Carnets sur sol

   Écoutes (et nouveautés) | INDEX (très partiel) | Agenda concerts & comptes-rendus | Playlists & Podcasts | Instantanés (Diaire sur sol)


Carnet d'écoutes : musiques de scène de Beethoven, le manuscrit autographe de Thora på Rimol, Winterreise par Hynninen et Güra, transposer pour dire moins


En février, plusieurs nouvelles petites entrées sur Diaire sur sol :

Beethoven – König Stephan, Op.117

Cette belle musique de scène n'a jamais été enregistrée intégralement, à ce qu'il semble. La seule captation un peu ambitieuse que j'aie trouvée est celle de Michael Tilson-Thomas avec le LSO (chez BMG), qui contient tout... à l'exception de deux sections de mélodrame (dont une très longue et particulièrement riche orchestralement).

Il faut néanmoins la découvrir : ouverture sympathique, marche turque assez spectaculaire... mais surtout la mystérieuse et extatique Geistlischer Marsch pour quatuor d'orchestre, dans le même esprit que la Canzona di ringraziamento offerta alla Divinità da un guarito du Quinzième Quatuor.

Et le disque contient de très beaux compléments particulièrement rares : la très belle introduction de l'Elegischer Gesang, Opferlied qui évoque étrangement « Per pietà » de Così fan tutte, le joyeux Bundeslied et Meerestille und glücklische Fahrt, dans le goût de la Fantaisie Chorale et de la Neuvième Symphonie.

En attendant de mettre la main sur une version réellement intégrale de la musique de scène ; c'est du Beethoven de maturité, il y a bien un pékin qui a enregistré ça...

Beethoven – König Stephan, Op.117... mélodrames inclus

Dans l'intégrale Beethoven de Deutsche Grammophon, le cinquième volume de la musique de scène contient une version complète. Dommage que Dietrich Fischer-Dieskau lise le bottin en susurrant dans le micro, mais au moins on dispose de la musique (et du texte).

Étrange qu'on ne la joue pas davantage, au moins par extraits, elle est tellement plus intéressante que celles des Créatures de Prométhée ou d'Egmont, plus souvent enregistrées (et même quelquefois donnée en concert, pour la seconde).

Beethoven - Leonore Prohaska WoO 96

Bien que ce soit surtout sa marche funèbre qui soit donnée quelquefois, il faut écouter la musique de scène complète (quatre numéros), qui contient quelques moments étranges et délicieux, comme cette délicate monodie de soprane avec harpe, ou ce mélodrame avec harmonica de verre.

Là aussi, ça ne se trouve, semble-t-il, que dans l'intégrale Beethoven de Deutsche Grammophon.

Hjalmar Borgstrøm – le manuscrit autographe de Thora på Rimol

Après des années à l'espérer, j'ai enfin mis sur la main sur l'autographe de Thora pÃ¥ Rimol de Hjalmar Borgstrøm !

L'Ouverture est encore mieux écrite que je croyais, vraiment originale, remarquablement orchestrée (pas mal de points communs avec Sibelius), beaucoup de belles appoggiatures, d'appuis pas tout à fait sûrs, de ternaire qui surgit... Une multitude de petits procédés pour donner de l'élan en fin de mesure (triolets...) ou de la tension aux débuts (par l'orchestration ou l'harmonie).

À défaut de programmer l'opéra, somptueux, il faudrait au moins jouer cette pièce en concert, largement du niveau des ouvertures d'Oberon ou d'Euryanthe...

...

Plus loin, tandis que la mezzo descend au fa#2, l'accompagnement se limite à un tapis (thématique) de cor anglais, clarinette, deux bassons et harpe !

Après les grands éclairs qui accompagnent les craintes de Karker, voilà le grand récit de baryton parcouru de leitmotive enivrants... on n'avait rien écrit de tel depuis le monologue du Fliegende Holländer.

Le disque, lui, se trouve – et pour ne rien gâcher, il est merveilleusement interprété et capté.

Transposer pour dire moins

Il arrive fréquemment que les transpositions scéniques diminuent le propos de la pièce originale, parce que les références littérales se perdent dans les sables d'un nouveau système symbolique.

Mais il est aussi possible, en réussissant sa transposition, de changer un propos audacieux en... autre chose.

En revoyant des extraits du Così fan tutte de Calixto Bieito, je me faisais cette remarque. Je ne suis pas pleinement convaincu par la direction d'acteurs et par nombre de détails, mais le déplacement dans les relations libres du Flower Power paraît cohérente avec le récit de la pièce.

Seulement : le milieu de départ des sÅ“urs n'est absolument pas libéral ; en le transposant, on fait d'une histoire subversive sur l'impossibilité de la fidélité (et les conséquences dévastatrices de liens possessifs et exclusifs) une histoire qui montre au contraire les déboires de hippies qui se croient libres mais ressentent de la jalousie. Au lieu de critiquer la société, on critique les marginaux.
Pour un metteur en scène présenté comme sulfureux, ça fait désordre à force de faire petit-bourgeois.

C'est l'un des effets secondaires possibles de la transposition : sauf à être totalement maîtrisée et motivée par la nécessité de montrer un aspect précis de la pièce, on convoque des références exogènes et contradictoires dont on maîtrise mal les implications.

[Par ailleurs, j'apprécie d'autres lectures de Bieito, par exemple son Wozzeck asservi par le travail, très probant.]

Schubert – WINTERREISE – Hynninen, Gothóni (I)

Dans un style très similaire au DVD réalisé cinq ans plus tard, le disque Ondine de 1988 révèle les mêmes étranges qualités. Jorma Hynninen ne s'appuie pas tellement sur les consonnes, sur les couleurs des voyelles ou sur l'accentuation pour être expressif, tout coule d'un flux assez égal, sur une voix sombre et lassée, légèrement soufflée (mais jamais détimbrée)... et pourtant, l'intensité vocale rend toujours le sens extrêmement présent. C'est, même, de ce point de vue, l'une des versions les plus habitées de la discographie.

De mon point de vue, peut-être le disque du Winterreise le plus également réussi dans chaque lied, avec une profondeur de sentiment pénétrante et pas loin d'être abyssale.

Cela s'appuie sur l'accompagnement de Ralf Gothóni, pas aussi déterminant que dans leur Meunière, mais parfaitement maîtrisé et tout à fait éloquent, jusque dans la sobriété extrême des derniers lieder.

Schubert - WINTERREISE - Güra, Berner

Christoph Berner s'y trouve plus habité que dans ses autres enregistrements et concerts, plutôt compassés (lieder de Wolf en concert, ensembles liederistiques de Schubert au disque et en concert...). Werner Güra aussi paraît assez motivé par l'ascension du monument, multipliant les accents expressifs sur les mots importants ; pourtant sa lecture reste extrêmement lissée et traditionnelle. C'est impeccable, mais pas vraiment bouleversant ; de plus, en vrai, la voix sonne très charpentée et opératique, et au disque on entend l'aigu perdre en timbre au lieu de s'alléger élégamment.

Paru chez Harmonia Mundi en 2009. Très bon disque, tout à fait dispensable dans le cadre de la discographie.


--

Autres notules

Index classé (partiel) de Carnets sur sol.

--

Trackbacks

Aucun rétrolien.

Pour proposer un rétrolien sur ce billet : http://operacritiques.free.fr/css/tb.php?id=2426

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment.

Ajouter un commentaire

Le code HTML dans le commentaire sera affiché comme du texte.
Vous pouvez en revanche employer la syntaxe BBcode.

.
David Le Marrec

Bienvenue !

Cet aimable bac
à sable accueille
divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées
en séries.

Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées. N'hésitez pas à réclamer.



Invitations à lire :

1 => L'italianisme dans la France baroque
2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
9 => Feuilleton sériel




Recueil de notes :
Diaire sur sol


Musique, domaine public

Les astuces de CSS

Répertoire des contributions (index)


Mentions légales

Tribune libre

Contact

Liens


Antiquités

(13/5/2023)

Chapitres

Archives

Calendrier

« février 2014 »
lunmarmerjeuvensamdim
12
3456789
10111213141516
17181920212223
2425262728