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mercredi 14 janvier 2015

Au secours, je n'ai pas d'aigus — III — … mais j'ai un larynx


3.2. Larynx

Instinctivement, chez la plupart des locuteurs/chanteurs, le larynx (situé derrière la protubérance cartilagineuse mobile du cou) tend à remonter dans les aigus. Le maintien en position haute du larynx jusque dans l'aigu est un fait exploité dans nombre de musiques populaires pour un son clair et strident ; dans le chant lyrique au contraire, considérant les contraintes de puissance, il faut faire de la place pour la résonance, ce qu'aide à obtenir le larynx bas.
Les théories varient selon les écoles sur la place exacte qu'il doit avoir : pour certains aussi immobile que possible et très bas (dans les écoles « internationales » récentes), pour d'autres, il doit être mobile selon la zone de la voix et la couleur recherchée (les époux Ott défendent cette thèse).
[En réalité, le larynx ne pouvant être absolument immobile (vu tous les muscles et ligaments en jeu, sur diverses intensités sonores, largeurs de cordes, formes de voyelles !) ni totalement mobile au risque de rupture de la ligne (si le larynx change trop brutalement de position, la voix « décroche » immédiatement et la note s'interrompt : c'est le couac) : cette querelle porte sur des nuances assez fines que nous n'aborderons pas dans cette série.]


Un ténor (Jonas Kaufmann) larynx au plancher (dans Parsifal).
[Bien, en réalité, il n'est pas si bas que cela quand il chante vraiment, et Kaufmann est assez bas également en position de repos, voire davantage… Mais l'image est parlante, on voit bien la posture préparée pour le chant ample.]


Mais sur le principe, tout le monde est assez d'accord : le larynx, qu'il soit très bas ou en position médium, qu'il soit fixe ou libre, ne doit pas remonter brutalement quand on monte dans les aigus.


Jeffrey Thompson, l'un des très rares chanteurs du circuit professionnel où l'on peut entendre non seulement un larynx plutôt haut, mais surtout sa remontée brutale dans les aigus : ce sont les petits hoquets que vous entendez (chez un chanteur non expérimenté, c'est une des causes majeures de « couac »).
Ce n'est pas sans charme d'ailleurs (surtout ici où il joue un méchant pris par la supeur et emporté par la colère), on est aux confins de la limite technique (clairement, cela le met plus en danger de se tromper qu'un larynx bas — mais pour l'avoir entendu assez souvent, même sur le vif : jamais entendu couaquer) et de l'effet stylistique. Son méchant a un fort caractère malgré son timbre étroit, quelque part entre la mâle audace et la folie pure.
Il chante ici le rôle de Ninus dans Pyrame et Thisbé de F. Francœur & F. Rebel (version Cuiller).


Dans cet extrait, le larynx haut et « remontant » s'adjoint à d'autres caractéristiques, notamment les voyelles très ouvertes. Mêlé aux hoquets, cela donne cet « effet crapaud » atypique, qu'on peut trouver disgracieux (mais que j'aime beaucoup en l'occurrence – évidemment, pour les jeunes premiers, sa justification est plus malaisée).
C'est toujours le cas : dans chacun des exemples qu'on montre, l'effet sur la couleur est forcément celui de plusieurs facteurs. Même en essayant d'isoler les causes et d'expliquer ce qui provoque quoi, il n'est pas toujours évident de sérier les gestes vocaux.

=> À quoi ça sert ?

Suite de la notule.

vendredi 1 août 2008

[inédit] Gaston SALVAYRE - La Dame de Monsoreau

Né en 1847 à Toulouse, et mort dans ses environs en 1916. Egalement chef de choeur, chef d'orchestre et critique musical (notamment dans Gil Blas), Gaston Salvayre est l'auteur d'une dizaine d'oeuvres scéniques, largement concentrées dans le dernier quart du XIXe siècle.

Parmi elles, quatre ballets :

  • Les Amours du diable, 1874
  • Le Fandango, 1877 - sur un argument du couple Henri Meilhac / Ludovic Halévy
  • La Fontaine des fées, 1899
  • L'Odalisque, 1905


Et côté opéra :

  • Un opéra comique : Solange, 1909


Trois oeuvres de format Grand Opéra à la française :

  • Le Bravo, 1877, sur un livret d'Emile Blavet en quatre acte
  • Riccardo III, créé à Saint-Pétersbourg en 1883, sur un livret de Ludovic Halévy
  • La Dame de Monsoreau, sur laquelle nous allons nous attarder


Deux oeuvres lyriques moins conventionnelles :

  • un drame lyrique en quatre actes d'après Goethe, Egmont (1886, livret d'Albert Wolff et Albert Millaud)
  • Sainte Geneviève, une « fresque musicale » créé à Monte-Carlo en 1919.



La dédicace de l'opéra Le Bravo.
Source : MusiMem.com.


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Le compositeur

A notre connaissance, aucune oeuvre de Gaston Salvayre, fût-ce par extraits, n'a été gravée sur support sonore. Pour la petite histoire, il est repéré par Ambroise Thomas au conservatoire municipal de Toulouse, et part étudier à Paris, jusqu'à l'obtention du Grand Prix de Rome en 1872 avec sa cantate Calypso.

Son activité de compositeur, peut-être en raison d'inimités avivées par une carrière de critique pas toujours diplomatique, a été critiquée dès son vivant. Alors qu'il maîtrisait le piano (il avait même travaillé avec Liszt à la Villa Médicis), l'orgue et la direction d'orchestre et de choeur, il était perçu comme un laborieux.

Il est désormais considéré comme un académique, et si le jugement se conçoit en comparaison avec ses contemporains Debussy ou Koechlin, il se dément totalement à la lecture des partitions - mais encore faut-il les trouver et ne pas renâcler devant la confrontation, assis au piano, avec le texte musical lui-même.

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L'oeuvre

La Dame de Monsoreau se situe à la fin de sa période d'activité majeure dans le domaine scénique - elle fut créée le 30 janvier 1888 à Paris. Il s'agit explicitement d'un Grand Opéra en cinq actes. En effet, la durée doit en approcher les quatre heures, si nous en jugeons par notre déchiffrage de la première moitié de l'acte I (qui fait une généreuse demi-heure, certes en comprenant l'Ouverture...).

Le livret d'Auguste Macquet est constitué à partir de la pièce co-écrite par Alexandre Dumas et Auguste Macquet, sur la matière du roman historique du premier.

Après déchiffrage du début de l'oeuvre, nous pouvons en tirer quelques remarques. On découvre une oeuvre d'une assez grande richesse musicale, qui trace une filiation directe avec Meyerbeer (légèrement modernisé évidemment), extrêmement modulante, très mobile dramatiquement. Les numéros [1] disparaissent de plus en plus, et on se permet d'inverser les tessitures masculines habituelles [2], mais on retrouve les ingrédients obligés du Grand Opéra, avec beaucoup plus de fidélité que chez Thomas ou Reyer.

Ainsi cette première scène de l'acte I [3], d'emblée dans la tourmente de l'action la plus noire (et totalement ancrée historiquement), comprend en son centre un équivalent de la romance initiale habituelle au genre, mais ici extrêmement narrative, avec beaucoup de mobilité musicale, absolument pas une forme fixe.

Les ensembles s'enchaînent à une vitesse folle, avec beaucoup de scènes de caractère, comme le trio d'effroi (qui n'est pas sans rappeler celui du troisième acte de Don Carlos) qui entend la chasse du Duc se rapproche. Les nombreux seconds rôles grouillent, plus ou moins incarnés, mais tous pourvus d'une psychologie.

Le livret se montre d'une efficacité extrême (avec un suspense parfait), et musicalement Salvayre excelle à déployer des figures psychologiquement très opérationnelles, variées, et travaillées harmoniquement. Il s'en dégage tout à la fois la pesanteur du drame et la souplesse extrême de la manière. Dès la première lecture, il est incontestable qu'on se trouve ici en présence d'une oeuvre du niveau du meilleur Meyerbeer, mais de son temps, avec un enrichissement harmonique accru et une segmentation en numéros réduite - l'orchestre épousant sans doute un peu plus le texte et un peu moins la forme musicale.

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Premières impressions

L'oeuvre, finalement, lorgne plus vers Henri Hirchmann (même si Wagner et Debussy ne sont pas encore passés par là) que vers ses contemporains Ambroise Thomas, Ernest Reyer et Jules Massenet, bien plus stables dans la structure musicale à numéros et l'harmonie assez sages. Alors que, paradoxalement, Gaston Salvayre hérite avec beaucoup plus de minutie du format Grand Opéra.

Une réussite éclatante qui demande à être confirmée par la suite du déchiffrage, et qui dépasse de loin, en tout cas, les autres grands formats méconnus comme la Jeanne d'Arc de Mermet ou Patrie de Paladilhé. A vrai dire, nous nous attendions plus à ce dépouillement musical presque indigent. Rien que l'acte d'ouvrir la partition, de ce point de vue, représentait une surprise.

Si nous avons le loisir de les préparer correctement, on pourrait, pourquoi pas, proposer des extraits de la réduction piano, puisque cette fois-ci, l'Opéra de Marseille ne répondra pas nécessairement à nos voeux la saison prochaine. (L'oeuvre paraît bien plus intéressante de Salammbô, au demeurant, qui a surtout le mérite de permettre de prolonger la connaissance de l'auteur du Sigurd, qui intrigue à juste titre.)

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Mise à jour du 6 août 2008 : seconde scène du premier acte

La seconde scène du premier acte présente un riche mariage, redoutant la venue d'hommes terribles (de vrais Zampa !). La danse renaissante conçue avec des imitations majestueuses sur une harmonie simple, tantôt baroquisante, tantôt tout de bon classique (avec l'utilisation de l'accord de septième de dominante dont la quinte demeure tenue pour aboutir sur l'accord de tonique, typique des résolutions de mouvements lents classiques). En réalité, cette danse enjouée sur laquelle se greffent les dialogues, à la manière de l'Henry VIII de Saint-Saëns, se montre terriblement proche du bref ballet des Huguenots (première scène de l'acte V), ce qui atteste une fois de plus d'une filiation meyerbeerienne très attentive - mais ici, sa charge dramatique est encore supérieure, puisqu'en plus de l'effet d'attente de la catastrophe, le livret n'indique pas au juste la nature des événements à venir, et les dialogues inquiets des époux contrastent avec la joie ambiante (on peut aussi penser, très immédiatement antérieur à la période d'exercice de Salvayre, au premier acte du Don Carlos de Verdi).

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Anecdotes

On peut ajouter à l'attention de nos lecteurs quelques amusettes.

Lire la suite.

Notes

[1] Le numéro est une entité musicale indépendante, hérité de l'opéra seria. Des récitatifs destinés à faire avancer l'action encadrent des passages isolés plus lyriques pour soliste, ensemble de solistes ou choeur : des morceaux de bravoure musicale qu'on nomme "numéros" parce qu'ils étaient numérotés par les éditeurs. Et souvent distribués en feuillets séparés à l'usage des amateurs - qui avaient alors une très large place dans la vie musicale active.

[2] Le ténor est aussi judicieusement l'opposant dans l'Hernani d'Henri Hirchmann, entrant sans le savoir dans la filiation de Francoeur & Rebel. C'est plus troublant que la soprane à suraigus, diabolique, d'Isabeau de Bavière dans Charles VI d'Halévy - qui est à l'époque une configuration héritée du seria, donc datée : qu'on pense à Rinaldo, Europa Riconosciuta, Zauberflöte...

[3] Scène au sens opératique, c'est-à-dire le premier tableau de l'acte I, le second imposant un changement de décor. Une sorte de prologue, ici, en fin de compte, mais ce format n'est pas usuel dans le Grand Opéra.

Suite de la notule.

David Le Marrec

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