Morloch :
Cela permet une interrogation constatnte du texte qui n'existe pas dans certains répertoires, c'est peut-être à la base du succès des baroqueux.
Et ça permet peut-être, dans le même temps, de faire au plus proche des préoccupations du spectateur d'aujourd'hui.
D'un autre côté, il ne faut pas non plus imaginer que leur démarche est totalement vaine. On est certainement plus proche de la façon originale et du style de cette musique
C'est l'évidence. Voir par exemple l'inégalité des notes égales, l'improvisation du continuo (toutes choses vérifiables dans les textes), et le résultat spectaculaire, en plus, que cela produit.
PS : quand un baroqueux parle d'un/une claveciniste/organiste/pianiste qui a pour initiales YLG, de qui s'agit-il ?
Yvonne Lefébure-Gély. Ou bien Yvette Le Gall, je ne sais plus.
Mais si tu parles d'Eragny, il s'agit de l'immense claveciniste de génie Yannick Le Gaillard.
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Vartan :
Le travail de recherche documentaire encore plus précis que celui qui a porté Christie, Minko ou Lazar aujourd'hui ou bien ceux-ci mêmes qui deviendront pour les générations futures l'alpha et l'oméga de leur projet artistique.
Là, je laisse l'Avenir répondre s'il passe par ici, il sera plus informé que moi. (J'incline à penser qu'il y aura du neuf... et toujours une poignée de nostalgiques pour regretter un Age d'Or - leur jeunesse, quoi.)
Comment redonner Atys sans Christie ? N'est-il pas le véritable créateur de cette tragédie lyrique ?
On a bien joué Orfeo sans Harnoncourt, et très souvent avec bonheur (même s'il demeure la référence ultime après déjà quarante ans...).
Oserions nous entendre: "Dormonsss, dormonsss, tousss, que le reposss est dou(sss ?) !" :-)
Ce que Lazar a bien fait, c'est tout de même d'éviter la surcharge dans le coeur des vers, lorsqu'il y a déjà une consonne dans les parages. Sinon, oui, on prononçait la finale du vers, et même en français moderne tu es censé faire la liaison avec "repos" (et sinon, vilain hiatius très méchamment interdit).
Ce qui produirait :
Dormons, dormons tousssss, que le repos zest douxssss.
Le "s" de "repos" se prononce [z], c'est un phénomène quasiment physique : au contact de la voyelle suivante, les cordes vocales vibrent et la voyelle sourde se sonorise, le [s] devenant [z] en liaison.
Cela permet une interrogation constante du texte qui n'existe pas dans certains répertoires, c'est peut-être à la base du succès des baroqueux.
Je me plaisais à imaginer, à propos de la discussions que nous avions avec David sur ce Bourgeois mis en scène par Lazar, à ce que serait un spectacle de musique ou de théâtre baroque dans un siècle. Quelle source sera privilégiée ? Le travail de recherche documentaire encore plus précis que celui qui a porté Christie, Minko ou Lazar aujourd'hui ou bien ceux-ci mêmes qui deviendront pour les générations futures l'alpha et l'oméga de leur projet artistique. Comment redonner Atys sans Christie ? N'est-il pas le véritable créateur de cette tragédie lyrique ? Comment oser (ce que Lazar n'a pas fait je pense) repasser là où un certain génie s'est exprimé ?
Oserions nous entendre: "Dormonsss, dormonsss, tousss, que le reposss est dou(sss ?) !" :-)
PS : quand un baroqueux parle d'un/une claveciniste/organiste/pianiste qui a pour initiales YLG, de qui s'agit-il ?
Le gaillarrrrrde biénn sür !
Les décors sont absolument magnifiques, les costumes chatoyants et très colorés, c'est un enchantement visuel permanent, quelques fautes de goût ici ou là mais franchement minoritaires sur la durée du spectacle. Les costumiers ont dû s'en donner à coeur joie.
A coeur finances aussi...
Je ne m'étonne qu'à moitié que tu aies apprécié les couleurs, il y a un petit côté Puvis de Chavannes dans ces métissages délicats. -<]:o)
Les jeux de mains, plus subtils que chez Pynkowski, étaient aussi beaucoup moins visibles et affirmés. Et effectivement, chez Pynkowski, les personnages sont mobiles, on ne s'interdit pas de jeter un oeil amusé sur l'oeuvre elle-même, le statisme est limité par des déplacements et la stricte frontalité n'est pas observée. A la réflexion, avec des moyens financiers manifestement limités, il s'en tire admirablement et propose un spectacle qui soutient assez bien l'attention (en particulier pour les trois derniers actes). Tout cela avec fort peu d'accessoires et un plateau presque nu.
sans doute s'adapte t'on aux dimensions du "spectacle vivant" auquel on assiste,
Il est certain que ça n'a jamais le même relief. [Quel spectacle télé pourrait rivaliser avec un cinquième de mise en scène de Deflo, franchement ?]
C'est pour cela que j'émets l'hypothèse de quelque chose de plus plaisant dans la salle. Cela dit, le statisme général, la déclamation de front, le manque de rythme des récitatifs et le caractère un peu précautionneux des ballets n'ont pas dû changer du tout au tout non plus.
Mais on adhère plus commodément en salle.
Il y a un sentiment d'étrangeté qui se dégage, que je trouve particulièrement agréable. Je n'ai pas besoin de ressentir la proximité de la tragédie lyrique, ce spectacle fonctionne aussi pour son extranéité à l'univers du spectateur. C'est sans doute pour la même raison que j'apprécie assez la diction restituée, outre de ranimer des rimes, et au delà d'une prétendue authenticité, elle réintroduit de la " truculence" dans la Tragédie lyrique, permet des accentuations plus fortes, une langue qui chante différemment. En comparaison, le français parisien actuel est aseptisé. Vive la Tragédie lyrique prononcée à la plouc !
On est d'accord, ça rehausse des choses autrement inaperçues... Mais par moment, l'étrangeté l'emporte sur l'adhésion, c'est ce que je voulais dire. (Vraiment, la diction restituée ne me dérange pas du tout, au contraire, lorsqu'elle est aussi intelligible qu'ici. C'était moins le cas pour le Carnaval et la Folie de Destouches, dans les représentations de Niquet en février dernier.)
Mais il manque aussi un petit brin de folie à ce spectacle, qui ferait qu'il " décolle" pour de bon. Il souffre , je crois, d'une poésie un peu "confite", comme celle d'un livre d'images pour enfants (je ne sais pas si ce que je dis est très clair) qui pourrait lasser si ce type d'esthétique venait à se généraliser.
Pour moi, c'est clair en effet.
En revanche, je trouve que la direction de Dumestre est géniale, très dansante. A la réécoute, je trouve que c'est le gros point fort de ce spectacle. C'est tiré vers l'italianité, plein de vie, sans jamais tomber dans le cabotinage. Si les chanteurs se rodent plus à leurs rôles, les représentations à venir pourraient bien être d'immenses réussites.
Oui, c'est le gros point fort... pour les danses ! Mais il y a beaucoup de récitatifs chez Cadmus, et il est vrai que cet ensemble n'a guère l'habitude d'en accompagner, et jamais dans la tragédie lyrique, sauf erreur de ma part. Et pour le coup, ça manque de rythme (compare avec l'extrait de Rousset que j'ai mis... c'est flagrant, et pourtant on sait bien que Rousset n'est pas non plus exempt d'une certaine réserve).
Bref, j'étais ravi de pouvoir le voir sans être obligé de compter sur un hypothétique déplacement à Caen (et, accessoirement, sans bourse délier grâce à France 2), et c'était un très beau spectacle, assurément ; mais je n'ai pas été pleinement séduit. Par rapport à ce qu'un petit peu d'idées dans la mise en scène et éventuellement un peu plus d'allant dans les récitatifs auraient produit de merveilleux.