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[Carnet d'écoutes n°73] – Liedersänger à la mode & avant-gardes contemporaines d'il y a longtemps


Quelques comptes-rendus brefs des dernières écoutes, de l'intégrale Carl Loewe à l'incunable Oubli signal lapidé.




Détail par là :

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1. Un peu de lied
Schumann – Liederkreis Op.24 – Trekel, Pohl (Oehms)

Un cycle fétiche sur CSS, auquel plusieurs notules ont déjà été consacrées, dont voici la dernière – discographie pas du tout à jour, en cinq ans beaucoup de nouvelles versions ont paru, pas mal d'autres ont été écoutées… et alors que l'état de la discographie était frustrant, on trouve aujourd'hui beaucoup de versions totalement enthousiasmantes : de grandes dictions et des timbres clairs comme avec Bauer-Hielscher (Naxos), Bär-Parsons, St. Genz-Ter Horst, Bauer-Hielscher (Ars Musici), et même du côté de choses plus inattendues, rugueuses et sombres comme Boesch-Martineau.

Roman Trekel n'est pas très beau de timbre, comme à son habitude (tout engorgé et cravaté, avec des plaques grisâtres çà et là), mais le tout est en réalité superbe grâce à sa musicalité, et surtout à Oliver Pohl, qui m'accompagne avec une grâce et une éloquence admirables. Un des grands accompagnateurs d'aujourd'hui – de ce niveau, à part Deutsch et Huber, il n'en existe pas de plein cartons.

J'en profite pour signaler la parution pas très ancienne de la version d'Yves Saelens et Inge Spinette chez Eufoda, dans un genre inverse, ductile, presque translucide, mais pas sans finesse expressive. Une autre très belle version.

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Schubert – Winterreise – Kollo, Pohl (Oehms 2005)

Surtout écouté pour le bel accompagnement de Pohl, mais Kollo s'en tire bien vu son âge et ses nombreux Siegfried passés : la voix vibre, n'est pas joli, mais le chant demeure tenu et plutôt expressif. Pas du tout une référence ultime, mais une agréable surprise.

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Wieck & Schumann – Lieder sur Heine– Maximillian Schmitt, Huber (Oehms)

Nouvelle étoile du lied, Maximillian Schmitt mérite son statut du fait de grande transparence, de sa très belle ductilité, d'une conduite de ligne exemplaire… Sa Lorelei de Clara est une merveille de logique musicale. Du côté du Dichterliebe, on perçoit davantage les limites dans un cycle moins fait pour lui que la Meunière (où il était déjà assez instrumental) : ses qualités font merveille dans les moments lyriques, mais sa voix un peu translucide et très bien disciplinée devient forcément un peu fade dans les éclats demandés par les contrastes dramatiques du cycle – ils ne sont pas tout à fait aboutis. Le Liederkreis Op.24 souffre même d'un certain manque de relief et rejoint plutôt la liste des interprétations de valeur, mais un peu en deçà des qualités du cycle.
Toujours un plaisir de retrouver Gerold Huber par ailleurs, comme dit ci-dessus : un des pianistes qui font acheter un récital de lied…

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Loewe – Lieder et Ballades (volume 16) – Trekel, Garben (CPO)

Tiré de la vaste intégrale (hélas non publiée en coffret, si bien que certains volumes ont très vite été indisponibles) de CPO, ce volume montre bien le répertoire où s'épanouit Trekel – des lieder assez bas, sombres, dramatiques, et dont la structure strophique ou purement cursive peut être réordonnée par ses qualités musicales plus que verbales.
C'est aussi l'un des meilleurs volumes (je ne les ai pas encore tous écoutés, cela dit) du point de vue des compositions proposées, immédiatement allantes et expressives, plutôt la veine épique folklorisante de Loewe que ses pièces plus traditionnelles.
Je trouve souvent Cord Garben un rien indolent ou terne (en particulier dans le répertoire postromantique et décadent, où il officie souvent pour CPO), mais ici, il paraît beaucoup plus habité qu'à l'accoutumée. Les deux compères ont aussi collaboré, toujours chez CPO, pour le volume 3 de Loewe et un album Draeseke.

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Schumann – Lieder und Balladen, Belsazar… – A. Schmidt, Jansen (Hänssler)

Il n'est un secret pour personne qu'Andreas Schmidt a vite et assez mal vieilli, et en effet, pour une voix jadis si souple, on entend un peu du baryton vieillissant, légèrement affaisé. Son style est toujours irréprochable, mais il y a tellement plus exaltant que ce n'est qu'un arrêt de circonstance, pas vraiment un disque où il faut revenir (bien que ce soit au moins la troisième fois que je l'essaie, dans l'espoir d'y retrouver le potentiel du jeune Schmidt fischerdiskauïsant.

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Schumann – Lieder und Balladen, Belsazar… – Gerhaher, Huber (RCA)

Tirés d'un disque déjà référence absolue pour Dichterliebe, des lieder emblématiques (Löwenbraut, Belsazar…) qui sont tout aussi marquants, à la fois par le mordant du timbre, par la netteté des attaques et de la diction, et par les nuances très travaillées des intentions.

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Mahler – Das Lied von der Erde – Vogt, Gerhaher, Symphonique de Montréal, Nagano (Sony)

Tout comme attendu : Nagano toujours très rond, prompt à gommer les angles, Vogt un peu transparent ici, et Gerhaher, bien que le baryton soit en principe moins séduisant, fait sonner souverainement le texte, ce qui n'arrive… jamais dans cette œuvre. Évidemment, le poème-traduction de mirliton n'en est que plus audible, ce qui n'ajoute pas forcément à l'émotion. Mais quelle maîtrise suprême de tous les grains, de toutes les inflexions, de toute la tessiture ! Fascinant, à défaut d'être une version réellement touchante.

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Mahler – Des Knaben Wunderhorn – Kožená, Gerhaher, Cleveland, Boulez (DG)

Non seulement Kožená est miraculeuse (le fruité léger, la malice, tout y est), mais en plus la direction de Boulez favorise la légèreté du trait dans une œuvre aux traits d'orchestration un peu gras. Je ne jurais que par Chailly (excellent, et le plus complet), mais je dois avouer qu'en revenant à Boulez, j'y trouve une compensation très intéressante des faiblesses de l'œuvre – de toute façon plus stimulante en version piano (créant des atmosphères au lieu de les imposer, voire de les singer de façon un peu fruste avec des instruments de circonstance).

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2. Vieilles avant-gardes
Nono – Prometeo – Philharmonique et SWR de Fribourg, André Richard, Peter Hirsch, Kwamé Ryan (Col Legno)

La version discographique la plus récente (2003, la précédente étant celle de Metzmacher en 1993) du monument de Nono, alternant les parties vocales et instrumentales. Les textes (de haute origine !) sont complètement intelligibles, et les parties instrumentales assez lassantes (jolis effets tout le temps identique). En revanche son écriture chorale (pour petits ensembles vocaux), explorant les confins du silence dans une écriture très verticale, très harmonique et lisible, provoque de très jolis reflets au fond de l'abîme. Là aussi, la variété n'est pas forcément au rendez-vous, mais sa singularité permet de se passionner sans aucune lassitude durant le Prologue et l'Île n°2.

Cette version représente en conséquence un très bon choix, vu la valeur hors du commun (et quasiment proverbiale) des ensembles vocaux disponibles à Stuttgart.

L'œuvre sera représentée à la Philharmonie de Paris la saison prochaine (avec des tarifs étrangement majorés pour les dernières catégories…), ce qui constitue une excellente nouvelle pour tous ceux désireux de donner sa chance à de la bonne musique (semi-)atonale.

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Boulez – Deux études pour bande – (bande radio, 1952)

Étude sur un son ; étude sur un accord de sept sons. Sans grand (lire aucun) intérêt.

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Boulez – Symphonie mécanique pour le film de Jean Mitry – Boulez (bande radio, 1955)

Sons électroniques dodécaphoniques, sans doute congruents avec le visuel, mais peu intéressants en tant que tels : démontrant plutôt l'aridité (pour ne pas dire la mocheté intrinsèque) du système.

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Boulez – Oubli signal lapidé – Ensemble vocal Marcel Couraud (bande radio, 1952)

Il ne nous en reste qu'un extrait, le début de la bande radio sauvée par la WDR. Écrit pour l'ensemble Couraud (à douze voix, comme pour les Cinq Rechants de Messiaen), il m'attirait depuis toujours pour son titre très typé (dû à Armand Gatti).

Comme on pouvait s'y attendre, c'est un effectif assez peu en phase avec les aptitudes de Boulez, dont l'expression brute n'est pas le premier poste de dépense : on dirait assez un chœur à quatre voix où se greffent beaucoup de notes étrangères.

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Hillborg – King Tide – Philharmonique Royal de Stokholm, Oramo (BIS)

Lui, c'est un jeune, mais précisément, on ne va pas se fendre d'un nouveau titre de sous-partie rien que pour les petits nouveaux.

On y retrouve les mêmes palpitations rapides et planantes que dans Muoayiyoum – mais là où cela produisait un effet de poudroiement sidérant avec le chœur a cappella, ce pendant orchestral tient plutôt du succédané… on y retrouve un certain plaisir, mais peu de nouveauté, on dirait vraiment une transcription du premier.

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Hillborg – Exquisite Corpse – Philharmonique Royal de Stokholm, Gilbert (BIS)

À défaut d'utiliser un langage original, Hillborg est ici remarquablement varié, naviguant entre l'héritage de défragmentations atonales et harmonies post-sibéliennes, au gré de couleurs (orchestrales et harmoniques) superbes. Une très belle œuvre, évocatrice et séduisante.
La fin marque une étrange césure, façon Sérénade pour cordes de Tchaïkovski ou début de la Septième Symphonie de Sibelius, mais avec des accords perclus de notes étrangères. Si l'on sent le compositeur de musique chorale, c'est au meilleur sens du terme ici.

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Par ailleurs, j'ai surtout écouté, ces derniers temps, de la musique de chambre (des œuvres négligées chez Mendelssohn et Brahms jusqu'à des portions plus confidentielles des catalogues de Ropartz, Koechlin ou Banks). Sans doute des choses à mentionner lors d'un prochain carnetage.


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David Le Marrec

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