Carl LOEWE – Gutenberg & les archevêques zombies
Par DavidLeMarrec, dimanche 24 novembre 2024 à :: Opéra romantique allemand - Déchiffrage & improvisation :: #3428 :: rss
Je poursuis ma documentation à base de captation de déchiffrages. L'idée étant de passer au stade supérieur de la notule, celle qui inclut le son (et même l'image).
Oratorio étonnant, débordant de chorals et de thèmes archaïsants qui sous-tendent le discours. Gutenberg y débat avec Faust (Johann Fust), qui dans l'histoire véritable fut son investisseur, puis celui qui le dépouilla de son invention. Ici, au sein d'une guerre (réelle, avec des soldats et des batailles) entre archevêques, Fust dirige une milice qui détourne l'imprimerie pour produire des pamphlets politiques et religieux… et sa fille, Maria, est bien sûr le 𝑙𝑜𝑣𝑒 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟𝑒𝑠𝑡 de Gutenberg.
C'est à nouveau un déchiffrage – je ne l'avais lu qu'une fois, il y a quelques mois. Et j'en avais témoigné dans la série qui en rendait compte.
Cette vidéo contient donc, enchâssés comme le bâton de saint Boniface, mes traductions, commentaires musicaux et contextuels. Je les reproduis ci-après pour ceux qui voudraient écouter en faisant autre chose, ou qui, sait-on jamais, ne voudraient que lire.
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Un oratorio de Carl Loewe
(1837)
Comme dans cette Ouverture, partout beaucoup d'effets
de chorals, de contrepoint ancien, pour suggérer l'atmosphère
de la Mayence de la Renaissance. Cet oratorio dispose vraiment
d'une couleur propre.
Par ailleurs, la partie vive de l'Ouverture, très différente, davantage
post-classique ou jeune-romantique, est particulièrement réussie.
Le poème de la pièce est dû à Ludwig Giesebrecht, qui fut un de
ces jeunes enthousiastes de Napoléon, engagé volontaire, avec
son frère, dans les hussards du Mecklembourg-Strelitz.
L'action se déroule à Mayence, alors que la machine de Gutenberg
a déjà été inventée et développée.
L'atmosphère est celle de guerres religieuses ; pas encore les
guerres entre catholiques et luthériens, mais une lutte entre
deux archevêques. De 1461 à 1463 – à la fin, donc, de la vie
de Gutenberg, deux archevêques mènent une lutte pour le
pouvoir.
Thierry d'Isembourg est élu archevêque de Mayence en 1459
avec peu de voix d'avance sur Adolphe de Nassau. Mais il
refuse de payer l'impôt sur les bénéfices dû au Pape à chaque
succession, se retrouve ainsi excommunié, et se fâche avec
l'Empereur.
La guerre est perdue sur le terrain militaire par Adolphe, mais
avec l'aide des bourgeois de Mayence, il s'introduit dans la ville
et, au termes de combats qui font 400 morts, s'en empare,
laissant quantité d'habitations (et un cloître) incendiés.
Après négociations, Thierry laisse la place à Adolphe victorieux
contre quelques fiefs. C'est à cet archevêque excommunié que
fait référence Gutenberg, je pense, dans la première scène de
l'oratorio.
Faust, décrit comme le meneur des citoyens de Mayence, est
manifestement une version de Johann Fust, l'investisseur qui,
après avoir financé l'invention de Gutenberg, en a obtenu
la propriété auprès du tribunal –
Gutenberg avait été obligé de tout reprendre à zéro.
Ici, Faust est aussi le meneur d'hommes violents, et le père de
Marie, que nous découvrirons plus tard.
C'est donc tout le grand contexte de la vie de Gutenberg et
de la Mayence du XVe siècle qui passe dans cet oratorio.
Ces épisodes étaient-ils si bien connus du public d'oratorio
du XIXe siècle, y compris de la région ?
(Que ce soit un sujet d'oratorio, c'est-à-dire d'opéra sacré
à visée édifiante, ne laisse pas d'étonner, également.)
Les sujets en sont en général plutôt tirés de l'écriture,
mais le genre connaît un vif succès dans l'Allemagne d'alors
et certaines œuvres deviennent plutôt des opéras sans mise
en scène.
[vers la fin de l'Ouverture]
Thème de choral archaïsant à la basse – je n'ai pas
vérifié s'il s'agissait d'un pastiche écrit par Loewe
ou d'un emprunt (c'est le plus probable, et le texte
du Psaume est sans doute en relation avec l'intrigue).
Première scène : introduction et scène d'ensemble
GUTENBERG
« Ô Mayence lumineuse, dont les forêts ont fourni le bâton
de saint Boniface, qui apporta la foi de la Croix aux Allemands »
GUTENBERG
Comme la nuit autour de toi déploie ses ailes,
Et les torches vacillantes et incertaines
Apportent la guerre civile, qui a brisé
L'ordre de la cité au moyen du sacrilège.
Ô Mayence lumineuse, dont les forêts ont fourni le bâton
de saint Boniface, qui apporta la foi de la Croix aux Allemands »
Un groupe de citoyens armés, menés par Faust
(pas Georg Faust, a priori, l'alchimiste qui donne naissance à la légende), remonte la rue et chante :
CHŒUR DES CITOYENS ARMÉS
Ô fière Mayence, fondée par Rome,
Fille intrépide de la vertu romaine,
Tu as proclamé à nouveau ta liberté
Et chassé la cohorte des tyrans !
GUTENBERG, en même temps que le chœur
Ton évêque, tes chanoines se détournent
De toi en frémissant —
Et dans les mains d'un prêtre banni,
Le bâton sacré de saint Boniface !
CHŒUR DES CITOYENS ARMÉS
Une voix ne résonne-t-elle pas ici ?
N'y a-t-il pas quelqu'un dans l'ombre ?
FAUST
Halte, qui es-tu ?
Nomme-toi !
GUTENBERG, avec calme
Gutenberg. Tu me connais, Faust.
Le duo Gutenberg-Faust et tout le reste de l'acte sont déjà captés, il faut à présent continuer de les traduire et de les monter !
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