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dimanche 17 mars 2019

Une décennie, un disque – 1760 – symphonie classique mais concerto grosso (Haydn)


1760


quichotte duchesse

[[]]
Premier mouvement de la symphonie par The English Concert.

Compositeur : Joseph HAYDN (1732-1809)
Œuvre : Symphonie n°6 (1761)
Commentaire 1 : Cette symphonie constitue une étape importante à plusieurs titres.
♦ Elle marque un tournant assez flagrant entre deux styles.
La forme générale est celle de la symphonie classique : en quatre mouvements, menuet avec trio, usage du développement de forme sonate dans les mouvements I et IV – c'es-à-dire que deux thèmes s'enchaînent reliés par des ponts, avant de se déformer et de se mélanger, base de toute la musique instrumentale de Haydn jusqu'au post-postromantisme du milieu du XXe siècle, par opposition aux juxtapositions ou aux variations de l'époque baroque…
Dans le même temps, la nomenclature est celle d'un concerto grosso baroque : 1 flûte, 2 hautbois, 1 basson, 2 cors en ré, qui prennent fréquemment le devant de la scène dans des traits exposés quand ce n'est pas dans de véritables solos, comme dans le trio du menuet (solos simultanés de basson et de contrebasse !). Le violon et le violoncelle solos occupent aussi beaucoup d'espace, renvoyant à la forme du concerto multiple très prisé du premier XVIIIe italien. Il reste même une ligne de basse continue.
♦ À l'échelle de la carrière de Haydn, elle marque le début de la résidence chez les Erterházy. Le thème donné par le Prince était lié aux heures du jour, et l'effet d'illumination du début (entrées en tuilages des vents sur une batterie lente de cordes) évoque immanquablement un lever de soleil – procédé repris au début de La Création, à l'autre extrémité de sa carrière créatrice.
Par ailleurs, tout simplement, cette œuvre est un bijou – outre la surprise des solos osés, d'une générosité qui n'est pas commune dans le baroque, et encore moins dans la symphonie classique, la veine mélodique s'y montre particulièrement prégnante et roborative. Et, déjà, à l'aube de son corpus symphonique, on admire la science des jeux de réponse, des effets de couleur en alternant les interventions de bois, les doublures ponctuelle de la même ligne, les effets tuilés d'entrées en contrepoint… On est frappé par le fait qu'au sein de cette forme assez contrainte, Haydn ne laisse jamais courir la plume en laissant la même disposition d'orchestration durer pendant le thème entier, il apporte toujours une touche de couleur, interrompt le soutien ou renforce l'effectif, si bien qu'un thème n'est jamais présenté en lui-même, toujours enrichi d'apports, de touches, de clins d'œil… et évolue dans des développements déjà assez joueurs pour une époque aussi précoce.

Interprètes : The English Concert, Trevor Pinnock
Label : Archiv (1996)
Commentaire 2 : Dans la discographie qui déborde de propositions, et quelquefois exaltantes, il fallait choisir un seul disque. J'en ai réécouté (et découvert) beaucoup pour préparer (parmi lesquelles des propositions aussi diverses que Leitner, Marriner, Hogwood, Müllejans, Haselböck…), et la sélection ne reflète évidemment que mon goût personnel.
    J'ai beaucoup aimé Kuijken avec la Petite Bande d'une part, mais le traitement en est vraiment baroque, très mince et incisif, avec un spectre sonore aéré (ou troué, si l'on n'aime pas) ; par ailleurs les soli sont un peu rudes si l'on n'a pas une grande tolérance au jeu sur boyaux sans vibrato.
    Autre proposition exaltante, Thomas Fey avec les Heidelberger Sinfoniker (son intégrale sans doute à jamais interrompue par sa grave chute d'escalier contient à mon sens les meilleures symphonies de Haydn jamais gravées), sur orchestre traditionnel (me semble-t-il à l'oreille, mais comme il a été fondé par Fey pour jouer de façon « informée », je me trompe peut-être), en conséquance sans la même netteté de trait, mais avec un esprit incroyable : chaque motif, chaque détail d'orchestration est mis en valeur et prend sens au sein de la grande architecture. [Évidemment, on peut détester ça et le trouver trop intrusif si on veut du Haydn majestueux plutôt que joueur. Dans ce cas, Leitner est un choix vraiment attachant.]
    Pinnock et l'English Concert, plus apaisé sans doute, a l'avantage de présenter à la fois un fondu agréable qui laisse sentir la distance par rapport au style baroque, et un grain instrumental assez extraordinaire (la saveur généreusement fruitée des flûtes et des hautbois n'a que peu d'exemple !), le tout dans une belle cohérence d'ensemble et une véritable vivacité. Le tout autorise la poésie sans se priver de la vie ou des couleurs des versions « informées », le meilleur de tous les mondes en quelque sorte – et certainement pas poli ou terne, comme on accuse parfois très abusivement Pinnock de l'être.
    Du côté des intégrales, Hogwood et l'Academy for Ancient Music, enfin réédités il y a peu, apportent une conscience musicologique et un investissement dans chaque recoin, une grande valeur sûre –  même si, pour ces trois symphonies des heures en particulier, j'ai suggéré d'autres références qui me paraissent encore plus abouties.

David Le Marrec

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