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mardi 22 avril 2025

La dernière Tosca et la mort du chant lyrique


Document

Cette dernière parution suscite en moi de (sombres) méditations.

Puccini – Tosca – Buratto, Tetelman, Tézier ; Santa Cecilia, Harding (DGG)

Une intégrale d'opéra chez les majors (Universal, Warner, Sony), c'est devenu rare. Grand point fort de cet enregistrement, l'orchestre de Santa Cecilia (le principal orchestre symphonique romain) et Daniel Harding – décidément un jeune prodige qui a tenu toutes ses promesses –, splendidement phrasé, avec une vision plutôt vive et sèche par rapport aux lectures amples ou voluptueuses, une des très belles directions de cet opéra au disque – alors que le choix est pléthorique en voix exceptionnelles, alors que les versions orchestrales de ce niveau ne sont pas si abondantes.

La distribution nourrit hélas mon amer constat sur l'orientation du chant lyrique depuis les années 70 : on privilégie des voix exagérément couvertes, artificiellement sombrées, qui portent mal dans les salles et sont assez moches au disque. Typiquement, j'aime beaucoup Tetelman que je trouve très impressionnant, mais ici, au disque, comme ça manque de fermeté dans le médium comme dans la ligne – les descentes chromatiques soulignent vraiment cette faiblesse. Et bien que très typé lyrique (pas très naturel, ferme ni mordant pour ce répertoire, donc), j'ai beaucoup apprécié l'élégance de ses chansons irlandaises semi-populaires dans les Dubhlinn Gardens.

Après une quarantaine d'années à entendre ce que le chant international fait de plus prestigieux dans des salles de volumes et de nature diverses, j'ai (à mon grand désespoir) fini, alors que j'étais vraiment tolérant à toutes les esthétiques, par être impatienté par ces techniques lyriques qui opacifient tout, si bien qu'on entend mal ce que les chanteurs disent (et même souvent les notes qu'ils chantent). Les techniques plus libres (impédance plus basse, couverture uniquement fonctionnelle et non esthétique), les émissions antérieures, les équilibres plus naturels ont marqué plus positivement, à mon sens, l'histoire du chant lyrique.

Cette intégrale, pour moi, marque un point de non-retour : malgré la très grande qualité des chanteurs (de grandes voix, de grandes techniques, et même pour Tetelman une grande personnalité), je n'arrive pas à m'intéresser à ce que j'entends, tant le texte est mâchonné, tant les voix sentent l'effort. J'ai tout simplement trouvé tout ça assez… moche.

Rageant, parce que le niveau musical des chanteurs n'a jamais été aussi élevé, et les qualités personnelles de ces artistes ne sont en réalité pas tant en cause que l'esthétique dominante du chant lyrique.

--

Je suis vraiment triste de tenir ce discours de vieux grincheux ; toutefois à mon sens on touche vraiment à un problème structurel assez important dans un art dont tout le principe est d'être audible sans amplification. Cette nouvelle parution, pourtant interprétée par de grands chanteurs que j'admire beaucoup, était l'occasion de poser à nouveau les questions des choix techniques et esthétiques opérés par les professeurs – qui se revendiquent pourtant à peu près tous de la véritable tradition du chant italien, voire napolitain, depuis au moins Lauri-Volpi et Gigli, quand ce n'est pas Garcia –, et qui me paraissent tout simplement contre-productifs d'un point de vue pratique : pour le public, le texte n'est plus intelligible et la projection vocale bien moindre. Les quelques contre-exemples actuels permettent de mesurer ce qu'une émission franche et libre peut produire en clarté textuelle et en intensité sonore – Marc Mauillon, Martin Gantner, Gérald Finley…

David Le Marrec

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