N'oublions quand même pas Véronique Gens et la Petibon qui sont toute deux capable des plus sublimes choses en récital.
Evidemment, Véronique Gens, oui, c'est évident, la grâce du timbre et du style, la diction élégante. Mais elle se produit assez peu avec piano, il me semble ?
Ses récitals de mélodies, cela dit, aussi bien Fauré que Berlioz, sont toujours de franche réussite - sans parler de la tragédie lyrique où elle n'a que peu de rivales de son envergure.
Certes Tezier est un grand chanteur, belle voix, belle technique, capable de très beaux moments; mais je ne peux m'empêcher de le trouver parfois trop inexpressif, se contentant de bien chanter; ce qui n'est déjà pas si mal me direz vous.
Je partage le même sentiment ; cependant j'ai remarqué, dans les bis d'un récital assez fade (Dichterliebe uniquement soigneux, Fauré assez hors style, chantés comme les Don Quichotte à Dulcinée qui clôturaient le tout) et même pas tout à fait satisfaisant vocalement (les aigus difficile partaient systématique en arrière) un énorme potentiel expressif, qui se réveille lorsque la pression du récital se relâche sur ses épaules. Je pense que ça tient donc plus de la prudence (psychologique) que du tempérament.
Mais en l'état, je suis d'accord, ce n'est pas pleinement satisfaisant pour le récital, où sa stature vocale et son port altier ne peuvent suffire comme à l'opéra.
par contre je ne dirai rien de son pianiste bob je ne sais plus quoi qui devrait se contenter de jouer les répétiteurs en fosse d'orchestre!
Récemment, il s'était produit avec Robert Gonella, qui est répétiteur à l'opéra de Toulouse. C'était ma foi tout à fait bien. Pas particulièrement imaginatif ou profond, mais pas du tout indigne. Un accompagnateur largement correct.
Je reste peut-être trop influencé par la grande école des barytons Allemand (Prey, Diskau, Berry, Hotter)
... qui ont leurs limites aussi. Hotter, dans le lied, n'est pas plus varié que Tézier ; certes il bâtit quelque chose, mais tout passe par la plénitude de sa voix lasse. Prey n'est pas franchement fouillé non plus.
Côté allemand, on est plutôt Goerne par ici.
Les autres chanteurs dont vous parlez, je ne les connais pas, mais celui dont vous donnez un extrait est vraiment par trop français pour mon goût.
Trop français, qu'est-ce à dire ? Oui, très français comme style, mais pour interpréter ce répertoire très français, ça me paraît légitime. Non ?
Ils n'ont pas une renommée extraordinairement développée, c'est exact - encore qu'à l'opéra, Testé se soit fait un nom en France.
Il est vrai que j'ai toujours eu du mal à supporter les Camille Maurane et autres Panzera dont je sais que la critique dit le plus grand bien.
Ces chanteurs entrent dans un paradoxe fascinant propre à l'époque : diction parfaite et même superlative, mais peu à dire sur ce qu'ils interprètent. Aujourd'hui, la tendance est globalement inverse, bien que le travail sur instruments d'époque ait permis à nouveau l'épanouissement de voix très intelligibles.
Cécile Perrin est une grande chanteuse à qui je souhaite une grande carrière même si elle se fait rare à Paris. Je n'avais pas entendu parlé d'elle depuis longtemps et je suis heureux d'avoir de ses nouvelles.
Elle chantait donc Fidelio à Bordeaux la saison passée. Je pense que ses problèmes d'aigu sont pour beaucoup dans la discrétion de sa carrière - à l'opéra, on exige beaucoup de ce côté...
Elle a heureusement enregistré pas mal de choses très intéressantes avec Penin, comme le Fernand Cortez de Spontini ou le Freischütz version Berlioz.
Merci encore pour votre site que je parcours avec un grand plaisir et que je recommande à tour de bras.
Merci, c'est très gentil. :)
A bientôt.
Vint Debussy et ses mélodies de jeunesses la encore on se dit que l'enchaînement est hasardeux, descendre des cimes brahmsienne à la légèreté du jeune Debussy.
Hou-là ! Gare, vous courez des risques ! Les debussystes ne pensent pas du tout les choses comme cela. :)
Et puis non , ça marche, Sandrine Piau est tellement étonnante dans cette simple perfection qu'elle met dans cette musique. Comme dans un disque, rien ne lui échappe, la voix est pure jeune d'un rayonnement incroyable.
C'est vrai, techniquement, son assurance est impressionnante, y compris dans les difficultés attendues.
On peut se demander tout de même si ce type de répertoire ne conviendrait pas mieux, en concert, à une voix un peu plus puissante.
Zemlinsky est en effet généralement chanté par des voix plus larges, comme les "décadents" germaniques, qui viennent après une pensée wagnerienne de la voix. Mais pour Zemlinsky, la veine mélodique reste d'un romantique très "classique", et de surcroît ses mélodies ne sont jamais jouées en concert : donc on peut sans peine le confier à une voix "hétérodoxe".
Suivent deux pièces pour piano solo de Zemlinsky que je ne connaissait pas du tout,Albumblatt et Intermezzo. Le parallèle avec les deux pièces de Brahms est évident et l'on comprend le pourquoi de ce choix. Pièces un peu fantomatiques, fantasque ou se mêle obscurité et clarté et qui jouées par Susan Manoff dans ce lieu recueillent l'unanimité du public.
Oui, ce sont des choses étranges, mais manifestement, le récital était relativement long, c'est donc aussi pour ménager la chanteuse et faire briller un peu la pianiste. L'idée de faire écho ainsi est excellente, surtout que de même, les pièces pour piano de Zemlinsky ne sont jamais données en concert.
Oui, fantomatique, c'est vraiment le mot.
Je peux recommander le très beau disque de Kurt Widmer et Jean-Jacques Dünki (Cinq Poèmes de Dehmel, et pour piano seul : les Fantaisies Op.9 d'après des poèmes de Dehmel et les Ländliche Tänze Op.1). Vraiment un piano délicatement sculpté. C'est chez Jecklin, ça se trouve assez bien en ligne.
Les Koechlin quant à eux m'ont un peu laissés sur ma faim. Même si les interprètes y font merveille, j'avoue mon peu d'intérêt pour cette musique. Donc Motus
Koechlin jouit d'une très grande réputation chez à peu près tous ceux qui l'ont approché, mais j'avoue moi-même ne pas y trouver un intérêt aussi grand que chez d'assez nombreux autres du premier vingtième français (Dupont, Emmanuel, Cras, Caplet, Le Flem... la liste serait longue).
Suivront trois bis généreusement offert au public: Sommer de Zemlinsky, Beau Soir de Debussy et la petite touche de crème du concert, même si l'on reste dans le mortifère comme l'a dit elle même Sandrine Piau, la Reine de Coeur de Poulenc.
Extrait de La Courte Paille ; Cécile Perrin la donnait aussi il y a quelques jours.
Plus souvent , j'aimerais entendre des couples de musicien ainsi complice. De vrai duo ou le pianiste n'est pas qu'un faire valoir.
C'est un plaisir, c'est vrai ! Ca rend la réjouissance bien complète.
Madame Piau quand à elle est peut-être aujourd'hui en france ce que nous avons de plus beau à entendre dans ce type de répertoire.
J'attends pour en juger, mais il y a tout de même de l'excellente concurrence. Si vous entendez par "en France", chez les interprètes français eux-mêmes, il est vrai que les mieux disposés ne se spécialisent pas nécessairement dans le lied. Lorsqu'il lâche la bride, Tézier peut de belles choses (hélas, c'est difficile pour lui), et surtout, Valérie Gabaïl a pu montrer de réelles aptitudes poétiques chez Schubert.
En revanche, côté mélodie française, nous disposons d'interprètes de tout premier plan. Bien sûr des spécialistes comme Lionel Peintre, mais aussi d'autres bien inspirés, comme Nicolas Testé, dont on n'aurait pas nécessairement imaginé le savoir-faire.
C'est la deuxième fois que je l'entendais en récital, vivement la troisième...
Un disque peut-il rendre compte d'une telle soirée?
J'en doute, mais je vais quand même me le procurer.
J'en doute aussi, surtout qu'il a été enregistré avant la tournée, et que si c'est efficace financièrement pour équilibrer les comptes (tout le monde a le temps d'acheter le disque tant qu'on en parle, et cela incite à se rendre au concert ; tandis que l'inverse pousse à ignorer le concert et à oublier le disque...), c'est toujours moins convaincant artistiquement, bien évidemment. Sans compter l'électricité propre à la prestation en public sans retouche.
Merci pour ce compte-rendu, c'est un plaisir de pouvoir en savoir plus ! N'hésitez pas à nous dire votre sentiment sur le disque...