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mercredi 19 septembre 2018

Une décennie, un disque – 1650 – Louis Couperin, « suites » de clavecin


1650


louis couperin clavecin laurence cummings


[[]] [[]]
Altière chaconne en fa et foisonnante Passacaille en ut.



Compositeur : Louis COUPERIN (~1626-1661)
Œuvre : « Suites » pour clavecin  (années 1650)
Commentaire 1 : Dans le répertoire galant du clavecin français, Louis Couperin (l'oncle du grand-François) figure parmi les représentants les plus originaux, explorant volontiers des teintes plus sombres, des harmonies plus subtiles que ses contemporains – et que bien d'autres qui suivront.
    Il fut réputé en particulier pour ses Préludes non mesurés (tout en rondes groupées par des liaisons), à l'imitation des luthistes (et de Froberger, ayant tout deux écrit un Tombeau pour le luthiste Blancrocher tué dans un escalier), mais je trouve en ce qui me concerne un charme tout particulier dans ses Courantes denses, ses amples Passacailles ambitieuses et ses Chaconnes assez solennelles, où s'exprime une forme de vérité musicale qui outrepasse la danse et la forme fixe, pour nous parvenir de façon très directe – tout en paraissant assez peu préoccupée de plaire.
    Les disques sont organisés en suites (prélude-allemande-courante-sarabande-pièces de caractère-chaconne), mais les trois manuscrits qui nous sont parvenus, tous postérieurs à sa courte vie (l'usage était de compiler des « Livres » de clavecin ou d'orgue au bout d'un certain moment) agencent les pièces de façon aléatoire au pire, par danses et tonalités au mieux (manuscrit Bauyn, la source principale), sans que Couperin ait semble-t-il prévu de combinaisons prédéfinies.

Interprètes : Laurence Cummings
Label : Naxos (1993)
Commentaire 2 : Comme pour ses Rameau et Couperin, les pièces gravées par Laurence Cummings bénéficient de nombreux avantages.
    La copie du Ruckers de Colmar par Mackinnon & Waitzman (préparé par Claire Hammett) a pour lui une richesse qui n'exclut pas la clarté (loin des sons aigrelets désagréables ou très riches un peu fatigants au disque, qui peuvent gâcher le plaisir d'un récital), et s'épanouit dans la discrète réverbération de Forde Abbey, sans aucun flou – à l'époque où Naxos avait encore beaucoup à apprendre en matière de son, une captation de John Taylor qui incarne une forme d'absolue perfection.
    Par ailleurs, Cummings use de ses libertés de phrasé (le clavecin ne disposant pas de nuances dynamiques autres que celles du nombre de notes simultanées, la puissance et l'expression passent par le léger décalage des arpèges d'accords et de la mélodie) avec une élégance souveraine, privilégiant toujours une forme de retenue poétique à la prévisibilité ou même à la danse.
    Très belle sélection également parmi les pièces (certes toutes belles) : un disque assez idéal.

--

Pour le plaisir de l'anecdote :
    L'existence de Louis Couperin fut courte mais exemplaire : repéré fortuitement par Chambonnières en 1650 (claveciniste du Roy, le grand compositeur pour l'instrument d'alors), il s'installe immédiatement à Paris (1651), avec succès. Organiste de Saint-Gervais, il attire l'attention du roi tout en lui refusant de remplacer Chambonnières (chassé pour n'être plus adapté au goût, ne sachant pas accompagner une basse continue) comme claveciniste, par loyauté pour son bienfaiteur – contraignant le souverain à créer un poste nouveau, pardessus de viole à la Cour. Violemment talentueux et rigoureusement vertueux.
    [Le pardessus de viole est l'instrument le plus aigu de la famille, spécifique à la France, qui surmonte le dessus lorsque apparaît le besoin de disposer d'un instrument dans la tessiture du violon, à la fin du XVIIe siècle.]

Discographie alternative :
    Les deux albums récents de Christophe Rousset (le studio de 2014 chez Aparté, puis le double-disque de concert paru en août dernier chez Harmonia Mundi) sont aussi des merveilles, poussant plus à fond la logique rhétorique de ces pièces et la dominant comme personne, sur des instruments beaucoup moins aigrelets que ceux qu'il a pu privilégier pour ses (François) Couperin, Royer ou Rameau : le flamand de Ioannes Couchet de 1652 (avec ravalement français en 1701), et plus encore le Louis Denis de 1658 pour Aparté se distinguent par leurs teintes sombres, sans surcharge métallique, très organiques et inquiétants. On ne fait pas plus conscient ni plus éloquent, assurément. (J'ai un petit faible pour la luminosité de Cummings et sa prise de son moins sèche par Taylor, pour son détachement aussi, mais c'est un choix impossible, deux lectures immenses qu'on ne peut qu'admirer éperdument.)
    Gustav Leonhardt a aussi proposé une vision saisissante, dans son style propre à la fois hiératique et sophistiqué, d'un Couperin très grognon et presque inquiétant – où se livre à mon sens le meilleur de son art.

Pour prolonger :
    On a par ailleurs retrouvé en 1953 un manuscrit contenant 70 pièces d'orgue de Couperin, dont 68 inédites… elles sont encore assez peu présentées sous forme monographique au disque, mais c'est une piste de découverte nourrissante.

David Le Marrec

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