Cela dit, je précise que je n'ai écouté que la Walkyrie (très souvent !) dans ce cycle-là de Keilberth : je me fonde sinon sur ses versions de 52 avec Varnay, 53 avec Mödl, et l'autre cycle de 55 avec Varnay. Il y a donc peut-être des différences substantielles.
Parlons-nous bien de la même chose ? D’après ce que j’ai compris du wagnérien qui me l’a recommandé, le Götterdämmerung que j’ai commandé (et que j’espère recevoir aujourd’hui), de Keilberth Bayreuth 1955 avec Mödl en Brünnhilde, est en fait une soirée publiée seule, pas dans un Ring, mais comme une sorte de complément au Ring de Keilberth Bayreuth avec Varnay. Bon, de toute façon, je n’ai pas encore d’avis dessus, et pour cause. Ça m’intéressait d’entendre Mödl dans ce rôle, et ce disque-là, celui-là précisément, m’a été recommandé. On verra la séduction que ça opère sur moi… Il sera sans doute temps d’entendre d’autres versions si j’en ai ensuite l’envie.
J’ai tout de même l’impression qu’avec Wagner, comme avec d’autres œuvres très fréquentées de la discographie, il y a tellement de références que dire « ceci est la version à connaître » n’a pas de sens — il y en a beaucoup d’excellentes, et finalement, peut-être faut-il surtout que chacun (qui ait envie de ce répertoire) trouve la/les version(s) qui correspondent à ses attentes.
Évidemment, ça n’est pas très wagnérien de dire ça : les wagnériens préfèrent se taper dessus pour savoir si Mödl était mieux en 53 ou en 55 et quel est le meilleur acte II de Tristan avec Flagstad et Melchior en 1936 ou 37 — vous savez, cette “version” où il y a pour une soirée acte I et II, et pour l’autre II et III. Bref, moi, ça ne me fascine pas au point de me torturer autant.
Rameau
Dans les Indes, ce sont surtout les danses qui sont bonnes (prends ça Fuzelier !).
Ah, je ne trouve pas, moi ; finalement ce que j’aime le plus, ce sont généralement les airs, les chœurs… Je pense qu’effectivement l’entrée des Incas est vraiment la plus réussie, mais que c’est tant du point de vue du livret que de la musique, d’un bout à l’autre.
Dans le sens où il aurait changé le plomb en or, peut-être.
Dardanus, le livret est peut-être du plomb, mais la musique est déjà de l’or… En ce qui concerne les lectures de Minko’, je trouve que l’ensemble a une belle dynamique, mais pas excessivement pressée, la distribution est équilibrée et intéressante, je ne vois pas grand-chose à reprocher à cet enregistrement, alors que j’ai déjà évoqué mes réserves sur Phaéton, par exemple. Peut-être bien qu’il y a aussi de belles choses dans les Händel, j’y suis un peu moins sensible, et la concurrence est plus rude — même si, dans le cas d’Ariodante, elle ne l’est pas encore tellement…
J'ai entendu des commentaires assez réservés sur ce Dardanus, que je n'ai pas encore entendu - et plus aussi sur Gonzalez-Toro, mais je me méfie de l'amateur de baroque, trop habitué aux timbres agréables, le côté un peu grimaçant de EGT, que je trouve attachant, pourrait être rédhibitoire pour beaucoup.
Oui, j’ai entendu aussi des avis un peu réservés, cela dit, j’attends de juger par moi-même. Jusqu’ici, ce que j’ai entendu de Raphaël Pichon et de son ensemble m’a toujours paru plus qu’honnête, et très à mon goût — lectures finalement assez hédonistes, en général, très soignées… Normalement dans le disque ce sera Richter et pas Gonzalez-Toro. En ce qui concerne ce dernier — ça nous ramène d’ailleurs à Phaéton — c’est une façon de chanter, de ne quasiment pas phraser, de tout faire de manière extrêmement propre mais finalement un peu figée, qui me déplaît.
Sur Castor, j’ai dit ce qu’il m’en semblait. Moi je ressens quelque chose de froid, de très en place mais de parfaitement plat… Bien sûr, il y a de beaux passages, mais, je ne sais pas, il manque vraiment une énergie, un souffle, et puis du corps aussi à l’orchestre et au continuo.
Fuzelier
Dans les Indes, ce sont surtout les danses qui sont bonnes (prends ça Fuzelier !).
Vous savez, je ne défendrais pas toute œuvre de Fuzelier avec ardeur. Par exemple j’ai entièrement tapé Arion, beh je peux vous dire que je me suis emmerdé. Il y a je ne sais combien de fois “hélas”…
A l'autre bout de sa carrière, j'aime beaucoup Sancho Pança gouverneur de l'île de Barataria, que vous avez dû avoir la joie de lire
Parlons-nous bien, là encore, de la même chose ? Le Sancho Pança de Fuzelier est une petite œuvre foraine des années 1710. Ça ne m’a pas laissé un souvenir impérissable…
Si vous voulez lire du très bon Fuzelier, je ne vois que La Matrone d’Éphèse de publiée qui soit vraiment une bonne pièce. Pour le reste, j’en ai transcrit des tonnes, et je vois à peu près quelles sont, à mon sens, ses meilleures pièces, mais elles ne sont pas (encore) publiées.
Je vous passe néanmoins le Carnaval du Parnasse : le vers est bien plat, mais la construction espiègle m'a plu.
Les vers m’ont semblé honnêtes, et puis il y a de bonnes plaisanteries dans le rôle de Momus. J’ai lu des vers de bien moindre qualité dans des petits poèmes de circonstance…
Campra & co et Vogel
Je crois qu’on touche vraiment des questions de goûts. Je me sens tout à fait à l’aise avec Campra, et pas vraiment avec Destouches, où j’ai l’impression constante de quelque chose de bien honnête, mais sans grand charme et sans grande inventivité.
C’est-à-dire que ça me fait comme Vogel : au début, je trouve ça très bien, et en fait, il n’y a pas de renouvellement, c’est trop pareil. Pour Vogel, j’ai assez vite eu le sentiment que ça allait, musicalement, tourner en rond. J’ai l’impression de compositeurs qui n’ont pas un sens aigu de la dramaturgie musicale, qui consiste à ménager — et j’insiste : musicalement — une progression et des surprises.
Minkowski y a fait peut-être son meilleur disque d’opéra
Dans le sens où il aurait changé le plomb en or, peut-être. Et encore, dans cette veine, Amadigi est tout de même très très fort, rendre passionnants des récitatifs de seria !
Mais je suis davantage impressionné par Ariodante ou Iphigénie ; en revanche pour le répertoire baroque français, oui, c'est peut-être ce qu'il a fait de mieux, la plupart de ses autres studios ont quelque chose d'un peu cassant. [Au passage, pour moi, la plus belle réussite de Minkowski, c'est Oberon de Weber à Anvers !]
plus une autre version que je ne connais pas, avec Paul Agnew…
Oui, Walker chez ABC, une valeur sûre, son [i]David & Jonathas est très beau. Ca ne fait pas dans l'originalité, mais c'est vivant et respectueux du style - on est plus proche de l'esthétique des Arts Flo que des studios Lully d'O'Dette, par exemple.
De même, Platée est devenu une espèce de all-times-favorite, de manière peut-être un peu excessive.
L'alliance de la direction de Minkowski à l'époque où il avait atteint sa pleine maturité et de la mise en scène de Pelly, pas forcément subtile, mais qui mettait bien en valeur la loufoquerie du livret, a sans doute eu encore plus d'importance que l'oeuvre elle-même.
Ah si, il y a quand même un tour de chant pour colorature, généralement ça aide à passer à la postérité. :)
Par ailleurs, si vous ne le saviez pas, nous aurons aussi, soit l’an prochain, soit en 14, des Indes galantes par Hugo Reyne.
Non, je le découvre par vous. Dommage que Reyne s'enferre dans des projets ou modestes, ou assez loin de mes préoccupations, j'aime énormément son travail sur le vif - et même en studio, il a progressé, si on considère son Atys assez passionnant par rapport à Isis et Amadis, un peu ternes (sans parler des petites difficultés de la Naissance d'Osiris).
En l'occurrence, les Indes m'intéressent assez peu, même si je ne doute pas que Reyne y fasse merveille.
Fuzelier
À propos des Amours déguisés, je prêche pour ma paroisse
Oui, j'avais noté cela. :) Mais c'est à juste titre. A l'autre bout de sa carrière, j'aime beaucoup Sancho Pança gouverneur de l'île de Barataria, que vous avez dû avoir la joie de lire, et ne me dites pas qu'il tire le meilleur parti du poème de Roy !
Je n'aurai pas la même complaisance pour les Indes : soit, je veux bien garder Huascar. Le reste, je m'en dispense très bien - c'est peut-être le premier turc-généreux à l'opéra (?), mais il fait suffisamment école pour qu'on puisse l'entendre chez d'autres. :)
Dans les Indes, ce sont surtout les danses qui sont bonnes (prends ça Fuzelier !).
Je vous passe néanmoins le Carnaval du Parnasse : le vers est bien plat, mais la construction espiègle m'a plu.
Charpentier, Desmarest, Campra, Destouches
Je trouve le livret de la Médée de Corneille et Charpentier assez mal foutu, trop bordélique justement…
A cause des redites, ou d'autre chose ? Il est vrai que beaucoup de portes s'ouvrent sans être toujours bien refermées (Oronte) - avouerai-je que cela me plaît assez ?
La qualité de la prosodie ne m’a pas sauté aux oreilles…
Prenez le premier récitatif avec la Reine dans Callirhoé, ou bien l'entrée d'Alcide dans Omphale. Les quantités de la langue y sont exaltées d'une façon peu commune, avec un moelleux et une souplesse supérieurs même à Lully.
Il n’y a rien qui m’ait fait me dire, « Ah, voilà de belle musique ! »
Je voudrais citer quelque chose, mais je pourrais vanter chaque scène des deux premiers actes. :) Prenez par exemple le duo homophonique de la cérémonie, je n'en ai pas entendu de tels depuis Phaëton, ou les choeurs en contrepoint du I ("Régnez à jamais"), et bien sûr les imprécations de Corésus avec accompagnement de choeur. Sans avoir la prétention d'avoir tout écouté et tout lu de la période, je n'ai pas rencontré ces choses dans d'autres partitions antérieures (et pas forcément postérieures non plus).
Je trouve par exemple chez Desmarest un je ne sais quoi qui fait qu’on a l’impression de rebondir, musicalement, d’avancer vers quelque chose qui se renouvelle
Desmarest a pour lui de très belles couleurs harmoniques qui donnent vraiment de l'épaisseur émotionnelle à son propos, mais je le sens davantage dans sa musique sacrée. Mais à l'opéra, je n'en ai pas entendu / lu assez pour avoir une opinion sérieuse : en entier, seulement Didon (que je trouve fantastique, mais très lullyste) et Vénus & Adonis (mais tellement mollement jouée par Rousset que je ne m'y retrouve pas). J'ai parcouru quelques autres partitions (Théagène, Circé), mais pas de façon suffisamment étendue pour avoir une opinion globale sur son style. En tout cas il est moins neuf, moins aventureux, sans les italianismes de Campra ou de Destouches.
(Ce n'est pas forcément un reproche, Desmarest est sans doute celui des trois dont, musicalement, je me sens le plus proche.)
j’ai l’impression que la musique reste un peu toujours semblable à elle-même.
L'interprétation de Niquet (à plus forte raison le studio, aux tempi beaucoup moins contrastés) peut donner ce sentiment. La musique, ça me paraît très difficile à défendre partition en main. En revanche, d'une oeuvre à l'autre, oui, Destouches se renouvelle moins que Campra - et se montre moins inégal que Desmarest.
Campra, c’est autre chose. Il y a une espèce de retenue, en effet — ce que vous appelez hiératisme —, qui, me semble-t-il, fait qu’on est jamais dans le débridé, dans l’extravagant, mais en même temps les mélodies sont admirables, et la construction musicale est assez fine.
D'accord pour l'harmonie. Toutefois pour la mélodie, ce n'est pas seulement de la retenue, il y a comme une forme de plafonnement, de libération de la parole qui ne se fait jamais dans les registres supérieurs, comme si les chanteurs interpolaient vers le bas l'acmé de phrases qui, à un moment, devraient monter. Et cela, quel que soit le répertoire : théâtre lyrique, cantates, petits ou grands motets. C'est un sentiment étrange, qu'il faudrait que j'aille creuser un de ces jours - merci, un sujet de notule ! L'impression est particulièrement saillante pour ses voix graves.
Je suis assez d’accord : il n’est sans doute pas bon dans le trop léger
En plus, dans le trop léger, il est furieusement italien. Pouah, pas de ça chez nous !
Rameau
Sur Castor, je n’en démordrai pas : la version de Christie, pour le dire tout net, m’emmerde. Je trouve que c’est sans vivacité, sans vie même, voire sans âme.
C'est amusant, c'est mon opinion (moins radicale cependant, je les écoute avec beaucoup de plaisir) sur un certain nombre de studios Christie de cette époque (comme Atys ou les Indes), mais je ne le sens pas du tout pour Castor. Au contraire, la tension est si bien tenue (pour entendre une direction aux noeuds lâches, on peut se référer à Rousset), les chanteurs si superlatifs qu'il s'agit pour moi d'un des meilleurs disques de tous les temps, sans doute même, en termes d'interprétation, le meilleur disque de tragédie lyrique. :)
Je conviens que les chanteurs sont excellents, mais ils sont tous meilleurs ailleurs.
Si vous voulez dire que Mellon est meilleure dans Chabrier, Gens meilleure dans Verdi, Crook meilleur dans Bach et Corréas meilleur dans Fauré, c'est un point de vue que je suis prêt à défendre avec vous. Néanmoins, ils restent au plus haut niveau d'excellence dans ce studio. Ici, pour une fois, je ne me sens pas trop marginal, je crois que les pluviomètres cumulés de "Tristes apprêts" ou de "Séjours de l'éternelle paix" témoigneraient en ma faveur.
J’attends vraiment quelque chose de plus riche, comme lecture.
Gardiner n'était pas mal non plus, même si c'était malheureusement 54. Mais il se tirait très bien de cette contrainte, avec des divertissements jubilatoires comme il est le seul à savoir les produire, dans une explosion de couleurs.
J’ai bien hâte d’entendre son Dardanus, je suis curieux d’entendre ce que ça donnera ! Pourvu que ça ne soit pas Gonzalez-Toro dans le rôle titre… mais il me semble bien que sur les photos de l’enregistrement, c’était Richter. En plus, ça sera la version de 44, avec l’air de la prison.
J'ai entendu des commentaires assez réservés sur ce Dardanus, que je n'ai pas encore entendu - et plus aussi sur Gonzalez-Toro, mais je me méfie de l'amateur de baroque, trop habitué aux timbres agréables, le côté un peu grimaçant de EGT, que je trouve attachant, pourrait être rédhibitoire pour beaucoup.
Vogel
Si vous avez écouté La Toison d’or de Vogel à la radio (ce que j’ai fait), vous aurez pu vous apercevoir que c’est assez ennuyeux aussi. C’est tout le temps la même chose, et on dirait du Gluck qui se répèterait, ou qui répèterait un exercice.
Je n'ai pas encore tout entendu, mais pour l'heure, cela m'a paru considérablement plus engeant que que Gluck ou du Piccinni, ça m'a davantage évoqué, avec encore des aspects différents, le Grétry sérieux ou Catel.
Au passage, en y songeant, vous avez raison, encore une coproduction CMBV / Bru Zane. Ce n'est ni baroque ni romantique, cela dit, donc...
Keilberth
Bon, tout de même, Keilberth à Bayreuth, c’est pas mauvais pour l’orchestre, j’imagine.
Si on veut que toutes les notes soient là et en place, si, c'est assez mauvais, mais comme 100% des Bayreuth avant 1960 (Kempe). En revanche, dans ce cadre-là, Keilberth est le plus exact de tous, et du point de vue du résultat, sa lecture est extrêmement convaincante. On n'entend néanmoins pas aussi bien l'orchestre que par la suite puisque les prises de son d'époque favorisent les chanteurs et les placent exagérément au premier plan.
Entendons-nous bien : j'aime beaucoup cette version*, c'est même une de celles que je recommanderais en priorité. Mais quand on n'écoute pas souvent le Ring, on ne profitera ici que des voix...
* [Cela dit, je précise que je n'ai écouté que la Walkyrie (très souvent !) dans ce cycle-là de Keilberth : je me fonde sinon sur ses versions de 52 avec Varnay, 53 avec Mödl, et l'autre cycle de 55 avec Varnay. Il y a donc peut-être des différences substantielles.]
Prenez L’Europe justement, c’est assez original en son temps, certes, mais aussi plusieurs entrées finissent mal, par un monologue d’un personnage qui a perdu.
Je n'aurai garde de nier l'originalité de l'Europe ; cependant les pièces à entrées ont par essence un peu moins de substance dramatique, les situations étant réduites à peu de chose, à plus forte raison lorsqu'il faut y intégrer des divertissements.
Je ne suis pas très original sur ce chapitre, mais dans la production de cette période, je me tourne plus volontiers vers la tragédie que vers les ballets lyriques, précisément à cause de cette différence d'intensité dramatique - et souvent une originalité du vers qui va de pair. Cela explique aussi pourquoi je suis moins sensible à Rameau que je le devrais - son tempérament est trop musical.
En tout cas, dans le cadre du ballet, je suis beaucoup plus intéressé par ce que j'ai lu ou essayé sur les partitions d'Issé ou des Eléments (encore plus, mais ce n'est pas une surprise, n'est-ce pas) que par l'Europe Galante ou le Carnaval de Venise. Je suppose que cela tient aussi au langage de Campra, dont le hiératisme mélodique convient mieux à la musique sérieuse (tragique ou sacrée).
Callirhoé
Quand on y regarde d’un peu près, Callirhoé par exemple c’est pas à crier au génie, je trouve. La musique n’est pas fascinante, le livret délaie pas mal
Comparé à tous les autres opéras de la période, même si les actes III et IV sont un peu facultatifs dramatiquement, on reste dans la densité maximale. Dans les trois autres actes, chaque réplique apporte une information nouvelle. Même dans la Médée de Th. Corneille, qui contient pas mal d'enjeux simultanés, on s'installe régulièrement dans la redite d'une idée, comme il est habituel et même normal, particulièrement pour du théâtre chanté. Là, j'ai du mal à voir.
Musicalement, je vois difficilement comment être réticent, là aussi je suis curieux. Harmoniquement, sans être dans l'hystérie des récitatifs Idoménée, ça bouge de façon bien mobile, c'est davantage contrapuntique que la concurrence comme toujours chez Destouches, il y a de petits italianismes sympas comme les batteries de cordes soutenant la vocalisation de Corésus (plus un choeur qui s'approche davantage des Enfers de Castor que des standards lullystes). Et par-dessus tout, la qualité de la prosodie, avec des consonances extraordinaires, des durées à la fois exactes et éloquentes. Je n'entends pas ce savoir-faire là au même niveau chez Desmarest ou Campra, ni même dans la plupart des autres Destouches.
Je craignais d'être déçu en ouvrant la partition, de trouver des tournures finalement un peu standardisées mais bien habillées par Niquet - ce fut tout le contraire.
J’avais dû en parcourir un autre qui ne m’avait pas non plus ébloui...
Je ne vais pas vous étonner en vous recommandant Philomèle. Je n'ai pas trouvé mieux, dans ce répertoire ; Hippodamie et Sémiramis ne sont pas tout à fait du même niveau.
Certes, on n’est pas tout à fait au niveau de médiocrité de La Bruère (Dardanus…) ou de Cahusac.
C'est difficile à comparer aux trois autres, on est déjà dans une autre esthétique, plus décorative. La Motte, malgré sa galanterie, reste "narratif". Et puis j'aime bien le Zoroastre de Cahusac ; c'est mal construit, mais il y a de l'ambiance.
Mais lisez l’entrée d’Ovide et Julie dans Les Amours déguisés, il y a là de jolies galanteries, on dirait presque du Marivaux, juste avant l’arrivée du divertissement ! Après, évidemment, il faut des dansettes et des chansonnettes.
Les trois entrées sont très belles, d'ailleurs : la qualité de détail "psychologique" est très inhabituelle, y compris en comparant à la tragédie. En revanche, je n'ai pas lu la musique à ce jour.
Disons, voilà, que La Motte a au moins le mérite d’avoir pondu quelques très bons livrets, dont celui de L’Europe galante
S'il faut faire un choix, je suis davantage impressionné par Scanderberg - les jolis monologues désespérés (avec des vers au sommet non plus) ne compensent pas tout à fait la platitude du reste de chaque entrée...
Sacchini[, le sont un peu plus.
Non, vraiment ? Sacchini peut se vendre ? Je veux dire, à part sur le malentendu que ce serait un compositeur à coloratures... Il cumule tout de même les défauts, avec un verbe mou ET une veine mélodique fade.
Tant pis, on attendra… en 2014 il y aura pas mal de Rameau.
C'est bien, comme ça on aura dix Platée et cinq Dardanus. Joie. Les anniversaires, si ça pouvait plutôt servir à faire entendre ceux qu'on n'entend pas, ce serait bien.
« La patience du wagnérien » est une qualité que je n’ai pas vraiment, ce Götterdämmerung que j’attends avec impatience dans ma boîte aux lettres va être un genre de test : je ne crois pas avoir réécouté l’œuvre entier depuis que j’ai vu la version Boulez/Chéreau.
Hou-là, effectivement ça fait un moment si vous étiez dans la salle. Notez bien qu'il est plus difficile d'être patient lorsqu'on écoute les versions les moins aguerries orchestralement. :)
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Je ne suis pas tellement d’accord avec vous : le CMBV fait de plus en plus de choses de la deuxième moitié du XVIIIe, s’associant en cela avec le Palazetto Bru Zane. Alors Dauvergne et Joh. Chr. Bach, c’est très sympa, hein,
Sympa ou pas (moi, c'est plutôt Desmarest ou La Coste que je voudrais entendre, en tout cas la génération Campra), c'était tout de même une période qui n'était absolument pas documentée à la scène ou au disque. Les Dauvergne, Sacchini, Grétry, Catel viennent combler un manque documentaire majeure.
Effectivement, le style est très différent, et il n'y a pas que des chefs-d'oeuvre absolus - je vais passer mon tour pour le Renaud de Sacchini la saison prochaine, tous les extraits que j'en ai entendus m'ont paru d'une assez grande platitude, comme la plupart de ce que j'ai entendu de lui, souvent mal joué il est vrai. A part Chimène, je n'ai rien à sauver, à vrai dire.
Mais peut-on leur porter grief de faire leur travail de documentation ?
Là où je vous rejoins, c'est qu'ils ont manqué leur année Campra (jusqu'à annuler des concerts sans prévenir le public qui s'est retrouvé devant le château fermé, sans rien d'annoncé sur le site...), même sur le choix des oeuvres. Pourquoi le Carnaval de Venise et pas les Festes Vénitiennes qui ont marqué sans commune mesure leur temps ? Pas à cause du titre, j'espère. :)
Moi j'aurais plutôt voulu Hippodamie, qui contient de très belles pages, mais tant qu'à faire du ballet.
Il y aura bien des journées Collasse, je suppose ? Là aussi, il manque Thétis, et la partition est assez appétissante. J'aimerais beaucoup entendre Enée & Lavinie aussi, le livret est tellement beau...
mais moi j’attends aussi du Campra (c’est scandaleux qu’il n’y ait pas de vraie intégrale, et de qualité, de L’Europe galante qui est un chef d’œuvre !)
Je suppose que vous avez la version Christie d'Ambronay ? A défaut d'être officielle, elle tient son rang, même si la réalisation de la prononciation restituée n'est pas idéalement élégante.
du Desmarest, du Colin de Blamont, du Destouches (Issé en particulier) et du Mouret (je veux Les Fêtes de Thalie)…
Je veux bien moi aussi. Surtout Issé, qui aurait aussi dû avoir les honneurs du disque plus tôt eu égard à son importance.
Je connais vos réserves vis-à-vis d’Antoine Houdar de La Motte, que pour ma part j’aime assez — inversement, je suis très sceptique sur Pierre-Charles Roy, que vous vous aimez bien.
C'est intéressant. Sur quels aspects plus précisément ?
Oui, je ne me suis pas privé de médire du pauvre La Motte, avec l'anachronisme honteux du goût d'aujourd'hui. Ses livrets fonctionnent peut-être très bien comme usine à divertissements, Omphale réussit le tour de force d'écrire une tragédie contenant presque exclusivement des divertissants. C'est en soi une performance, cependant on ne peut pas dire que la tension dramatique y règne en maître, et cet aspect m'est cher. Même son théâtre parlé ne m'a pas ébloui, il n'y a guère que ses fables et sa préface rigolote de l'Iliade qui aient trouvé grâce à mes yeux.
S'il faut en parler plus sérieusement, je suis bien conscient que vu son statut en son temps, je manque quelque chose d'important.
Pour Roy en revanche, j'ai plus de difficulté à imaginer les problèmes, mais il est vrai que j'ai peu eu l'occasion de converser avec ses contempteurs. Je ne vous lirai qu'avec plus de gourmandise.
Il reste énormément à entendre !
Complètement, mais le tableau commence à être beaucoup plus net sur les différents styles. Mais quand on n'a qu'une poignée d'oeuvres par style, bien sûr, ce n'est pas suffisant quand on aime. Le corpus étant cependant plus homogène qu'à l'époque romantique, c'est suffisant pour toucher d'assez près l'identité des styles, à mon sens.
Et puis Grétry, hein, n’est pas si bien servi que ça, quand on y pense, sur la totalité des œuvres, nombreuses sont celles qui restent dans l’ombre.
Si on parle d'absolu, on tombera forcément d'accord : je voudrais avoir au moins deux versions de chaque opéra jamais écrit, particulièrement dans les genres qui m'intéressent le plus vivement. Mais en rapport avec les possibilités de travail (et surtout de financement !) des quelques ensembles spécialisés, ou avec les capacités d'absorption du public, on a déjà été bien servis. Et cela continue, beaucoup de petits Grétry sont joués par des ensembles amateurs ou semi-pros. Liège va redonner deux pièces en une saison (dont Guillaume Tell !). On peut considérer que Grétry, dans cette perspective, que Grétry a eu sa part raisonnable.
Le problème auquel on va se heurter sera de toute façon l'inégalité de la production.
Même le Tableau parlant, avec le style adéquat et des musiciens inventifs, cela doit être joli
Oui, joli, et bien écrit dans le cadre d'ariettes. Mais à peine plus substantiel que F.A.D. Philidor, musicalement.
mais pour le reste, quand on voit la pléthore d’opéras de Händel et Vivaldi qui paraissent, il y a de quoi rester sur sa faim.
Il suffit de comparer les tirages des disques. L'opéra italien à colorature est plus chatoyant, moins exigeant. Ca peut s'écouter en musique pure (assez peu lisent les livrets, même parmi les chevronnés que j'ai rencontrés), alors que si on ne maîtrise pas un minimum le français, et si on ne tient pas compte du livret, comment apprécier la tragédie en musique ? Ca limite donc à un public, et en particulier francophone, même si pas seulement, qui a davantage la patience du wagnérien ou de l'ami du lied que le profil de l'amateur d'opéra italien.
Pour Rameau, j'ai tort, mais je ne ressens pas de manque. Après tout, vous seriez bien d'accord pour un peu de Francoeur ou Brassac, à la place ?
Marc’ Antonio e Cleopatra, j’ai aussi un live avec Genaux, dir. Jacobs, que j’avais avant que le disque ne paraisse, donc je ne me suis pas précipité sur le disque, car l’œuvre ne me passionne pas du tout. Et tous deux sont des sérénades.
Ah, pour Piramo j'ai "intermezzo tragico". A part la distribution en deux actes, il y a des différentes notables entre Marc-Antoine et le reste de sa production opératique ?
Certes, Piramo est une des œuvres les plus atypiques de Hasse, avec vraiment de beaux passages, mais je ne parlais que des grands opéras.
Oui, mais précisément, quelle est la frontière entre ceux-ci et ceux-là ?
J’ai quelque part, il me semble, le live d’Attilio Regolo. J’en ai aussi un de L’Olimpiade, et encore quelques autres, mais à chaque fois je trouve que c’est finalement pas emballant, par mollesse, par sagesse, par prise de son franchement calamiteuse dans certains cas… Et au demeurant je ne parlais que des disques.
Regolo a bien paru en disque. Mais il est très possible que ce soit peu adéquat du point de vue de l'interprétation, je signalais juste son existence, en pure perte vu votre collection. :)
Soit dit en passant, j’aimerais mieux que les firmes de disques fasse les raretés de Jacobs que des énièmes Werther et Carmen… Mais vous dites tout à fait ce qu’on en peut dire, à propos de Vivaldi : rien ne suivrait, sans doute, du côté du public.
Exactement : un mauvais Werther se vendra cinq fois plus que si on avait fait une captation de Françoise de Rimini de Thomas, pourtant inédit complet de premier intérêt représenté avec de beaux moyens scéniques et musicaux.
C’est juste un Crépuscule de 1955, qui s’ajoute au Ring complet avec Varnay — et là, c’est Mödl. Bon, je ne l’ai pas encore reçu !
Oh, ce sera sans nul doute très bon, je ne dis pas le contraire. Je croyais que vous hésitiez à passer à l'achat, d'où mon avis pondéré sur sa nécessité. A présent que c'est fait, je peux vous en féliciter.
Je vais passer à un autre message pour le baroque français...
Quand on pense, par exemple, que le seul grand opéra de Hasse qui ait la faveur d’un enregistrement, c’est Cleofide dans la vieille version de Christie…
Ah bon ? On ne peut pas considérer Piramo (La Stagione Frankfurt) ou Marc'Antonio (Ars Lyrica Houston) comme des opéras valables ? Piramo, certes, c'est un peu plus pastoral (mais du point de vue de l'expression théâtrale et musicale, je ne vois pas de différence majeure), mais Marc'Antonio... En plus, ce sont deux très bons enregistrements, bien plus palpitants que la morne Cleofide de Christie : le Piramo est très honorable, mais le Marc'Antonio est excellemment joué et chanté, de magnifiques couleurs orchestrales - on y trouve le dynamisme à la mode, mais sans le côté staccato sempre un peu pénible qu'on trouve chez Spinosi ou Sardelli. Bois magnifiques. Au niveau de l'intérêt, Piramo ne m'a pas renversé, mais Marc'Antonio est du niveau de Cleofide, ça vaut mieux que beaucoup de Vivaldi ! Ca s'approche beaucoup du Haendel italien le plus inspiré.
Le premier se trouve chez Capriccio, le second, plus difficile à trouver, chez Sono Luminus (mais il doit être correctement distribué à l'étranger, il a quand même été nommé pour un Grammy !).
Pour finir, un label (manifestement pirate) a publié un Attilio Regolo (un livret sympa de Métastase) avec Martina Borst, Derek Lee Ragin, Markus Schäfer et Michael Volle !
Si vous en doutiez encore, vous avez bien fait de venir sur CSS. :)
alors que Jacobs en a donné une lecture saisissante…
Jacobs faisant énormément de neuf chaque saison, son label (en plus en perte de vitesse) ne peut pas non plus tout immortaliser. Heureusement que les radios européennes veillent ! Le Don Chisciotte de Conti était un grand moment. Je me demande d'ailleurs si ça n'a pas été vidéodiffusé par la télévision néerlandaise, à l'occasion de la reprise de la production.
Et je ne parle même pas du domaine français.
Pour le domaine français, la question me paraît différente, c'est vraiment une autre niche. Avec le CMBV, on bénéficie de remises en valeur assez ordonnées, bien documentées, bien remises en perspectives, radiodiffusées, avec pas mal de parutions discographiques. Franchement, j'ai beau me jeter sur toutes les nouveautés de tragédie en musique, et bidouiller pour ma pomme celles qui n'ont pas encore paru, je trouve que même en se limitant au disque, on est très bien servi. Avec souvent une très bonne qualiuté éditoriale. J'aimerais pouvoir bénéficier de la même chose pour le Grand Opéra ou d'éditions aussi soignées pour les décadents germaniques. Et je ne parle pas de mes rêves d'anthologies de nations injustement méprisées (il existe des bijoux dans l'opéra romantique norvégien ou serbe...).
Non, franchement, le baroque français est bien servi. Il y a quinze ans, la documentation discographique était très fragmentaire, limitée à quelques grands noms, mais aujourd'hui et au train où continuent d'aller les choses, je me considère comme satisfait. A fortiori pour les franciliens, on pourrait faire une saison riche rien qu'avec les oeuvres dramatiques baroques françaises !
Germaneries
Si c'était un premier contact avec Elektra, je ne discute plus. C'est une expérience tellement exceptionnelle qu'on reste très facilement imprégné de certaines inflexions, de certaines réussites propres à "sa" version.
Pour Mödl, je situerais le sommet dans son Isolde (un port d'impératrice), dans sa Sieglinde de 55, voire dans sa Brünnhilde du Crépuscule en 53 (l'énergie, le mot, tout y est, en revanche on entend assez mal l'orchestre, dirigé avec beaucoup de sens du drame par Keilberth, mais pas toujours exact, même si davantage que chez Krauss ou bien sûr Knappertsbusch). Mais il y a aussi le Fidelio de 50 avec Furtwängler (et Schwarzkopf en Marzelline), sa Nourrice, et tant d'autres choses. Sa Clytemnestre est très bonne dans l'absolu (j'aime tout ce qu'a fait Mödl, à l'exception de ses récitals de lied des années soixante, un peu ternes à cause de la voix qui s'est grandement lassée), mais elle ne m'avait pas paru en tête de la discographie - il faut dire qu'à l'époque, j'écoutais beaucoup les deux Clytemnestre de Höngen, donc le standard était assez haut.
Je ne suis pas persuadé que les publications de Testament vaillent leur prix. Par exemple le fameux Ring stéréo de 1955, dont on a fait tant de bruit (et qui a mon avis, vu la date tardive de réédition, au delà des 50 ans de droits voisins, est libre de droits !), est certes bien plus nettement capté, mais les chanteurs n'y sont pas meilleurs (même un peu moins bons, à mon goût) qu'en 52 ou 53. On trouve d'autres soirées de 55 moins chères chez d'autres labels.
Franchement, vu la quantité de bons Ring, on n'est pas obligé d'écouter précisément celui-là. Il y en a plein d'autres avec les mêmes chanteurs ou des générations adjacentes (Keilberth 52, Keilberth 53, Furtwängler 50, Kempe 60...) qui sont tout aussi intéressantes, pour ne pas dire plus.
Ce que j'ai écrit sur la discographie d'Elektra est très sommaire, c'était au détour d'un mot sur les coupures. J'ai bien quelque chose de plus détaillé, mais je n'en étais pas satisfait et je ne l'ai jamais achevé ni publié (il est tellement facile d'être réducteur, lorsqu'on motive des choix de versions...). Je pourrais éventuellement vous le transmettre par courriel si cela vous intéresse.
Vivaldi et les petits pois
Je suis bien sûr d'accord sur l'obsession Vivaldi, mais on ne peut pas exiger non plus des interprètes (qui ont des impératifs économiques) qu'ils soient plus vertueux que les spectateurs qui ne viennent pas... Et même les spectateurs, peut-on leur reprocher de s'occuper de leurs enfants en rentrant du travail, plutôt que d'écouter 100% de la production discographique mondiale ? Structurellement, on est amené à voir plus de productions de compositeurs célèbres que de compositeurs méconnus - ce qui est aussi une cause de leur célébrité, et la boucle est bouclée. :)
Evidemment, il est dommage qu'on nous réserve les superproductions à Vivaldi plus ou moins intéressants alors que tant de compositeurs ne sont pas joués du tout ou pas enregistrés, et auraient précisément besoin de ces grands moyens pour émerger. Il n'y a pas, je crois, d'institut pour le seria comparable au CMBV ou à Bru Zane (la vie du mélomane amateur de ces périodes a totalement changé depuis l'ouverture de ces institutions !).
Je pense que l’engouement pour Vivaldi est caractérisé du manque de goût : on a trouvé d’un musicien déjà célèbre des œuvres à exhumer, alors on fait le tout, sans prendre le soin de choisir ;
Oui, totalement. L'effet de collection (comme chez Naïve) fonctionne comme les boîtes de conserve de l'hypermarché : des études ont montré que les consommateurs ressentaient davantage l'avie d'acheter un objet sous forme de tas, de pyramide, d'ensemble organisé. Presque personne n'achète les intégrales en multiples volumes (les Chopin d'El-Bacha, les Schubert de Johnson... qui les a tous pris un à un ?) ; mais le fait d'entreprendre la somme donne un relief, une crédibilité à l'ensemble. Si bien qu'on va trouver le paradoxe de gens qui vont acheter le volume des oeuvres les plus célèbres dans une intégrale (dont le principe est précisément de faire entendre le reste !).
Là encore, je partage votre point de vue mais j'aurais du mal à blâmer les décideurs, il faut bien vendre, et les consommateurs de niche sont par définition non seulement captifs mais surtout très minoritaires.
Au passage, qu'est-ce qui vous déplaît chez Vivaldi ? Pour ma part, je lui trouve moins le sens de l'émotion dramatique, ses airs sont souvent un peu déconnectés, exactement le truisme du Vivaldi-artificier. Mais c'est une question de degré et pas vraiment une différence profonde de nature avec les "sentimentaux" que sont Haendel et Hasse.
Le Devin et les Chabottés
tout comme celle du Devin, qui se tenait ma foi fort bien, bien mieux que ce que j’avais imaginé — alors que je connaissais déjà l’œuvre.
Oui, mais c'était avec Louis de Froment, n'est-ce pas ? Joué avec un peu de considération stylistique, c'est forcément meilleur ! Je n'ai jamais trouvé cette oeuvre aussi exécrable qu'on l'a écrit (souvent par réflexe) ; nul doute cependant qu'elle doit prendre une autre dimension avec Reyne. J'avais été frappé par mon changement d'opinion tout à fait radical sur L'Amant Jaloux entre le disque d'Edgar Doneux (quasiment inécoutable) et la vie, la qualité même de la musique une fois sur scène avec lee style adéquat. Ce n'est pas le Grétry fulgurant d'Andromaque ou Céphale, mais c'est autre chose que Richard Coeur de Lion ou le Tableau Parlant - pour ces deux-là, en revanche, j'ai joué la partition et c'est mauvais (ou plus exactement très, très fade).
et qu’on ne pardonne rien parce que c’est Rousseau.
Comme je n'ai rien à lui pardonner (même s'il est un félon à la solde du Coin de la Reine, quasiment tous les lettrés passés à la postérité s'y trouvaient, les fous), je n'ai pas particulièrement pris en compte que c'était lui. Mais forcément, pour l'auteur du Contrat Social, la bluette fait désordre, et pour ceux qui ont lu ses pamphlets musicaux, le manque d'ambition parallèle du compositeur fait sourire. (Tant de passion déployée pour finalement écrire de la musique de fond...)
mais j’ai jugé que je pouvais aussi dire ce que j’en pensais.
Tout à fait, et je suis d'accord que selon la résolution, c'est un peu petit. Mais disons que je n'ai pas, jusqu'à présent, ajusté l'ergonomie du site avec l'inflation du potentiel matériels...
À vrai dire, je dois chroniquer ce disque. Pour l’instant, je suis peu enthousiaste, en particulier sur l’équilibre entre les voix… J’ai cependant été séduit par le superbe orgue de Saint-Michel-en-Thiérache… J’ai encore à écouter pour me faire un avis plus complet.
L'équilibre, en quel sens ? Parce que la prise de son les éclate un peu trop pour le fondu ?
[Au passage : une chronique pour qui ?]
À vrai dire, j’ai une copie d’une vieille édition dont le son est lointain… Peut-être qu’on trouve mieux ! Je suis assez exigeant là-dessus. Bien sûr, je peux écouter des trucs où ça fait un boucan épouvantable, si ça en vaut la peine,
De ce côté, ça m'est totalement égal. Sauf lorsque l'équilibre instrumenal est vraiment important : si on n'entend pas bien l'orchestre dans Götterdämmerung ou Pelléas, ou pour de la musique de chambre, ça me dérange davantage.
Je confirme donc que la bande radio d'Orfeo telle que présentée dans la réédition Mythologies (début des années 2000) est très propre.
mais de temps en temps, j’aime aussi venir à une version plus récente, de bonne qualité bien sûr, pour le plaisir hédoniste du confort des oreilles ! Enfin bon, je crois qu’Ariadne par Sinopoli et Elektra par Solti, c’est quand même loin d’être mauvais dans l’absolu !
Le problème de l'Elektra de Solti, c'est surtout qu'au niveau de la déclamation, Nilsson n'est pas le sommet de l'art. Sinon, le reste est très bien et surtout l'un des très rares enregistrements (le seul que j'aie trouvé avec Sawallisch) sans coupures !
Ariadne par Sinopoli, je ne suis pas totalement emporté par toute la distribution, mais orchestralement, difficile de faire plus passionnant.
En ce qui concerne Elektra, j’ai une particulière dilection pour la version Karajan avec Varnay et Mödl, qui est assez brûlante.
Un des enregistrements d'Elektra que j'aime le moins. Varnay y est en assez vilain état, la voix bouge pas mal, et pas joliment... comparé à l'énergie et à la densité de son incarnation chez Reiner, on ne trouve vraiment pas sur les mêmes cîmes. Même Mödl ne m'y a pas transporté, alors que j'aime beaucoup sa Nourrice par exemple.
Dans la version donnée à l’Opéra-Comique il y a quelques années, je les trouvais très réussis, avec toutes ces fausses fautes, ça agit très bien sur moi !
Ca m'avait laissé assez froid, mais le comique de caractère n'a jamais eu beaucoup d'effet sur moi. Dans son genre, oui, c'est sympathique.
Ce qui m’a surpris dans la fin de Fra Diavolo, c’est que finalement, il était plutôt sympa comme bandit.
Oui, mais avec assez peu de substance... il faut attendre l'air de l'acte III pour comprendre qui il est, très peu de temps avant son arrestation. Le livret est vraiment bizarrement bâti, c'est quasiment une cavatine... d'adieu.
Vous savez, en matière de mauvais goût, moi, j’aime Hasse, hein… Et je parle bien du Hasse avec pom-pom-pom-pom répété à l’infini à la basse, suivi d’une transition à la dominante pas du tout discrète avec un pont à la tadida-ta-ta-tam, et ensuite roucoulades et ploum-ploum. Bien sûr, j’aime aussi les airs lents dans lesquels il fait de belles choses (« Piange quel fonte », par exemple, que Genaux chante beaucoup), et le Piramo e Tisbe, mais ça, c’est de moins mauvais goût. Mais disons que je ne mets pas ça tout à fait sur le même plan que Joh. Seb. Bach, par exemple. D’ailleurs je ne mets pas non plus Auber sur le même plan que Berlioz.
Qu'importe les plans ! J'aime beaucoup Hasse aussi, même si je ne pratique plus beaucoup ce répertoire ; pour la couleur élégiaque, il est le seul à se comparer avec Haendel, en tout cas dans ceux qui me sont connus - il y a tellement de publications et surtout tellement de compositeurs inédits ! Le hiérarchiser avec Bach alors qu'on a surtout des opéras de Hasse me paraît un peu périlleux. La hiérarchie sur le plan de la qualité musicale, oui, indubitablement, mais pour le reste, on a bien le droit de prendre son plaisir où on veut.
De toute façon, la plupart du temps, il est plus judicieux d'isoler les oeuvres : Haÿdée vaut bien Béatrice & Bénédict, et il n'est pas impossible que certaines oeuvres sacrées de Hasse surpassent des cantates de Jean-Séb. Et surtout d'être conscient du terrain sur lequel on hiérarchise : c'est un truisme, mais suivant les critères, on n'obtient pas les mêmes résultats.
les amateurs de tel ou tel sous-domaine toisent ceux du domaine voisin avec sévérité, moi-même je ne suis pas tendre avec Verdi, Puccini, Massenet, ou, plus près de “chez moi”, Vivaldi. Je pense qu’au fond, ça fait un peu partie du jeu : on a des goûts solidement ancrés dans nos entrailles (même s’ils peuvent évoluer), on les vit, on les porte, et on les défend. C’est de bonne guerre.
Oh oui, on s'habitue très bien à cela. Comme j'ai tendance à fréquenter des domaines "incompatibles", je ne m'offusque pas d'entendre les amateurs de musique de chambre tempêter après le désordre musical ou la glottophilie de l'opéra (ils ont raison) ni les wagnériens toiser les verdiens pour leur tolérance harmonique (ils ont raison), ni les verdiens toiser les wagnériens pour leur snobisme emberlificoté (ils ont raison). A force d'être systématiquement rabaissé indirectement par des interlocuteurs qui partagent une passion commune sans forcément se douter qu'on en a d'autres, une sorte de nivellement se produit, de relativité sans doute.
Ce que je déteste par-dessus tout, ce sont les gens qui prétendent ou décide que tout se vaut et qui nie ce que je disais plus haut ; on peut aimer Hasse ou Auber tout en reconnaissant que ce n’est pas non plus ce qui s’est fait de plus riche et de plus passionnant dans l’histoire de la musique.
Cette affaire est compliquée, de mon point de vue. Non, tout ne se vaut pas (l'affirmation même que des choses différentes puissent être égales est absurde). En revanche, "tout" représent un ensemble trop différent pour être comparé, du moins objectivement. Critère à critère, oeuvre à oeuvre, des choses sont possibles : une Passion de Bach est plus complexe harmoniquement qu'une Passion de Haendel, deux opéras de Massenet sont plus différents entre eux que deux opéras de Lully, etc. Mais après, dire que Bach est supérieur à Schubert, ou même à Auber, c'est un jugement tellement brutal et "hors sol" que je ne vois pas comment le confirmer ou l'infirmer, sauf sur le terrain du goût personnel.
En matière d'art, l'affichage de la subjectivité est souvent, en fin de compte, une forme de politesse. On se remet à sa propre place, sans décréter qu'Untel (présent sur toutes les grandes scènes) "ne sait pas jouer du violon" ou que Telcompositeur est une imposture, à coup de théories plus ou moins englobantes et bancales.
Ca ne signifie pas néanmoins que tout se vaille, et si on s'enthousiasme pour telle ou telle chose, leur singularité n'y est pas étrangère...
En revanche, quand on vient me dire que tel nouvel opéra de Vivaldi qu’on vient de nous sortir avec une brochette de stars c’est « génial », évidemment, ça m’énerve au plus haut point.
Oh, il y a des choses très chouettes chez Vivaldi. Quand on songe que même en discutant avec des mélomanes chevronnés, jusqu'au début des années 2000 (avant la Bartoli-Révolution), on pouvait entendre "Vivaldi n'a jamais composé d'opéra" ou "n'a jamais fait qu'Orlando Furioso"... la conscience même que ce compositeur de hits interstellaires avait passé une grande partie de son temps à écrire de la musique scénique profane n'était pas évidente chez beaucoup de monde. Par conséquent, que le fait de découvrir une production lyrique dans le même goût ait suscité une petite hystérie, je n'en suis pas étonné, d'une certaine façon c'était légitime.
Ensuite, Vivaldi est-il plus intéressant que Haendel ou Hasse... Je ne lui trouve pas la même variété de coloris, mais comme eux, il a pleinement réussi certaines oeuvres (c'est Motezuma qui m'impressionne le plus).
Moi je dis, à ce compte-là, prenons Oklahoma ou Cinderella de Rodger et Hammerstein, mettons là-dessus le nom de Vivaldi en gros, un peu de Villazón-Damrau-DiDonato, et on aura, je pense, de quoi montrer que tout de même, Vivaldi, c’est génial. Et entre nous — ou pas entre nous d’ailleurs, tout le monde le sait : je préfère Oklahoma et Cinderella.
Ce n'est pas le même type de groove et de charme, assurément.
P.S. : Se déplacer pour le Devin du Village, respect.
Ah je n’en démordrai pas, j’ai trouvé, dans son genre, Fra Diavolo plus réussit que Zampa.
Peut-être aussi que ce n'est pas exactement le même genre. Zampa conserve une petite composante sérieuse, on nous joue de la tragédie sans en être dupe. Alors que les enjeux sont plus minces dans Fra Diavolo.
Et autant j’avais à peu près tout vu venir dans Zampa — ils avaient à peine dit que Zampa était un voleur et que le frère d’Alphonse avait disparu que je savais que ça serait le même et que ça serait à l’acte III que ça se révèlerait. Avec le titre, on sait que ce sera la statue qui sera la clef du dénouement, etc.
Ah, ça oui, d'accord, de même qu'en allant voir une comédie on se doute que ça "finit bien", mais les détours de l'intrigue sont assez imprévisibles, à ce qu'il m'a semblé.
Donc autant j’avais tout vu venir, autant dans Fra Diavolo je n’avais pas du tout, du tout vu venir qu’il serait arrêté à la fin. Il était tellement sympa !
Le sujet étant ce qu'il est, il était difficile de finir autrement : l'Opéra-Comique où l'oeuvre est créée, a quand même une tradition de public familial, même si progressivement (et singulièrement sous l'impulsion de Scribe) leur caractère édifiant devient beaucoup plus discutable.
C'est vrai, cela dit, que de ce fait ça finit assez rudement, considérant ce qu'il advient du Pezza historique après son arrestation !
Et les deux anglais, et les deux comparses de Diavolo, ils sont géniaux !
Ce n'est vraiment pas les personnages de caractère que je trouve les plus amusants dans la période (moi je suis plus du côté de Corentin de Ploërmel...), et leurs parties musicales sont assez peu passionnantes...
J’ai une amie thésarde qui adore Auber, comme moi, ça me console un peu, sinon je me serais demandé si j’avais pas une sorte de tare gustative. Bon, d’avoir apprécié le dernier acte de Zampa me sauve un peu aussi, non ?
Je ne voudrais pas vous effrayer, mais aimer Auber sera considéré par beaucoup comme une tare gustative. En revanche, lot de consolation, Hérold ne vous voudrait pas beaucoup plus d'indulgence. :)
Une fois qu'on a admis que le bon goût était une hiérarchie assez secondaire, puisqu'il proclame une forme d'expression comme intrinsèquement supérieure aux autres, de façon assez changeante selon les milieux et les moments, on se porte très bien d'aimer ce qui nous chante. Il suffit de voir comment les fans de Verdi regardent les amateurs de variété, comment les wagnériens regardent les verdiens, comment les vingtiémistes regardent les romantiques... A moins de limiter son champ d'investigation à Webern (effectivement au-dessus de tout soupçon de facilité, à part en ce qui concerne la durée), il est difficile de ne pas être suspect à un moment où l'autre d'aimer quelque chose de facile ou de ridicule.
Le gros avantage, quand on aime Adam, Hérold, Meyerbeer ou Auber, c'est qu'on est certain d'avoir mauvais goût, ce qui apporte une certaine paix d'esprit.
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[b}L. Della Casa[/b]
Évidemment, je ne suis pas tout à fait d’accord pour Lisa della Casa. D’abord, je l’adore, je n’ai aucune subjectivité avec elle (vous direz : avec elle non plus). Mais tout de même ! Arabella ? la Maréchale ? la Comtesse du Capriccio ? Il y a là-dedans un naturel, ça respire, et en même temps c’est du grand chant, et une grande dame.
Ne comptez pas sur moi pour dire du mal de Della Casa dans Strauss. (Ah si, peut-être sur Madeleine qui reste un peu en deçà...) Mon propos se limitait à dire qu'elle m'émeut davantage dans les rôles juvéniles comme Chrysothemis, Octavian ou Zdenka que dans les aristocrates plus affirmées comme la Maréchale ou Arabella... rôles dans lesquels je la trouve néanmoins fantastique. :)
Cela dit, j’aime sa Chrysothémis, bien entendu, même si la prise de son est un peu précaire — et fatigante du coup.
Vraiment ? Au contraire, je trouve qu'on entend tellement mieux que dans nombre de studios : l'orchestre est très nettement capté. Quelle édition ? Chez Orfeo, à part la petite sècheresse inhérente à la prise sur le vif, ça me paraît vraiment impeccable - mais je ne suis pas audiophile.
En ce qui concerne les Mozart, je les connais finalement moins. Son Elvira me semble moins aristocrate que ses personnages de Strauss, par exemple, mais la vraie aristocrate du Don Giovanni, c’est Anna ; j’ai le grand air, « Non mi dir », évidemment elle le réussit fort bien.
Son Anna est effectivement beaucoup plus intéressante, à mon sens, que son Elvira. Mais il faut dire aussi qu'en restant en allemand, elle ne perd rien de sa couleur habituelle, alors que l'italien la blanchit toujours un peu.
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A. Netrebko
Bon, Netrebko, disons-le tout net, moi je n’aime pas trop. Le timbre est beau, certes. Mais je ne supporte pas la bouillie, et a fortiori en russe — le jour où elle a raté son récital d’airs russes, je pense qu’elle s’est quasiment condamnée à mes yeux. Vous me direz, ça ne lui fait pas grand-chose. Hé bien tant mieux pour elle, et pour moi aussi. Mais beaucoup de chanteurs se damnent avec leur russe, je suis exigeant dessus. Heureusement, Mattei, lui, prononce parfaitement bien et son Onéguine est fabuleux.
Je trouve le timbre de Netrebko, que je n'ai jamais entendu en salle cela dit, assez moche, justement à cause de cet aspect opaque et flou. La contrepartie est vraiment dans la crédibilité de l'engagement. Dans certains répertoires (en français, où les lignes sont moins univoquement mélodiques généralement, ou dans le belcanto où au contraire elle surajoute à une écriture déjà lisse), c'est rédhibitoire tout de même, mais dans certaines oeuvres payantes théâtralement comme l'Elixir ou Traviata, je suis très convaincu, même sans l'image (mais moitié moins !).
De toute façon, Netrebko chante surtout du bel canto, et je n’en écoute quasiment pas (ou plutôt : plus), ça m’ennuie. Beaucoup. Comme ça, c’est réglé.
Mais pas tant que cela, en fait : dans les rôles récents, on n'a qu'Adina, Giulietta et Bolena. Le reste, c'est Mozart, Offenbach, Massenet, Bizet, Tchaïkovski, Puccini... Après, comme sa carrière internationale est relativement récente et qu'elle ne multiplie pas les prises de rôle, ça reste un répertoire limité, donc on a forcément l'impression de voir revenir les mêmes titres.
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F. Wunderlich
Je suis beaucoup plus séduit, avec lui, par son Dichterliebe par exemple, même si moins qu’il y a un ou deux ans.
Ah oui, Dichterliebe, c'est son plus beau disque à mon sens. Comme toujours, le mot n'est pas complètement premier, mais le timbre n'a jamais été aussi beau, et la justesse de chaque phrasé, c'est un petit bijou ! Pas vraiment mon genre (trop "musical"), toutefois un sommet ! Il y a tellement d'excellentes versions que je ne l'écoute pas souvent, mais il y aurait lieu de m'en blâmer, je l'admets.
Quant à son Mahler, je n’avais pas assez de recul pour en juger… et dieu sait si j’en aurai un jour, tant j’écoute peu cette œuvre ! Ce n’est pas que je n’aime pas, mais disons qu’on ne passe pas à travers Das Lied von der Erde comme à travers Shéhérazade : difficile d’écouter deux ou trois fois (donc versions) dans la journée !
Néanmoins on perçoit immédiatement qu'il ne le chante pas comme les autres, de façon lourdement épique, n'est-ce pas ?
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Le reste
La première est d’ordre musical. Avez-vous vu passer récemment un disque de motets de Campra par Les Folies Françoises, avec Jean-François Lombard, Jean-François Novelli et Marc Labonnette ? (C’est chez Cypres.) Je suis curieux de votre avis là-dessus.
Je suis très enthousiaste sur les Folies Françoises d'ordinaire, mais ce disque les fait passer à un degré supérieur de maîtrise instrumentale : on retrouve ce son un peu étroit mais très fruité, généreux et tendu, avec une aisance que je ne leur soupçonnais pas. Et les chanteurs, qui ne sont pas forcément les meilleurs de leur catégorie, sont aussi particulièrement en forme, captés dans un équilibre très confortable avec l'ensemble instrumental, très limpide et présent. Pour ne rien gâcher, les oeuvres sont très convaincantes et les intermèdes d'orgue magnifiques (Saint-Michel-en-Thiérache !). A certains moments, le continuo est exécuté directement sur les jeux de fond du grand orgue, avec un résultat très spectaculaire.
Je crois qu'on peut dire que j'aime.
J'hésite précisément à en parler dans la section "disque du jour", j'évite de le faire pour des nouveautés qui ont forcément droit à leur promotion, sauf si j'ai le sentiment d'avoir un élément spécifique à apporter.
Le second n’est pas d’ordre musical. En bas de votre site, il n’y a pas de bouton pour aller sur les pages précédentes et voir les autres articles chronologiquement. Sauf si j’ai mal vu. C’est dommage, ça permet de flâner agréablement…
Non, ça n'existait pas sur cette version de Dotclear. Il doit être possible de l'ajouter, mais peu de lecteurs doivent remonter au delà de la vingtaine de notules en première page. Sinon, il faut passer par les archives par mois, tout simplement.
Par ailleurs, si vous avez la main dessus, et c’est aussi une question de goût, mais je pense que le texte des notules (et des commentaires aussi, hein, vu qu’on y passe aussi du temps) pourrait être plus gros. Enfin en général tout le texte, globalement c’est écrit petit chez vous ! Je ne dis pas qu’il faut que ça soit énorme, mais pour moi (c’est subjectif), ce serait plus confortable en un peu plus gros.
Oui, j'ai la main dessus, mais là aussi, j'ai laissé les recommandations par défaut d'une spécialiste de la question. Il faut dire qu'à l'époque où Carnets sur sol a été mis en ligne pour la première fois, les résolutions en 800px étaient les plus fréquentes, donc la police apparaissait plus large.
Je crains en outre, en élargissant la police, de rendre moins lisible l'ensemble, avec des paragraphes qui occuperaient un écran entier - peu commode pour se repérer. Mais c'est à essayer, cela dit. Si je ne l'adopte pas, il vous reste la commande de zoom.
Et puisque vous faites partie des lecteurs de mon tumblr, si vous utilisez un navigateur comme Chrome, Firefox, Safari ou Opera, vous devriez normalement voir un changement dans la présentation ! (C’était une page de publicité.)
Oui, j'ai remarqué le changement de police (beaucoup plus élégant !). [J'utilise le plus souvent Opera, le seul à disposer d'une véritable navigation au clavier.]
Bonne journée !
J’ai suivi en direct sur Arte Live Web ce Phaéton. (Voir mon compte Twitter où j’ai la manie de commenter, parfois, ce que j’entends…)
En effet, comme j'ai pu le remarquer chez vous, vous semblez un maître de l'aphorisme !
Le format Twitter est tellement contraignant...
Il m’a semblé que la distribution était assez nettement dominée par Isabelle Druet, très émouvante et très juste dans l’émotion.
Je n'ai pas eu cette impression, mais je n'aime pas Isabelle Druet. Je l'ai vue souvent en concert (elle est devenue incontournable dans ce répertoire, et même présente dans d'autres...), elle est assez irrégulièrement désagréable, cette voix un peu rauque, cette façon de projeter la voix en acidifiant le timbre (jusqu'à l'aigreur), je n'aime pas du tout. Même les accents expressifs sont cognés. Je la ressens comme assez antithétique de tout ce qu'appelle ce répertoire - voix délicates (car en deçà du passage), phrasé élégant...
Néanmoins, dans ce rôle de harpie pleurnicharde, je l'ai trouvée valeureuse, parmi ses meilleures soirées. Peut-être que le contraste avec Jennifer Smith, présente depuis vingt ans dans toutes les oreilles par le studio Minko, lui a été assez favorable, parce que c'est un seuil d'acidité difficile à surpasser.
Pour Auvity, il faut voir aussi le chemin parcouru, l'abandon immense qu'il met maintenant dans ses compositions théâtrales - il en a fait, des héros aimables de cette esthétique, depuis Agénor ! Gonzalez-Toro n'aura sans doute jamais cette électricité, et le timbre est un peu moins lumineux et singulier, mais il débute à peine dans les premiers rôles, ayant dû renoncer à Bellérophon
: le Dardanus de l'an passé devait être son premier grand rôle solo avec un grand ensemble.
Bien d'accord pour le rôle meurtrier du Soleil. Auvity était tendu tout simplement parce qu'il chante de façon ouverte tout le temps, en misant sur les allègements, un mode d'émission qu'on pourrait décrire comme mixte... il n'a jamais eu beaucoup d'aigu, parce que la voix n'est pas construite pour ces extrêmes, mais vraiment pour les médiums et médiums aigus (encore que, le si bémol en accord 390 Hz, ce soit assez accessible pour un ténor...) qui caractérisent les rôles du baroque, et singulièrement les héros de tragédies lyriques d'avant les années 40-50. [Pour le répertoire sacré, c'est différent, certains rôles de haute-contre ne sont quasiment accessibles qu'en fausset, ou par des ténors de la plus haute virtuosité dans le maniement de la voix mixte renforcée.]
Contrairement à ce qu'on dit souvent, la haute-contre n'est absolument pas, dans l'absolu, un tessiture aiguë pour un ténor dans la tragédie en musique, bien au contraire. Mais si l'on veut chanter sans sombrer désagréablement, ça fait quand même des tessitures un peu tendues.
Je trouve que Gonzalez-Toro a surtout une ressemblance avec Robert Getchell...
Je ne l'ai pas entendu en vrai, mais c'est assez différent d'Auvity en termes d'impact, alors. J'aime beaucoup Getchell, mais la voix percute très peu comparé à Auvity dont la projection est de premier ordre.
Je n’ai pas réécouté la version de Minko’, mais je me souviens de tempi, chez lui, un peu trop pressants. Je pense que je ne lui ai jamais pardonné une chaconne beaucoup trop rapide, par exemple. Avec Rousset, j’ai eu le sentiment de profiter de la musique, enfin !
Le studio de Minkowski a quelque chose d'un peu expérimental. Beaucoup d'angles et de contrastes, et puis des moments qui semblent un peu figés. Pas une lecture très souple en tout cas. Je n'ai pas eu l'impression qu'il pressait (mais j'aime les lectures vives, où le mot ou le drame l'emportent plus facilement sur l'hédonisme musical), Rousset est en revanche bien plus lent que la moyenne.
Instrumentalement, j'admets tout à fait que je suis bien captivé par Rousset, qui a pleinement profité de vingt ans supplémentaires d'expérience dans la gestion du continuo - et résolution de ses propres problèmes comme chef d'ensemble.
Et encore deux mots. Ah, j’ai été content de voir la mention de Nicolas Sceaux, que je connais un tout petit peu (j’utilise LilyPond aussi, à un niveau moindre, et j’utilise en particuliers plusieurs fonctions qu’il a écrites) et j’ai eu aussi un tout petit peu l’occasion de collaborer avec lui. Ses éditions sont en effet excellentes, à mon avis aussi, et même meilleures que celles de certaines maisons prestigieuses et chères qui vendent à prix excessif des partitions imprimées en trop petit et trop fin, et qui plus est pas franchement bien espacé ni élégant (je ne citerai pas le titre d’un opéra-ballet que j’ai payé quelque chose comme 45 €...).
Mais si, mais si, il faut citer. Les éditions du CMBV ou des Abbesses sont en général très lisibles, de mon point de vue. Mais il est vrai que vu les prix, je me contente d'éditions romantiques ou de fac-similés mis en ligne (à saisir éventuellement sous LilyPond).
Et l’autre mot : comme vous j’ai été frappé par la qualité de la prise de son ! Un délice. J’ai regretté de ne pas avoir un petit vin de là-bas pour accompagner le tout, tenez.
D'autant meilleure en contraste avec les prises de son habituelles d'Arte Live Web pour ce type d'oeuvre... le morcellement très artificiel du son dans Bellérophon n'était pas très agréable.