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Le grand duo de l'acte III de la Walkyrie (Wagner-Wilder)


Les lutins viennent de publier un nouvel inédit, dont on reproduit la présentation, la vidéo et le livret.

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Voici le début du duo de l'acte III de Walküre (La Valkyrie de Wilder), dont la suite avait déjà été publiée sur ce même canal. C'est la première fois qu'est publiée cette partie de la traduction de Victor Wilder. Vous pouvez à la suite écouter ce qui a déjà été proposé.

La traduction de Victor Wilder, en vers, demeure cependant très proche du sens du texte de Wagner (contrairement à son Tristan plus librement traduit, dont on aura sans doute l'occasion de reparler). Elle constitue une excellente approche pour les francophones - à mon sens supérieure à l'original.
De surcroît, sa vision est très poétique, avec un vocabulaire choisi et une expression toujours évocatrice.

Un exemple ?

Dans le premier acte, Wilder traduit le nom de Notung, de façon à lui redonner son sens. Siegmound l'appelle ainsi :
"Détresse ! Détresse ! Ainsi je t'appelle ! / Détresse ! Détresse ! Glaive en qui j'ai foi !" Et vous remarquerez, en cette fin d'acte III, l'abondance de rimes en "-esse", et notamment de nombreux "détresse" qui n'évoquent pas l'épée. Wilder tisse ainsi une fine toile de sens, assez comparable au demeurant aux recherches d'assonances de Wagner - à ceci près que Wilder sonne raffiné et élancé plus qu'archaïque et pesant.
Les modifications du texte de Wilder dans les extraits gravés par les chanteurs d'antan, pour faire "plus wagnérien", sont donc assez malvenues - en l'espèce, le nom de "Notung" est rétabli.

Il est intéressant de constater aussi que plus que la ponctuation de Wilder, c'est le rythme de la musique de Wagner (sans parler de la musique elle-même, bien sûr !) qui donne un sens plus touchant et plus profond à ce texte - vraiment du sur-mesure de qualité à peine concevable.

C'est donc un témoignage précieux qu'un enregistrement de cette traduction... auquel il faut retrancher ses défauts de réalisation. Car je fournis ici plus un document censé évoquer cette partition qu'une réelle exécution probe de toute sa musique : j'ai enregistré simultanément le chant des deux rôles et le piano, ce qui engendre un certain manque de finition... Le but étant plus de rendre l'esprit de cette rareté que de proposer une version de référence... Voyant bien qu'il y a fort à parier qu'à la scène aussi bien qu'au disque, nous ne sommes pas près d'en voir une version commerciale, on considèrera que ceci vaut toujours mieux que rien.

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Suivent la vidéo et le texte reproduit (manuellement) par nos soins :

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Livret :

WOTAN
Un homme règnera sur le coeur virginal
De celle qui fut l'orgueil du Walhall ;
Sa faute la dépouille
De sa divinité !
Qu'elle aille filer sa quenouille,
Assis au foyer conjugal !
(Aux walkyries. - nddlm)
Du châtiment votre âme est émue ;
Eloignez-vous ! Sur l'heure envolez-vous !
Abandonnez la déesse déchue.
Si vous voulez éviter mon courroux,
Que nulle ne s'en approche,
Que nulle n'enfreigne mon voeu.
Loin de ces lieux ! Loin de la roche !
Seuls, ici, laissez-nous ; tel est l'ordre du Dieu !

LES VALKYRIES, criant de douleur (nddlm)
Ah ! Ah !

(Didascalies de Wilder : Les Valkyries se dispersent avec des cris sauvages et s'enfuient tumultueusement dans la forêt. De sombres nuages descendent sur la montagne. Un éclair éblouissant déchire la nue ; on aperçoit, dans l'air, les Valkyries, qui dans un groupe serré, s'envolent à bride abattue. Bientôt l'orage s'apaise et les nuées se dispersent ; pendant la scène suivante, le temps revient peu à peu au calme et la nuit tombe lentement en passant par toutes les nuances du crépuscule. Wotan est resté seula avec Brunnhilde, toujours étendue à ses pieds. Silence solennel et prolongé. Enfin, Brunnhilde se risque à relever doucement la tête vers Wotan.)

BRUNNHILDE, timidement d'abord mais peu à peu, elle s'enhardit et monte le ton
Ai-je, à ce point, mérité qu'on me blâme
Et qu'on m'inflige un pareil châtiment ?
Suis-je, à tes yeux, une indigne, une infâme,
Qu'on me punît d'un supplice infamant ?
Ai-je commis une telle bassesse,
Que, sans pitié, l'on me jette si bas ?
O parle, père ! Vois ma détresse ;
Sans m'écouter, ne me repousse pas ;
Dis-moi, du moins, par quelle indigne offense,
Par quel forfait, rempli d'horreur,
Ta fille, hélas ! a perdu ta faveur ?

WOTAN, d'une voix sévère et sombre, sans quitter son attitude impassible
Lis dans ton coeur ! Ecoute ta conscience !

BRUNNHILDE
A mon devoir ai-je failli ?

WOTAN
Au Velse donc tu prêtas assistance !

BRUNNHILDE
Tu m'avais ordonné de combattre pour lui.

WOTAN
Tu sais qu'alors je lui retirai mon appui.

BRUNNHILDE
Oui, Fricka dictait l'inique sentence,
Mais son désir, ô père, était-il ton désir ?

WOTAN
Entre nous deux, rebelle,
Moi seul avais droit de choisir.
Crois-tu que moi, je dois faiblir
Si mon fille à mon ordre infidèle
Est fidèle à mon désir ?

BRUNNHILDE
Mon coeur fut mon guide, et je n'ai vu qu'une chose :
Pour ton fils ta tendresse !
De votre désaccord,
Père adoré, ta fille avait compris la cause ;
J'ai vu sous quel arrête cruel du sort,
Sous quelle force, invincible et secrète,
Le Dieu devait courber la tête !

WOTAN
Tu le savais, et n'as pas obéi ?

BRUNNHILDE
De ton fils en péril, ta fille a pris souci,
Quand ton coeur, défaillant, sous le poids qui l'oppresse,
Oubliait ta sainte promesse,
Quand ton regard, se détournant de lui,
Ne pouvait voir sa cruelle détresse !
Mais moi, j'ai dû la voir !
Vers lui m'a conduit le devoir,
Ses yeux suppliants, baignés par les larmes,
M'ont appris son angoisse et sa douleur ;
Dans cette voix, qu'altéraient les alarmes,
J'ai deviné la secrète terreur,
Qui torturait son âme et déchirait son coeur.
Et le mien s'en émut, pitié soudaine !
La souffrance humaine,
Alors, hélas ! me fit défaillir,
Et ma force a dû fléchir !
A le servir, je mis toute ma gloire,
A ce héros, je promis la victoire ;
Je fis serment : le sauver ou mourir !
Car son amour, ardente et fière flamme,
Avait fondu la glace de mon âme ;
Oui, j'ai malgré moi,
Père - bravé ta loi.

WOTAN
Tu fis ce que j'aurais voulu, moi-même, faire,
Ce qu'un sort fatal m'avait interdit.
Ton coeur s'est affranchi d'un devoir nécessaire,
Tandis que moi, dévorant mon dépit,
Courbé sous la loi qui m'oppresse,
Sans pitié pour moi-même, en mon coeur paternel,
J'étouffais ma sainte tendresse,
Lassé de livrer le combat éternel,
Je maudissais ma puissance inféconde,
Quand mesurant mon angoisse profonde,
Je conçus le dessein criminel
D'ensevelir mon tourment immortel
Sous les débris foudroyés de ce monde ;
Ton coeur s'abandonnait au délice d'aimer,
Tu savourais à longs traits cette ivresse,
Ton âme oubliait, se laissant charmer,
L'amère détresse
Du Dieu que l'on abreuve de fiel !
(d'un ton sec et bref)
A ton esprit léger je t'abandonne,
Je t'éloigne de ma personne ;
Ainsi le veut la justice du ciel,
Ainsi le Destin me l'ordonne.
Ton sort du mien se sépare,
Tu n'es plus rien pour moi,
Tu ne dois plus me voir ni m'entendre.

BRUNNHILDE, avec simplicité
Eh bien, défends-moi l'accès du ciel ;
Ma faible raison ne sut te comprendre ;
Je croyais te servir, je pensais te défendre,
En aimant ceux que toi-même tu chérissais.
Mais souviens-toi que celle que l'on chasse
Etait l'enfant de ton désir vainqueur,
Rappelle-toi que je suis de ta race,
Je garde un rayon de ta grâce,
Mon sang est le sang de ton coeur !
N'outrage pas une part de toi-même,
Car ton affront rejaillirait sur toi ;
Les traits de l'anathème
Te frapperaient, comme moi !

WOTAN
Au charme de l'amour puisque ton coeur succombe,
Va-t'en d'un maître embrasser les genoux !

BRUNNHILDE
Si dans les bras d'un homme
Il faut qu'hélas je tombe
S'il faut que j'obéisse aux ordes d'un époux,
Préserve-moi des atteintes du lâche,
Que celui qui me trouve est le coeur ferme et fort !

WOTAN
Choisir pour toi n'est point ma tâche
Et je te livre au caprice du Sort !

BRUNNHILDE, d'une voix douce et confidentielle
Tu procréas une race hardie,
Dont ne peut naître un rejeton maudit ;
Au flanc d'une femme bannie,
Un Velse se forme et grandit...

WOTAN
Eh, que m'importe à moi cette race barbare,
Comme de toi, mon coeur à jamais s'en sépare !

BRUNNHILDE
J'ai sauvé, malgré toi, la mère et l'enfant ;
De Sieglinde doit naître un héros triomphant
Qu'au milieu des périls, devinant sa gloire future,
En son sein elle emporte et défend !

WOTAN
N'attends pas que je porte secours
Au fruit de coupables amours !

BRUNNHILDE, mystérieusement
Entre ses mains, j'ai remis ton glaive de victoire !

WOTAN
Ma lance le brisa !
En vain tu veux détourner ma vengeance ;
Ce que j'ai dit s'accomplira ;
Car, malgré moi, tu dois expier ton offense.
C'est trop s'attarder.
Non ! rien ne peut fléchir la céleste colère
Et pour toi le châtiment est certain.
Personne ici ne peut t'y soustraire :
Le Dieu lui-même obéit au Destin !

BRUNNHILDE
Qu'as-tu résolu ? Que vas-tu faire ?

...

Suspense.

La suite de la scène, et des liens vers d'autres extraits du même tonnel : par ici.


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David Le Marrec

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