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jeudi 27 octobre 2022

Anniversaires 2022 – VI – 1922 & 1972 : Popov, Leibowitz, Grové, Grofé, Amirov, Xenakis, Erkin, Bárta, Wolpe, Bryant…


Sixième livraison

anniversaires compositeurs année 2022
Brian, Popov, Apostel, Erkin,
Grofé, Bárta, Xenakis, Leibowitz,
Bryant, Wolpe, Grové, Puts.

(Dans chaque catégorie, je commence par ceux qui me paraissent les plus urgents de jouer, en rouge, puis je passe à ceux qui seraient très bienvenus, en vert, et je termine par ceux dont l'absence me chagrine moins. Organisation pour plus de clarté, mais absolument subjective, je n'ai pas cherché à la tempérer par les nébuleuses questions d'importance historique.)

Pour chaque compositeur :
→ un mot général ;
♫ un extrait musical qui s'ouvre dans une nouvelle fenêtre (souvent avec partition) ;
● des conseils discographiques ;
■ les possibilités de programmation au concert.




Né en 1922 (100 ans de la naissance)

Voici :



Stefans Grové (1922-2014).

→ Stefans Grové est souvent présenté comme le plus éminent compositeur africain (sous-entendu de musique savante à l'européenne, bien sûr) du XXe siècle. Le continent, à la fois parce que sa tradition diffère et parce que la hiérarchie des savoirs telle qu'imposée par la colonisation ne rendait pas nécessairement les arts accessibles aux masses, n'a pas connu une grande quantité de compositeurs atteignant la notoriété – et Grové est lui-même un compositeur connu seulement de quelques mélomanes très chevronnés.

→→ Après avoir obtenu une bourse pour des études à Harvard, il étudie quelque temps avec Copland, avant de retourner au pays et mettre en valeur le patrimoine musical local. Il le fait non pas en musicologue-collecteur, mais en intégrant des thématiques dans ses propres œuvres qui s'inscrivent dans la tradition formelle européenne.

Afrika Hymnus

● Au disque, on ne trouvera que de rares pièces éparses – la plus célèbre étant Afrika Hymnus I, pièce pour orgue monumentale écrite dans un langage riche et dotée d'une belle palette de textures et couleurs. (À part caché dans l'album Popular Organ Music de Lisbeth Kurpershoek, chez Priory, je ne l'ai pas trouvé en flux.)

■ Valoriser le patrimoine africain, potentiellement à la fois par le regard fantasmé des Européens (fantaisie Africa de Saint-Saëns…) et par des compositeurs locaux, serait un sujet original de concert… et qui pourrait potentiellement faire déplacer toute une population originaire du continent qu'on ne voit guère, ne nous mentons pas, dans les concerts de musique classique – même à Paris où l'élite économique et cultivée et moins uniformément blanche et/ou métropolitaine qu'en province. Je serais bien sûr très curieux d'entendre son opéra Die böse Wind !



Fikret Amirov (1922-1984)
(Parfois écrit « Fikrat Amirov » pour transcrire Fikrət Əmirov.)

→ Le compositeur azéri de l'ère soviétique le plus emblématique : directeur de l'Opéra d'Azerbaïdjan, de l'Union des Compositeurs de sa République, puis de l'Union Soviétique !  Sa musique, en général facile d'accès, reflète le ton des musiques des républiques soviétiques périphériques (même chose en Arménie, par exemple). Il intègre volontiers des mélodies azéries dans ses œuvres.

2 Préludes pour piano

● Côté monographies, on trouve surtout les 1001 Nuits et le disque de poèmes symphoniques (chez Naxos, dirigés par Yablonsky), assez doux et mélodiques, pas particulièrement singuliers en dehors de la tournure des mélodies empruntées au folklore, ainsi que le disque d'hommage pour le centenaire commandé / soutenu par le ministère de la Culture : diverses portions de son corpus pour piano (Miniatures, Pièces pour enfants, Sonate romantique,Iimpromptus…) par Yegana Akhundova.

●● Mais pour moi, ce que l'on trouve de plus intéressant, c'est la Deuxième Sonate qui figure dans l'excellente Anthologie de la musique pour piano soviétique de Melodiya : on entend là des recherches plus personnelles et en tout cas des influences plus ouvertement futuristes (quoique mesurées).

■ La Philharmonie pourrait, là aussi, proposer une thématique géographique – consacrée aux franges géographiques de l'Empire russo-soviétique en train de s'effondrer ? –, où l'on pourrait inclure beaucoup de monde, Paliashvili pour la Géorgie, Gubaidulina pour le Tatarstan, Khatchatourian pour l'Arménie, et bien sûr tout le Silvestrov qu'on voudra… Pas forcément facile à vendre, j'en conviens volontiers, d'autant qu'Amirov n'est pas le compositeur le plus singulier ni le plus impressionnant de son temps. Il faudrait véritablement installer le rituel des anniversaires en amont pour que le public se déplace – a fortiori en ces temps de crises où mes vœux naguère raisonnables deviennent bien hardis…



Iannis Xenakis (1922-2001).

→ Né en Roumanie (dans une communauté grecque du Danube), élevé par des gouvernantes parlant anglais, français et allemand, il entre en résistance armée contre l'invasion italienne et allemande de la Grève, puis après la libération  participe au combat dans la guerre civile, du côté des communistes, contre les royalistes – c'est à ce moment qu'il reçoit un éclat d'obus qui lui déforme le visage et manque de le tuer (il est laissé pour mort sur le champ de bataille). Condamné par contumace comme terroriste, il vise les États-Unis mais s'établit finalement en France où il entre avec un faux passeport et reçoit l'asile politique. Sa vie reste toujours aussi incroyable, mais plus calme : diplômé de la Polytechnique grecque, évidemment très doté en mathématiques et spécialiste du béton armé, il est à l'origine de la façade du couvent de La Tourette (Le Corbusier), dont les ouvertures suivent une logique mathématiquement prédéfinie. Il fait de même avec la musique, concevant des agencements régis par des choix abstraits et numériques qui préexistent à l'écriture (Metastasis).

Jonchaies

● Quelques disques existent, dont le plus emblématique, dans la série consacrée par Tamayo chez Timpani, doit être le volume 2 des œuvres orchestrales, avec Jonchaies, réputé pour ses masses brutales. J'avoue que rien de ce que j'ai écouté ne m'a beaucoup touché, on sent vraiment l'organisation théorique préalable qui ne répond pas, finalement, aux logiques internes propres à la musique – ce serait comme vouloir générer une langue par ordinateur… il manquerait quelque chose de la petite inflexion souple et émouvante, propre au désordre des choses humaines.

■ Je ne sais pas ailleurs, mais en France l'Ensemble Intercontemporain en joue quelquefois. (Et je ne sais pas si sa musique mérite nécessairement d'être jouée plus souvent que cela, ni si elle pourrait trouver un public régulier.) Je suis finalement étonné qu'il soit assez peu enregistré et joué, parce que c'est un visage familier à la télévision française, au delà même de la niche du classique.



Kazimierz Serocki (1922-1981).

→ Polonais, élève de Nadia Boulanger, un des cofondateurs du Festival d'Automne de Varsovie, dédié à la musique contemporaine, n'écrit pas une musique particulièrement saillante, mais il a particularité d'avoir laissé des œuvres concertantes (en petit groupe ou avec orchestre) en assez grand nombre pour des instruments moins pratiqués : beaucoup de piano évidemment, mais aussi, trombone, percussions, mandoline,guitare, flûte à bec…

Suite pour quatuor de trombones

● Très peu de choses au disque. On trouve son concerto pour trombone (par Christian Lindberg, who else), qui n'est pas très marquant.

■ Toujours possible de l'inclure dans des concerts consacrés à des instruments plus rares, autre angle pour attirer la curiosité du public : imaginez une publicité qui s'appuie sur « l'instrument de torture de votre enfance, la Flûte à Bec, transfigurée par les compositeurs du XXe siècle » !



Et aussi :
Odette Gartenlaub
Lukas Foss,
Francis Thorne,
Gérard Calvi,
Margaret Buechner,
Pierre Petit,
Ian Hamilton,
Leo Craft,
Doreen Carwithen,
German Galynin,
Zhu Jian'er,
Wim Franken,
Leif Thybo,
Camillo Togni,
George Walker,
Felix Werder,
Raymond Wilding-Whute,
Dorothy Geneva Styles
James Wilson,
Attia Sharara,
Michael Howard,
Ilja Hurnik,
Ester Mägi,
David N. Johnson,
Keisey Jones,
Omar Mácha,
Jeanine Rueff,
Tale Ognenovski,
Allen Sapp,
Rosalina Abejo,
Peter Tranchell,
Rafaello De Banfield,
Sadao Bekku,
Antonio Bibalo,
John Boda,
Alessandro Casagrande,
Chen Peixun,
Anna Gordy Gaye,
Do Nihuan,
Tom Eastwood,
Ohan Durian,
Edvard Baghdasaryan,
Ali Salimi,
Rauf Hajliyev,
Sylvia Rexach,
Kaljo Raid…




Mort en 1972 (50 ans du décès)

Il nous reste quelques grandes vedettes à explorer pour cette dernière grande date anniversaire.



Lubor Bárta (1928-1972).

(Non, par vedette, je ne pensais pas à lui, mais c'est le plus excitant de la livraison, pour moi !)

→ Compositeur tchèque actif du début des années 50 au début des années 70 – il a  gagné sa vie comme accompagnateur. Écriture tonale mais aux coloris très personnels, aimant aussi bien les aplats de cordes tourmentées (mais peu dissonantes) que le pépiement des bois…

Symphonie n°3

● Peu de choses au disque, et aucune monographie à ma connaissance, mais je vous recommande vivement la Troisième Symphonie (couplée avec la Septième de Válek, et la pochette n'indique pas toujours clairement la présence de Bárta dans le disque…), où ces qualités transparaissent particulièrement fort.

■ Difficile à vendre, mais ce « Chostakovitch tchèque » ferait une forte impression en salle. Je n'ai pas d'angle, hélas, pour celui. (Certes, ce n'est pas comme si quiconque allait m'écouter, me direz-vous.)



Gavriil Popov (1904-1972)

→ Né à Novotcherkassk, l'ancienne capitale des Cosaques du Don : ville russe, à 2h de voiture de Donetsk, mais matrice d'un ensemble politique qui a créé l'Ukraine moderne. Je le considère donc, par appropriation culturelle, comme un compositeur ukrainien.

→→ Popov connaît un parcours classique chez les compositeurs soviétiques de talent : jeunesse aventureuse sans doute influencée par les Futuristes, critiques portées contre ses œuvres pour « formalisme », repli vers un langage plus uniment mélodique. C'est pourquoi ses premières œuvres sont les meilleures. Sa Première Symphonie (1935 – vidéo), l'œuvre la plus puissamment originale parmi celles publiées à ce jour – assimilable à du Chostakovitch beaucoup plus riche en couleurs et en arrières-plans –, est ainsi immédiatement interdite et jamais rejouée.

Symphonie n°1

● On trouve notamment les symphonies 1,2,3,6 au disque, ainsi que du piano, des œuvres pour orchestre de chambre, etc. Débutez par les deux premières symphonies chez Olympia, c'est le plus frappant.

■ La référence à Chostakovitch et à la persécution politique permettrait un couplage qui ne ferait pas fuir le public (concerto de Chosta en première partie ?).



Ferde Grofé (1892-1972).

→ Compositeur aux moyens évidents, spécialisé dans la musique à programme. Il a exercé comme pianiste dans le dance band de Paul Whiteman, dont il fut aussi l'arrangeur. Il est en réalité très souvent joué au concert, puisqu'il est l'orchestrateur des deux versions de Rhapsody in Blue (pour orchestre de swing, puis pour orchestre symphonique) – et on ne peut qu'admirer des couleurs que Gershwin lui-même n'a guère osé dans ses orchestrations.

→→ En tant que compositeur autonome, outre quelques musiques de film, Grofé s'est spécialisé dans les suites symphoniques à programme, en particulier topographiques : Mississippi Suite, Grand Canyon Suite, Madison Square garden Suite, Rudy Vallee Suite,  Death Valley Suite, Hudson River Suite, Valley of the Sun Suite, Yellowstone Suite, San Francisco Suite, Niagara Falls Suite, Hawaian Suite… !  Son sens du pittoresque va assez loin : Themes and Variations on Noises from a Garage, Tabloid Suite (Four Pictures of a Modern Newspaper), A Day at the Farm, Jewel Tones Suite (Rubis, Émeraude, Diamant, Saphir, Opale),

→→ Il a aussi légué des ballets et la musique de chambre, en général avec des titres originaux.

Grand Canyon Suite

● Peu de choses se trouvent aisément au disque, mais parmi les suites gravées (Mississipi, Niagara…), c'est véritablement son archi-tube Grand Canyon Suite qui retient l'attention. En particulier dans sa version aux couleurs criardes par le London Pops Symphony, qui procure toute la saveur à l’étrangeté du Painted Desert, tout le mickeymousing réjouissant à la piste On the Trail. Musique par ailleurs surprenante et et hardie par bien des aspects – beaucoup moins dans les autres œuvres que je connais de lui.

■ Même sans les projections de photos illustratives (ce serait très chouette !), ces Suites seraient assez faciles à vendre, entre leur titre évocateur pour le grand public et le couplage évident avec Rhapsody in Blue et d'autres musiques de Gershwhin, de divertissement ou de film. Gros succès en vue, c'est certain – et il suffirait d'un extrait sonore sur le site pour convaincre en quelque seconde le public. (On pourrait aussi en faire un programme pour les familles, c'est de la musique de dessin animé !) Je n'ai pas l'impression (mais je suis peu leurs programmes) que ce soit encore régulièrement joué même aux USA…



René Leibowitz (1913-1972)

→ Né en Pologne, il devint une figure majeure de la vie publique musicale, théoricien, chef d'orchestre, promoteur du dodécaphonisme, professeur de figures importantes comme Boulez, Henze ou Nigg. Ses premières œuvres sont écrites pendant sa période de clandestinité dans les années 40 (juif et résistant). Je suis frappé, dans son style, par le naturel du résultat, y compris dans la musique de chambre et les mélodies chant-piano, qui ont l'éloquence des premiers Webern atonals, très loin de la rugosité de Schönberg, des tourments de Berg ou de l'abstraction systématisée de Boulez. Peut-être ce que j'ai entendu de plus séduisant en matière de dodécaphonisme. 

→→ On lui attribue (il revendiquait, même ?) des cours avec Schönberg, Webern, Ravel, Monteux, mais rien de tout cela n'est avéré.

Marijuana

● Au disque, il a laissé de très belles choses comme chef (une très belle Deuxième de Beethoven, qui préfigure étonnamment le goût d'aujourd'hui), mais pour ses compositions, je recommande le coffret Divox qui fait entendre sa musique de chambre, couplée avec un concerto pour violon qui refuse l'ostentation et atteint une certaine forme de poésie.

■ Ce devrait être au programme de l'Intercontemporain, n'était sa querelle avec Boulez qui doit sans doute rendre sa musique taboue – leurs modèles et leurs idéaux ont très vite divergé.



Hans Erich Apostel (1901-1972).

→ Élève de Schönberg et Berg, un compositeur important de la Seconde École de Vienne. Il vit du piano : comme professeur (quelquefois de composition également), comme concertiste, comme accompagnateur – en particulier sous le néo-Reich, lorsque sa musique est classée comme dégénérée.

→→ Pour de la musique sous influence dodécaphonique, je suis toujours frappé par le grand lyrisme (son fameux Requiem, célébré en son temps, ne doit vraiment pas en être !) et les influences davantage expressionnistes que rationnelles, dans sa musique.

Kubiniana

● Si l'on trouve un certain nombre d'œuvres grâce aux archives radio, ce qui est couramment disponible au disque se limite largement au piano, en particulier ses Variations inspirées de Kokoschka ou ses miniatures évoquant Kubin. On y retrouve la double influence sérielle (lignes défragmentées) et expressionniste (très évocateur et assez lyrique).

■ On ne pourrait pas remplir un concert monographique, mais en couplage dans un programme École de Vienne, ça aurait beaucoup de séductions – bien plus facile d'accès, à mon sens, que les trois autres. (On pourrait jouer Hauer aussi, l'autre concepteur simultané d'un système dodécaphonique, mais c'est sans doute beaucoup demander.)



Ulvi Cernal Erkin (1906-1972)

→ Après Saygun (et Fazıl Say, mais c'est d'abord lié à sa notoriété de pianiste…), probablement le compositeur turc le plus connu. Musique totalement tonale, où l'on sent par touches les influences du Sacre du Printemps (moins de rapport « fonctionnel » à l'harmonie par moment, mélodies un peu déformées) et de la musique soviétique (certaines trépidations de marche), mais qui reste inscrite dans une grande tradition postromantique.

Symphonie n°1

● Plutôt que son Concerto pour piano assez traditionnel-virtuose (dans la grande anthologie de 4 CDs consacrée à la musique turque interprétée par Idil Biret), je recommande d'aller entendre la Première Symphonie (par Aykal, autre compositeur turc important), qui se défend très bien.

■ Il serait surtout programmable dans le cadre d'une série consacrée à la musique turque ou du Proche-Orient, ou d'un panorama complet des nations musicales (qu'est-ce que j'aimerais que la Philharmonie tente cela, un parcours sur la saison entière, égrenant les contrées et les œuvres, du Portugal à la Corée, de l'Australie au Liban…).



Stefan Wolpe (1902-1972)

→ Juif et communiste, ce Berlinois quitte l'Allemagne pour l'Autriche, puis Israël, et enfin les New York. Après avoir étudié auprès de Schreker et Busoni, mais aussi au Bauhaus, rencontré les dadaïstes, etc., il suit l'exemple de Schönberg et adopte le dodécaphonisme pour ses œuvres de concert. Mais sa sensibilité aux causes sociales le conduit aussi à écrire de la musique adressée à un plus vaste public, mêlée de jazz – on l'entend déjà dans ses opéras, mais il a aussi commis des pièces beaucoup plus simples pour des réunions de syndicats, pour du théâtre communiste, et lors de son passage en Israël pour des kibboutz. (C'est d'ailleurs notamment son goût immodéré pour le sérialisme dodécaphonique qui entraîne l'absence de renouvellement de son contrat au Conservatoire de Palestine en 1938 et le pousse vers les USA.)

From Here On Farther

Art dégénéré au cube (d'un juif, communiste, atonal…), ses œuvres ont connu un regain d'intérêt au fil des dernières décennies où l'on a redécouvert les œuvres bannies d'Allemagne dans les années trente, avec à la clef quelques concerts et un assez grand nombre de disques, même s'ils sont très loin de couvrir tout le spectre de ses œuvres. J'aime particulièrement les extraits de ses opéras chez Decca, moins radicaux. Mais si vous voulez tenter le voyage, son Quatuor pour trompette, saxophone ténor, percussions et piano, enregistré de son vivant (avec Samuel Baron), donne une bonne immage de son éloquence dans ce cadre exploratoire assez sophistiqué.

■ Déjà quelquefois programmé en mêlant sa musique de chambre et des lieder un peu plus cabaret, notamment par l'Opéra de Paris sous Mortier, il est facile à glisser dans une thématique Entartete. Le Forum Voix Étouffées doit en donner quelquefois également.



Havergal Brian (1876-1972)

→ Tout d'abord, rendre justice à ses parents, qui n'étaient pas des monstres : son nom de baptême était William – il choisit Havergal lorsqu'il se lance dans la carrière à vingt ans, d'après le patronyme d'un collecteur d'hymnes victoriens. Brian a la particularité, rare dans le métier, d'être issu d'une famille d'ouvrier (de poterie). Autre trait distinctif que vous devez absolument connaître : il fut réformé en 1915 pour « pieds plats ».

→→ Sa notoriété provient surtout de sa Première Symphonie, ou Symphonie Gothique, qui est considérée comme la symphonie la plus longue jamais écrite (deux heures ; il est probable, comme toujours, qu'il existe plus long chez des compositeurs mal connus), tandis que la Troisième de Mahler n'est que la plus longue du répertoire couramment donné en concert. Consacrée à la grandeur de l'univers et à la place de l'homme, elle s'inspire des grands modèles (grégorien, Neuvième de Beethoven, Richard Strauss) et combine trois mouvements instruments (inspirés d'un projet autour du Faust de Goethe) à un Te Deum d'1h20 !  Une grosse grande machine, mais qui frappe au contraire par un langage très mesuré, d'un postromantisme assez peu enrichi, et qui, en comparaison des moyens déployés, sonne un peu fruste : plus de 200 musiciens (sans parler du chœur), incluant habtbois d'amour, hautbois basse, cor de basset, clarinette contrebasse, cornets, trompette basse… un festival. R. Strauss, à qui l'œuvre est dédiée, avait (inexplicablement) beaucoup apprécié l'œuvre et avait félicité Brian. J'ai lu les quolibets les plus vigoureux sur cette œuvre, qui ne les mérite pas ; c'est surtout le décalage – entre l'ambition cosmique affichée et le résultat qui s'écoute très bien comme musique de fond peu instrusive – qui crée une dissonance.

→→ Les autres symphonies (32 en tout), de format traditionnel, sont écrites dans le même langage, mais paraissent beaucoup plus proportionnées au langage lui-même. J'aime assez la 2 et la 11, par exemple – elles ne bouleversent rien mais ne sont pas sans séductions, malgré une orchestration très cordée qui ne ménage pas énormément de couleurs. (C'est du moins ce qui transparaît dans les enregistrements de cacheton faits pour la collection de Marco Polo, aux débuts de Naxos.)

→→ Je ne sache pas qu'ait publié des opéras entiers, mais là aussi, les sujets sont ambitieux, passé son opéra burlesque inspiré de son expérience militiaire (une farce absurde pendant une cataclismique guerre planétaire) : Turandot d'après Gozzi), The Cenci (d'après Shelley), Faust (d'après Goethe , le prologue a été capté par la BBC), Agamemnon (d'après Eschyle).

Suite de Turandot

● Au disque, on dispose de l'intégrale des symphonies chez Marco Polo / Naxos. Elles se ressemblent beaucoup, on peut y aller au pif… mais je recommandais ci-dessus notamment la 2 et la 11. La Première est à essayer, mais aucune obligation d'aller jusqu'au bout si vous vous ennuyez, il n'y a pas beaucoup de coups de théâtre à en espérer. Côté opéras, on dispose d'extraits symphoniques chez Toccata Classics (œuvres orchestrales vol.2), et Faust et les Censci sont assez patauds, sans être spectaculaire pour autant, malgré les quelques moments de lumière manifestement inspirés de Richard Strauss. Turandot est beaucoup plus contrastée, mais l'orchestrateur de la suite symphonique n'est pas Brian !

■ Peut-être ses opéras entiers valent-ils la peine : la simplicité du langage peut être un atout !  On pourrait toujours proposer la Symphonie Gothique en faisant la promotion de sa longueur… mais est-ce vraiment désirable pour le public ?  Et surtout, l'effet pétard mouillé pourrait dégoûter une partie du public ingénu des grandes symphonies, et du public chevronné des raretés : je ne recommande pas de le tenter – sauf peut-être au Royaume-Uni, ils sont bizarres là-bas — et les frontières nous protègent.



Et aussi :
Ezra Pound (le poète, notamment compositeur d'un opéra !)
Oscar Levant (le pianiste concertiste)
Friedrich Schöder
John Barnes Chance
Margaret Bonds
Haig Gudenian
Karl Clausen
Margaret Ruthven Lang
Francis Chagrin
Karel Boleslav Jirák
Emmanuel Leplin
Emilia Gubitosi
Carl-Olof Anderberg
May Auferheide
Pavel Bořkovec
Rito Selvaggi
Povl Hamburger
Juan Carlos Paz
Hanna Vollenhoven…




Né en 1972 (50 ans de la naissance)

… célébrons aussi les vivants !



Steven Bryant

→ Élève de Corigliano, il hérite de lui une science orchestrale très chatoyante, qui s'épanouit remarquablement dans les pièces pour orchestres de vents qu'il a laissées au disque : Loose ID, Radiant Joy, In This Broad Earth, Dusk…

Dusk
(d'un planant américain post-coplandien qui n'est pas le plus caractristique de sa manière, navré)

● Ses pièces sont hélas en général éparpillées au milieu d'autres compositeurs, dans des disques collectifs (par exemple chez Naxos, Albany ou Klavier), il faut bien chercher mais elles sont très belles.

■ De format très court, beaucoup ne font que cinq minutes, et mettraient remarquablement en valeur l'harmonie d'un orchestre en ouverture de concert !  Typique de ces pièces contemporaines brillantes qu'on aime entendre en début de soirée !



Kevin Puts

→ Autre compositeur américain, réputé pour sa musique chorale, tonale et douce (un peu dans l'esprit Whitacre). Ses symphonies sont moins marquantes pour moi.

« Sleep » de l'opéra Silent Night

● Pour avoir une idée de son art, le disque Harmonia Mundi (2013, avec Alsop dans la symphonie n°4) permet d'entendre à la fois ses chœurs et son symphonique. Notez aussi la particularité d'être inclus dans le récent récital de Fleming & Nézet-Séguin The Anthropocène !  Son opéra Silent Night, aux atmosphères caressantes, a aussi été édité en DVD (et a l'air très beau).

■ Le nom m'était familier avant que de l'écouter au disque, j'ai déjà dû l'entendre en concert choral !



Natasha Barrett

→ Compositrice de musique électronique et acousmatique. Clairement pas mon genre – plutôt des sons impatientants que de favorisant l'évocation ou l'onirisme, pour moi.

Little Animals



Et aussi :
Dan Coleman
André Ristic
Tomomi Adachi
Hibas Kawas
Bappa Mazumder
Klas Torstensson
Amber Ferenz
Yasunori Mitsuda
Mina Kubota
Monty Adkins
Albert Schnelzer
Octaio Vázquez
Analia Llugdar
Lei Liang
Carter Pann
Edward Top




Cette série, qui aurait dû s'achever avant 2022, puis en début d'année, a été un peu bouleversée par les fantaisies homocides des satrapes d'Orient, qui ont entraîné la série ukrainienne. Elle se voulait un réservoir d'idées, ce qu'elle ne sera pas pour ses dernières parties… mais elle est aussi, à n'en pas douter, un témoin accablant du peu d'audace des programmateurs et de leur absence attristante de sensibilité au répertoire.

Le classique, en plus d'être une niche, reste un musée. C'est bien dommage. Heureusement qu'il reste quelques créations, dont certaines particulièrement accessibles et abouties.

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Pour retrouver les précédents épisodes de cette série :

1. Anniversaires 2022 : suggestions discographiques et concertantes – I – de 1222 à 1672 : Morungen, Mouton, Goudimel, Ballard, Benevolo, Gaultier, Chambonnières, Schütz, Schürmann, Forqueray, Kuhnau, Reincken…

2. Anniversaires 2022 : suggestions discographiques et concertantes – II – de 1722 à 1772 : Benda, Mondonville, Cartelleri, Daquin, Triebensee…

3. Anniversaires 2022 – III – 1822, Hoffmann, Davaux, Dupuy… : l'auteur de génie qui compose, l'inventeur véritable du métronome, la perte des Reines du Nord…

4. Anniversaires 2022 – IV – 1872 (a), Moniuszko, Carafa, Graener, Alfvén : Pologne, Campanie, Reich, Suède

5. Anniversaires 2022 – V – 1872 & 1922 : Hausegger, Halphen, Juon, Büsser, Perosi, Séverac, Vaughan Williams, Scriabine, Baines


lundi 3 octobre 2022

Anniversaires 2022 – V – 1872 & 1922 : Hausegger, Halphen, Juon, Büsser, Perosi, Séverac, Vaughan Williams, Scriabine, Baines


Cinquième livraison

anniversaires compositeurs année 2022
Hausegger, Perosi, Baines,
Büsser, Halphen, Séverac,
Scriabine, Vaughan Williams, Juon.

Comme l'année a beaucoup avancé et que la série ukrainienne ainsi que l'augmentation de ma pratique de déchiffrage commenté ont occupé une grande part du temps prévu pour l'écriture de cette série sur les compositeurs de la saison, je reprends le fil en réduisant au maximum le détail : ce seront désormais moins des présentations que des évocations, pour que vous ayez une idée de ce qu'on aurait tout à fait pu programmer ou enregistrer cette année au lieu de Mozart, Schubert et Beethoven.



Né en 1872 (150 ans de la naissance)
 
Siegmund von Hausegger (1872-1948).
→ Grand chef d'orchestre (directeur musical du Philharmonique de Munich pendant dix ans à partir de 1924, prof de Jochum, etc.), auteur d'opéras qu'on n'a jamais remontés, il connaît un regain d'intérêt avec les quelques albums marquants que lui a consacrés CPO autour de ses lieder orchestraux et de ses poèmes symphoniques, d'un postromantisme particulirement élancé et inspiré.
● La Natursymphonie et le disque contenant la Dionysische Fantasie (♫ extrait) sont à connaître en priorité, mais les quatre monographies qui lui sont consacrées (toutes chez CPO), plus Wieland der Schmidt par l'American Symphony sont très réussis.
■ Même pas besoin de faire un effort : un contemporain de Mahler qui écrit une Symphonie Naturelle et des poèmes symphoniques dionysiaques, dans une langue sonore qui évoque largement notre culture filmique, ça s'imposerait assez facilement passé le premier concert nécessairement un peu vide.

Fernand Halphen (1872-1917).
→ Particulièrement mal connu malgré ses œuvres chambristes de grande qualité, sorte de Fauré – son maître – plus évident (mais pas moins raffiné), Halphen pourrait de surcroît être un objet de mémoire : d'une famille illustre, juif et fils de banquier, veuillez adresser vos plaintes au Bureau des Clichés, Prix de Rome, mort sur le champ de bataille en 1917, il ferait un sujet d'étude pertinent sous beaucoup d'angles, et pourrait être programmé au fil de nobreuses thématiques.
● Le disque de mélodies gravé par François Le Roux et Jeff Cohen, somptueux, est devenu très difficile à trouver en physique, mais je vois qu'il est désormais republié en flux. (♫ extrait)  On trouve aussi une symphonie en ut mineur, au disque, par… l'Orchestre du Campus d'Orsay !
■ Un destin aussi singulier pourrait aisément être mis en valeur, sans avancer de grands frais, à travers des récitals de mélodies… Que ce soit en tant que récital monographique, en tant que concert thématique  au format mixte (avec récitant, projections…), ou en forme d'hommage aux musiciens de la grande guerre. Typiquement le genre de choses qu'on pourrait programmer dans les amphis de la Cité de la Musique, de Bastille, à Cortot, etc.

Paul Juon (1872-1940).
→ Compositeur helvético-russe, élève de Taneïev et Arenski, qui écrit lui aussi de la belle musique de chambre, plus sobre et moins typiquement russe que ses modèles, pas aussi généreuse mélodiquement, mais écrite au cordeau.
● On trouve de beaux enregistrements du Trio piano-cordes, du Quatuor piano-cordes (anthologie de l'Ames Quartet chez Dorian Sono Luminus), du Sextuor piano-cordes (chez CPO évidemment). (♫ extrait)
■ On pourrait faire de beaux programmes thématiques en mêlant trois trios russes, par exemple la filiation prof-élève  Tchaïkovski-Taneïev-Juon… Mais vu que les programmes sont faits en suivant ce que les vedettes apportent, ce n'est pas gagné.

Henri Büsser (1872-1973).
(parfois graphié « Busser »)
→ Autre Prix de Rome, chef réputé (il nous reste un impressionnant Faust avec Vezzani et Journet !), nous le connaissons surtout pour ses orchestrations du Chant du Départ de Méhul, de la Petite suite de Debussy (sa version la plus couramment jouée) et récrit l'orchestration de Printemps, perdue, sous la supervision de Debussy. Il écrit par ailleurs de belles mélodies, mais l'on a aussi des opéras jamais enregistrés, comme une Vénus d'Ille qui rend très curieux. Comme il n'est toujours pas libre de droits, et pour longtemps (mort en 1973 !), cela ne facilite pas la diffusion de ses œuvres, évidemment.
● Quasiment rien pour lui-même au disque. Des bouts de choses dans des récitals de chanteurs du passé (Martial Singher par exemple) et quelques pièces brèves manifestement conçues pour les concours, guère davantage. (♫ extrait)
■ Je voudrais évidemment que le simple fait de son lien avec Debussy et sa présence importante dans le paysage musical de son temps le fasse rejouer, mais il serait sans doute plus raisonnable d'espérer que la célébrité de La Vénus d'Ille, lecture fréquente au collège, ne finisse par motiver un programmateur qui l'a relu récemment avec son ado…

Lorenzi Perosi (1872-1956).
→ Auteur d'oratorios à l'esthétique singulière – quelque part entre Parsifal, la simplicité italienne et l'épure du cécilianisme… – sur de nombreux sujets, en particulier du Nouveau Testament. Membre de la Giovane Scuola comme les véristes, il était du côté du mouvement cécilien et n'a pas composé d'opéra… Perosi tient à la fois la place de représentant principal du mouvement anti-théâtralité religieuse… et à avoir écrit beaucoup d'oratorios (dans une esthétique plus contemplative que dramatique en effet). Quoique d'abord compositeur, notamment auprès de Pie X, il finit par être ordonné prêtre (tout en continuant de composer). Son legs ne se limite pour autant pas à la musique sacrée : le catalogue contient aussi de beaux quatuors à cordes, dans la même esthétique apaisée mais raffinée.
● Beaucoup de choix chez Bongiovanni – pas toujours bien capté – pour les oratorios (♫ extrait) et la musique de chambre (♫ extrait). Côté musique de chambre, le Trio à cordes n°2 gravé avec le Roma Tre Orchestra Ensemble est particulièrement persuasif, dans des conditions techniques d'exécution et de captation très supérieures à celles des méritoires volumes Bongiovanni.
■ Ce n'est pas le plus évident à programmer, surtout pas en concert… mais on pourrait imaginer que des églises programment certains oratorios dans la période liturgique idoine, ou que des ensembles amateurs (ce n'a pas l'air très difficile, peu de figures rapides, de fugues, etc.) s'en emparent. (Cependant il faut ensuite remplir la salle à la seule force d'un nom méconnu…)

Déodat de Séverac (1872-1921).
→ Grand représentant du mouvement régional musical, il est l'auteur d'une thèse (critique) sur la centralisation musicale, et déplorait une forme d'uniformisation des références musicales en raison de la concentration des compositeurs à Paris, soit cherchant les commandes officielles, soit fréquentant les mêmes salons (d'indystes et debussystes).
→→ Son écriture se distingue bel et bien par son caractère savant issu de l'école d'indyste (études à la Schola Cantorum) mêlée à une recherche de simplicité et une référence permanente au terroir (très attaché au Lauragais et au Roussillon).
● Au disque, on trouve son piano et quelques mélodies (♫ extrait), qui constituent de toute façon l'essentiel de son legs, mais aussi une belle version (chez Timpani) du Cœur du Moulin, sorte de conte pastoral dont l'intrigue très fluette est prétexte à faire entendre une évocation de la nature – animaux et forces naturelle. Une très jolie chose, sans prétention de grandeur. (♫ extrait)
■ Ses œuvres auraient sans doute avant tout leur place dans les lieux qu'elle célèbre – parfait pour de petites églises avec un format voix-piano à écouter un soir d'été… Mais on est bien sûr très curieux de sa tragédie Héliogabale… créée à Béziers !

Ralph Vaughan Williams (1872-1958).
(son patronyme est bien Vaughan Williams, toute sa famille avait les deux noms)
→ Statut étrange, à la fois un grand classique incontournable, très abondamment servi au disque, et un compositeur relativement méconnu, fragmentairement donné en concert, même au Royaume-Uni. Il a pourtant servi tous les genres avec abondance. Parfois dénoncé pour son sirop figuratif, parfois admiré pour ses trouvailles purement musicales, c'est bel et bien un Anglais…
● Dans l'immensité des disques, difficile de recommander quelque chose en particulier. Si les opéras s'engluent dans une temporalité lente, des livrets bavards et un manque de sens du rebond dramatique, beaucoup de beautés dans les petits formats, mélodies (certaines pour voix & violon, très réussies !), musique de chambre…
●● Pour les symphonies, j'ai un faible pour l'épique Première (une gigantesque cantate sur du Whitman) et les tendres 3 & 5, plutôt que les symphonies « de guerre » 4 & 6, plus tourmentées mais moins inventives en climats et textures. Elder-Hallé, très bien pensé dans un son superbe, est sans doute l'intégrale la plus consensuelle possible, mais Hickox me paraît le sommet côté phrasés, malgré la prise de son plus floue de Chandos. Boult-New Philharmonia (sa version EMI) est remarquable aussi. J'aime moins les autres grands classiques disponibles dans la vaste discographie (Boult-LPO-Decca, Haitink, Previn, Thomson, Bakels…). (♫ extrait)
■ Clairement, niveau concerts, en France ce fut le calme plat. Même pas par le biais de la musique de scène ou de film, même pas un de ses poèmes symphoniques sirupeux ou sa symphonie à programme « Londres »… nadanichts.

Alexandre Scriabine (1872-1915)
→ Nul besoin de le présenter, celui-là, le pionnier, l'antifolkloriste, l'amoureux des quartes… mais son anniversaire aurait pu être l'occasion de programmer des portions entières et cohérentes de ses Préludes ou Études, un cycle de ses poèmes-symphonies, ou une intégrale de ses Sonates…
● Au disque, on a tout. Si vous n'avez pas encore essayé L'Acte Préalable, la très belle version Ashkenazy, captée avec clarté sur tous les plans et timbres, permet de profiter de ce projet dément qui ressemble, aussi bien dans l'ambition initiale que dans le résultat pléthorique et dégramenté, à un précurseur de Licht de Stockhausen. (♫ extrait)
■ Le concerto pour piano, d'un Chopin « augmenté », est revenu en grâce ces dernières années – œuvre magnifique, mais un peu complexe pour les amateurs de piano purement mélodique, et trop sentimental et accessible pour les mélomanes en recherche d'œuvres audacieuses (c'est un peu injuste, dans la mesure où l'œuvre est à la fois très généreusement lyrique et particulièrement sophistiquée…). (♫ version)
■■ Autrement, l'on n'a pas vu grand'chose pour l'instant. Les salles auraient vraiment pu oser des cycles de ses œuvres, pas si nombreuses, et qui mettent vraiment en valeur les pianistes. En regard, pourquoi pas, avec Roslavets (ou même Rachmaninov et Medtner). Les poèmes-symphonies sont joués d'ordinaire mais rien n'a été présenté comme un cycle complet ni cohérent.

Je ne peux pas parler de tous, mais 1872 est aussi l'année de naissance de :
Julius Fučik (le compositeur de marches !),
Eyvind Alnæs,
Sergey Vasilenko,
Joan Lamote de Grignon,
William Poststock,
Albert Seitz,
Bernhard Sekles,
Salvator Léonardi,
Emil Votoček,
Ezra Jenkinson,
Rubin Goldmark,
Frederic Austin,
Stanislav Binički,
Clara Mathilda Faisst,
Annette Thoma,
Louis Tunison,
Mabel Madison Watson,
Eliza Woods…



Mort en 1922 (100 ans du décès)

J'ai étrangement peu de monde à présenter en 1922.

William Baines (1899-1922).
→ Pianiste professionnel, auteur d'un assez vaste catalogue malgré sa courte vie (tuberculose), incluant une symphonie en ut mineur, des poèmes symphoniques de la musique de chambre et beaucoup de piao solo, il entrelace volontiers sa musique avec des sous-titres évocateurs, un peu à la façon des Clairs de lune d'Abel Decaux. Comme lui, il explore des chemins de traverse harmonique qui peuvent surprendre par leur sinuosité – beaucoup de parenté, pour un Anglais, avec les futuristes (peut-être l'influence de Scriabine, lis-je, mais sa musique est vraiment moins forme pure, davantage évocation).
● Très peu de choix. Mais sa symphonie existe, et quelques-unes de ses pièces pour piano marquantes (les ♫ 7 Préludes !) ont été couplées avec celles du grand Moeran sur un album Lyrita joué par Eric Parkin.
■ L'aspect « jeunesse maudite » pourrait créer un intérêt du public, en couplant par exemple avec Guillaume Lekeu, Lili Boulanger et le fils de Scriabine… Et puis le piano, ça ne coûte pas cher, n'importe qui peut en mettre une pièce dans un récital Chopin. (Mais le rêve de la plupart des pianistes semble être de rejouer les disques qu'ils ont écoutés et les pièces qu'ils ont travaillées pendant leurs études, alors…)

Je connais bien trop mal les autres pour en parler, mais ils sont nombreux :
Carl Michael Ziehrer,
František Ondriček,
Nikolai Sokolov,
Edwin Eugene Bagley,
Vittorio Monti,
Theodora Cormontan,
Florence Ashton Marshall,
Ika Peyron,
Alicia Van Buren,
Marian Arkwright,
Felipe Pedrell,
Luigi Denza,
Francis Chassaigne,
Antonio Scontrino,
Hans Sitt,
W. H. Jude,
Giacomo Orefice…




Nous resteront donc ceux nés ou morts en 1922 et 1972 !  Xenakis, Amirov, Grové, Serocki, Popov, Wolpe, Erkin, H. Brian, Grofé, Leibowitz, Bárta, Apostel, Levant, Puts… voilà encore quelques gens importants à présenter rapidement !

À très vite pour de nouvelles aventures !

David Le Marrec

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