Revers de médaille(s) : Salomé de Richard Strauss en français à Liège (et sur internet)
Par DavidLeMarrec, jeudi 9 juin 2011 à :: Vienne décade, et Richard Strauss - En passant - brèves et jeux :: #1744 :: rss
(Extrait sonore horrible fourni.)
Cette représentation est assez confondante, puisqu'on y voit simultanément le renversement de nombreuses apparences.
Première médaille : Le média. L'Opéra Royal de Wallonie avait pris le parti d'annoncer la diffusion de l'oeuvre en direct sur sa chaîne Dailymotion. On pourrait supposer que ce type de support permettait au bas mot de doubler l'audience de la salle. Or, m'y étant connecté pendant une partie du spectacle, j'y ai vu affiché... 286 spectateurs, ce qui semble peu pour un spectacle disponible au monde entier.
Sans doute la promotion n'a-t-elle pas été suffisante - je n'avais pas vu, par exemple, que c'était la version en français ! Par ailleurs, les mélomanes passent davantage de temps sur YouTube, plus fourni de ce côté-là, le site choisi, sans doute pour des raisons de proximité du régime de droit utilisé, n'était pas non plus le plus visible. Et puis Liège n'a pas la réputation de Paris, et encore moins du Met ou de la Scala (réputations qui peuvent toutes se discuter, mais qui ont une réalité comme réputations).
Deuxième médaille :
L'oeuvre elle-même. On l'a déjà souligné dans la notule modérément convaincue qui lui est consacrée : le fait de revenir à l'original, malgré la correspondance minutieuse de Strauss avec Romain Rolland sur les questions de prosodie, malgré aussi la réécriture partielle des quantités mélodiques et de l'orchestration... ne rend pas le texte plus direct. Ce français est assez peu naturel, et pour tout dire, conserve quelque chose de l'accentuation allemande, avec ses groupes segmentés et ses finales féminines lourdes. Tout simplement, la musique préexistait, et n'était pas prévue pour la prosodie française. Une oeuvre si complexe et complète ne peut pas réellement s'ajuster.
Troisième médaille : June Anderson (Salomé). Chanteuse rompue au belcantiste, qui s'est mise à défendre Richard Strauss en cette fin de carrière. Voix métallique et totalement inintelligible... qui se révèle ici d'une rondeur et d'une clarté de langue absolument exemplaires. Pour la première fois, j'aime ce que fait June Anderson... et je puis même dire que j'admire le tranchant de son français dans son médium, alors que je la trouve insupportable (sans exagérer) dans ses enregistrements antérieurs où elle n'articule rien (même pire que Joan Sutherland !).
Quatrième médaille : Mara Zampieri (Hérodiade). Avoir une voix naturelle confère d'immenses avantages, car elle permet de chanter bellement immédiatement. Seulement, à aborder les rôles lourds sans les sûretés techniques que doit acquérir une voix plus construite, on risque de se fracasser.
Et Mara Zampieri, dont j'aime beaucoup la folle énergie vocale, m'a donné ce soir la pire prestation vocale que j'aie jamais entendue - on dirait Montserrat Caballé en 2022, Olive Middleton revenue d'entre les morts ou Florence Foster-Jenkins transfigurée en mezzo.
Toutes les notes sont droites, poussées, grossies, mal projetées et surtout complètement fausses, comme une suite d'éructation suivant plus ou moins les mouvements ascendants et descendants écrits, à la tierce près. Terrifiant.
Pour ceux qui en douteraient, j'ai capté un extrait du flux que voici :
L'ORW est dirigé par Paolo Arrivabeni.
A noter que c'est de loin l'endroit où Mara Zampieri chantait le plus proprement (les "C'est infâme !" qui précédaient étaient des sommets d'horreur).
J'ai entendu très peu de voix incultes capables de cela... et de vraies voix construites... jamais.
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Par ailleurs, même si l'effort sur le français était notable, la mise en scène de Marguerite Borie se révélait plutôt plate et les voix de Donald Kaasch (Hérode) et surtout Vincent Le Texier (Jean le Baptiste) se montraient assez désagréables (sacrément poussives et lourdement vibrées), et la mise en scène gentillette... ce qui ne proposait pas de grand moment d'exaltation.
Néanmoins, on percevait bien la différence imposée par le texte français, ce qui était le but de l'entreprise. Mais à mon sens, avec moins cher, on pouvait recruter bien mieux (je ne parle pas du rôle-titre).
Commentaires
1. Le jeudi 9 juin 2011 à , par Ouf1er
2. Le jeudi 9 juin 2011 à , par DavidLeMarrec
3. Le jeudi 16 juin 2011 à , par Evelyne
4. Le vendredi 17 juin 2011 à , par DavidLeMarrec
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