Carnets sur sol

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Un droit détonant

Où il est question de saint faux-nez et d'artillerie bénite.

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Un peu d'actualité, ça fait vendre

Puisque CSS s'est fait, semble-t-il, une spécialité de la défense des faibles et autres latinistes, autant l'assumer intégralement.

On entend beaucoup, ces jours-ci, dire que Benedettino est coupable d'entêtement, si ce n'est d'endurcissement dans le péché, non humanum sed diabolicum perseverare et toutes ces sortes de choses.

Cependant plusieurs subtilités - et la subtilité est toujours un délice - ont échappé aux commentateurs profanes.

Tout d'abord, et c'est le plus important, la Fraternité Saint Pie X n'est pas rentrée à la bergerie. Le geste de bonne volonté de Benedictus fait cesser le rapport de force de son côté, l'exclusion, mais ne réintègre pas la communauté impénitente - puisqu'elle ne reconnaît plus le pape en raison du dernier concile (également mis à l'index par les tradis). [1]

Ensuite, le geste de révocation de la peine d'excommunication rendrait, à ce que l'on entend ici ou là, impossible toute nouvelle exclusion. Personnellement, je ne connais pas l'article correspondant du CDC [2], mais cela ne signifie pas qu'il n'existe pas. Le problème est qu'avec le nombre de faux-nez du Saint-Siège depuis le début des Troubles, il est difficile de croire sur parole : le meilleur service de renseignements du monde ne connaissait pas les déclarations multiples et télévisées de l'évêque usurpateur pardonné, le boss est très chagriné mais ne peut pas non plus lui en vouloir, etc. Cela ne nous paraît pas anormal, on l'a dit, mais ce n'est pas non plus de nature à renforcer la confiance vacillante des marchés éthérés (la cote de l'âme catholique étant malheureusement, en Europe, à son plus bas niveau depuis l'instauration de la Bourse officielle au IVe siècle).

En résumé, et en admettant que le Vatican n'ait pas joué sur la paresse des journalistes dès qu'il faut ouvrir un bouquin pour vérifier une info factuelle (donc en imaginant la chose invraisemblable qu'une sanction levée ne puisse pas être réinfligée), Benediktchen se trouve dans la situation de l'employeur qui, ayant lancé des poursuites judiciaires contre un employé qui a démissionné, a finalement renoncé.
Le monde entier lui reproche de ne pas licencier le salarié qui n'est plus dans sa boutique - et le pauvre pape ne peut rien de ce côté-là... -, et il n'est par ailleurs pas en mesure de reprendre le dossier de poursuite abandonné. Pieds et poings liés. Il doit ressentir, poverino ei, les mêmes afflictions qu'Hérode Antipas. Recueillons-nous un instant avec lui.


L'Enfance du Christ de Berlioz par l'ensemble Carpe Diem et le grand Lionel Peintre, dans un arrangement atypique (orchestre de chambre, sans choeurs) très intéressant.


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Exotismes du droit religieux

Par ailleurs, car il ne s'agit pas de se limiter à l'écume des choses en vogue, n'est-ce pas, on se permettra de faire remarquer quelques petites spécificités du Droit Canon (version de 1983, on est loyal bien sûr).

Le Droit Canon est, il faut peut-être le préciser pour les gentils lecteurs, le droit interne à l'Eglise catholique, qui règle essentiellement les rapports conflictuels au sein de la bergerie, ainsi que la hiérarchie et les obligations de chacun. On y trouve aussi la doctrine sur la manière d'enseigner ou de pratiquer des célébrations ou des initiations fondamentales.


1) Le Droit Canon est toujours d'une imprécision qui laisse frémir même le non juriste.

Can. 1366 - Les parents ou ceux qui en tiennent lieu, qui font baptiser ou élever leurs enfants dans une religion non catholique, seront punis d'une censure ou d'une autre juste peine.

'Une juste peine' est une expression extrêmement récurrente, qui laisse toute place à la négociation selon les circonstances et les intérêts du moment, ou bien à l'arbitraire. [A noter tout de même, en Droit Canon, tous les recours sont suspensifs.]


2) L'imprecision, qui sonne vraiment comme un archaïsme juridique involontaire, du fait de la régulation par d'autres normes que le droit dans cet univers, ouvre parfois même la voie à des contestations légales qui feraient tomber bien des accusations solides.

Can. 1360 - La remise de peine extorquée par grave menace est nulle.

Une menace non grave peut donc être parfaitement utilisée et légitime. Montrer les douze enfants du pape, ce n'est pas si grave que ça. Voilà qui donne bien des idées !


3) Le recours aux bonnes moeurs et au scandale pour justifier une décision (semi-)judiciaire est d'une fréquence qui laisserait penser que les apparences à la mode petit-bourgeois font réellement partie du cahier des charges catholique.

Can. 1361 - § 3. On prendra garde à ne pas divulguer la demande de remise de peine ou la remise elle-même, à moins que cela ne soit utile pour protéger la réputation du coupable ou nécessaire pour réparer un scandale.

Le fait de parler grossièrement pendant un office peut entraîner l'excommunication, même sans blasphème. (Il ne faut pas rigoler, on n'est pas à la Maison non plus.)

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Bref, la situation est inextricable pour Benedictus [3], et ce n'est pas étonnant vu le droit pourri sur lequel il doit s'appuyer.

Tout cela bien sûr à condition qu'il n'y ait pas eu confusion des journalistes ou intox de la hiérarchie sur l'irréversibilité du pardon eucharistique.

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P.S. : Petite amusette autour du titre. La langue française ayant des mystères aussi impénétrables que les desseins de la Miséricorde, 'détonant' est relié à 'tonner' tandis que 'détonnant' est lié à 'tonal'.

Notes

[1] Can. 1364. 1. L'apostat de la foi, l'hérétique ou le schismatique encourent une excommunication latae sententiae [note de CSS : c'est-à-dire qui prend effet dès la commission de l'infraction]... [le reste de l'article cause d'exceptions ou de maintien d'autres articles - couic]

[2] Code de Droit Canonique, notre bréviaire favori avec le CPI.

[3] Les velléités de sécession, de révocation du pape ou tout simplement de désobéissance chez les fidèles et les officiants sont par ailleurs chaque jour colportées avec gourmandise chez les journalistes de l'Europe mécréante.


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