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[Concert] 3 guitares baroques norvégiennes — musiques semi-improvisées espagnoles et italiennes


À l'église des Billettes, vendredi, l'emblématique Rolf Lislevand et deux luthistes accomplis qui furent ses élèves (Thor Harald Johnsen et Ulrik Gaston Larsen) donnaient un programme Sanz, Murcia, Corbetta, Gianoncelli, Foscarini, Granata, Carbonchi, Kapsberger et Piccinini pour trois gratteurs — ce qu'on entend excessivement rarement au concert, la norme étant fixée à un ou deux.


Les deux premières pièces du programme : Paradetas de Gaspar Sanz (trois guitares baroques simultanément) et ''Folias'' de Francesco Corbetta.


Très beau concert par de grands spécialistes, bien sûr, où planaient évidemment les deux grands espagnols (Paradetas de Gaspar Sanz, Tarentellas de Santiago de Murcia), mais où l'on pouvait aussi entendre de très belles pièces de Bernardo Gianoncelli et Gian Paolo Foscarini, dont la Passacaglia per varie lettere, de 1640, serait le premier exemple de modulation expressive — et, de fait, elles sont un peu sauvages, d'une reprise à l'autre, un peu comme l'on hausse d'un ton la reprise d'un refrain dans la variété (ou comme, pour prendre un exemple plus académique, Puccini le fait au début de son Gloria).
Les pièces étaient jouées par groupes de deux à quatre, reliées par des ponts (souvent par Thor Harald Johnsen à la chitarra battutente), formant de petits événements autonomes où valsent les différents instruments.

Car, pour trois instrumentistes, pas moins de sept instruments : trois guitares baroques, une chitarra battutente (14 cordes réparties sur 5 chœurs, dont 2 triples chœurs !), deux chitarroni (l'un à 8 chœurs simples + 6 à vide, l'autre à 12+6), un colachon (que j'étais bien content de pouvoir enfin entendre en personne, excessivement rare en concert !).
Ayant pu les observer de près, ce sera l'occasion d'enrichir et préciser la notule qui vous présente déjà un certain nombre de ces objets.


De gauche à droite : guitare baroque, chitarra battutente, chitarrone, guitare baroque, chitarrone, colascione, guitare baroque.
Crédit photographique : Chris, tous droits réservés.


Les meilleurs moments sont bien sûr ceux comportant plusieurs guitares baroques, avec le son brillant et la résonance intense des médiums (à cause de l'accord rentrant et des doubles cordes des chœurs, qui font tout résonner dans la même zone médium à l'intérieur de la portée de clef de sol) qui les caractérise. Le jeu rasgueado (gratté au lieu de jouer à la corde), très percussif (et souvent accompagné de coups, volontaires ou corollaires, selon les cas, sur la caisse) peut être particulièrement jubilatoire, et cette soirée ne fait pas exception.

Les autres instruments de la soirée sont plus frustes : le colachon à quatre cordes (très grave) et les chitarroni ont des chœurs à une seule corde, sans la richesse de résonance sympathique du luth ou du théorbe. Quant à la chitarra battutente (dont deux chœurs dont trois cordes), elle tient très mal l'accord et son son aigre n'est de toute façon pas très séduisant.
Tout cela sied bien au programme archaïsant, entièrement XVIIe (et même largement issu du premier XVIIe), mais un bon théorbe ou un petit archiluth n'auraient pas fait de mal.

Voir les instrumentistes déplacer jusqu'à quatre frettes simultanément au cours d'un morceau (!), parce que les instruments ont du jeu, est assez impressionnant.

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Ah oui, pourquoi semi-improvisées ? La plupart du temps, la partition n'exprime qu'une basse et un dessus (une mélodie), donc un seul instrumentiste, deux à la rigueur, suffiraient. Tous les remplissages harmoniques, voire contrapuntiques, certains diminutions, toutes les transitions sont le fait des musiciens — certes, les canevas sont tellement parents qu'il devient très facile d'utiliser des formules dans les mêmes tonalités, mais ce n'est pas une musique canonique fixée avec précision, elle varie selon les instrumentariums, les interprètes et potentiellement les soirées.

Très belle soirée en tout cas, ménageant son lot de surprises et de beautés.

Ces instruments seront prochainement présentés d'un peu plus près, images et sons à l'appui, dans la notule appropriée.


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Commentaires

1. Le lundi 24 novembre 2014 à , par Chris

Bonsoir David,
Que le domaine publique vive !
Pourrais-tu préciser que l'image est libre de droit ?

2. Le lundi 24 novembre 2014 à , par DavidLeMarrec

Je ne pouvais pas m'autoriser cette licence. Mais tu viens de le faire, très bien, je l'ajouterai à la notule pour plus de clarté !

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