Poulenc - La voix humaine (Antonacci / Rophé)
Par DavidLeMarrec, dimanche 31 mars 2013 à :: Opéras français d'après le romantisme - Littérature - Autour de Pelléas et Mélisande - Les plus beaux décadents - Opéras des écoles du vingtième siècle - Saison 2012-2013 :: #2227 :: rss
Comme d'habitude, l'épreuve de la scène est l'occasion de s'interroger sur l'oeuvre, et sur certains détails qui deviennent particulièrement saillants, ou qui s'altèrent selon le support.
Version avec Karen Vourc'h, l'Orchestre de chambre de Paris, direction Juraj Valčuha.
On entend beaucoup La voix humaine, davantage à cause de son dispositif, à mon sens, que de sa qualité intrinsèque : elle met en valeur les qualités (plus déclamatoires que purement vocales, il est vrai) d'une seule interprète, et fait entendre à l'envi dans un seul vaste monologue son seul grain de voix. Une sorte de rêve glottophile absolu, qui permet en outre aux théâtres de jouer la carte du prestige, tout en économisant sur les cachets par rapport à un opéra traditionnel.
Le prosaïsme étudié de Cocteau y est moins affecté que de coutume, et concorde bien avec ce sujet de la conversation informelle mais contrainte. Le traitement musical (postérieur - La voix humaine était prévue pour la seule parole) hésite entre la ponctuation de récitatifs à nu et le soutien (un peu lyrique au besoin) de la déclamation. Si bien que la musique s'organise en sorte de sketches, quasiment en forme d'électroencéphalogramme : ses agitations, sa mélancolie, souvent en contradiction avec la parole, communiquent au public les émotions véritables d'Elle.
Par ailleurs, la matière musicale se répète beaucoup, en ressassant les mêmes enchaînements harmoniques, d'une couleur lancinante et grise très proche du ton des Dialogues des Carmélites.
Autre aspect frappant, l'insertion dans son époque : les harmonies lors du dialogue avec Joseph évoquent la fin de L'Héritière de Damase - qui écrivait Colombe, dans un langage similaire, exactement la même année que La voix humaine (1958). Et les accompagnements lyriques du manteau se fondent presque trait pour trait sur l'entrée de la Mère dans L'Enfant et les Sortilèges.
Plus volontaire, la parodie de Pelléas (III,1) :
J'ai le fil autour de mon cou. J'ai ta voix autour de mon cou.
Salle Favart, le 29 mars 2013 :
D'abord frappé par la coupure de la tirade du chien (ça se fait, de grosses coupures, dans ce type d'oeuvre ??), quand un des moments les plus pathétiques, où le personnage-serpillère commence à s'encrasser méchamment.
Anna-Caterina Antonacci s'y révélait plus à son aise, comme d'habitude, qu'en italien (où la voix est toujours un peu ingrate et "vieillie"), grâce à une émission franche, qui hésite entre le son voilé, le poitriné simple, ou l'émission lyrique et couverte, mais toujours avec une forme d'élégance. Très belle incarnation, qui arrive, sans atteindre la fusion exemplaire de Denise Duval, à se mesurer au souvenir glorieux de Mireille Delunsch en 2007.
Commentaires
1. Le dimanche 31 mars 2013 à , par Jules Biron
2. Le lundi 1 avril 2013 à , par David Le Marrec
3. Le dimanche 5 mai 2013 à , par Caroline
4. Le dimanche 5 mai 2013 à , par David Le Marrec
5. Le dimanche 5 mai 2013 à , par Caroline
6. Le dimanche 5 mai 2013 à , par David Le Marrec
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