Carnets sur sol

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Un après-midi tempêtueusement chômé

... uniquement baroque, et presque exclusivement baroque français, ce qui est assez inhabituel (pas de lied ni de bizarreries). Malheureusement pas de clavecin à disposition cet après-midi, rien n'était prévu puisque les lutins étaient au chômage technique de façon impromptue.

Rapide présentation de ces oeuvres pas si fréquemment décrites, et surtout pas du point de vue de l'exécution. (Sans parler de la transcription sur instruments inconnus...)

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Pour se prêter plus complètement au jeu, on a fini par mettre quelques (très brefs) extraits. (La prise est faite lors de la seconde lecture, sans interruption ni travail intermédiaire, il reste donc des pains, des hésitations, des mollesses, etc. Mais l'effet d'instantané est amusant - et sans concession.) [1]

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Première lecture de :

Jakob FROBERGER. Sixième Suite en mi mineur (1656) : Allemande, Gigue, Courante et Sarabande.
L'oeuvre est brève, et comme toujours chez Froberger, on bénéficie d'hésitations harmoniques assez délicieuses, comparables aux madrigalismes. Sa notation rythmique est comme à son habitude très précise, mais avec une pulsation nettement plus sensible que dans ses autres oeuvres, assez dansante. On sent nettement l'influence de la tradition française dans ce galbe fuyant, alors que l'écriture très précise de Froberger n'appelle pas spécialement le rubato.
Clairement parmi le meilleur de sa production.

Jean-Baptiste LULLY. Cadmus & Hermione, air de Cadmus au début de l'acte V, le tubesque Belle Hermione.
Très confortable et charmant, même si le meilleur Lully n'est pas là, y compris dans Cadmus. Mais ce serait plutôt cela qu'il faudrait recommander à des débutants...

Jean-Baptiste LULLY. Persée, air du sommeil (de Mercure).
Ces tierces enjôleuses sont un régal, un moment vraiment supérieur à Atys - ce sommeil légendaire étant pour les lutins plus lancinant que lascif. On voit nettement le progrès qui conduit jusqu'au choeur a capella du II d'Armide.

Elisabeth Claude JACQUET DE LA GUERRE. Allemande, Courante I & II, Chaconne de la Première Suite en ré mineur ; Chaconne de la Troisième Suite en la mineur.
Comme nous le suspections, c'est assez bien écrit pour le piano. Contrairement aux transcriptions d'oeuvres de Lully ou au clavecin d'Henri d'Anglebert, de François Couperin et de Jacques Duphly, où la basse est trop ténue, ce qui gêne à l'oreille, le piano n'ayant pas la richesse en harmoniques du timbre du clavecin.
Pour les oeuvres elles-mêmes, voir l'article paru ce jour.

Jean-Philippe RAMEAU. Castor & Pollux, version de 1737 (la meilleure). Ouverture et Acte I.
Tristes apprêts est vraiment chantable par tout type de voix (sauf basse sans doute...). L'ensemble de la déclamation dans Castor est merveilleusement écrite. Beaucoup de trouvailles formelles très bien exploitées (le figuralisme de l'ouverture !), de nombreuses modulations, pas toutes banales. Malgré ses larges marches harmoniques qu'on remarque tout d'abord, cette musique ménage bien des surprises et des parcours originaux.
On remarque aussi que contrairement à Lully (qui était violoniste et n'a pas laissé de legs au clavier), et même contrairement à des successeurs du Maître comme Charpentier ou Destouches, la partie d'orchestre est remarquablement bien écrite pour le piano. Elle semble même avoir été conçue d'abord dans une réduction pour clavier. Et cela sonne sans doute encore mieux qu'au clavecin, pour une fois ! (Mais le clavecin de Rameau se prête déjà très bien au transfert, bien plus que celui de ses collègues, on a déjà eu l'occasion de le souligner.)

Jean-Philippe RAMEAU. Dardanus. Ouverture.
Ici aussi, terriblement efficace au piano, dont l'introduction pointée à la française semble utiliser délibérément les propriétés (toucher lourd).

Pancrace ROYER. Allemande. La Marche des Scythes.
Vraiment de l'épate, celui-là. Très malcommode à lire dans mon édition, puisque la main droite mélange pour les Scythes deux clefs d'ut et deux clefs de sol (deuxième, et première à la façon lullyste). Si l'Allemande est très séduisante, car assez originale, et mettant l'effet au service d'une expression assez respectable, les Scythes, les Scythes... De la grande virtuosité pour maîtriser cela au clavecin, assurément, mais aussi que de vacuité dans ce tour de force sous forme de variations absolument pas mélodiques, rythmiques ou harmoniques... uniquement du tricot sous diverses formes.
C'est cela dit bien plus supportable à jouer qu'à écouter.

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Retrouvailles avec :

Jean-Philippe RAMEAU. Suite en La. Seconde moitié : Fanfarinette, La Triomphante, Gavotte et ses doubles.
Fanfarinette est particulièrement réjouissante au piano, les accords arpégés y sonnent très bien. Et puis tout cela, c'est du premier choix.

Notes

[1] Contrairement à ce qu'on pourrait peut-être penser, le plus difficile à mettre en place de façon impromptue est la voix, parce qu'il faut timbrer correctement chaque note selon chaque succession d'une voyelle à l'autre, selon la hauteur (car les voyelles ne sont pas émises de la même façon selon leur hauteur), ce qui est délicat à prévoir. Plus l'appropriation du texte bien sûr. Du coup, on a des "e" caducs un peu lourds, une ligne qui manque de soutien et s'appuie sur la trame de la voix (ça gémit un peu...), et surtout des ténèbres bien galantes - alors qu'il faudrait mordre avec délicatesse et fermeté chaque consonne. (C'est mou, quoi.) Mais ce n'était pas l'objet, on avait simplement envie de badiner avec ces pratiques subversives de mélange entre irrégularité authentique bel et bien appliquée (pis, le chant suit parfois, on ne l'entend pas ici, les tempéraments inégaux pour donner du relief, ce qui frotte quelque peu avec le piano bien égal) et instruments interdits. Et c'est aussi une façon de faire partager nos pratiques, pour large part du déchiffrage-défrichage de répertoire, qui nourrit à intervalles régulier les colonnes de ces carnets sur sol.


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