Histoire sommaire du dodécaphonisme sériel (1) - les précurseurs
Par DavidLeMarrec, samedi 13 septembre 2008 à :: Musicontempo - Pédagogique - Les plus beaux décadents :: #1033 :: rss
Préalable : cette petite histoire, prévue depuis longtemps, se veut aussi succincte que possible, aussi on consultera avec profit nos éclaircissements destinés aux néophytes, avec toutes les définitions nécessaires.
Les termes définis dans cet article précédent figurent en italique.
On débute à présent avec les précurseurs - et la ruine de la tonalité.
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3. Historique
Richard Wagner (car c'est toujours la faute à Wagner), d'emblée, marque un tournant, en introduisant une grande versatilité dans les tonalités, donc une perte de repère. L'hyperchromatisme de Tristan est souvent désigné comme le point de départ du cheminement vers la recherche de nouveaux modes d'écriture. En incluant toujours plus de notes étrangères à la gamme de départ, Wagner rend difficile l'analyse de sa progression harmonique : on y trouve tant de notes étrangères que la gamme de référence se trouve comme diluée, méconnaissable. Le fameux « accord de Tristan », par exemple, a soulevé de nombreuses controverses sur son analyse, et change de sens et de fonction selon le contexte où il se trouve employé.
De là, ses successeurs vont s'interroger sur l'intérêt de perpétuer un système qu'on corrompt de plus en plus - car Wagner n'est que le point de départ d'un surraffinement harmonique qui sera propre aux décadents et accentuera ces caractéristiques. A quoi bon une gamme de référence, en effet, si elle est 'polluée' et changeante (car à cela s'ajoute la quantité impressionnante de modulations) au point de ne plus être la référence de rien du tout ?
Claude Debussy, ensuite, notamment avec l'usage de sa gamme par tons, extrêmement destructrice de la tonalité, place définitivement le ver dans le fruit : étant donné que toutes les notes de la gamme sont séparées par le même intervalle (et un intervalle bien rond, pas agressif comme un demi-ton), il n'est plus possible de repérer l'endroit de la gamme où l'on se situe au cours du morceau. La polarisation propre à la tonalité (un accord en appelle un autre) disparaît, la logique tonale est rompue.
Devant le chromatisme toujours croissant - c'est-à-dire l'emprunt à des gammes étrangères à celle dans laquelle est censée s'écrire la pièce -, jusqu'à l'absurde, beaucoup de compositeurs au tournant du vingtième siècle avaient déjà songé à changer de système.
Ferruccio Busoni avait par exemple commencé la difficile théorisation d'un usage des tiers et quarts de ton, inexistants en musique occidentale, sans jamais pouvoir aboutir à un système totalement cohérent. Il avait notamment conçu de nouveaux agencements pour les claviers des pianos, afin de pouvoir jouer le plus commodément possible tous ces nouveaux intervalles - car si au violon le doigt peut produire tous les intervalles (ce qui fait aussi la difficulté pour jouer juste), ce n'est pas si évident pour tous les instruments...
Tandis qu'Abel Decaux (dans ses Clairs de Lune (composés dès 1900), par des notes valant en elles-mêmes, sans recherche de pôle de référence) ou le jeune Richard Strauss (dans la scène de Clytemnestre d'Elektra, par le chromatisme jusqu'à la perte de vue de la référence) poussent jusqu'à l'atonalité au sein de pièces tonales [1], Schoenberg fait le choix radical de tout reconstruire.
(Code de la série : dodécaphonismesériel )
Notes
[1] Pour Richard Strauss, la tonalité reste la référence et l'atonalité l'exception, une sorte de conséquence épisodique de son langage toujours plus complexe. Pour Abel Decaux au contraire, la tonalité sert d'outil dans un contexte globalement très atonal. Il existe certes des pôles et des enchaînements analysables, mais ils ne représentent pas la logique fondamentale de la pièce.
Commentaires
1. Le dimanche 14 septembre 2008 à , par HerrZeVrai
2. Le dimanche 14 septembre 2008 à , par DavidLeMarrec
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