Avant qu'en fin de compte Brunehild ne le désenvoûte. Ce qui place les deux rivales sur un plan d'égalité plus net, et met en scène des tourments intérieurs plus riches, moins monolithiques.
Evidemment, comme tu l'avais souligné autrefois, on est d'abord frappé par les désirs mortifères qui s'emparent des personnages dans Götterdämmerung - particulièrement si l'on écoute Furtwängler. :-)
Toutes les perches qui lui sont tendues, il les repousse, ne veut rien connaître, cultive une naïveté des plus coupables pour le camp qu'il défend. Il est absolument insupportable, source du chaos.
Ah pour ça, oui, il est casse-pieds. Coupable, ce n'est pas l'intention de Wagner ; et je ne suis pas sûr que ce soit la réalité du personnage ; même si, envoûté ou pas (la bonne excuse !), il devient antipathique par sa trahison, et qu'on est au fond privé de héros dans ce dernier volet (Brünnhilde étant devenue femme et donc essentiellement passive). La plus longue part revient, significativement, à Hagen - concernant la durée des rôles. Voilà qui laisse à penser sur la part du chaos, en effet !