R. Strauss - Arabella - Marelli, Ph. Jordan, Fleming, Volle - Bastille 2012
Par DavidLeMarrec, dimanche 17 juin 2012 à :: Vienne décade, et Richard Strauss - Saison 2011-2012 :: #1989 :: rss
Où l'on a le triomphe immodeste.
--
En un mot comme en mille, j'avais raison : soirée formidable, remarquablement chantée. On l'attendait pour Julia Kleiter (diaphane mais incarnée), Doris Soffel (projection incroyablement naturelle, un idéal de déclamation), Joseph Kaiser (limpide, toujours poétique), Michael Volle (plus métallique qu'en retransmission, toujours vigoureux mais pas dépourvu de grâce), Kurt Rydl (voix très dense dont l'état ne fait pas entendre ses multiples Hagen)... mais même Eric Huchet chante ici comme un jeune premier (après tant d'années passées comme ténor de caractère), réellement radieux. On remarque aussi Thomas Dear, basse très prégnante dans le minuscule rôle de Lamoral... où s'était naguère illustré (au Châtelet) Nicolas Courjal !
La mise en scène de Marco Arturo Marelli n'atteint pas l'aboutissement du Rosenkavalier hambourgeois, mais son dispositif reste beau et astucieux : les grands murs blancs (de style) et azur pivotent pour créer maint nouvel espace, l'anneau tournant du plateau permet de rendre l'atmosphère de départ chez les aristocrates déçus, la direction d'acteurs est assez précise et explore habilement les relations entre personnages.
Le résultat n'est pas aussi probant que chez Mussbach néanmoins, parce que Marelli semble ne pas prendre complètement au sérieux les tourments d'Arabella, comme si le quiproquo de l'acte III n'était qu'une étape de vaudeville. Il me semble que le texte et la musique disent autre chose, et que la princesse qui souhaitait comme dans les contes une mise à l'épreuve du promis se trouve elle-même mise à l'épreuve, d'autant plus cruellement que c'était inattendu - et que cela détruit, précisément, l'image idéale qu'elle se faisait de la relation amoureuse. Arabella a peut-être la structure du conte, mais apprend à transiger avec la réalité.
Peut-être était-ce accentué par l'effet de la première. Car à l'orchestre en tout cas, le résultat était un peu frustrant, sonnant mollement, avec peu d'angles et un certain nombre de confusions. J'ai tout de même remarqué avec plaisir la beauté de la clarinette et du cor solos, loin du cliché des vents français acides (le hautbois était beaucoup plus exotique pour Arabella, en ce sens).
Il faut saluer le fait que la partition était jouée sans aucune coupure, ce qui permet une plus grande richesse et cohérence (il manque d'ordinaire surtout des répliques qui caractérisent bien les personnages), et n'est pas si fréquent pour cette oeuvre - et Strauss en général.
Confusions dues en bonne partie à Renée Fleming, qui plante tout l'orchestre avec constance pendant toute l'entrée solo d'Und du wirst mein Gebieter sein, alors qu'il s'agit d'une cantilène très rectiligne au niveau du rythme... Dur métier d'être en fosse. Le contraste en projection et en rigueur solfégique est d'ailleurs saisissant avec ses partenaires, qui semblent considérablement plus préparés alors qu'ils n'ont pas forcément tous déjà chanté le rôle...
Je la découvrais en salle, mais n'ai pas été surpris (elle sonne aussi étrangement qu'au disque). La voix est assez engorgée et ne sort pas bien dans le grave, elle se libère joliment dans l'aigu en cours de soirée (donc les sopranos un peu larges qu'elle chante actuellement ne sont pas son répertoire le plus pertinent). La diction est floue mais l'effort est très réel sur la qualité de l'allemand, qui continue de s'améliorer d'année en année - ses interventions parlées sont même très bonnes ! Le personnage n'est évidemment pas celui de l'aristocrate ingénue, mais de loin et avec la lecture pas très empathique de Marelli, cela restait assez indolore, surtout qu'il y avait amplement de quoi s'occuper les oreilles tout autour.
Excellente soirée, un enchantement d'entendre l'oeuvre (en intégralité), avec un plateau assez superlatif et une belle mise en scène. Vu le remplissage (jauge tout à fait complète, impressionnant à voir depuis les galeries), on est en droit d'espérer une reprise de cette production dans peu d'années... et cette fois, les dives étoiles ne revenant pas pour les reprises, on aura peut-être Kaune, Leitgeb, Armstrong, Nylund ou Schwanewilms !
Je tâcherai d'en retoucher un mot pour la dernière.
--
Retrouver l'ensemble des notules sur Arabella.
Commentaires
1. Le mercredi 20 juin 2012 à , par benjamin
2. Le mercredi 20 juin 2012 à , par DavidLeMarrec
3. Le jeudi 28 juin 2012 à , par misspyla
4. Le jeudi 28 juin 2012 à , par DavidLeMarrec
Ajouter un commentaire