Raquel Camarinha, déjà admirée avec son accompagnateur Satoshi Kubo lors de l'audition de la classe de Jeff Cohen l'an passé, revenait, avec un programme encore plus original, qui confirme ses forces. Le cadre moins favorable que l'intimisme extrême de la salle d'Art Lyrique du CNSMP accentue aussi quelques (très rares) traits moins flatteurs qui étaient naguère à peine perceptibles.
L'occasion de dire un mot des oeuvres... et de se poser des questions sur les enjeux d'un tel récital.
(Des fois, on rêverait que le français fût une langue casuelle.)
La vidéo est disponible sur Arte Live Web (comme celles de Written on Skin de Benjamin ou de David & Jonathas par Christie). Bien filmée, très bien captée pour l'équilibre sonore (alors que la basilique de Beaune n'est vraiment pas l'endroit le plus commode pour ce faire !).
L'oeuvre a des moments parmi les plus inspirés de tout Lully (tout ce qui concerne Lybie et Epaphus), alternant avec un très grand nombre de moments pittoresques assez hétéroclites, mais très bien caractérisés par la musique.
La comparaison avec Minkowski est hautement intéressante, Rousset y exalte aussi (et avec plus de finesse que dans un studio Minkowski du début des années 90) le caractère purement français, mais avec beaucoup de rondeur. Les moments d'action sont plus contemplés que vécus, mais cette qualité poétique réussit grandement aux moments de caractères qui, dans cet opéra, excèdent d'assez loin les seuls divertissements. Malgré une forme de douceur indolente, la danse n'est jamais abandonnée et le contenuo est admirable - les deux clavecinistes remplissent l'harmonie très densément, habitent quelques vides de la partition par des effets ou ornements bienvenus, caractérisent et suivent remarquablement (oui, paradoxe) les chanteurs.
D'une certaine façon, cette soirée ressemble plus à son Cadmus donné dans les même lieu à l'aube des années 2000 (un rien de raideur dans le maintien, mais toujours dansant) qu'à son Persée (terne) de studio.
En revanche, je suis frappé, malgré son timbre qui évoque plus les rôles de caractère, par la similitude technique entre Emiliano Gonzalez-Toro et Cyril Auvity - émission très pharyngée et droite. (Je précise qu'il s'agit d'une observation, pas d'un reproche : j'aime.)
Or l'Eternel avait dit à Moïse, je ferai venir encore une plaie sur Pharaon, et sur l'Egypte, et après cela il vous laissera aller d'ici, il vous laissera entièrement aller, et vous chassera tout à fait.
Tiré du fil de la saison. Le bilan viendra après les deux dernières représentations prévues : Raquel Camarinha à l'Hôtel de Soubise et Crébillon à la Pépinière.
De l'humour visuel (Ashton) qui semblerait conçu pour divertir les jeunes filles du premier XIXe, sur des pastiches musicaux (Lanchberry) du Barbier de Séville et de l'Elixir d'amour - il ne doit pas reste beaucoup du Hérold original. Parfait après une journée de pénible labeur.
Toujours aussi drôle, et la simplicité de la musique, que je craignais un peu en salle, demeure tout aussi jubilatoire. L'Orchestre de l'Opéra joue avec un investissement rare au ballet (direction Philip Ellis), et évidemment les danseurs locaux brillent (Zusperreguy, Magnenet, Houette, Madin)...
Il se dégage de ce ballet, auditivement et visuellement, quelque chose de sain et de roboratif qui a peu de limites.
Une des meilleures soirées de la saison.
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Mise à jour du 8 juillet 2012 :
Voici la reproduction d'un commentaire posté sur le carnet de Joël Riou, dans le but de répondre (partiellement) à la question de la provenance musicale des extraits pastichés de la Fille mal gardée d'Ashton / Lanchberry.
Troisième soirée avec Yann Beuron cette saison. Peut-être la fois de trop, on s'habitue vite à l'excellence. En réalité, j'ai été un peu dépité, au sein d'un beau programme (pas très original en revanche, par rapport à ses derniers) Fauré / Ravel / Satie, d'entendre une fois très opératiques. Pas comme ses Fauré de l'Amphithéâtre Bastille, très vocaux mais extrêmement bien mis en mots, mais réellement comme on chanterait de l'opéra, avec beaucoup de vaillance (et d'harmoniques métalliques), une forte assise, assez peu de nuances douces, peu ou pas de changements de registres et d'allègements.
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