[Carnet d'écoutes n°86] – L'Aida « de » Pappano
Par DavidLeMarrec, mardi 13 octobre 2015 à :: Carnet d'écoutes - Intendance :: #2718 :: rss
Reproduction d'un rapide commentaire laissé ailleurs.
D'abord, avant tout (et contrairement à ce qu'on peut croire, élément capital dans Verdi), un chef formidable, qui tire des couleurs inédites, choisit des tempi neufs (le premier acte est très marquant de ce côté) souvent très habilement fondés (j'aime moins le ralentissement du trio de sidération du III), travaille la présence des masses ou des chambrismes… Il y a eu plus subtil dans le détail des phrasés, mais rarement plus beau dans les timbres.
Le plateau est très bon, à commencer par Erwin Schrott (contre toute attente, choisir une basse chantante permet une expression assez charismatique, on récupère donc largement de ce côté ce qu'on perd en profondeur de son dans les ensembles – je n'avais jamais entendu un Ramfis qui s'apparentait vraiment à un personnage) et Jonas Kaufmann, toujours tendu et incroyablement nuancé (le duo du Nil, le duo final, suspendus, murmurés, sur le fil de la voix, fascinants).
Les pirates du concert romain donné au même moment révèlent une voix assez limitée en volume, un peu masquée dans les grands tutti et peu audible dans les graves – phénomène accentué par sa captation de dos (Kaufmann a une voix assez directionnelle, dont le volume sonore peut largement varier selon l'emplacement de l'auditeur). Très beau, mais un rien malingre pour le rôle ; en revanche, en studio, c'est évidemment la perfection incarnée. Un Radamès sombre, maudit, torturé, pas du tout un général solaire, plutôt un amant spectateur de sa propre chute, mais terriblement abouti.
J'aime moins le reste : Ekaterina Semenchuk irréprochable, mais vraiment esthétiquement dans le registre de l'ogresse russe (à tout prendre, je choisis plutôt le tempérament d'Obraztsova ou la sobriété de Borodina), pas trop mon goût ici (en Lyubasha, pourquoi pas) ; Ludovic Tézier dont le grain s'élime irrémédiablement (moins de fermeté, une sorte de voile effiloché), et surtout pourvu d'un accent français assez pénible (toutes les finales sont lourdes, les mots accentués avec une minutie scolaire assez maladroite), alors que je n'avais jamais ressenti cela chez lui (qui a quand même passé l'essentiel de sa vie à chanter ce répertoire) ; Anja Harteros impeccable vocalement, mais toujours impavide (et ce vibrato lent blanchâtre, vraiment pas beau) – en revanche, les bandes sur les genoux révèlent une voix qui, de loin, sonne au contraire juvénile, avec une largeur d'émission couronnée par un superbe squillo (éclat d'harmoniques aiguës), un peu à la façon de Janowitz ou Isokoski. De toute façon, contrairement à la plupart des Aida, elle chante le rôle écrasant sans difficulté (sauf l'ut, blanc et auquel on a rajouté un maximum de réverbération… véniel, quasiment aucune voix de ce format ne peut le faire proprement), c'est déjà suffisant pour moi – le rôle est étrangement peu attachant, je trouve.
Donc pas une référence absolue pour moi, mais un réel émerveillement qui se place parmi les plus belles réussites de la discographie. Disons que ce serait la dernière des cinq versions que j'aime le plus, quelque chose comme cela.
Commentaires
1. Le mardi 20 octobre 2015 à , par Benedictus
2. Le mercredi 21 octobre 2015 à , par David Le Marrec
3. Le jeudi 22 octobre 2015 à , par Benedictus
4. Le dimanche 25 octobre 2015 à , par David Le Marrec
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