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Les disques du jour - LIII - Intégrale des lieder de Schubert, la Naxos Schubert Lied Edition (Eisenlohr)


1. Pourquoi ?

Après avoir commenté l'intégrale Hyperion, voici le commentaire de l'intégrale Naxos, une véritable aubaine à présent qu'elle paraît en coffret.

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2. Aspect général

Ulrich Eisenlohr, présent dans quasiment tous les volumes, est un pianiste solide, jamais prosaïque. Assez comparable à ce que fait Johnson chez Hyperion, en ce sens, mais avec une implication dramatique supérieure au ton de conversation paisible de son homologue anglais. Son toucher et la prise de son sont souvent un peu sourds côté piano, mais le résultat reste tout à fait convenable.

La cohérence éditoriale est meilleure que dans l'intégrale Hyperion : les volumes sont organisés uniquement par poètes, ce qui rend la logique générale beaucoup plus claire, et la répartition est réalisée avisément, sans obtenir beaucoup de volumes de miscellanées à la fin de l'intégrale, alors que la liste des compléments n'en finissait plus chez Hyperion...

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3. Contenu éditorial

J'ai écouté cette intégrale à partir des volumes séparés, je ne puis donc pas être précis sur le contenu de l'intégrale publiée en coffret. Pour les volumes séparés, on trouve d'appréciables descriptions du programme par Ulrich Eisenlohr, plus dans la perspective de mettre en relation les oeuvres que de les décrire de manière approfondie comme le faisait Graham Johnson. Attention, c'est en traduction anglaise seulement : ni la notice allemande originale ni de traduction française n'y figurent.

Aucun texte chanté n'est reproduit, ils sont en revanche disponibles sur le site de Naxos avec une traduction anglaise à des adresses du type : http://www.naxos.com/libretti/poetsofsensibility5.htm, mais de toute façon le site d'Emily Ezust (sur lequel on pourra trouver quelques traductions des lutins) a déjà fait tout le travail, avec beaucoup de traductions françaises de surcroît.

Certes, les textes sont chez Naxos prêts à imprimer, en PDF, mais le format n'est quand même pas furieusement pratique lorsqu'on a une intégrale à écouter.

Clairement, en termes de documentation, l'avantage est à Hyperion.

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4. Commentaire de chaque disque

Afin de pouvoir se décider, voici une petite description de chaque volume : oeuvres et poètes présentés, types de voix, interprétation. Sauf mention contraire, Ulrich Eisenlohr au piano.

Vol. 1, Die Winterreise, Roman Trekel (baryton lyrique sombre)
Lecture très noire, très typée (larynx très bas, son mat très "triste"), mais plutôt convaincante, même si ce n'est pas du tout un Winterreise majeur.

Vol. 2, Der Schwanengesang, Michael Volle (baryton dramatique), Sjön Scott (cor)
La voix épaisse et glorieuse de Volle sied comme on pouvait si attendre assez mal au lied. Pas de détimbrage comme d'autres, mais une trop grande homogénéité, pas de demi-teintes, une diction un peu plate, comme "enveloppée" par la substance de la voix. Schwanengesang vraiment terne et sans grand intérêt.

Vol. 3, Goethe I, Ulf Bästlein (baryton lyrique assez léger)
Beaucoup de tubes dans le volume (Thule, Heidenröslein, Schwager Kronos, Prometheus, les Wandrers Nachtlied...). Bästlein est un très bon chanteur de lied, qui maîtrise très bien les exigences du genre : souplesse vocale, qualité de l'élocution, variété de l'expression. Ce n'est pas forcément le maître du genre, mais c'est une belle valeur sûre.

Vol. 4, Mayrhofer I, Cornelius Hauptmann (basse noble)
Une des très rares basses à arriver à habiter le texte d'un lied. Vrai défi de confier les Mayrhofer les plus célèbres à une voix de basse (les Heliopolis, les Orest...) ; on n'échappe à certains efforts audibles, ni à une moindre mobilité que chez les collègues barytons (Heliopolis II particulièrement statique !), mais le résultat est dans l'ensemble convaincant.

Vol. 5, Die Schöne Müllerin, Christian Elsner (ténor lyrique assez léger)
J'ai beaucoup de tendresse pour Christian Elsner, mais ici, ce n'est tout simplement pas possible ; complètement engorgé, il parvient avec difficulté à émettre ses aigus, et du point de vue expressif, on reste purement vocal ; de surcroît, jamais de colère, tout est toujours mesuré, gentil et tiède (même Der Jäger, même Die böse Farbe !). Sans doute la moins bonne Meunière que j'aie entendue au disque : sur quelques dizaines tout de même, seul Elja Puukko rate profondément son disque comme Elsner.

Vol. 6, Schiller I, Martin Bruns (ténor lyrique)
Programme un peu secondaire (mais forcément, il faut bien tout enregistrer !), Bruns évoque étonnamment l'émission de Bernard Richter, avec un peu moins de sûreté. Pas le plus brûlant de l'intégrale, mais un bon disque.

Vol. 7, Poètes européens I, Ruth Ziesak (soprano lyrique léger), Roman Trekel (baryton lyrique sombre)
Volume absolument admirable, dominée par la poésie lumineuse de Ruth Ziesak. Trekel y est également excellent, dans des poètes souvent dialogués. Pourtant, les Ossian dépouillés ne sont pas si faciles à servir.

Vol. 8, Schiller II, Regina Jakobi (mezzo-soprano lyrique)
Des poèmes habituellement chantés par des hommes (Tartarus, An Emma...), interprétés par Jakobi avec une sûreté technique et un aplomb dramatique remarquables. Excellent volume.

Vol. 9, Poètes amis I, Markus Eiche (baryton central), Jens Fuhr (piano)
Cette fois, sans Eisenlohr. Beaucoup de mises en musique de Schober, et les barderies de Bruchmann. Eiche est le prototype du baryton un peu tassé qui exagère peut-être les transpositions de ses lieder... Pas désagréable, mais il semble limité, y compris expressivement, par son cravatage. Le piano de Fuhr est en plus assez décoratif, vraiment pas dramatique. Volume dispensable.

Vol. 10, Contemporains autrichiens, Christophe Genz (ténor lyrique), Wolfram Rieger (piano)
Très beau volume. De jolies pièces lyriques sans envergure énorme, mais Genz les chante avec beaucoup d'élégance, secondé par la belle articulation habituelle de Rieger.

Vol. 11, Poètes nord-allemands, Hanno Müller-Brachmann (baryton central)
La voix un peu grasse (mais pas très large) de Müller-Brachmann trouve ses limites dans l'expression épique, où l'on sent la voix qui tire vers ce qu'elle n'est pas, mais dans les lieder plus intimistes, elle se développe harmonieusement. Un assez bon disque.

Vol. 12, Mayrhofer II, Christiane Iven (mezzo-soprano central), Burkhard Kehring (piano)
Programme difficile, avec les textes de Mayrhofer (pas les meilleurs qu'ait utilisés Schubert) et leur mise en musique harmoniquement un peu naïve (souvent assez tôt dans sa carrière, en fait), qui ne contient même pas les quelques pièces célèbres, concentrées dans le volume I. Christianne Iven réussit l'exploit de rendre ces pièces très prégnantes, de les faire réellement parler comme s'il s'agissait d'oeuvres de maturité. Pour ne rien gâcher, Kehring suit avec une présence appréciable les narrations d'Iven, et la voix est intensément fruitée, généreuse et pudique à la fois, avec un très beau soin expressif. La très difficile séquence récitative Uraniens Fluch (de vingt minutes !) Volume fantastique.

Vol. 13, Goethe II, Ruth Ziesak (soprano lyrique léger), Christian Elsner (ténor lyrique léger)
Ce volume contient plusieurs standards du répertoire (Gretchen am Spinnrade, Rastlose Liebe, Nähe des Geliebten, les Suleika, les Wilhelm Meister - qui occupent la moitié du volume), et aussi la saisissante Szene aus Goethes Faust, celle de la cathédrale (où le choeur à l'unisson noté par Schubert est tenu par Méphisto seul... et Elsner fait la basse à la perfection). Ruth Ziesak est moins à l'aise dans les lyrismes ici que dans les récitatifs du volume 7, mais reste remarquablement musicale. Eisenlohr réussit de superbes choses comme les belles résonances de la cathédrale ou l'accélération incontrôlée du rouet.
Schubert n'a écrit que deux duos dans ses lieder, et le D. 877 n°1 (Mignon und der Harfner) sur "Nur wer die Sehnsucht kennt" est un bijou.
Elsner n'a pas gagné entre les deux volumes une belle voix, mais il s'acommode avec une belle plasticité des exigences très diverses qui lui sont imposées, bien plus à son aisance dans les tessitures de baryton.

Vol. 14, Poètes européens II, Maya Boog (soprano lyrique), Wolf Matthias Friedrich (baryton lyrique léger)
Volume remarquable. Les deux artistes rayonnent de "verbalité" dans la ballade écossaise, et en particulier Friedrich, quelque part entre la lumière de Fischer-Dieskau et le halo de Loges, proprement stupéfiant. Ce n'est pas aussi bien dans Die Nacht d'après Ossian, qui sent un peu son baroqueux, mais le disque reste excellent, et le programme le rend de toute façon assez indispensable.

Vol. 15, Poètes amis II, Brigitte Geller (soprano lyrique)
Un très beau volume, qui distribue de façon inhabituelle les Colin (Wehmut, Nacht und Träume) à une voix aiguë. L'exercice n'est pas commode pour Wehmut, mais réussit très bien le reste du temps, avec une très belle substance vocale, lumineuse et dense, qui semble rayonner, paradoxalement, dans l'expression élégiaque.

Vol. 16, Goethe III, Johannes Kalpers (ténor de caractère), Burkhard Kehring (piano)
En dehors de trois standards (Erlkönig, Willkommen und Abschied, Der Musensohn), un volume qui contient des Goethe très rarement donnés. Kehring fait ici encore valoir une belle mobilité, qui seconde le flux dramatique contenu dans ces pièces. Kalpers dispose d'une voix très dynamique, un peu nasale, typique du ténor de caractère allemand, qui lui permet aussi une articulation et une expression très directes - même s'il ne les exploite pas toujours complètement. La voix a de ce fait ses raideurs, et ne séduit pas aussi absolument qu'Odinius ou Ch. Genz, mais le résultat reste convaincant. Bon volume.

Vol. 17, Contemporains autrichiens II, Detlef Roth (baryton-basse)
La voix un peu empâtée et mate de Roth n'est pas idéalement taillée pour le lied, et la prise de son qui le met un peu à distance n'est pas non plus idéale, on perd en précision d'articulation et d'intention. Volume honnête, qui n'a pas de toute façon le programme le plus exaltant de la série.

Vol. 18, Schiller III & IV, Maya Boog (soprano lyrique), Lothar Odinius (ténor lyrique)
Quelques célébrités (Leichenfantasie, Der Jüngling am Bache, Die Götter Griechenlands), beaucoup de raretés. Superbe volume, servi par le ténor moelleux et expressif d'Odinius et la franchise primesautière de Boog.

Vol. 19, Poètes de la sensibilité I & II, Simone Nold (soprano lyrique léger), Marcus Ullmann (ténor lyrique léger), Thomas E. Bauer (baryton lyrique), avec pianoforte
Double volume, exclusivement consacré à Klopstock et Matthison. Très beau choix de pianoforte, qui sonne presque avec la même générosité qu'un piano contemporain de Brahms, tout en conservant son timbre caractéristique... L'assortiment des trois interprètes est tout à fait idéal : Nold semble planer avec aisance sur les poèmes tendres, Ullmann dispose d'un timbre délicat et de manières raffinées, Bauer phrase superbement avec un timbre fort beau (doux et ferme, comme dans son Liederkreis Op.24 et son Dichterliebe, deux références). Volume excellent, dans un programme difficile, que les interprètes font tout à fait échapper à la monotonie.

Vol. 20, Poètes de la sensibilité III, Wolfgang Holzmair (baryton léger), avec pianoforte
Contient les Claudius, Holty et Stoberg-Stolberg. On y retrouve les superbes choix d'instrument d'Eisenlohr, ainsi que les caractéristiques habituelles de Holzmair, baryton très clair d'aigu (bien qu'assez nasal) et très court en graves. Malgré ces caractéristiques qui ont l'avantage de mettre en valeur la diction (au détriment du timbre), le résultat expressif, quoique fort honnête, n'est pas le plus frémissant de l'entreprise.

Vol. 21, Poètes de la sensibilité IV, Birgid Steinberger (soprano lyrique), Wolfgang Holzmair (baryton léger), avec pianoforte
Consacré essentiellement aux trois mêmes poètes. Mêmes remarques sur les belles couleurs du piano, avec Holzmair plus à son aise, plus moelleux. Birgid Steinberger n'est pas toujours pleinement à l'aise (on sent la voix un peu plus large), mais les phrasés et le timbre restent beaux. Bon volume.

Vol. 22, Poètes de la sensibilité V, Lydia Teuscher (soprano lyrique léger), Marcus Ullmann (ténor lyrique léger), Thomas E. Bauer (baryton lyrique), avec pianoforte
Textes de Kosegarten uniquement. Ce n'est clairement pas le meilleur de Schubert, avec une texture très galante, que l'usage d'un beau pianoforte vient avisément colorer de façon un peu plus personnelle. Ullmann et Bauer disposent de belles vertus, déjà mentionnées pour le volume 19, où ils brillent un peu plus intensément ; quant à Lydia Teuscher, sa voix légère et incisive dispense beaucoup de charme, idéal pour ce programme.

Vol. 23, Contemporains autrichiens III, Daniela Sindram (mezzo-soprano lyrique léger)
Une jolie voix à la fois mince et doucement épicée, très adéquate dans des lieder qui ne sont pas intrinsèquement passionnants. Bon volume, limité par le programe plus que par les interprètes qui en tirent réellement un très bon parti.

Vol. 24, Poètes romantiques I, Julia Borchert (soprano lyrique léger)
Notamment F. von Schlegel et Rückert. Une voix très incisive, concentrée vers sa pointe, pas grande mais percutante, et joliment fruitée malgré cette quasi-stridence. Dans les moments vifs, la voix se bouche et détimbre légèrement. Diction pas très détaillée.

Vol. 25, Poètes romantiques II, Markus Schäfer (ténor de caractère)
Notamment A.W. von Schlegel et Körner. La voix de cet Evangéliste célèbre tend beauoup vers les nasalités un peu inconfortables du ténor de caractère, et "bouge" un peu sur les tenues, sans proposer une contrepartie équivalente en matière de présence verbale. Néanmoins un volume réussi (dans une partie mineure du corpus), sur pianoforte.

Vol. 26, Poètes romantiques III, Sibylla Rubens (soprano lyrique léger), Nikolaus Friedrich (clarinette)
Notamment Müller (le fameux Pâtre), Novalis, et les deux Schlegel. La jolie voix ductile de Sibylla Rubens, spécialiste de l'oratorio, est un choix judicieux pour ces oeuvres très mélodiques. Clarinette (son un peu dur) et piano (très bien timbré) anciens.

Vol. 27, Poètes romantiques IV, Florian Boesch (baryton central), Burkhard Kehring
Notamment Körner, Rückert et les Schlegel (Im Walde). S'y trouve aussi le fameux Totengräbers Heimweh. Boesch, avec une belle assise grave, dit avec beaucoup de présence ses textes.

Vol. 28, Poètes amis III, Rainer Trost (ténor lyrique)
Notamment Mayrhofer et Collin (Herrn Josef Spaun et Der Zwerg). Timbre personnel, très adapté au lied, et sans l'impression d'être un peu court ressentie dans d'autres rôles et plus tard dans sa carrière. Beaucoup de charme, de distinction et d'engagement - également valable pour Eisenlohr qui signe un de ses plus beaux accompagnements. Le programme, qui pourrait paraître un peu fragile, se révèle ainsi captivant.

Vol. 29, Divers poètes, Ferdinand von Bothmer (ténor lyrique)
Volume majoritairement occupé par Adewold und Emma de Bertrand, un grand récit (réussi !) de vingt-cinq minutes. Volume incarné avec enthousiasme par le chanteur et le pianiste, mais dans les lieder le splus lyriques la voix de petit Siegfried fatigué (résonances graves, un peu nasale, assez blanche, vite forcée dans l'aigu) peut déplaire sur la durée. En revanche le timbre plus sombre que ses collègues le sert bien dans les médiums du récitatif, malgré une tendance à détimbrer. J'aime bien tout de même, il y a de l'investissement incontestablement.
[J'ai écrit cela il y a plusieurs mois, au cours de ma découverte de l'intégrale, avant de l'entendre, dans un endroit où la concurrence était moins brillante, et où il révélait un talent imparfait mais plus assuré, et une voix qui avait progressé.]

Vol. 30, Poètes de la sensibilité VI, Jan Kobow (ténor lyrique)
Essentiellement consacré à Uz et Salis-Seewis. Kobow présente, exactement comme dans sa Belle Meunière, une voix douce et ronde, et l'expression correspondante - un peu lisse peut-être, mais beau.

Vol. 31, Poètes du Sturm und Drang, Caroline Melzer (soprano), Konstantin Wolff (baryton-basse)
Centré en particulier autour de Jacobi et Schubart (An den Tod, Die Forelle), avec Eine Altschottische Ballade. Melze dispose d'une voix un peu grêle, Wolff est sensiblement plus intéressant. Volume pas totalement frémissant, mais très honnêtement réalisé.

Vol. 32, Lieder à plusieurs parties I, divers chanteurs (Rubens, Danz, M. Schäfer, Ullmann, Bauer, etc.)
On approche de la fin de la collection, avec trois volumes consacrés aux lieder à plusieurs voix simultanées, pas simplement les dialogues. Quel contraste avec l'édition Hyperion... ici tout frémit avec ravissement, un volume magnifique, et dont les qualités individuelles des chanteurs sont non seulement superlatives, mais remarquablement fédérées en une énergie commune. C'est simple : je n'avais jamais entendu des lieder à plusieurs parties chantés avec cette précision de madrigal !

Vol. 33, Lieder à plusieurs parties II, divers chanteurs (Rubens, Danz, M. Schäfer, Ullmann, Bauer, etc.)
Les équilibres sont moins réussis ici, avec des sons pas toujours beaux, malgré la très belle réussite chorale.

Vol. 34, Lieder à plusieurs parties III, hommes seulement (M. Schäfer, Ullmann, Bauer, Markus Flaig, Marcus Schmidl)
Volume très convaincant, on y retrouve les qualités du 32e, sans en atteindre la parfaite cohésion.

Vol. 35, Raretés, fragments et versions alternatives, Sibylla Rubens (soprano lyrique léger), Detlef Roth (baryton-basse), avec violons, violoncelle, harpe
Outre des esquisses, comme la première version (moins d'une minute) du Gruppe aus dem Tartarus de Schiller, ou un arrangement pour violoncelle et piano du primitif Gesang (D.1a !), on peut y entendre des pièces avec accompagnement pour tout petite ensemble (violon et harpe, ou encore deux violons et violoncelle), plutôt légères. Volume étonnant, à défaut d'être fondamental.

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5. Des volumes incontournables

Même si vous n'acquérez pas l'intégrale, les volumes 3, 4, 7, 8, 10, 12, 14, 15, 18, 19, 22, 27, 28, 32, 34 constituent des récitals de lied extrêmement aboutis, qui méritent de toute façon le détour, même indépendamment de l'aventure exhaustive. Certains d'entre eux seraient même, à mon sens, des « urgences » dans la constitution d'une discothèque de lied.

Cette qualité isolée, cet investissement d'artistes dont c'est, pour beaucoup, quasiment la seule fenêtre sur la notoriété, fait tout l'intérêt de cette intégrale : on n'a jamais l'impression, comme c'était parfois le cas chez Johnson, de se forcer à enregistrer des oeuvres moins intéressantes. Ici, chaque parcelle de programme est furieusement appropriée par les interprètes. Et la valeur de l'accompagnement d'Eisenlohr, plus articulé et imaginatif que celui de Johnson (et bien sûr de Moore !) n'est pas étrangère à cette réussite qu'on peut, sans exagérer, qualifier d'éclatante.

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[Vu le temps consacré sur plusieurs mois à la préparation de cette notule, je me suis dispensé de la coquetterie des extraits sonores. Il est possible d'aller soi-même fureter sur le site de Naxos : en s'inscrivant, vous aurez accès à tous les extraits nécessaires pour vous faire une première impression, volume par volume.]

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6. Bilan et choix

En résumé ?

Pour ceux qui s'intéressent de près à la question, les trois cycles de maturité [1] sont peu essentiels chez Eisenlohr (voire assez décevants, concernant la Meunière d'Elsner), alors qu'ils sont passionnants (au minimum très originaux comme le Schwanengesang) chez Hyperion. Mais qui achète une intégrale pour avoir ces trois cycles surenregistrés ? Ils sont bien sûr importants en tant que vitrine pour le label, mais cela ne fait pas vraiment sens pour motiver un achat d'intégrale absolue...

Piano sensiblement plus engagé, même si moins nettement capté que chez Johnson / Hyperion, des chanteurs aux voix parfois moins construites (ce ne sont pas des célébrités internationales), mais pour un nombre considérable des découvertes superlatives, et quasiment toujours très investis - et germanophones de naissance. Les lieder de jeunesse sont traités avec un enthousiasme égal (et même supérieur !) aux lieder plus célèbres. Une intégrale qui met en avant le texte, là où la version Hyperion exaltait davantage la musique « pure » un peu désincarnée, sans doute aussi du fait des nationalités diverses des chanteurs (et de leurs carrières scéniques, alors qu'ici les chanteurs d'oratorio et de concert dominent).

Donc tout dépend de l'usage : pour écouter en faisant autre chose, privilégier Hyperion, le moelleux de la prise de son et des voix sera plus adéquat. Sinon, pour découvrir les oeuvres, je trouve que l'intégrale Eisenlohr / Naxos donne davantage d'importance à tous les lieder, même ceux que l'on pourrait considérer comme mineurs, pris à bras-le-corps de façon impressionnante.

Je précise que je n'ai pas évoqué l'intégrale Fischer-Dieskau / Moore parce qu'elle est très incomplète, enregistrée dans les plus mauvaises années de Fischer-Dieskau (ce doivent être ses moins bons disques, d'ailleurs), très décevant en regard de ses standards habituels et de ses grands enregistrements de lied, avec un pianiste mou et neutre. Les lieder semblent en outre avoir été enregistrés de façon un peu précipitée - bien sûr, on ne peut pas attendre la même finition que lorsque chaque artiste a seulement une heure de musique à fignoler, même s'il n'est pas de l'envergure de DFD.
Sans parler de la lassiture d'entendre le même timbre pendant trente-cinq heures de musique...

Notes

[1] On dit toujours « les trois cycles », ce qui est inexact. Il existe plusieurs autres cycles, Abendröte-Lieder, Mignon-Lieder, le triptyque italien, et aussi ceux tirés de Faust ou de The Lady of the Lake. Une notule existe à ce sujet.


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David Le Marrec

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