#ConcertSurSol
#110
Quoi de pire que les wannabes pianistes qui critiquent le moindre geste
du pianiste, le physique des chefs, pendant la musique – et les autres
qui disent que Chopin est creux à l'entracte… Soupir.
J'aimais mieux quand il n'y avait que les retraités et moi aux concerts
du CNSM.
Toujours aussi heureux de jouer, l'orchestre des Lauréats du CNSM (même
si Chosta et le renouvellement récent de l'effectif font entendre la
différence en termes de cohésion avec les orchestres permanents, c'est
pourtant encore plus grisant !).
Le Concerto de Chopin a été l'occasion (outre de goûter à nouveau ces
enchaînements harmoniques hardis et chatoyants dans une œuvre qui
pourrait se limiter à la virtuosité et la melodie pures) de voir que
même les meilleurs peuvent perdre leurs moyens. Quelques petits
accrochages dès le début, et le poignet se crispe, le son devient dur,
la fatigue s'installe – aboutissant à plusieurs sorties de route, dont
une gamelle d'une intensité rare : note aiguë à côté, et toute la gamme
qui suit aussi. C'est long et spectaculaire. Sans doute beaucoup à
assumer, une œuvre aussi longue et difficile, et captée en vidéo.
Pourtant Tsubasa Tatsuno, lauréat de bourses prestigieuses, m'a déjà
ébloui dans les Études de Debussy – dont il m'a en quelque sorte, après
des années de perplexité, révélé l'essence (jubilatoire !). Il ne faut
vraiment pas s'arrêter à cette méforme.
Ce soir, Chloé Dufresne se distingue par une véritable énergie –
évidemment, difficile d'évaluer le talent de coloriste dans cet
accompagnement écrit avec les pieds, mais elle tire quelque chose de
surprenant et convaincant.
Petite révélation pour la Neuvième de Chostakovitch : j'aime bien les
trois premiers mouvements ; en salle, le côté dérisoire s'efface au
profit des effets de masse et de tension, qui captent réellement
l'attention.
Des solos assez hénaurmes (en particulier celui de basson aux
mouvements IV et V…), des choses étonnantes comme ces cors dans les
abysses qui se mettent à crier dans l'aigu avec les trémolos de violon.
Ce n'est pas un chef-d'œuvre absolu, mais ça soutient l'intérêt en
conditions réelles !
L'effectif de l'Orchestre des Lauréats (anciens élèves
professionnalisés qui sont payés pour accompagner les séances) s'est
renouvelé (en quelques mois, je ne connais quasiment plus personne dans
les vents !), mais reste toujours plein d'entrain. (Et toujours Cecilia
Carreño au violoncelle !)
Une fois de plus, Sora Lee
écope du mouvement le plus difficile à habiter (elle récolte souvent
les scherzos et menuets !) ; et comme à chaque fois, en deux pauvres
gestes elle possède l'orchestre, le mène avec une évidence conquérante.
Cette jeune fille est une très grande.