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mardi 9 janvier 2018

2017-2018 [n°41] – Guy de LIONCOURT : Schola Cantorum, Messe en si mineur et Belle au bois dormant


Mercredi 20 décembre, au Temple du Luxembourg pour La Belle au bois dormant de Guy de Lioncourt, figure de proue de la Schola Cantorum (et de sa scission après la violation du testament de d'Indy). Après le succès de Brocéliande d'André Bloch (issu du Conservatoire, lui) sur le même thème, très curieux de poursuivre l'aventure !


Je retrouve Florent Zigliani (entendu pendant ses études au CNSM de Paris), et puis Sébastien Obrecht (qui avait remarquablement sauvé au pied levé la Création de Haydn en version française), l'immortelle Guillemette Laurens (déjà dans Nausicaa de Hahn : http://operacritiques.free.fr/css/index.php?2015/03/15/2649-reynaldo-hahn-nausicaa-1919-une-synthese-francaise), et Martin Robidoux à la préparation du chœur (largement issu des élèves de Laurens) !


Le Temple est très rempli, ça bruisse de conversations des héritiers des différentes branches Lioncourt, qui se reconnaissent en comparant leur généalogie !  Très amusant (et bon enfant, tout le monde semble ému de cette résurrection – il n'existe vraiment rien de disponible de Lioncourt).

Ambiance chaleureuse d'une réunion de famille, donc, et expérience très étonnante d'une musique qui sembe presque nue, et dans laquelle passent pourtant, presque sans se montrer, les sophistications de Franck, Fauré, Debussy (Pelléas de façon évidente, j'y reviendrai).

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La Messe en si mineur a cappella qui ouvre le concert est même très séduisante, du contrepoint rigoureux qui ose soudain les emprunts harmoniques les plus osés ; à la fois très archaïsant et méchamment chromatique. I love you


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La Belle au bois dormant est aussi un objet étrange. Tout paraît simple et « sans façon », dans une veine limpide. Les récitatifs sont d'ailleurs peu mélodiques (étranges intervalles, peu naturels, sans être pour autant expressifs), un peu secs, les accompagnements un brin rectilignes.

Pourtant, en y regardant de plus près, c'est le syndrome Dubois : une véritable sophistication qui ne se montre pas, qui n'est utilisée que pour soutenir des besoins ponctuels, jamais pour se montrer elle-même.

On y rencontre ainsi : de jolies consonances qui se fauréisent, des aplats diaphanes comme les Koechlin de la veine lumineuse, des tournures archaïsantes charmantes à l'entrée du Roi (comme on en trouve dans Henry VIII de Saint-Saëns, la Suite dans le goût ancien de d'Indy, les Danses de cour de Pierné, Le Bal de Béatrice d'Este de Hahn, ou les « Noces de Joyeuse » dans la partie versaillaise du Rossignol éperdu de Hahn), mais aussi les liquidités harmoniquement hardies de la Villa d'Este, des fonds palpitants hésitants alla Cras (Fontaines, chœurs de Polyphème), de grands accords très modulants au début du II… et beaucoup de Debussy.

Quels Debussy ?
∆ l'éveil de la Belle sur des enchaînements en quintes parallèles ;
∆ couleurs de la Flûte de Pan des Bilitis pour la rencontre Aurore-Carabosse ;
∆ leitmotiv de Carabosse ou de la mort : les appels de cor de Golaud qu'on entend dès le début de Pelléas (et sa basse isolée qui traîne beaucoup dans les interludes) ;
∆ lorsque le Prince paraît, il jette « Holà ! Ho ! », sensiblement sur les mêmes notes que Pelléas arrivant au balcon (III,1). Puis « Je suis perdu dans cette forêt », qui à ce stade ne peut plus être une coïncidence !

La grande réserve, c'est le livret, qui affadit Perrault (langue et traits) sans rien apporter de nouveau : André Bloch en faisait tout autre chose ! (grenouilles grecques, Georges Thill en crapaud amoureux, abattage de Carabosse très humanisée…)

Néanmoins, de très beaux moments dans les chœurs, copmme le celui de malédiction, puis la déploration a cappella, discrètement chargée harmoniquement, la fin en cluster pour le chœur du vent dans la forêt, et jusqu'à la fin, un accord parfait dont la disposition est plutôt inhabituelle.

Et l'ivresse sans prix de redécouvrir ce qui se produisait chez les héritiers de d'Indy, au début du XXe siècle, chez des figures totalement oubliées de la postérité. La Compagnie de L'Oiseleur fournit cela à chaque fois.

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Il est savoureux de voir Tosca Rousseau venir jouer la Princesse avec sa tiare. Belle révélation, une voix équilibrée et manifestement déjà épanouie (à vingt-deux ans), élève de Guillemette Laurens, comme par ailleurs la plupart des membres du petit chœur ad hoc.

Autre gros, très gros coup de cœur, Claire-Élie Tenet (ancienne élève de Jean-Philippe Courtis), glorieuse : rondeur, souplesse, projection, égalité, dicton, impact, d'une justesse rare pour un instrument aussi généreux et jeune, elle maîtrise tout, avec un certain charisme vocal de surcroît.



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N.B. : Je ne reporte ici que les concerts les plus significatifs (ceux aux répertoire renouvelé, ou sur lesquels je voulais faire telle ou telle remarque plus générale). Mais je m'efforce de commenter rapidement tous ceux auxquels j'assiste, à peu près en temps réel sur le compte Twitter de CSS (http://twitter.com/carnetsol/) et, quand c'est possible, sur la partie « Concerts » du forum Classik (http://classik.forumactif.com/f7-concerts),un lieu très agréable que je recommande.

David Le Marrec

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