La malédiction du zoom
Par DavidLeMarrec, samedi 4 juin 2011 à :: En passant - brèves et jeux - Discourir - Baroque français et tragédie lyrique - Saison 2010-2011 :: #1738 :: rss
Tout amateur d'opéra a souvent regretté l'abus des zooms dans les captations vidéo, qui font perdre quantité d'information, privent le spectateur de sa liberté d'observer, et déforment les intentions prévues pour la salle en d'horribles grimaces croulant sous le maquillage à la truelle.
Le plus grave étant bien sûr la fragmentation de la scène, la mise en péril de l'économie visuelle du spectacle.
Et il en va souvent de même pour les captations audio. Une bonne prise de son peu rendre la lecture de n'importe quel chef honorable passionnante et analytique, ou, moins souvent, gâter de belles qualités. Tout simplement parce qu'un certain nombre d'informations se perdent dans la distance, et il est souvent intéressant d'entendre un petit morceau de continuo, un fragment de petite harmonie qui échapperaient si l'on écoutait de loin.
Mais ce mixage artificiel a, tout comme les zooms qui dévoilent de beaux détails au risque de masquer l'émotion d'ensemble, ses inconvénients.
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Témoin la vidéo de l'Atys de cette année, diffusée par Mezzo.
On est heureux que l'excellence acoustique du décor de Carlo Tommasi spatialise quelque peu les voix, qui sembleraient sinon provenir de nulle part, comme en studio. De même, l'oreille sur le continuo rend ses abondantes interventions affreusement bavardes.
Alors que ces représentations, dont je n'ai pas (encore ?) fait état ici, étaient tout simplement gigantesques musicalement (et encore plus théâtralement, comme déjà précisé). On pouvait toujours relever tel ou tel détail, comme l'accumulation d'effets à la mode dans le continuo (où brillait tout de même Béatrice Martin, une capacité de réinvention mélodique hors du commun), alors que les représentations de 1987 étaient plus fondées sur la simplicité et l'urgence dramatique... mais on reste dans le choix entre deux types d'excellence, et à peu près tout le reste ne souffrait aucune réserve.
Même Stéphanie d'Oustrac, peut-être l'incarnation la plus bouleversante qu'il m'ait été donné de voir sur une scène lyrique, sonne presque forcée, affectée, couturée captée ainsi de trop près - alors qu'elle s'épanouit avec un vibrant naturel dans la salle...
Et cette impression est récurrente dans les retransmissions de concerts, singulièrement lorsqu'il s'agit de mixer pour une vidéo : l'orchestre est écrasé ou morcelé, les chanteurs ont le micro dans la bouche - ce qui fait perdre le sens même de la technique lyrique (un joli belting suffirait tout à fait pour tenir Siegfried).
Clairement, le micro posé sur les genoux d'un spectateur au parterre rend des résultats (même avec un matériel moyen de gamme) autrement plus réalistes et... physiques. Pour avoir entendu des Wagner et des Schreker ainsi captés, j'ai toujours été effaré d'y retrouver l'atmosphère de la salle (où je n'avais pourtant pas été !), alors que les enregistrements radio des concerts auxquels on a pu assister ne donnent pas cette impression.
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Aussi, en matière de captation sonore, le mieux est l'ennemi du bien... et l'abus de zoom l'ennemi de tous.
Si, un jour, les professionnels de la question voulaient bien s'intéresser à ce qui se dit sur le sujet - depuis à présent des décennies...
Commentaires
1. Le dimanche 5 juin 2011 à , par Guillaume
2. Le lundi 6 juin 2011 à , par DavidLeMarrec
3. Le lundi 6 juin 2011 à , par Guillaume
4. Le lundi 6 juin 2011 à , par DavidLeMarrec
5. Le mardi 7 juin 2011 à , par Jérémie
6. Le mardi 7 juin 2011 à , par DavidLeMarrec
7. Le mardi 7 juin 2011 à , par Jérémie
8. Le mardi 7 juin 2011 à , par DavidLeMarrec
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