Le Serment
Par DavidLeMarrec, jeudi 26 avril 2012 à :: Vaste monde et gentils - Théâtre filmé (et autres cinémas) :: #1965 :: rss
Il ne s'agit pas d'une version française maison de l'immortel opéra de Mercadante, mais d'un téléfilm diffusé par Arte et disponible encore un jour ou deux sur sa plate-forme de rediffusion.
Le concept ne m'en paraissait pas bouleversant : itinéraire parallèle d'une jeune anglaise d'aujourd'hui qui se rend en Israël et de son grand-père, soldat britannique en Palestine à la fin du protectorat. Quelque chose d'assez traditionnel et consensuel.
Néanmoins, sa réalisation me paraît assez remarquable, avec un enchevêtrement un peu sauvage des deux histoires et des parallèles inattendus entre le sort, par ordre de "compréhension", des soldats britanniques, des israéliens, des palestiniens.
Evidemment, le choix des personnages n'échappe pas à un peu d'angélisme, puisqu'on observe de l'intérieur une famille assez à gauche sur l'étagère politique locale (pour la paix à deux Etats viables), où l'on se dispute plus pour la forme d'action plus ou moins énergique que sur le fond politique. De la même façon, les palestiniens rencontrés oeuvrent pour la paix en rejetant l'action armée, ne profèrent pas d'anathèmes. On nous raconte aussi l'histoire confortable que les membres de l'Irgun Tzwaï Leoumi étaient d'anciens rescapés des camps (donc légitimes à ne plus se laisser opprimer), alors que l'origine du mouvement est tout à fait indépendante des années trente européennes - et que les rescapés du génocide n'étaient pas toujours bien accueillis, en tant que juifs "faibles", par les israéliens déjà implantés.
Mais il n'était pas réellement possible de faire autrement : comment le public européen aurait-il reçu l'image d'une famille israélienne centriste, ou celle de palestiniens parlant sous l'impulsion de la colère ? On l'aurait vécu, décalage culturel oblige, comme une lecture réprobatrice, voire agressive, de la question.
Et malgré ces limites, le récit met en évidence un certain nombre de blocages structurels, dans toutes les directions entre ces trois blocs. Le fait de mettre en présence la petite-fille d'un soldat britannique rescapé d'attentats israéliens en présence des descendants (pacifistes) de ces attentats met assez singulièrement en lumière le statut des palestiniens, vus comme une "troisième force" et donc de façon assez dédramatisée, hors sol par rapport aux réflexes politiques que chacun s'est constitué sur ces questions.
Je crois que cet enchevêtrement réussit surtout sur ce point, en changeant la perspective : le rapport entre israéliens et britanniques n'est pas du tout aussi connotés que celui entre allemands et juifs ou palestiniens et israéliens, et échappe donc à un certain nombre de réflexes et de suspicions.
Pas irréprochable, donc, mais assez habile et stimulant. [Et mieux filmé - par Peter Kosminsky - qu'un assez grand nombre de films récents, de mon point de vue.]
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[Au passage, vous noterez que cette rubrique n'a jamais mieux porté son titre...]
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Commentaires
1. Le mardi 1 mai 2012 à , par DavidLeMarrec
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