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Poulenc - La voix humaine (Antonacci / Rophé)


Comme d'habitude, l'épreuve de la scène est l'occasion de s'interroger sur l'oeuvre, et sur certains détails qui deviennent particulièrement saillants, ou qui s'altèrent selon le support.


Version avec Karen Vourc'h, l'Orchestre de chambre de Paris, direction Juraj Valčuha.


On entend beaucoup La voix humaine, davantage à cause de son dispositif, à mon sens, que de sa qualité intrinsèque : elle met en valeur les qualités (plus déclamatoires que purement vocales, il est vrai) d'une seule interprète, et fait entendre à l'envi dans un seul vaste monologue son seul grain de voix. Une sorte de rêve glottophile absolu, qui permet en outre aux théâtres de jouer la carte du prestige, tout en économisant sur les cachets par rapport à un opéra traditionnel.

Le prosaïsme étudié de Cocteau y est moins affecté que de coutume, et concorde bien avec ce sujet de la conversation informelle mais contrainte. Le traitement musical (postérieur - La voix humaine était prévue pour la seule parole) hésite entre la ponctuation de récitatifs à nu et le soutien (un peu lyrique au besoin) de la déclamation. Si bien que la musique s'organise en sorte de sketches, quasiment en forme d'électroencéphalogramme : ses agitations, sa mélancolie, souvent en contradiction avec la parole, communiquent au public les émotions véritables d'Elle.

Par ailleurs, la matière musicale se répète beaucoup, en ressassant les mêmes enchaînements harmoniques, d'une couleur lancinante et grise très proche du ton des Dialogues des Carmélites.

Autre aspect frappant, l'insertion dans son époque : les harmonies lors du dialogue avec Joseph évoquent la fin de L'Héritière de Damase - qui écrivait Colombe, dans un langage similaire, exactement la même année que La voix humaine (1958). Et les accompagnements lyriques du manteau se fondent presque trait pour trait sur l'entrée de la Mère dans L'Enfant et les Sortilèges.

Plus volontaire, la parodie de Pelléas (III,1) :

J'ai le fil autour de mon cou. J'ai ta voix autour de mon cou.


Salle Favart, le 29 mars 2013 :

D'abord frappé par la coupure de la tirade du chien (ça se fait, de grosses coupures, dans ce type d'oeuvre ??), quand un des moments les plus pathétiques, où le personnage-serpillère commence à s'encrasser méchamment.

Anna-Caterina Antonacci s'y révélait plus à son aise, comme d'habitude, qu'en italien (où la voix est toujours un peu ingrate et "vieillie"), grâce à une émission franche, qui hésite entre le son voilé, le poitriné simple, ou l'émission lyrique et couverte, mais toujours avec une forme d'élégance. Très belle incarnation, qui arrive, sans atteindre la fusion exemplaire de Denise Duval, à se mesurer au souvenir glorieux de Mireille Delunsch en 2007.


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Commentaires

1. Le dimanche 31 mars 2013 à , par Jules Biron

Je n'y suis pas allé, j'ai un trop bon souvenir de Stéphanie D'Oustrac que j'ai vu deux fois (avec piano) à l'Athénée. Quel spectacle...

2. Le lundi 1 avril 2013 à , par David Le Marrec

Merci de passer par ici, Jules. :)

J'y suis allé seulement pour la première partie (Wolf-Ferrari), dont je parlerai demain si tout se passe comme prévu. Je ne suis pas parti à l'entracte parce que je ne le fais jamais, et qu'après tout, Antonacci en solo en français, ça ne se refuse pas...

Il est très probable en effet que d'Oustrac soit supérieure dans ce rôle à n'importe quelle chanteuse en activité. :)

3. Le dimanche 5 mai 2013 à , par Caroline

D. Duval affirme que Poulenc lui a offert en cadeau (certes, elle dut insister ;-) de retirer la scène du chien de la partition. Elle dit bien de la partition. Alors...

Bonjour!

4. Le dimanche 5 mai 2013 à , par David Le Marrec

Bonjour Caroline !

Merci pour cette anecdote que je découvre. Je vais toutefois continuer de râler...

Poulenc ayant déjà composé cette partie, c'est une coupure qu'il lui a concédée. Et je crois l'avoir toujours entendue (sauf chez Duval je suppose, mais mon écoute en est lointaine, peu après la découverte de l'oeuvre...).

Oui, elle a été retirée de la partition dans le sens où Duval n'a pas eu à la chanter, mais vu que la musique existe, n'est pas inférieure au reste, et que le texte marque un sommet dans la serpillérification, je ne vois pas pourquoi s'en priver. Manifestement, en tout cas, Poulenc ne l'a pas retirée des éditions papier de l'oeuvre !

http://www.musicme.com/Georges-Pretre/albums/Poulenc-:-La-Voix-Humaine-0825646068067.html?play=03

5. Le dimanche 5 mai 2013 à , par Caroline

Contente, cependant, que l'on m'en prive! ;-)

6. Le dimanche 5 mai 2013 à , par David Le Marrec

Je t'accorde volontiers que l'ensemble se renouvelle peu, mais tant qu'à faire, autant couper un autre passage. Le texte m'irrite, mais on atteint de tels sommets de n'importe quoi dans ce moment précis que ça justifie un peu l'entreprise pour moi, on voit jusqu'où le poète est capable d'aller, et ça éclaire le ton du reste.

Alors même que je trouve l'oeuvre un peu longue pour son contenu, je suis vraiment frustré d'être privé de ce petit moment de bravoure, tel le glottophile purulent qui entend le sol final de Di quella pira.

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